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La seconde guerre mondiale
La guerre ne commença pas comme l’avait prévu Hitler. Sûr de la domination de la race arienne, il ne pensait pas que les polonais déclineraient son offre d’alliance. Aussi il se tourna vers la Russie pour une victoire certaine et rapide sur ses voisins. Les Allemands de Breslau ne voyaient pas d’un bon oeil la nouvelle Pologne. Le manque de connaissances de ces derniers leur laissait croire que c’était un pays nouveau, une sorte de copie d’un lointain passé. De par sa position, la ville se retrouva en premier front dès le début de la guerre. Les polonais étaient prêts à en découdre, bien organisés ils repoussèrent d’abord les armées allemandes puis lancèrent des contre-offensives. Cependant l’entrée en guerre de Staline à l’est anéantit tout espoir. La Pologne vaincue allait connaître la pire période de son histoire. Les polonais jugés inaptes à la germanisation étaient éliminés de même que tous les juifs. Derrière les fronts, le système répressif nazi était bien organisé, le territoire polonais eut le malheur d’être choisi comme laboratoire pour effectuer les premières expériences ‘’raciales’’.
Après deux ans et demi de guerre, Hitler avait pris possession de la moitié de l’Europe occidentale. Sans doute que sa progression aurait pu n’en jamais finir s’il ne s’était pas retourné contre son plus gros allié. Les soviétiques résistèrent avant de remporter de grandes victoires telle que Stalingrad, leur progression ne s’arrêtera plus jusqu’à Berlin.
Beaucoup de travailleurs venant de partout furent déportés à Breslau, de ce fait la ville acquit son triste record de population en 1944 en dépassant le million d’habitants.16 La situation de Breslau était particulière, les polonais qui avaient dû quitter la ville en 1939 se voyaient à présent (re)déportés vers la ville en tant que ‘’volontaires’’ , ‘’travailleurs forcés’’ ou ‘’esclaves’’. La confusion était forte pour les habitants dont certains étaient des ‘’Allemands ethniques’’ c’est à dire des anciens polonais reconnus allemands. Aussi les autorités locales distribuèrent des tracts pour que les habitants n’oublient pas que les déportés leur étaient inférieurs. L’holocauste n’épargna pas Breslau, bien que la ville ne possédait pas de camps de concentration ou d’extermination, tous les juifs furent déportés hors de la ville. En 1943, ‘’l’inspecteur des statistiques SS’’ déclare que la Silésie est « nettoyée des Juifs ».17 Isolée de l’ouest de l’Europe, la Silésie possédait des prisons de guerre, où beaucoup de prisonniers français furent déportés.
Cette situation en fit un point stratégique de production d’armement, inaccessible même pour les plus fous des alliés. La région qui avait connu avant la guerre une pénurie d’emplois était à présent en manque de main d’oeuvre pour travailler aux usines d’armement, les allemands se plaignaient de devoir travailler avec les prisonniers des camps de concentration. Seuls les plus jeunes et les plus costauds en sortirent vivants. Breslau était devenue une cible importante pour les alliés qu’ils ne réussirent jamais à atteindre, elle fut épargnée jusqu’à l’arrivée de l’artillerie soviétique.
La vague rouge déferla plus rapidement que ne pouvaient l’imaginer les Breslauers, les soviétiques parcoururent 300 kilomètres en 15 jours. Breslau se retrouva en première ligne pour la première fois depuis 1813. La ville fut évacuée dans les derniers moments, seules 200 000 personnes restaient à Breslau lorsque les Russes refermèrent leur encerclement. Les allemands déposèrent les armes le 6 mai 1945, 30 minutes avant la capitulation définitive de l’Allemagne.
« Breslau avait connu son crépuscule des dieux. La principale victime à long terme serait sa germanité. Breslau allemand, tout comme Breslau juif, avait cessé d’exister.»18
Wroclaw sous domination soviétique
Si la guerre était finie, la destruction de Breslau ne l’était pas. L’armée rouge y mit le feu, des quartiers brûlèrent, les maisons étaient pillées. Après guerre on inventa que les dégâts furent engendrés pendant les affrontements du siège de la ville. Les soldats trouvèrent le temps entre deux crimes de célébrer la victoire en défilant sur le champs d’aviation de Pilczyce, qui fut construit par les prisonniers de guerre des allemands en plein centre de la ville, rasant à tout jamais le quartier nommé aujourd’hui Grundwalski20. Les violences continuèrent sous d’autres formes avant le départ des soldats russes, ils emportèrent toutes les installations ferroviaires, industrielles ou même tout objet qui les intéressaient vers la Russie. Bien avant qu’une décision ne soit prise pour l’avenir de la ville, Staline avait mis une main dessus en envoyant des polonais comme gardiens de la ville. Avant la conférence de Postdam, aucun Polonais n’avait de prétentions territoriales sur Breslau, le passé polonais de la ville était sorti des mémoires des habitants. Les soviétiques, qui y voyaient un intérêt avaient lancé un campagne de propagande pour que l’idée marque les esprits. L’URSS fut vidé des polonais qui y vivaient, on les appela les ‘’rapatriés’’ de l’est. L’ironie du sort est que ces derniers étaient envoyés en pays étranger à l’époque, vers Breslau l’Allemande dont il faudrait bientôt convaincre les nouveaux habitants de son appartenance polonaise. Après de nombreuses négociations entre les vainqueurs de la guerre, les frontières de la Pologne furent provisoirement déplacées et on annonça que les Allemands devraient être déportés dans le calme et ‘’humainement’’. Après l’accord de Postdam, les autorités polonaises pouvaient agir plus librement sous le regard des militaires soviétiques. On demanda que la ville ne soit plus appelée que sous le nom de Wroclaw. Cependant les territoires recouvrés ne furent officiellement reconnus polonais que 46 ans plus tard. Le retour du clergé polonais ne se fit pas attendre, l’église, qui jouera un rôle important dans la résistance au régime communiste était également de retour comme tambour nationaliste.
Les habitants Allemands de Wroclaw et ceux qui étaient revenus dans l’espoir de retrouver leur vie d’avant guerre vivaient dans de très mauvaises conditions. On constitua des quartiers pour Allemands, qui pouvaient s’apparenter à des ghettos. Certains Juif-Allemands témoignèrent des atrocités commises par les milices polonaises ou soviétiques qui étaient de même augure que les actes des nazis. La seule nuance se trouvait dans le fait que les actes nazis étaient gratuits alors que les polonais et soviétiques étaient initiés par la vengeance, le résultat final était le même. Durant l’été 1947, les derniers convois importants d’expulsés Allemands quittèrent Wroclaw. Pendant que ceux-ci partirent, Wroclaw se remplissait des «rapatriés» Polonais venant des provinces orientales de la Pologne. A l’est ils fuyaient l’URSS, entre 1944 et 1948 les autorités polonaises auraient accueilli un million et demi d’immigrants selon les statistiques, mais le chiffre était sans doute plus élevé. Parmi eux beaucoup de personnes venaient de Lwow, ancienne métropole polonaise devenue capitale de l’Urkraine dont l’histoire pourrait se comparer à celle du Breslau Allemand. Les ‘’rapatriés’’ de Lwow arrivèrent en groupe ce qui leur permirent de garder un sentiment d’identité. Enfin une dernière catégorie des ‘’rapatriés’’ était ‘’les familles de Katyn’’, familles des 22 000 officiers de réserve polonais que Staline avait fait exécuter pendant la guerre. La propagande visant à repeupler les terres de l’ouest était en marche, on prônait l’histoire polonaise de Wroclaw, promettant du travail et des terres à cultiver. Si certains étaient euphoriques à leur arrivée dans la ville, beaucoup furent déçus de découvrir l’état de la ville. Les rumeurs populaires la qualifiaient de ‘’ville interdite’’ où la violence gratuite ainsi que les pillages étaient monnaie courante. Se loger était la première priorité des arrivants, la plupart le firent sans aucunes autorisations, ce qui était aussi excitant que dangereux. La vraie complication cependant était lorsque les ‘’rapatriés’’ se voyaient confier un logement encore habité par des Allemands. En ce cas ces derniers se devaient de cohabiter, auquel cas ils seraient expulsés. La seconde priorité était de trouver un travail, Wroclaw n’en manquait pas, beaucoup était à faire pour la reconstruction de la ville. La coexistence entre les allemands qui étaient restés et les ‘’rapatriés’’ se passa plutôt bien, et en cela la religion chrétienne qui leur était commune joua rôle majeur de sociabilité. Les familles polonaises regrettèrent le départ forcé des derniers Allemands. Les juifs revinrent en petit nombre à Wroclaw mais y restèrent plus longtemps. Cependant presque tous repartirent avant 1968 dont la plupart en Palestine.
La reconstruction politique fut bien plus rapide que celle des bâtiments de la ville. Plusieurs partis concurrents virent le jour comme le PSL (Parti paysan polonais), le Parti socialiste polonais (PPS) ou encore le Parti ouvrier polonais (PPR). Les soviétiques contrôlaient les partis communistes et s’appliquaient à d’habiles tactiques pour décréditer leurs opposants, avançant que ceux-ci possédaient des collaborateurs nazis. On effaça au plus possible l’image Allemande de la ville, les rues et quartiers reçurent des noms polonais, tous les monuments allemands furent remplacés ou démolis. Les Allemands souhaitant obtenir la nationalité polonaise étaient invités à changer de prénoms, la polonisation alla même jusqu’à changer le nom de ces personnes, effaçant les liens généalogiques avec leurs ancêtres Allemands. Économiquement, la ville ne se relançait pas. Le niveau de vie suivi la même tendance, la population était toujours rationnée, un couvre feu était en place de 8h à 5h du matin en l’absence d’électricité, la situation était bien pire qu’avant la guerre. Cela n’empêcha pas la vie culturelle de se recréer à partir de rien. Les Polonais tenaient à faire briller leur culture dans une ville qui ne ressemblait en rien à la leur. Le nombre et la qualité des spectacles impressionnaient les experts de l’époque, les clubs de sports, cabarets foisonnaient. En 1947, le Bloc démocratique réunissant les partis ‘’communistes’’ PPR, PPS, SL et SD remporta les élections dont les résultats avaient bien évidemment été falsifiés, les opposants furent arrêtés et leurs affiches arrachées dans les rues, ce n’était que le début d’une longue liste d’arrestations arbitraires masquées. Le temps d’une saison, Wroclaw devint la « capitale politique de la pologne ».21 En 1948, la jahrhunderthalle, monument historique conçu par les allemands et renommé après guerre ‘’Halle du Peuple’’ reçue l’Exposition des Territoires recouvrés. Le grand public, invité, y retrouvait un lien avec l’histoire des Piasts et la lutte polono-allemande mais surtout un sentiment d’appartenance oublié.
En 1948, le Parti ouvrier unifié polonais (POUP) pris le pouvoir, il allait diriger la Pologne pour les 42 années à venir. Les manipulations politiques étaient facilités par un régime de terreurs, les opposants étaient arrêtés ou tués. La période de 1949 à 1956 fut celle du stalinisme en Pologne. La population était priée de vouer un culte obligatoire en Staline. La naissance du POUP en Pologne fit émerger le stalinisme et le vit défaillir en 1953 avec la mort de Staline. A l’échelle de Wroclaw cela se traduisit comme dans les autres villes avec la suppression de la fonction de Président de la ville (Maire en France). La propagande était forte, dans la rue les défilés, les drapeaux et les affiches remplaçaient les petits commerces privés. Encore une fois des rues furent renommées en hommage à l’URSS. Le pouvoir était centralisé à Varsovie laissant les autres villes avec un statut provincial. Wroclaw qui peinait à se reconstruire due assister sa capitale, lui donnant ses trams et les briques intactes de ses bâtiments afin qu’elle puisse se reconstruire. La manipulation politique était de plus en plus forte puisque les ouvriers devaient s’inscrire au Parti du POUP pour obtenir un travail. Cependant Wroclaw n’était pas une ville facile pour l’endoctrinement, entre les paysans très chrétiens qui refusèrent de quitter leurs symboles religieux et les ‘’rapatriés’’ de l’Est imperméable à la propagande, la Silésie donnait du fil à retorde au POUP. La période stalinienne de Wroclaw fut qualifiée d’une période de stagnation. Le parti profita du besoin de Varsovie en briques intactes pour effacer le plus possible les traces de l’architecture allemande dans les villes de provinces comme Wroclaw. La censure étouffa l’élan culturel de la ville, les artistes partirent, la population se tourna vers le sport où l’écriture qui n’était pas censurée comme l’histoire polonaise. On a pas encore pu établir le nombre de victimes du régime de terreur mis en place en Pologne, à Wroclaw plusieurs centaines de condamnations à mort furent prononcées. Bien qu’effrayée, la culture polonaise contrairement aux autres pays sous l’emprise soviétique n’était pas prête à se soumettre. Au travers de chansons où danses populaires elle résistait et inspirait les gens dans leur vie maussade quotidienne.
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Table des matières
PARTIE 1 DE WORCLAW A VROTSLOVE, EUROPÉANISATION D’UNE VILLE D’EUROPE CENTRALE
a. Une ville d’Europe centrale à la recherche de son identité
– Breslau sous l’Empire Allemand
– L’entre-deux guerres
– La seconde guerre mondiale
– Wroclaw sous domination soviétique (1945-1990)
– Wroclaw l’européenne
b. Le discours multiculturel, européanisation des candidatures à la CEC
– Introduction, contexte politique
– Mise en récit de l’histoire, identité de la ville
– Intérêt des différents acteurs à différentes échelles à travers deux thèmes, multiculturalisme et identité
– Construction d’un discours, passé, présent, futur
c. Les motivations des villes pour la CEC, exemples de Lille et Marseille
– A qui l’idée ? Exemples de Lille et Marseille
– Le cas de Wroclaw, un Maire entrepreneur
– Trois leviers : politique, économique, culturel pour une intention commune : réunir tous les acteurs derrière un projet commun
d. L’événement, prétexte à de nouveaux systèmes de gouvernance, des acteurs en réseaux
– Temporalité des effets de l’événement, vers un renouvellement de la gouvernance des villes
– Des acteurs en réseaux, du local à l’international
– A la recherche de villes modèles
PARTIE 2 «NADODRZE» RÉPERCUSSIONS POLITIQUES ET SOCIALES DE L’ÉVÉNEMENT DANS LA STRATÉGIE LOCALE
a. L’histoire d’une candidature, stratégie d’un «Maire entrepreneur»
– Un Maire à la recherche de reconnaissance internationale
– Instrumentalisation d’une candidature « participative »
– L’événement, facteur de compromis
b. La participation, nouveau modèle de gouvernance pour Wroclaw ?
– Intégration de la «participation» dans le discours politique
– Incitation à collaborer avec la municipalité pour les «activistes» et ONG influentes
– La participation , nouveau modèle de gouvernance pour la ville ?
c. Nadodrze, territoire «Silésien» d’expérimentation Européenne
– Histoire d’un quartier épargné par la guerre mais délaissé
– URBACT, projet urbain pour de nouvelles collaborations
– Le projet urbain de revitalisation de Nadodrze
– La CEC 2016 , beaucoup d’image mais peu d’action pour les habitants de Nadodrze
– La prise de pouvoir des ONG locales
d. «La revitalisation», masque d’une gentrification maîtrisée
– Le projet de revitalisation, exemple typique d’un quartier « gentrifiable »
– De nouveaux acteurs locaux : artistes, artisans et ONG ambitieuses
– La municipalité, acteur tout puissant
– A la recherche de la gentrification derrière le terme de revitalisation
CONCLUSION
ANNEXES
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