Le dioxyde de carbone a été identifié au XVIIe siècle par le hollandais Jean Baptiste Van Helmont (Borvon, 2013) en remarquant que pendant la combustion du charbon un « esprit sauvage nommé gas » est libéré. Ce « gas sylvestre » est ensuite associé à une multitude d’observations en se dégageant de la fermentation du vin, du pain qui lève, de la poudre à canon qui s’enflamme mais, aussi en étant responsable des suffocations des ouvriers dans les mines. Lavoisier, assisté d’autres éminents scientifiques, présente en avril 1787 à l’Académie des sciences la nouvelle Méthode de Nomenclature Chimique dans laquelle est mentionné pour la première fois le lien entre ce « gas » et la matière charbonneuse. L’acide carbonique passe alors dans le langage courant et sa formation à partir d’éléments simples (carbone et oxygène) est connue. Ce n’est finalement qu’au XXe que le nom dioxyde de carbone sera utilisé. La molécule de dioxyde de carbone est constituée d’un atome de carbone (C) et de deux atomes d’oxygène (O) et possède une structure chimique linéaire : CO2. Sous les conditions de température et de pression qui règnent dans l’atmosphère terrestre, il se présente sous forme gazeuse.
Le dioxyde de carbone atmosphérique, un gaz contribuant activement à l’effet de serre
Le dioxyde de carbone (CO2) est un gaz naturellement présent dans l’atmosphère à l’état de trace (0,04% de la masse atmosphérique). Malgré ses teneurs relativement faibles dans l’atmosphère, le dioxyde de carbone a la capacité d’absorber le rayonnement infrarouge émis par le système terrestre et contribue significativement à l’effet de serre naturel (deuxième gaz contribuant à l’effet de serre derrière la vapeur d’eau). Cet effet est un mécanisme indispensable à la vie sur la Terre. En effet, une atmosphère terrestre privée d’effet de serre impliquerait une température de surface de -18°C, l’eau ne serait présente qu’à l’état de glace et aucune vie ne serait possible. L’effet de serre permet alors de conserver la température moyenne de la surface de la Terre à environ 16°C.
Cependant, l’injection toujours plus importante de dioxyde de carbone d’origine anthropique implique une augmentation de sa concentration atmosphérique, perturbant alors l’équilibre radiatif global de la Terre. Le forçage radiatif est la grandeur utilisée pour quantifier la variation dans l’équilibre énergétique de la Terre causée par un changement extérieur (par exemple une modification de la concentration des gaz à effet de serre) et relativement à l’année 1750 (époque pré industrielle) (GIEC, 2013). Un forçage radiatif positif (ou négatif) s’interprète comme un réchauffement (refroidissement) de l’atmosphère terrestre. la contribution des concentrations des principaux gaz à effet de serre et d’autres paramètres au forçage radiatif total pour l’année 2011 (tirée de GIEC, 2013).La contribution du dioxyde de carbone est estimée à 1,82 [1,63 à 2,01] W.m⁻² sur un total (pour tous les gaz à effet de serre confondus) de 2,83 [2,54 à 3,12] W.m⁻² . D’après le dernier rapport du GIEC , depuis 15 ans, le dioxyde de carbone est le facteur dominant de l’augmentation du forçage radiatif des gaz à effet de serre. Cette augmentation des concentrations du dioxyde de carbone dans l’atmosphère est très fortement liée au fait que les émissions anthropiques ne sont pas suffisamment contrebalancées par le stockage dans l’océan et la biosphère terrestre. L’effet de serre additionnel induit pourrait entraîner des conséquences néfastes pour le système Terre et les populations qui y vivent avec des modifications du climat, un réchauffement de la température de surface de la Terre (d’après GIEC (2013), très probablement supérieur à 2° ), une élévation du niveau des océans (très probablement supérieure à 30 cm (GIEC, 2013)) ou encore l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes.
Le cycle du carbone
Comme l’augmentation du dioxyde de carbone a très probablement un impact non négligeable sur le système atmosphérique (GIEC, 2013), il est essentiel de bien en connaître les sources, les puits et les échanges entre les différents réservoirs (atmosphère, océans et biosphère océanique et continentale). Ces derniers constituent le cycle du carbone et le dioxyde de carbone en est le principal acteur.
Le stock de carbone dans les principaux réservoirs est exprimé en pétagrammes de carbone (1 PgC = 10¹⁵ gC) et les flux de carbone échangé par an en pétagrammes par an (PgC.an⁻¹). Le réservoir océanique est bien plus conséquent (environ 38 000 PgC) que celui de la biosphère continentale (somme de la biosphère terrestre et des sols, environ 4 000 PgC) et de l’atmosphère (environ 589 PgC). Ces réservoirs sont les lieux d’échanges naturels de quantités importantes de carbone. Nous nous intéressons ici principalement aux échanges avec l’atmosphère. Les flèches rouges représentent les perturbations de ce cycle du carbone depuis 1750 (début de l’ère industrielle). Avant la révolution industrielle, les quantités de dioxyde de carbone naturellement émis étaient globalement éliminées par les puits de carbone naturels (réservoir océanique et biosphère continentale essentiellement). Le cycle du carbone était alors globalement en équilibre. Néanmoins, ce cycle naturel a été perturbé depuis le début de l’ère industrielle, notamment avec l’importance des émissions anthropiques issues de l’utilisation des combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole) et des changements d’usage des sols. Le dioxyde de carbone émis en excès dans l’atmosphère n’est alors pas complètement compensé par les puits de carbone et une fraction s’accumule dans l’atmosphère (avec un taux moyen de croissance de 4 PgC.an⁻¹), conduisant alors à un déséquilibre du cycle du carbone et une augmentation de sa concentration atmosphérique.
Variations de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone
La concentration atmosphérique de dioxyde de carbone a continuellement évolué depuis la formation de la Terre. L’analyse des bulles d’air piégées dans les carottes de glaces prélevées en Antarctique permet de reconstruire l’évolution de la concentration en dioxyde de carbone depuis 800 000 ans (Lüthi et al., 2008). la concentration du dioxyde de carbone a varié significativement au cours des différentes périodes glaciaires et inter-glaciaires. Avant 420 000 ans, les valeurs de dioxyde de carbone interglaciaire ont évolué entre 240 et 260 ppm ; après cette date, elles ont évolué plutôt entre 270 et 290 ppm (Lüthi et al., 2008).
En se focalisant sur l’Holocène, la dernière période interglaciaire qui a débuté il y a 11 700 ans, nous remarquons une forte augmentation de la concentration du dioxyde de carbone à partir de 1750, début de l’ère industrielle, qui marque l’entrée dans l’Anthropocène avec le début de l’introduction importante dans l’atmosphère d’émissions anthropiques. En 1750, la concentration en dioxyde de carbone était de l’ordre de 280 ppm.
D’après le dernier rapport du GIEC (GIEC, 2013), la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone a augmenté de près de 40% depuis le début de l’ère industrielle en passant d’environ 280 ppm en 1750 à 391 ppm en 2011. L’augmentation est encore plus marquée depuis le XXe siècle et en particulier depuis la décennie 1950 (GIEC, 2013). D’ailleurs, depuis 1957, l’évolution de la concentration de dioxyde de carbone est connue avec une très grande précision grâce aux mesures atmosphériques acquises en continu dans des stations instrumentées comme celle de Mauna Loa à Hawaï (États-Unis). L’agence fédérale américaine NOAA (http://www.esrl.noaa.gov/gmd/) répertorie et analyse les mesures de cette station.
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Table des matières
Introduction
Partie I Présentation générale
I Le dioxyde de carbone dans le système climatique
1 Le dioxyde de carbone atmosphérique, un gaz contribuant activement à l’effet de serre
2 Le cycle du carbone
3 Variations de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone
4 Conclusions du chapitre
II Influence des zones urbanisées sur la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone
1 Rôle des zones urbanisées et intérêt de les étudier
2 État des connaissances des mesures et des émissions de dioxyde de carbone à Paris
2.1 Mesures historiques
2.2 Développement d’un réseau d’observation et acquisition de mesures récentes
2.3 Sectorisation des émissions grâce à l’inventaire régional à haute résolution d’Airparif
3 Les approches atmosphériques mises en place pour l’étude des émissions urbaines
3.1 Utilisation de mesures isotopiques
3.2 Utilisation du modèle sources-récepteur PMF
3.3 Utilisation des méthodes de modélisation inverse
3.4 Utilisation des espèces co-émises au dioxyde de carbone
4 Conclusions du chapitre
Partie II Matériels et méthodes
III Observations atmosphériques
1 Sites de mesure
1.1 Jussieu
1.2 Saclay
1.3 Tunnel de Thiais
2 Acquisition, étalonnage et contrôle des données acquises en continu – Mesures de CO2 et CO
2.1 Acquisition des mesures continues de CO2 et CO
2.2 Filtrage des données
2.3 Procédure d’étalonnage des données
2.4 Estimation de la fidélité et de la justesse des instruments
3 Mesures des isotopes du carbone du CO2
3.1 Acquisition d’observations ponctuelles par prélèvement d’air par flacon
Détermination de la teneur en 14CO2
3.2 Mesures in situ de 13CO2 et traitement des données
3.2.1 Acquisition, filtrage et validation des mesures continues de 13CO2
3.2.2 Étalonnage des données isotopiques de 13CO2 in situ
3.2.3 Estimation de la fidélité et de la justesse des instruments
4 Mesures des concentrations d’autres traceurs lors des campagnes courtes
4.1 Mesures des Composés Organiques Volatils (COV)
4.2 Mesures des oxydes d’azote (NOx)
4.3 Détermination des concentrations de carbone suie
5 Conclusions du chapitre
IV Définition et détermination du signal de fond
1 Signaux de fond usuellement utilisés
2 Cas des mesures à la source : exemple de la campagne réalisée dans le tunnel de Thiais
3 Mesures en air ambiant
3.1 Méthode utilisant le 5e centile
3.2 Méthode utilisant les inversions de CO2 issues du projet MACC
3.3 Comparaison aux fonds usuellement utilisés
4 Mesures isotopiques
5 Conclusions du chapitre
V Méthodes de détermination des rapports de concentration entre les espèces co-émises
1 Détermination des rapports dans le cas des mesures à la source : étude des corrélations et ajustement linéaire
2 Détermination des rapports dans le cas des mesures en air ambiant
3 Conclusions du chapitre
Partie III Applications et développements scientifiques
VI Caractérisation des émissions du trafic à partir de mesures réalisées dans un tunnel à Paris
1 Principaux résultats
1.1 Comparaison aux études précédentes
1.2 Comparaison avec l’inventaire d’émission d’Airparif le plus récent
2 Publication : Atmospheric measurements of ratios between CO2 and co-emitted species from traffic
3 Étude complémentaire : analyse du carbone suie
4 Conclusions du chapitre
VII Estimation des rapports de concentration entre espèces co-émises en atmosphère urbaine
1 Principaux résultats
1.1 Interprétation et représentativité des rapports déterminés .
1.2 Variabilité saisonnière du rapport ∆CO/∆CO2
1.3 Étude de sensibilité relative aux critères de sélection sur r2 et ”∆CO2
1.4 Sensibilité des rapports au choix du signal de fond
1.5 Rapports entre espèces co-émises à Paris : campagne Multi-CO2 et campagne MEGAPOLI/CO2-Megaparis
2 Publication : A new method for estimating emission ratios in the urban atmosphere
2.1 Introduction
2.2 Methods
2.2.1 Site description
2.2.2 Instrumentation and air sampling
2.2.3 Data processing
2.3 Results
2.3.1 Typical time series and identification of specific meteorological events
2.3.2 Background levels
2.3.3 Determination of the ratios between co-emitted species
Conclusion