Le dimorphisme sexuel est une différenciation de taille, forme, coloration ou ornementation entre les mâles et les femelles de la même espèce (Jarman 1983, Fairbairn 1997). Chez la plupart des espèces animales, surtout chez les invertébrés et les vertébrés poïkilothermes (e.g. araignées, insectes, poissons, amphibiens, reptiles), les femelles sont généralement plus grandes que les mâles (RaIls 1976, Ranta et al. 1994, Schwarzkopf 2005). Chez les mammifères le dimorphisme sexuel en faveur des mâles prédomine (Trivers 1972, Ralls 1977, Alexander et al. 1979, Jarman 1983). En général, le dimorphisme sexuel favorisant les mâles augmente avec la taille corporelle (F airbairn 1997, Aboudheif et Fairbairn 1997, Weckerly 1998, Smith et Cheverud 2002). Le plus grand dimorphisme de masse est atteint chez les familles de Elephantidae, Macropodidae, Mustelidae, l’ordre des Primates et les sous ordres Ruminantia et Pinnipedia (Ralls 1977, Alexander et al. 1979, Fairbairn 1997, Weckerly 1998). Les différences sexuelles de taille sont plus grandes chez les Otaridae que chez tous les autres mammifères, avec les mâles atteignant jusqu’ à cinq fois la taille des femelles (Weckerly 1998).
Le rôle du dimorphisme sexuel de taille
Trois théories
Le développement et la fonction du dimorphisme sexuel ont été le sujet de nombreux débats (Kennedy et al. 1980, Mitani et al. 1996). Plusieurs suggestions ont été faites afm de l’expliquer, cependant la plupart peuvent être réparties dans trois principales théories (Soderquist 1995, Pérez-Barberia et al. 2002, Hoogland 2003, Thom et al. 2004, Derocher et al. 2005).
La première théorie est la sélection sexuelle (Clutton-Brock 2007) qui est l’explication la plus fréquemment citée pour l’évolution du dimorphisme sexuel. Elle peut agir de deux façons. La première façon est par la sélection épigamique ou intersexuelle où les femelles choisissent de se reproduire avec certains mâles plutôt que d’autres (Darwin 1859, 1871, Ralls 1976, Hedrick et Temeles 1989). La deuxième façon est par la sélection intrasexuelle où les mâles entrent en compétition entre eux pour se reproduire avec les femelles. Selon cette hypothèse, la plus grande taille des mâles peut donc être sélectionnée en raison de l’avantage obtenu lors du combat pour l’accès aux femelles ce qui leur permet d’augmenter leur succès reproducteur en maintenant un accès exclusif à plusieurs partenaires (Darwin 1871, Clutton-Brock et al. 1977, Erlinge 1979, Moors 1980). Cette théorie est appuyée par le fait que le dimorphisme sexuel est étroitement relié à la polygynie (RaIls 1977, Lande 1980, Jarman 1983, Weckerly 1998, Pérez-Barberia et al. 2002, Vanpé et al. 2008) qui est le système de reproduction typique des mammifères (Clutton-Brock et al. 1977, Clutton-Brock et Harvey 1978, Clutton-Brock 1989).
Une deuxième théorie suggère que les différences intrinsèques dans le rôle reproducteur des mâles et des femelles peuvent aussi conduire au dimorphisme (Hedrick et Temeles 1989). Chez les mammifères, c’est généralement la femelle qui subit les coûts de la gestation et de la lactation (Clutton-Brock et Harvey 1978). Celle-ci a donc avantage à concentrer son énergie sur la reproduction plutôt que sur sa propre croissance (Laws 1956, Erlinge 1979, Moors 1980, Powell et Leonard 1983, Price 1984). À l’inverse, le mâle a souvent un rôle dans la défense territoriale (Kennedy et Lindsay 1984) et a donc avantage à investir dans sa croissance (Loison et al. 1999). Cette théorie est en accord avec la théorie de l’investissement parental qui prédit que les membres du sexe investissant le moins dans la reproduction entrent en compétition entre eux pour l’accès à ceux qui investissent le plus (Tri vers 1972).
Une troisième théorie pouvant expliquer le rôle du dimorphisme sexuel, qui réfère à la sélection naturelle, est la diminution de la compétition intersexuelle (Fairbaim 1997, Post et al. 1999). En effet, des tailles différentes des mâles et des femelles permettent l’occupation différente des niches écologiques. Certains auteurs suggèrent que les différences de niches sont le résultat plutôt que la cause du dimorphisme sexuel, ce qui a engendré de nombreux débats (Erlinge 1979, Moors 1980, Ralls et Harvey 1985, Shine 1989, McDonald 2002).
Le dimorphisme sexuel de taille peut évoluer en adéquation avec chacune de ces théories ou à une combinaison de ces forces sélectives agissant ensemble ou de manière séquentielle (Shine 1989, Mahoney et al. 2001, Karubian et Swaddle 2001, Thom et al. 2004, Isaac 2005). Au sein d’ un même ordre, les sexes peuvent en effet être influencés par deux forces évolutives différentes. Chez les primates par exemple, le modèle de croissance des mâles répondrait à la sélection sexuelle alors que celui des femelles serait dirigé par la sélection naturelle (Leigh 1992).
Facteurs influençant le dimorphisme sexuel de taille
Le niveau de dimorphisme peut aussi varier selon plusieurs facteurs (Dobson et Wigginton 1996, Post et al. 1999, Isaac 2005) tels que les variables climatiques et de latitudes (Ralls et Harvey 1985, Shine 1989, Isaac et Johnson 2003), la disponibilité des ressources (Clutton-Brock et al. 1987, Schillaci et Stallmann 2005), la densité de la population (Clutton-Brock et Harvey 1978, Leblanc et al. 2001), la maladie (Pontier et al. 1998), l’ utilisation de l’ habitat (Clutton-Brock et al. 1987) et le système de reproduction (McElligott et al. 2001). De plus, la différence de taille entre les sexes peut avoir d’importantes conséquences sur l’écologie, le comportement, la dynamique de population et l’évolution des mammifères (Taylor 1997, Leblanc et al. 2001 , Isaac 2005). Par exemple, les mâles ont des besoins énergétiques plus élevés que ceux des femelles (Fairbaim 1997) dû à des taux métaboliques plus importants et un coût élevé de la compétition intraspécifique pour l’accès aux femelles (Clutton-Brock et al. 1982, Leader-Williams et Ricketts 1982, Barboza et Bowyer 2000). Il en résulte une différence entre les sexes dans la qualité et le taux de prise de nourriture (Beier 1987, Shine 1989, Pérez-Barberia et Gordon 1999, Weir et Harestad 2005). Les paires plus dimorphiques ont un succès reproducteur plus élevé que les paires moins dimorphiques en raison de leur capacité à exploiter une plus grande diversité de ressources (Price 1984). Chez plusieurs espèces, ces différences de choix de nourriture s’ajoutent au fait que les femelles cherchent prioritairement un habitat offrant une protection contre la prédation des jeunes (Bleich et al. 1997) et peuvent expliquer les modèles de ségrégation sexuelle (Main et Coblentz 1990, Miquelle et al. 1992, Main et al. 1996, Li et Jiang 2008). Le dimorphisme sexuel peut aussi entraîner des différences de mortalité, les mâles généralement vivant moins longtemps que les femelles (Loison et al. 1999, Clutton Brock et al. 2002). Chez les kudus (Bovidae: Tragelaphus strepsiceros), la grande taille des mâles les rend plus vulnérables aux pénuries, et la malnutrition qui en résulte augmente la susceptibilité aux autres causes de mortalité incluant la prédation (Owen-Smith 1993). Le dimorphisme sexuel peut également améliorer le potentiel de survie individuelle en permettant par exemple une habilité différente entre les sexes à se déplacer dans la neige, et donc une utilisation de la nourriture sur une plus grande proportion de l’ aire de distribution (Telfer et Kelsall 1984).
Modèles de croissance menant au dimorphisme sexuel de taille
Bien que les avantages et les inconvénients évolutifs du dimorphisme sexuel soient nombreux, les mécanismes physiologiques et les modèles de croissance qui peuvent mener au dimorphisme sexuel de taille chez les adultes ne sont pas bien connus (Lammers et al. 2001). En effet, la plupart des études sur l’évolution du dimorphisme se sont faites sur les comparaisons des morphologies adultes (Badyaev et al. 2001, German et Stewart 2001 , Farmer et German 2004, Schwarzkopf2005). Ainsi, relativement peu d’études ont fourni un aperçu détaillé de l’ontogénie du dimorphisme (Leigh 1992, F esta Bianchet et al. 1996) définie comme les modèles de croissance du mâle ou de la femelle qui produisent le dimorphisme de taille corporelle adulte (Leigh 1995). De plus, à ce jour, la majorité des études sur l’origine du dimorphisme sexuel de taille ont été réalisées soit sur des animaux à l’état sauvage entraînant un biais lors de la détermination de l’âge (Leberg et al. 1989) ou sur des petits échantillons en captivité (Heidt et al. 1968, Ben-David 1998, Mahoney et al. 200 1, Derocher et al. 2005). L’information concernant les modèles de croissance est pourtant essentielle pour la compréhension du dimorphisme sexuel de taille chez les mammifères (Leigh et Shea 1995, German et Stewart 2001, Badyeve et al. 2001 , Badyeve 2002, Isaac 2005). En effet, des niveaux similaires de dimorphisme de taille corporelle peuvent théoriquement être produits par des processus de développement différent (Leigh 1992, Leigh et Shea 1995, Badyeve et al. 2001 , Smith et Cheverud 2002, Bercovitch et al. 2004).
Trois hypothèses de bases peuvent expliquer l’origine ontogénique du dimorphisme sexuel de taille (Jarman 1983, Creighton et Strauss 1986, Badyeve et al. 2001 , Schillaci et Stallmann 2005, Isaac 2005). La première hypothèse, l’hypothèse de différence à la naissance (<<birth-size hypothesis»), stipule que les mâles naissent plus gros que les femelles (Shine 1990, Badyaev 2002). Chez le lion de mer de Nouvelle-Zélande (Otariidae: Phocarctos hookeri) par exemple, les mâles sont généralement plus lourds à la naissance que les femelles (Chilvers et al. 2007). Ceci peut refléter chez certaines espèces des différences de longueur de gestation en faveur des mâles (Creighton et Strauss 1986, Zschokke et Baur 2002).
La deuxième hypothèse, l ‘hypothèse du taux de crOIssance (<<growth-rate hypothesis»), suggère que les mâles grandissent plus rapidement que les femelles (Andersson 1994). Cette hypothèse a été montrée comme étant la cause majeure du dimorphisme chez le bœuf musqué (Bovidae: Ovibos moschatus) (Peltier et Barboza 2003). L’une des principales raisons pouvant expliquer pourquoi des organismes grandissent plus vite que d’autres est la différence entre les mécanismes physiologiques (Case 1978).
Enfm, la troisième hypothèse, l’hypothèse du bimaturisme (<<growth-Iength hypothesis»), suggère que les mâles croissent plus longtemps que les femelles (Stamps et Krishnan 1997); les deux sexes ayant la même masse à la naissance et le même taux de croissance. Chez l’ours polaire (Ursidae: Ursus maritimus), cette différence entre les sexes dans la durée de croissance est la principale cause de dimorphisme de longueur et de masse (Derocher et Wiig 2002). Le bimaturisme peut être dû au fait que soit les membres du plus grand sexe requièrent plus de temps pour atteindre une grande taille (Ghiselin 1974, Alexander et al 1979, Andersson 1994) soit qu’ils retardent la maturité afin d’acquérir assez d’habilité et de connaissances pour se reproduire avec succès (Wiley 1974, Selander 1965).
En pratique, il est difficile de trouver des espèces où les mâles et les femelles diffèrent seulement de par un paramètre de croissance (Stamps 1993). En effet il est fréquent que ces hypothèses agissent de manière combinée, comme chez les babouins (Cercopithecidae: Papio cynocephalus) par exemple, où les mâles grandissent plus vite et ont aussi une croissance plus longue que les femelles (Altmann et Alberts 2005).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Le dimorphisme sexuel de taille chez les mammifères
2. Le rôle du dimorphisme sexuel de taille
2.1. Trois théories
2.2. Facteurs influençant le dimorphisme sexuel de taille
3. Modèles de croissance menant au dimorphisme sexuel de taille
4. Cas de la mouffette rayée (Mephitis mephitis)
4.1. Présentation générale
4.2. Le dimorphisme sexuel de taille chez la mouffette rayée
5. Objectif
6. Prédictions
ONTOGENY OF SEXUAL SIZE DIMORPHISM IN STRIPED SKUNK
(Mephitis mephitis)
ABSTRACT
INTRODUCTION
MA TERIALS AND METHODS
RESULTS
DISCUSSION
ACKNOWLEDGEMENTS
LITERA TURE CITED
FIGURE LEGENDS
CONCLUSION
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