Le diamant synthétique est présent aujourd’hui dans de nombreuses applications industrielles. La quasi-totalité de la production industrielle de diamants synthétiques est assurée par la société Element Six, filiale du groupe De Beers et par Sumitomo Electric Industries. Les applications à l’échelle industrielle du diamant synthétique sont majoritairement liées à ses propriétés mécaniques. On trouve par exemple des revêtements en diamant pour les bistouris dédiés aux opérations chirurgicales qui requièrent une grande précision, pour des outils d’usinage résistant à l’abrasion, pour les têtes de foreuses ou encore le revêtement des pare-brise d’avion. On trouve également des membranes de diamant autosupportées dans des hauts parleurs. Enfin il existe des applications basées sur les propriétés électrochimiques, telles que des électrodes dédiées à la désinfection d’eau des piscines ou au traitement d’eaux usées par oxydation des produits organiques et inorganiques (cyanures, hypophosphite, sulfite, nitrate, phénols, alcools, aldéhydes, composés aromatiques ou chlorés, dioxines, pesticides…).
Généralités – état de l’art
A la différence des autres formes allotropiques du carbone, le diamant est composé d’atomes de carbone dont les orbitales sont dans un état d’hybridation sp3 . Le diamant possède une structure cubique à face centrée où un site interstitiel tétraédrique sur quatre est occupé par un atome de carbone . Son paramètre de maille est de 0,357 nm et la distance séparant deux atomes liés de manière covalente est de 0,154 nm. Cette structure compacte lui confère une densité de 3,52 gr.cm-3 et une rigidité exceptionnelle à la base de propriétés atypiques comme sa dureté, 7000 kg.mm-2 (dureté Knoop) et sa conductivité thermique, 2000 W.m-1.K-1 à 273K.
Le diamant est principalement connu pour sa dureté et sa large bande interdite mais nous allons voir qu’aujourd’hui il concentre une grande diversité d’activités de recherche qui tentent d’exploiter toute la panoplie de ses propriétés originales.
Propriétés générales
Conductivité électrique et thermique
A la différence du graphite qui est hybridé sp2 et où l’on trouve des orbitales moléculaires π permettant la délocalisation des électrons, on ne trouve dans le cas du diamant que des orbitales moléculaires de type σ, interdisant toutes délocalisations électroniques. Cette saturation des couches électroniques externes, fait du diamant un excellent isolant. Cependant, il est plus correct de parler de semi conducteur à large bande interdite (5,5eV à 300K) [1]. Malgré la valeur élevée de son gap, nous verrons par la suite que le dopage du diamant ouvre des perspectives très intéressantes dans les domaines de l’électronique et de l’électrochimie. Il possède également une des meilleures conductivités thermiques (20 W .cm-1 .K-1 ) [2], faisant de lui un très bon candidat pour les applications en électronique de puissance.
Stabilité chimique
Une autre propriété du diamant réside dans son exceptionnelle inertie chimique. Son excellente résistance aux traitements chimiques acides, basiques ou oxydants [3] est à la base de son utilisation pour certains revêtements. De plus, son très faible coefficient de dilatation interdit la formation de couches d’oxydes épaisses contrairement aux autres éléments de la colonne IV et pour la plupart des métaux. Enfin, le diamant affiche une résistance exceptionnelle vis-à-vis des rayonnements α, β, γ et neutroniques. Cette résistance peut être mise à profil pour la conception de dosimètres en radiothérapie ou encore de détecteurs pour les applications nucléaires [4].
Propriétés mécaniques
La majeure partie des applications industrielles actuelles (outils de découpe, matériel médical…) s’appuient sur les propriétés mécaniques du diamant [5]. De récentes études [6], [7, 8] montrent que le diamant est un matériau biocompatible. En couplant ses propriétés mécaniques à sa biocompatibilité, le diamant est aujourd’hui l’un des meilleurs candidats pour la conception de prothèses médicales, en particulier de la hanche ou du genou.
Propriétés optiques
Le diamant non dopé est transparent sur une fenêtre spectrale s’étendant de l’infrarouge aux ultraviolets à l’exception d’une bande d’absorption comprise entre 4000 et 1500 cm-1 . Cela fait de lui un excellent candidat pour les applications comme fenêtres optiques [9]. Nous verrons par la suite que les couches diamant contenant des impuretés (Azote, Hydrogène) ou dopées (Bore) présentent de nombreux pics d’absorption caractéristiques en infrarouge (4000-500cm-1). C’est d’ailleurs à partir de ces pics, que la nomenclature attribuée au diamant est fondée [10]. Ainsi, le type de diamant est défini par son spectre infrarouge ; les différents types sont classés en fonction de leurs contaminants [11], ils sont détaillés en annexes. Plus particulièrement, les diamants de type I ne sont pas transparents au rayonnement UV du fait d’une teneur en impuretés d’azote significative. Comparativement, les diamants de type II sont transparents au rayonnement UV jusqu’à 230 nm [12] et ne contiennent de l’azote qu’en quantité infime. Les diamants semi-conducteurs, donc faiblement dopés, sont classés comme type IIb. Cette classification rend également compte de la présence d’impureté (en quantité significative) en azote dans le diamant de type I. Les diamants du type II ne contiennent de l’azote qu’en quantité infime.
Propriétés électroniques
Les applications basées sur les propriétés électroniques [13] du diamant nécessitent l’utilisation de couches monocristallines de bonne qualité cristalline. Du fait de sa large bande interdite, le champ de claquage du diamant est le plus élevé des semi-conducteurs. Associé à la grande mobilité des porteurs [14], il se positionne comme l’un des meilleurs candidats pour les applications impliquant de hautes températures, pour l’électronique de puissance et pour la réalisation de diodes Schottky [15]. Sa large bande interdite combinée à ses propriétés de diffuseur thermique laisse présager l’apparition dans un futur proche de projets visant à incorporer le diamant aux technologies silicium actuelles afin d’en accroître les performances.
Propriétés électrochimiques
Pour que le diamant puisse être utilisé comme électrode il faut qu’il ait un comportement métallique, ce qui implique de doper lourdement le diamant au bore. L’apparition du diamant dans le domaine de l’électrochimie [16] a donc été liée aux développements des procédés de dopage du diamant [17]. Depuis, le diamant s’est imposé comme étant un matériau phare dans le domaine de l’électrochimie [18] avec des applications visant l’analyse [18], le diagnostic [18], la bioanalyse [19-21] ou les procédés de dépollution [22-24]. Cet engouement tient aux propriétés électrochimiques exceptionnelles du diamant alliant faible courant de fond, large fenêtre de potentiel en milieu aqueux et bonne résistance à l’obstruction.
Courant résiduel
Les courants résiduels observés sur les électrodes diamants sont très faibles [25], typiquement de l’ordre de dix fois inférieurs à ceux d’une électrode métallique conventionnelle.
Le courant résiduel présente deux origines, une partie faradique et une partie de nature capacitive. La composantes faradique est majoritairement due à l’électrolyse de l’eau et à la réduction de l’oxygène [26]. Cet effet vient du fait que le diamant est insensible aux réactions cinétiquement lentes de type « inner » sphere [27], et plus particulièrement aux réactions d’évolution de l’oxygène et de l’hydrogène. Contrairement aux processus « outer » sphere qui s’effectuent par un mécanisme de type effet tunnel, le transfert d’électron « inner » sphere nécessite la formation d’une liaison entre l’espèce redox et le substrat. La faible composante capacitive est quant à elle associée à la faible capacité double couche du diamant [3]. Toutefois, si cette faible amplitude de la composante capacitive est bien connue, son interprétation est toujours sujette à discussion. Quoiqu’il en soit, ce faible courant résiduel améliore considérablement la sensibilité des électrodes en augmentant le rapport signal sur bruit. Cet avantage est également renforcé par la stabilité et la reproductibilité de l’amplitude du courant résiduel [18]. La sensibilité et la reproductibilité des mesures confèrent au diamant un avantage majeur par rapport aux électrodes usuelles pour les applications dans le domaine des capteurs ampérométriques.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : LE DIAMANT
I. Généralités – état de l’art
I.A. Propriétés générales
I.A.1. Conductivité électrique et thermique
I.A.2. Stabilité chimique
I.A.3. Propriétés mécaniques
I.B. Propriétés optiques
I.C. Propriétés électroniques
I.D. Propriétés électrochimiques
I.D.1. Courant résiduel
I.D.2. Large fenêtre de potentiel
I.D.3. Resistance à l’obstruction
I.D.4. Stabilité
I.E. Synthèse
I.E.1. Le procédé HPHT
I.E.2. Les procédés CVD
I.E.3. Les bâtis de croissance
I.F. Le diamant pour la (bio)-détection
I.F.1. Détection électrochimique
I.F.2. Biocapteurs-Biopuces
I.F.3. Biocapteurs enzymatiques
I.F.4. Les transistors à effets de champ
I.G. Interface Cellule-Biocapteur
CHAPITRE II : FONCTIONNALISATION ET APPLICATIONS
II. Techniques de caractérisations
II.A. La microscopie électronique à balayage (MEB)
II.B. Raman
II.C. X-ray Photoelectron Spectroscopy (XPS)
II.D. X-ray Electron Energy Loss Spectroscopy (XEELS)
II.E. Spectroscopie Auger
II.F. Fourrier Transform Infrared Spectroscopy (FTIR)
III. La fonctionnalisation du Diamant
III.A. Terminaisons chimiques de surface du Diamant
III.B. Etat de l’art
III.B.1. Fonctionnalisation via les groupements oxydés
III.B.2. Fonctionnalisation via les surfaces reconstruites
III.B.3. Fonctionnalisation via d’autres groupements de surface
III.B.4. Fonctionnalisation des surfaces hydrogénées
III.C. Greffage spontané des amines sur Diamant
III.C.1. Le modèle biologique : Biotine-Avidine
III.C.2. Le drop-casting
III.C.3. La microscopie de fluorescence
III.C.4. Conditions de greffage
III.C.5. Caractérisation du greffage
III.D. Mécanisme de greffage
III.E. Cinétique de greffage
IV. Applications
III.F. Greffage de molécules d’intérêt biologique
III.F.1. Biopuce à ADN
III.F.2. Capture de double brin d’ADN par un « hameçon » intercalant
III.F.3. Cytochrome c
III.G. Biocapteur au peroxyde d’hydrogène
III.H. Immobilisation directe de protéine
III.H.1. Thy1
III.H.2. Immunoglobuline G
III.I. Structuration du greffage
III.I.1. Micro-contact printing
III.I.2. Bioplumes
III.I.3. Dip pen lithography
III.J. Conclusion
CHAPITRE III : DEVELOPPEMENT D’UN NOUVEAU MATERIAU COMPOSITE NANOTUBES DE CARBONE/DIAMANT
V. Croissance de Nanotubes de carbone sur diamant
V.A. Nanotubes de carbone : Généralités
V.A.1. Propriétés
V.A.2. Croissance
V.A.3. La technique de croissance HFCVD
V.B. Gravure catalytique du diamant assistée par filament chaud
V.C. Croissance des nanotubes
V.D. Caractérisation des nanotubes par spectroscopie Raman
V.E. Caractérisation des nanotubes par XPS et XEELS
V.F.Propriétés électriques des nanotubes
V.F.1. Greffage du férrocène
V.F.2. Caractérisation électrochimiques des nanotubes
V.G. Analyse qualitative de l’adhésion des nanotubes
V.G.1. Etude électrochimique
V.G.2. Traitement des nanotubes par ultrasons
V.H. Mise au point d’un biocapteur de troisième génération au peroxyde d’hydrogène
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES