Le dialogisme au service de la réalité
Espace d’apprentissage:
Dans un sens très général, l’espace désigne le milieu dans lequel nous percevons le monde extérieur et localisons les objets qui tombent sous nos sens. En littérature, la notion d’espace nous invite à réfléchir au contexte spatial où l’histoire racontée se déploie. Il est à la fois indication d’un lieu et création narrative : « C’est l’ensemble des signes qui produisent un effet de représentativité ». L’espace est une notion indispensable à la composition du récit qui donne un sens au roman, il peut présenter un lieu unique ou une multiplicité de lieux. Selon Yves. Reuter, l’espace peut s’analyser dans le roman selon deux directions : son rapport avec l’espace réel et sa fonction à l’intérieur du récit. Il peut se manifester dans les noms de lieux ou dans une topographie afin de présenter au lecteur un effet de réel. L’espace a plusieurs fonctions : il peut ancrer le récit dans le réel et il peut aussi signifier des étapes de vie des personnages.
Tous les lieux figurant l’espace dans l’œuvre littéraire concourent à définir une architecture d’ensemble et une signifiance intelligible de l’œuvre. Dans le roman d’apprentissage, la quête du héros de jeunesse se fait dans l’espace et le temps, notamment sur de nombreux théâtres et scènes où l’itinéraire prend le sens d’un passage obligé pour le néophyte. Il s’y frotte à nombre d’expériences dont l’aboutissement est de lui conférer, chaque fois, une nouvelle dimension capitalisable dans la suite du processus.
L’espace dans lequel figure le roman de Khadra a une fonction importante, celle de permettre à l’action de se dérouler, et celle où le personnage principal évolue. Si l’auteur s’est attelé à nommer et à identifier les espaces dans lesquels se déroulent les faits et les événements, c’est dans un but précis, celui d’inscrire sa fiction dans le vraisemblable. En fait le récit répond à une structure logique des faits et une évolution graduelle des événements correspondant de manière parallèle au déroulement chronologique de la vie de Nafa Walid .
Chacune de ces parties correspondent à une phase du récit de vie de Nafa Walid et de: l’Histoire de l’Algérie que nous allons développer si dessous.
La Casbah espace de misère et de pauvreté:
Dans la première partie du roman, le héros d’A quoi rêvent les loups subit ses épreuves dans les coulisses réelles, représentées par la ville d’Alger. Ce lieu convoqué dans la première partie du roman est représenté en deux catégories spatiales : urbaine et rurale. La ville d’Alger constitue la partie de la ville abritée par « la bourgeoisie algérienne ». Quant à la Casbah elle regroupe les bas quartiers dans lesquels règnent la misère et la pauvreté abritée essentiellement par les petites gens.
Ces différents toponymes dessinent soigneusement l’image du pays, l’auteur ne se contente pas d’une description succincte, au contraire, à l’arrière-plan, il laisse jouer le décor pour témoigner des maux qui touche de plein fouet sa patrie à savoir : le déséquilibre social, la corruption et la dictature.
Le grand Alger : espace de violence
Alger était une ville magnifique et merveilleuse avec ses sites paradisiaques et son soleil éclatant. Alger ne dormait pas avec sa jeunesse dynamique qui bouge nuit et jour où tous les rêves sont permis. «C’est un matin splendide, qui n’existe que pour lui- même comme un rossignol qui chante dans un monde de sourds ; un matin algérien (…). Le ciel est d’un bleu lustral ».
Aujourd’hui, Alger a subit une grande transformation. Elle est devenue le sanctuaire des islamistes dans laquelle ils exécutent leurs proies. Ce climat de terreur n’est pas passe sous silence, au du moins pour notre auteur d’A quoi rêvent les loups. En effet Yasmina Khadra n’a pas hésité à pointer du doigt les maux dont souffre sa patrie. D’ailleurs la seconde partie qui s’intitule Le Grand Alger en est la preuve incontestée, elle s’ouvre sur une description de la ville d’Alger que l’auteur personnifie en statut de femme, qui aurait été violée, accouchant d’un monstre incestueux :
« Alger était malade. Pataugeant dans ses crottes purulentes, elle dégueulait, déféquait sans arrêt… Alger s’agrippait à ses collines, la robe retroussée par-dessus son vagin éclaté, beuglait les diatribes diffusées par les minarets, rotait, grognait, barbouillée de partout, pantelante, les yeux chavirés, la gueule baveuse tandis que le peuple retenait son souffle devant le monstre incestueux qu’elle était en train de mettre au monde. Alger accouchait. Dans la douleur et la nausée. Dans l’horreur, naturellement. Son pouls martelait les slogans des intégristes qui paradaient sur les boulevards d’un pas conquérant. Alger brûlait de l’orgasme des illuminés qui l’avait violée. Enceinte de leur haine, elle se donnait en spectacle à l’endroit où on l’avait saillie, au milieu de sa baie à jamais maudite ; elle mettait bas sans retenue certes, mais avec la rage d’une mère qui réalise trop tard que le père de son enfant est son propre rejeton.
L’Abîme : achèvement d’une vie d’un passionné d’art
Acculés par la misère et le désœuvrement, les jeunes de la Casbah, à l’image de Nafa Walid, se tournent envers les lieux de culte censés véhiculer la parole de Dieu, cependant, les mosquées de la Casbah sont devenues des lieux d’embrigadement, une souricière qui invite les jeunes de la Casbah, espace millénaire symbole de l’attachement aux valeurs ancestrales, pour rejoindre un espace ouvert celui du « maquis » qui sert de quartier général aux groupes armés. Il est à noter que cet espace à revêtu des fonctions différentes, voire opposées à travers l’Histoire de l’Algérie. En effet pendant la guerre contre l’occupation française, le maquis était le lieu par excellence de la résistance, de la bravoure et du sacrifice, c’est en somme un espace positif ; c’est un actant qui joue le rôle d’adjuvant des maquisards dans leur quête de restituer au peuple algérien sa liberté et sa dignité. Cependant, durant la décennie noire le maquis est devenu un espace négatif synonyme de terreur pour le peuple algérien, car cet espace est le lieu de vie des intégristes interdit d’accès aux autres et aussi l’endroit où ils préparent leurs descentes punitives.
Discours de la dénonciation:
La dénonciation n’est pas une parole étrangère à la tradition de la littérature algérienne d’expression française ; dès son émergence, dans les années trente, elle appréhende le langage comme ayant une force,une puissance d’intervention sur le réel : c’est le langage du militantisme, de l’engagement, du discours, de la parole que choisissent les écrivains, de Caïd Bencherif à Abdelkader Hadj Hamou, de ChukriKhodja à Mohamed Ould Cheikh, de Mouloud Féraoun à Mohamed Dib et Kateb Yacine et bien d’autres encore. Dans une interview Rachid Mimouni, affirme à propos de l’écriture :
« C’est ma voie d’engagement, c’est la seule chose que je sais encore faire…c’est mon arme préférée ; elle ne tue pas et elle me permet de dire mon opinion aux autres… Elle évolue avec l’évolution des problèmes de mon pays. J’essaye d’exprimer les drames et bonheurs que vivent les citoyens algériens »
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Table des matières
Remerciements
Dédicaces
Sommaire
Introduction Générale
Chapitre I : Outils et méthodes d’analyse
Introduction
I. Approche définitoire
A. Héritage du Buildungsroman
B. Le roman d’apprentissage
II. Espace d’apprentissage
A. La casbah espace de misère et de pauvreté
B. Le grand Alger : espace de violence
C. L’abime : achèvement d’une vie d’un passionné d’art
III. L’impact temporel sur la destinée du novice
Conclusion
Chapitre II : étude de personnage en formation
Introduction
I. Les personnages
A. Le novice
B. les figures féminines
C. Les formateurs
D. Les Amis
II. Epreuve initiatique
Conclusion
Chapitre III: procédés d’écriture
Introduction
I. Discours et narration
A. Le dialogisme au service de la réalité
B. Le narrateur personnage
II. discours de la dénonciation
III. la dimension ironique du discours
IV. une écriture orale
Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
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