Le Diabète Gestationnel

Le diabète gestationnel (DG) est l’une des complications les plus courantes de la grossesse et sa prévalence est en pleine augmentation. Certaines controverses et incertitudes sur les modalités du dépistage et les critères diagnostiques du DG, ainsi que sur les modalités de traitement ont perduré pendant plus de 50 ans et ont rendu le dépistage et la prise en charge du DG difficiles et différents d’un pays à l’autre. Plusieurs études récentes ont permis de mieux établir et d’harmoniser les critères de dépistage et de diagnostic pour la mise en place de recommandations internationales, et ont démontré le bénéfice de la prise en charge du DG. L’objectif de cette thèse est de faire un rappel sur la physiopathologie du DG, de faire une analyse des différentes stratégies de dépistage et des critères diagnostiques utilisés, et enfin de faire le point sur la prise en charge du DG, à l’aide des nouvelles données .

PHYSIOPATHOLOGIE

Définition

Le Diabète Gestationnel (DG) est défini par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) comme un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum.

Cette définition, retenue par l’ensemble des sociétés savantes, regroupe en fait deux populations différentes de femmes dont le pronostic materno-fœtal n’est probablement pas le même et qu’il convient de distinguer :
– Des femmes qui ont un diabète patent mais méconnu, le plus souvent de type 2 (DT2) mais parfois de type 1 (DT1), préexistant à la grossesse et découvert à l’occasion de celle-ci. Ce diabète est révélé par les modifications métaboliques induites par la gestation et persistera après l’accouchement.
– Un trouble de la tolérance glucidique réellement apparu au cours de la grossesse, généralement en deuxième partie, et disparaissant, au moins temporairement, après l’accouchement.

Dans son rapport de synthèse sur le dépistage et le diagnostic du diabète gestationnel publié en 2005 la HAS (Haute Autorité de Santé) énonce le fait que cette définition pose plusieurs problèmes. D’une part, elle est qualitative et il n’existe pas de critère quantitatif consensuel international de définition du diabète gestationnel. D’autre part, différentes populations de femmes sont regroupées sous la même entité diagnostique.

Rappel physiopathologique 

La grossesse est caractérisée par un état diabétogène. En effet, la grossesse normale s’accompagne de modifications transitoires du métabolisme glucidique afin de répondre aux exigences énergétiques du fœtus, comprenant une insulinorésistance compensée par une sécrétion insulinique plus importante (hyperinsulinisme). Cette insulinorésistance croit progressivement avec le terme de la grossesse. La grossesse est en réalité le meilleur exemple physiologique de l’insulinorésistance. Dans le diabète gestationnel, il semble exister une exagération de cette insulinorésistance et/ou des anomalies de l’insulinosécrétion (2). Le début de la grossesse est marqué par une phase anabolique. On observe un stockage maternel des réserves énergétiques après les repas, notamment au niveau des tissus adipeux, grâce aux hormones placentaires. On observe une prise de poids maternelle supérieure à la croissance fœtale. L’anabolisme maternel est prédominant jusqu’à 22 semaines d’aménorrhée (SA). La phase catabolique apparaît dès le milieu du deuxième trimestre. Une insulinorésistance s’installe et croît tout au long du troisième trimestre. Le stockage maternel se maintient mais la priorité est d‘assurer les apports énergétiques au fœtus. La croissance fœtale est maximale et les besoins énergétiques sont plus importants avec une mobilisation accélérée des réserves maternelles hépatiques et musculaires nécessaire au fœtus, à partir de la 24 SA. L’équipe de Anne Vambergue a étudié les données de l’insulinosécrétion chez la femme enceinte normo-tolérante et également au cours du DG ; ainsi que les bases physiologiques et moléculaires de l’insulinorésistance dans les deux groupes.

Insulinosécrétion au cours de la grossesse normale et au cours du DG

La grossesse est caractérisée par des modifications fonctionnelles et des modifications structurales des îlots de Langerhans. Ces anomalies peuvent expliquer en partie les modifications rencontrées.

Anomalies fonctionnelles de l’insulinosécrétion

Anomalies de l’insulinémie à jeun 

La première anomalie fonctionnelle rencontrée lors de la grossesse est l’augmentation de l’insulinémie à jeun. Elle augmente de manière progressive au cours de la gestation, avec une multiplication des taux par deux entre le premier et le troisième trimestre de la grossesse. Les études de Kautzky-Willer et al. ont montré que les insulinémies à jeun étaient identiques chez les femmes enceintes normo-tolérantes et chez les femmes avec DG, alors que celles de Zimmer et al. ont noté que les insulinémies des femmes avec DG étaient plus élevées. Ces différences sont en partie expliquées par le fait que les populations de femmes étudiées n’étaient pas comparables sur le Body Mass index. En effet les insulinémies à jeun les plus élevées ont été observées chez les femmes obèses avec DG.

Anomalies dynamiques de l’insulinosécrétion 

L’hyperinsulinisme est réactionnel, prédominant en situation postprandiale, mais également réversible. Après une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO), les insulinémies des femmes enceintes sont également plus élevées. Mais la réponse insulinique par unité de stimulus glycémique (index insulinique) est significativement plus importante chez les femmes normo-tolérantes que chez les femmes avec DG. Les femmes avec DG ont un pic plasmatique d’insuline plus tardif que les femmes avec tolérance glucidique normale.

Après une hyperglycémie provoquée par voie intraveineuse (HPIV), les auteurs Bowes et al. ont démontré que la première phase de sécrétion insulinique est plus élevée chez les femmes normo-tolérantes que chez les femmes avec DG. Par contre Buchanan et al. ont montré que la deuxième phase de sécrétion insulinique est augmentée de manière identique dans les deux groupes. Kautzky-Willer et al. ont montré que malgré l’augmentation de l’insulinémie, la sensibilité des cellules bêta au glucose (permettant le pic précoce de sécrétion insulinique) est diminuée ; ce qui pourrait expliquer en partie la perte de la phase dynamique de la première phase d’insulinosécrétion. Dans une étude de Hornnes et al., la réponse insulinique après un repas riche en protides est augmentée de manière significative en fin de grossesse dans les deux groupes de femmes, mais cette augmentation est beaucoup plus importante dans le groupe des femmes normo tolérantes. Après perfusion d’acides aminés, elle est multipliée par trois dans les deux groupes. Dans une autre étude de Hornnes et al., il n’y a aucune modification de l’insulinosécrétion dans les deux groupes, après un repas riche en lipides. L’ensemble de ces travaux permet d’établir cinq points essentiels qui sont retrouvés de manière consensuelle dans la littérature :
-augmentation de l’insulinosécrétion chez toutes les femmes enceintes
-l’insulinosécrétion stimulée par le glucose est augmentée de manière plus importante chez les femmes normo-tolérantes que chez les femmes avec DG
-le pic plasmatique d’insuline après HGPO apparaît plus tardivement chez les femmes avec DG
-après HIPV, la première phase de sécrétion insulinique (pic précoce) est plus importante chez les femmes normo-tolérantes que chez les femmes avec DG
-l’augmentation de la deuxième phase de sécrétion insulinique (pic tardif) est identique dans les deux groupes.

Ces anomalies peuvent être en partie expliquées par des mécanismes cellulaires, notamment l’excès de proinsuline (précurseur de l’insuline). En effet, la proinsuline et ses précurseurs sont augmentés, en concentration absolue, en fin de grossesse chez les femmes normo-tolérantes (Khul et al.) et chez les femmes avec DG (Dornhorst et al.). Pour Khul et al., le rapport proinsulinémie/insulinémie reste inchangé, mais avec uniquement 8 femmes dans chaque groupe. Pour Kautzky-Willer et al., ce rapport est augmenté dans le DG et chez les intolérantes au glucose comparativement aux femmes sans trouble de la tolérance glucidique.

L’augmentation de la proinsulinémie de manière importante dans la première moitié de la grossesse des femmes avec DG semble être un facteur prédictif d’une détérioration de l’équilibre glycémique en fin de grossesse. Cette augmentation serait également corrélée à la nécessité de mettre en place une insulinothérapie afin de maintenir un équilibre glycémique correct pendant la grossesse. L’insuline est dégradée de manière prépondérante dans le foie, mais peut l’être aussi dans le placenta. L’extraction insulinique dans le placenta est trop faible pour être prise en compte. Par contre l’extraction insulinique hépatique est diminuée chez toutes les femmes enceintes, quel que soit leur niveau de tolérance glucidique. Ceci pourrait être un moyen d’adaptation vis-à-vis de l’insulinorésistance au cours de la grossesse, augmentant ainsi la disponibilité de l’insuline périphérique. Dans les mécanismes cellulaires le rôle de l’amyline ou l’islet amyloid pancreatic polypeptide sur l’insulinosécrétion a été évoqué par Kautzky-Willer et al.. Ils ont observé une augmentation marquée de la sécrétion d’amyline dans toutes les grossesses. Cette hypersécrétion d’amyline est identique chez les femmes avec DG et chez les femmes normo-tolérantes, et ses taux se normalisent après l’accouchement. On peut penser à une influence de l’amyline sur la sécrétion d’insuline et de proinsuline, mais ces résultats ont été obtenus dans des petits groupes de patientes et il est peu probable que les perturbations de la sécrétion d’amyline au cours de la grossesse pouvaient expliquer les différences de concentration en proinsuline.

Modifications structurales des îlots de Langerhans

Pour s’adapter à l’augmentation de l’insulinosécrétion au cours de la grossesse qu’elle soit normale ou avec DG, les îlots de Langerhans subissent des modifications structurales et fonctionnelles, ainsi Sheridan et al. ont décrits une hypertrophie et une hyperplasie des cellules bêta.

Gênes et insulinosécrétion 

La glucokinase est une enzyme impliquée dans les mécanismes de l’insulinosécrétion et elle est principalement exprimée dans les cellules bêta et dans les hépatocytes. Une étude portant sur 40 femmes avec DG et ayant des parents au premier degré diabétiques a permis d’identifier deux mutations du gène de la glucokinase. Une autre étude n’a trouvé aucune association avec certaines mutations de la glucokinase dans deux groupes de femmes avec DG : un groupe avec des femmes avec tolérance glucidique normale après l’accouchement, et un autre composé de femmes présentant un DT2 en cours d’évolution. Ces travaux ne permettent pas de conclure actuellement que les mutations portant sur le gêne de la glucokinase soient impliquées de façon certaine dans les anomalies de l’insulinosécrétion du DG.

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Table des matières

Introduction
1. PHYSIOPATHOLOGIE
1.1. Définition
1.2. Rappel physiopathologique
1.2.1. Insulinosécrétion au cours de la grossesse normale et au cours du DG
1.2.2. Insulinorésistance au cours de la grossesse normale et au cours du DG
1.2.3. Facteurs modulant la sécrétion insulinique et favorisant l’insulinorésistance
1.2.4. Synthèse
1.3. Epidémiologie
1.3.1. Prévalence
1.3.2. Facteurs de risque
1.4. Symptômes
1.5. Conséquences du diabète gestationnel
1.5.1. Complications maternelles à court terme
1.5.2. Complications maternelles à long terme
1.5.3. Complications fœtales
1.5.4. Risque de diabète ultérieur chez l’enfant
1.5.5. Risque d’obésité ultérieure chez l’enfant
1.5.6. La mortalité périnatale
1.6. L’HAPO Study
2. Dépistage
2.1. Objectifs du dépistage
2.2. Historique du diagnostic
2.2.1. Détermination des premiers seuils diagnostiques
2.2.2. Evolution des techniques
2.3. Méthodes de dépistage et de diagnostic
2.3.1. La stratégie en un temps (HGPO 75g)
2.3.2. La stratégie en deux temps (O’Sullivan puis HGPO 100g)
2.3.3. Le test du NDDG (autre stratégie en deux temps)
2.3.4. Comparaison des différentes méthodes et de leurs critères diagnostiques
2.3.5. Les méthodes de dépistage alternatives
2.3.6. Discussion
2.4. Les différentes stratégies de dépistage
2.4.1. Dépistage systématique ou ciblé ?
2.4.2. Les recommandations avant 2010
2.4.3. Les recommandations après 2010
2.4.4. Discussion
3. Prise en charge
3.1. Prise en charge diabétologique en cas de DG
3.1.1. Une prise en charge rapide
3.1.2. Une surveillance diabétologique
3.1.3. Une prise en charge diététique
3.1.4. Une activité physique
3.1.5. Un jugement initial de l’efficacité des mesures diététiques
3.1.6. Une insulinothérapie si nécessaire
3.1.7. Les antidiabétiques oraux
3.2. Risques et conséquences d’un traitement excessif
3.3. Education thérapeutique
3.4. Surveillance obstétricale prénatale
3.5. Accouchement
3.6. Prise en charge néonatale, environnement pédiatrique
3.7. Post-partum, contraception
3.8. Pronostic maternel ultérieur
3.9. Pronostic ultérieur chez l’enfant
3.10. Prévention
3.10.1. Prévention du DG
3.10.2. Prévention du diabète DT2 chez les femmes ayant eu un DG
3.10.3. Prévention des éventuelles complications chez les enfants
3.11. Synthèse
Conclusion
Annexes

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