Pendant soixante ans, les diabétiques ont adaptés leur vie à leur diabète. Le sport était en soi interdit ou déconseillé. Il était considéré que quelle que soit la -bonne- santé de la personne, son état diabétique l’empêchait à priori d’être apte à un sport. Et ces a prioris étaient évidemment accrus pour les sports comme la plongée sous marine. Même si en 1998, la Société Francophone du Diabète (SFD) a recommandée l’activité physique et sportive chez les diabétiques, la plongée sous marine reste en France l’emblème du sport interdit en cas de diabète insulino-traité (DIT). La raison principale est le risque d’hypoglycémie en immersion et sa conséquence potentielle grave, la noyade. Les autres risques évoqués sont la confusion possible entre les accidents de décompressions neurologiques et les malaises hypoglycémiques à présentation neurologique, les risques de décompensations aigues (acido cétose) et les risques d’aggravations de la maladie diabétique. Or, il s’agit d’un risque supposé et non prouvé. A l’échelle internationale les expériences de deux associations, Diver Alert Network ( DAN) et British Sub Aqua Confédération( BSAC) ont montrées que les diabétiques n’ont pas plus d’accidents de plongée que les non diabétiques, en d’autres termes, qu’il n’y a pas de surrisque lié au diabète. En France, la situation évolue en 2004 : à la suite d’un travail scientifique, la Fédération Française de plongée (FFESSM) lève son interdiction après avoir réévaluée les restrictions et permet l’accès à la plongée aux DIT âgés de plus de 18 ans dans le cadre d’un protocole de mise à l’eau précis. A la lumière de ces résultats positifs, il nous parait important de s’intéresser aux jeunes diabétiques (14-18 ans) qui ne sont pour l’instant pas concernés par ces prérogatives, pour des raisons historiques essentiellement administratives (autorisations parentales, responsabilités, assurances…). Souhaitant faire partager leur passion de la plongée sous marine au plus grand nombre de diabétiques et ouvrir les portes aux plus jeunes d’entres eux, les Docteurs Lormeau Boris, Dufaitre Lise, Sola Agnès et Guillaume Goury , président de l’association Diabète et Plongée, ont organisés le projet « Les jeunes diabétiques plongent à Mayotte » en 2016 en vue de faire changer les recommandations officielles et de permettre a des jeunes diabétiques de plonger en toute sécurité sans cacher leur maladie. Il s’agit d’un séjour de cinq jours sur l’île de Mayotte , ou un groupe de jeunes diabétiques de 14 à 18 ans effectuera 1 plongée par jour dans l’espace médian, durant lesquelles les glycémies , resucrages et quantités d’insuline seront relevées à différents moments avant pendant et après les plongées. Ce groupe d’adolescents sera ensuite suivi à 3 et 6 mois au retour du séjour.
LE DIABETE DE TYPE I
Généralités
D’après l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), on compte environ 5% de diabétiques connus en France en 2015, soit 3.3 Millions d’individus. Une augmentation de la prévalence est observée depuis les années 2000 mais semble diminuer, avec un taux de croissance annuel de 5.4% entre 2006 et 2009 et 2.3% entre 2009 et 2013. En fait, ces chiffres regroupent deux maladies bien différentes :
-Le diabète de type 1, ou insulinodépendant survient le plus souvent avant l’age de 20 ans et représente moins de 10% des diabètes. En 2007, il concerne 15 enfants sur 100 000.
-Le diabète de type 2, ou non insulinodépendant survient le plus souvent après 50 ans et représente plus de 90% des diabètes. Nous développerons dans cet exposé uniquement le DIT car c’est sur ce dernier que porte notre étude.
Epidémiologie
Si l’on considère les données de l’étude Entred en 2007 (1) (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques), 5,6% des personnes diabétiques traitées étaient identifiées comme DT1 en métropole (France hors départements d’outre-mer). On peut donc estimer à environ 122 000 le nombre de personnes DT1 en France métropolitaine en 2007. Le DT1 survient à tout age mais surtout avant 20 ans avec un pic de fréquence vers 12 ans.
L’incidence avant l’age de 15 ans en France est de 15 pour 100 000, et il existe un important gradient Nord-Sud notamment en Europe avec une incidence de 42 pour 100 000 en Finlande.
Ce gradient s’expliquerait par des raisons génétiques imparfaitement connues, et des facteurs environnementaux presque totalement inconnus, bien que les virus soient largement incriminés. En 2007, d’après les données de consommation médicale, la moyenne d’âge de la population des DT1 en France métropolitaine est de 42 ans ; 62% des DT1 (IC95%: [56%-68%]) sont âgés de moins de 45 ans et 18% de 55 ans et plus. L’âge moyen est resté globalement stable entre 2001 et 2007 (-1 an). Moins de la moitié des DT1 (48% [42%-54%]) sont des hommes, alors qu’en 2001 il y avait un peu plus d’hommes. Enfin, il semble exister une augmentation de incidence dans le monde de 3% par an depuis les années 2000 sans qu’on ne connaisse la raison.
Aspects cliniques
Mode de révélation
Le syndrome cardinal
Dans 98% des cas, le diabète de type 1 est diagnostiqué chez l’enfant devant l’association classique polyurie-polydipsie-polyphagie-amaigrissement, conséquences de l’hyperglycémie. L’amaigrissement est secondaire à la déshydratation et à l’état catabolique lié à l’insulinopénie : lipolyse et catabolisme musculaire par défaut d’apport glucidique intra cellulaire. S’en suit une polyphagie compensatrice dans le but de renouveler les stocks de lipides. Il faut comprendre que ce syndrome cardinal n’apparaît que pour des glycémies supérieures à 3g/l, il arrive que le diabète soit diagnostiqué de manière fortuite lors d’un bilan sanguin de routine pour une infection par exemple.
L’acido cétose diabétique
Cette situation complique ou révèle un diabète de type 1 dans 25 à 40% des cas. Elle peut entraîner un coma acido-cétosique comportant un risque vital. Ce cas de figure sera détaillé dans le chapitre sur les complications aigues du diabète, car elle peut être l’occasion du diagnostic mais peut aussi être une complication aigue chez un diabétique connu.
Les Complications
Aigues
L’acido cétose diabétique
La symptomatologie peut prendre la forme d’un syndrome abdominal avec douleurs, vomissements, surtout chez l’enfant et l’adolescent. Le tableau peut aussi être d’allure respiratoire avec une hyperpnée due à l’acidose métabolique. Les causes de décompensation sur le versant de l’acido cétose sont multiples et il faut les rechercher :
-Une infection pas toujours évidente et parfois apyrétique.
-Bien que très rare chez le jeune diabétique, un accident cardio vasculaire en se rappelant que l’infarctus du myocarde peut être indolore à cause de la neuropathie. Pour prévenir l’arrivée de cette situation il convient de rappeler que la recherche de cétonurie ou de cétonémie est essentielle dans certaines situations comme des signes cliniques alarmants (douleur abdominale, vomissements, crampes,musculaires) , une glycémie capillaire >3g/l, toute infection aigue, une panne de pompe à insuline. Concernant la surveillance des corps cétoniques il faut distinguer deux techniques :
-Mesure de la cétonurie par bandelettes urinaires (Keto Diastix..), la norme est <2mmol/L, ce qui équivaut à des traces.
-Mesure de la cétonémie par bandelettes (Optium Bêta Cétone..), la norme est <0.6mmol/L.
Il faut emmener au plus vite le patient dans un service d’urgence ou il sera pris en charge le plus rapidement possible, le but du traitement est d’instaurer une insulinothérapie à la seringue électrique ou en bolus horaire intra veineux, avec toujours surveillance de la glycémie capillaire et de la cétonurie. Dans tous les cas la règle d’or du diabétique de type 1 est de ne jamais arrêter l’insulinothérapie .
L’hypoglycémie
Contrairement à l’acido cétose, cette situation est fréquente dans la vie d’un diabétique sous insuline même bien équilibré. Il convient de dire qu’un diabétique de type 1 se retrouve en moyenne 2 fois par semaine dans une situation d’hypoglycémie, et même si dans la plupart des cas il s’agit d’une situation sans gravité, l’hypoglycémie n’est pas à banaliser car elle peut parfois entraîner le coma hypoglycémique. L’hypoglycémie est habituellement définie par une glycémie plasmatique inférieure à 70 mg/dl. Les hypoglycémies sont subdivisées en deux types, mineures ou majeures :
– Une hypoglycémie mineure est perçue par le sujet lui-même, qui absorbe des glucides pour la corriger. Elle correspond en général à des symptômes de réaction neurologique (adrénergiques et cholinergiques) : palpitations, tremblements, sueurs, pâleur.
– Une hypoglycémie majeure nécessite une intervention extérieure pour sa correction, soit en aidant à l’ingestion de glucides, soit, si la conscience est profondément altérée, en employant du glucagon intramusculaire ou du sérum glucosé intraveineux. Elle correspond en général à des symptômes de neuroglycopénie, et est détectée par l’entourage devant des modifications du comportement, une altération de la conscience, des troubles de la parole ou de l’équilibre, un coma ou des convulsions. Les hypoglycémies majeures semblent d’autant plus fréquentes que l’HbA1c est basse, surtout pour des valeurs inférieures à 6 %. Dans l’étude du DCCT (2) incluant des adolescents âgés de 13 à 17 ans, on observait en moyenne un accident hypoglycémique majeur tous les 14 mois (et un coma ou convulsions tous les 4 ans) pour une HbA1c à 8 %. Les hypoglycémies majeures sont trois fois plus fréquentes chez le jeune enfant (moins de 5 ans) que chez l’adolescent : la fréquence des comas et/ou convulsions est chiffrée à 60 pour 100 patients par année avant 5 ans, contre 20-25 pour 100 patients par année chez les 13-15 ans et 10 pour 100 patients par année chez les 16-18 ans (3). L’utilisation des schémas d’insulinothérapie de type basal-bolus, et plus particulièrement de la pompe à insuline, a cependant permis de diminuer la fréquence des hypoglycémies. En effet, plusieurs études observationnelles ont montrées une réduction de la fréquence des hypoglycémies sévères sous pompe, malgré une amélioration de l’HbA1c (4).
Chroniques
Quel que soit le vaisseau considéré, un point semble essentiel : le glucose disponible en excès entre en abondance dans les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses, et les cellules apparentées, dont la captation de glucose, dépendante du transporteur GLUT1, n’est pas régulée par l’insuline.
Pour ces cellules, en particulier la cellule endothéliale, cette abondance de substrat énergétique est profondément anormale. Des espèces oxygénées réactives sont générées: c’est le stress oxydatif lié à l’hyperglycémie. Les conséquences ultérieures dépendent du vaisseau et du tissu dans lesquels elle se trouve. Les complications chroniques du diabète de type 1 sont étroitement liées à la durée d’évolution de la maladie mais aussi et surtout au degré d’équilibre glycémique. Toutefois, lorsqu’elles sont installées, l’équilibre parfait du diabète ne peut pas les faire régresser ni même stopper l’évolution inexorable mais il peut freiner l’aggravation.
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Table des matières
I) INTRODUCTION
II) LE DIABETE DE TYPE 1
A. Généralités
1. Introduction
2. Epidémiologie
B. Aspects cliniques
1. Mode de révélation
2. Complications
C. Traitements
1. Traitements médicamenteux
2. Traitements non médicamenteux
D. Autocontrôles Glycémiques
1. Glucose Interstitiel
2. Sport et mesure en continu du glucose
III) PARTICULARITE DU DIABETE CHEZ L’ADOLESCENT
A. Introduction
B. Les changements physiologiques
C. Les changements comportementaux et psychosociaux
D. Qualité de vie : L’étude TEENs Study
E. Solutions proposées aux jeunes diabétiques
IV) DIABETE ET SPORT
A. Physiologie de l’exercice
1. Généralités
2. Les différentes voies de production de l’énergie
B. Spécificités du sujet diabétique
1. Les risques liés à l’activité physique
2. Facteurs affectant la réponse à l’exercice
C. Bénéfices de l’activité physique
1. Bénéfices dans la population générale
2. Bénéfices chez le diabétique de type 1
D. Adaptations pour la pratique d’une activité physique
1. Le traitement par Insuline
2. Alimentation et hydratation
3. Les contrôles glycémiques
4. Les capacités de chaque individu
5. Particularités liées a l’adolescence
E. Conclusion
V) ORGANISATION DE LA PLONGEE SOUS MARINE
A. Les Institutions
1. En France
2. Dans le monde
B. La législation
1. Les règles de mise à l’eau
2. Le certificat médical
VI) HISTOIRE DU DIABETE ET DE LA PLONGEE
A. Historique
B. Les études sur les risques liés a la plongée
1. Les études en milieu naturel
2. Les études en caisson
C. Les réglementations
D. Conclusion
VII) LES JEUNES DIABETIQUES PLONGENT A MAYOTTE : IMPACT D’UN GRAND PROJET SPORTIF CENTRE SUR LA PLONGEE SOUS MARINE CHEZ DES JEUNES DIABETIQUES DE TYPE 1
A. MATERIEL ET METHODES
1. Généralités
2. Modalités de formation
3. Description de l’étude
4. Critères d’évaluation de l’impact du projet sur la maladie diabétique
4) Critères d’évaluation de l’impact du projet
B. RESULTATS
1. A L’inclusion
2) A Marseille
3. Entre Marseille et Mayotte
4. A Mayotte
5. Après Mayotte
D) DISCUSSION
VIII) CONCLUSION