Le développement social des enfants maltraités
La famille
Définir la famille est une tâche difficile car c’est une institution en constante mouvance. Selon Granet-Lambrechts (2012, p.50), la famille nucléaire est composée du couple et des enfants. Il mentionne que « La famille est un groupe de personnes unies par la parenté ou par l’alliance ». Jean-Hugues Déchaux, définit la famille comme étant « l’ensemble des personnes apparentées par la consanguinité et/ou l’alliance […] Cette vision recouvre la famille élémentaire et la famille au sens plus large ». (Déchaux, 2009). Deux autres auteurs, quant à eux, disent que la famille standard avec un enfant et ses deux parents d’origine qui vivent ensemble sous le même toit n’est plus le seul modèle unique. Les divers types de famille sont reconnues socialement. (Saint-Jacques & Drapeau, 2009). En effet, depuis plusieurs années, la signification de la famille a beaucoup évolué.
Depuis 1960, la Suisse ainsi que d’autres pays européens ont connu des mutations de l’institution familiale (Kellerhals et Widmer, 2005, p.9). Il y a une cinquantaine d’années, le seul moyen de fonder une famille était de se marier. Aujourd’hui les conditions ont bien changé : le mariage n’est plus obligatoire et les différents types de famille se sont multipliés. Segalen (2012, p.8) relève que : « ces bouleversements ont contribué à faire de l’enfant, et non plus du mariage, l’élément fondateur de la famille ». De plus, les conjoints d’aujourd’hui veulent que « la formation du couple, sa gestion quotidienne et sa dissolution éventuelle ne doivent dépendre que d’eux-mêmes et n’avoir qu’eux comme finalité : Etat, églises, parenté, cercles de sociabilité sont tenus de ne pas interférer avec la vie familiale » (Kellerhals et Widmer, 2005, p.15). Les mariages sont devenus moins à la mode, c’est-à-dire que les couples en Suisse ne voient plus la nécessité de se marier à partir des années 1960 et les taux de nuptialité ont chutés au fil des années. Je constate à travers mes lectures que la définition de la famille reste un sujet de mésentente entre les différents auteurs, mais ils sont de manière générale d’accord sur le rôle et l’importance de la famille dans la société. J’ai décidé de mentionner ces différentes définitions car toutes comportent des éléments différents qui me semblent indispensables pour définir la famille.
Par exemple, Granet-Lambrechts (2012) et Déchaux (2009) parlent de la famille unie par le sang ou l’alliance alors que Saint-Jacques, Drapeau, Kellerhals et Widmer, parlent des différents modèles familiaux qui sont connus aujourd’hui. Selon la Déclaration Universelle des droits de l’homme, article 16 alinéa 3, « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat » (Déclaration Universelle des droits de l’homme, 1948). Cette définition est aussi importante à mentionner car elle nomme son lien avec la société ainsi que sa place au sein de celle-ci. Après avoir présenté ces définitions qui apportent toutes leur part d’information pour obtenir une définition aussi complète que possible, il me semble judicieux de préciser les différents types de famille possibles dans notre société actuelle. En effet, aujourd’hui plusieurs types de famille existent.
Définition de la parentalité
Plusieurs auteurs ont défini de manières différentes cette notion, il est donc difficile de choisir une seule définition. Barras définit la parentalité comme étant un concept qui « englobe l’ensemble des fonctions parentales qui répondent aux besoins physiques, psychiques et sociaux de l’enfant » (Barras, 2009, p.19). Dans la brochure de La Fédération des acteurs de la solidarité (2017, p.16) la parentalité est définie ainsi : « La parentalité désigne de façon très large la fonction « d’être parent ». Dans cette expression, le terme « parent » désigne non seulement les géniteurs biologiques, mais de façon plus large tout adulte ayant la responsabilité d’élever un enfant (une famille d’accueil, un beau-père, une famille adoptante, un oncle ayant la charge d’un enfant). Ce concept permet d’agréger des pratiques multiples et très différentes en incluant tout un ensemble de dimensions associées telles que la responsabilité sociale et juridique, les relations affectives, le fonctionnement psychique et les pratiques éducatives ». Cette définition semble complémentaire à celle de Barras car elle reprend la notion globale des fonctions des parents et elle mentionne également le fait qu’un parent ne désigne pas seulement les géniteurs biologiques mais également de manière large, les adultes responsables de l’éducation de l’enfant.
Dans la même brochure, la définition de Di Ruzza est mentionnée. Ce dernier complète la définition en disant : « L’ensemble des savoir-être et des savoir-faire qui se déclinent au fil des situations quotidiennes en différentes postures, paroles, actes, partages, émotions et plaisirs, en reconnaissance de l’enfant mais aussi en autorité, en exigence, en cohérence et en continuité » (Di Ruzza, cité par La Fédération des acteurs de la solidarité, 2017. P.16). D’après la citation ci-dessus, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il n’est pas facile de devenir parent car aujourd’hui la société se montre beaucoup plus exigeante. Selon elle, un parent doit travailler et pouvoir s’occuper de ses enfants en leur transmettant des « bonnes valeurs ». Il doit pouvoir leur accorder du temps, les aider dans leurs devoirs scolaires et favoriser leur intégration sociale tout en restant tolérant, patient et en faisant preuve d’écoute. Le rôle des parents ainsi que la représentation de la parentalité évolue en même temps que l’enfant grandit.
Les pratiques éducatives actuelles
Il est important de parler des pratiques éducatives actuelles dans la mesure où elles influencent probablement les représentations qu’ont les enfants de leur famille. Selon Agnès Martial (2009, p. 96 à 104) cette notion définit « les différents gestes, savoir-faire et compétences liés à l’accomplissement des soins et des tâches relatifs à l’éducation quotidienne des enfants ». Kellerhals et Widmer ont fait des recherches sur les styles éducatifs existants chez les parents en Suisse. Ils en distinguent trois (Kellerhals et Widmer, 2012, p.75) :
1) Le style éducatif négociateur : pour l’autonomie de l’enfant Dans ce style éducatif, « le souci de discipline, de conformité ne vient qu’au second plan […] et un accent plus net sur la motivation […] ou sur les tactiques relationnelles » (Kellerhals et Widmer, 2012, p.75). En effet, dans ce cas de figure, les parents encouragent et motivent l’enfant à devenir autonome en privilégiant la discussion, les explications et les échanges tout en exerçant une autorité parentale. Ils évitent d’avoir recours à la contrainte, aux interdictions et au contrôle. Selon le livre « Familles en Suisse : les nouveaux liens », des statistiques montrent que des associations entre les styles et le milieu social des parents existent (Kellerhals et Widmer, 2012, p.75). Selon eux, le style négociateur serait plus présent chez les parents issus d’un milieu universitaire.
2) Le style autoritaire : contrôle plus que motivation Ce style autoritaire se situe presque à l’opposé du style décrit précédemment. « L’insistance sur l’obéissance et la discipline-accommodation est forte, alors que l’autonomie-autorégulation est moins prisée. L’accent sur la conformité de l’enfant est très prononcé » (Kellerhals et Widmer, 2005, p.76). Dans ce style, les parents font appel au contrôle (interdire ou obliger plutôt que motiver). Les enfants doivent obéir aux parents sans forcément remettre en question leurs demandes. La communication et les activités communes sont plutôt rares. La maman est la personne dans le couple qui est chargée d’éduquer les enfants alors que le père est beaucoup moins présent. Ce modèle fait penser aux styles éducatifs des époques précédentes où les enfants devaient obéir à leurs parents sans poser de questions. Ce style se retrouve fréquemment dans le milieu social des ouvriers et employés (Kellerhals et Widmer, 2005, p.76).
3) Le style maternel : pour une communion avec les parents Ce style se caractérise par « l’insistance sur l’accommodation (obéissance, conformité) plutôt que sur l’autonomie ou l’autorégulation. De même, les techniques d’influence sont davantage fondées sur le contrôle que sur la motivation ou relation » (Kellerhals et Widmer, 2005, p.77). Contrairement au style précédent, dans celui-ci, les parents et l’enfant sont proches et la communication est privilégiée même sur des sujets plus intimes. Cependant, les rôles éducatifs restent très marqués. Ce style-là, diminue « au fur et à mesure qu’augmente le statut social » des parents. Ces trois groupes correspondent à des personnes en couple alors qu’aujourd’hui de nombreuses personnes éduquent leurs enfants en étant séparées. Différentes formes de gardes existent, ce qui influencent probablement l’apparition de plusieurs styles éducatifs pour un seul enfant. Malgré les recherches sur ce sujet, les informations qui permettraient de développer davantage sont rares et difficiles à trouver. Il est tout de même important de parler des couples séparés car c’est de plus en plus fréquent aujourd’hui. Les enfants interrogés lors des entretiens au Foyer St-Etienne sont tous les six des enfants de parents séparés.
4) Les couples séparés Dans ce cas de figure de plus en plus fréquent aujourd’hui, les parents exercent leur autorité parentale dans un système de « garde alternée » ou « garde conjointe ». La garde des enfants se fait de manière alternée pendant des périodes plus ou moins égales. Il est également possible qu’un seul parent possède la garde des enfants. La garde alternée et l’autorité parentale conjointe existent seulement depuis le 1er janvier 2000 (Tribunal Fédéral, 2001, cité par Schnidrig, 2005). Il est mentionné que « Tant le Message du Conseil Fédéral que la doctrine n’envisagent l’instauration d’une garde alternée que dans le cadre de l’article 133 al. 3 du Code Civil. […] Ainsi, même dans le cas où les parents requièrent conjointement le maintien de l’exercice en commun de l’autorité parentale après le divorce et soumettent à la ratification du juge une convention prévoyant la garde alternée, l’admissibilité d’un tel accord doit être apprécié sous l’angle du bien de l’enfant et dépend essentiellement des circonstances du cas particulier, telle que l’âge de l’enfant, la proximité des logements parentaux entre eux et avec l’école, la capacité de coopération des parents. […]
L’instauration d’une garde alternée présuppose en tous les cas l’accord des parents et ne peut être imposée à l’autre contre sa volonté » (Tribunal Fédéral, 2001, cité par Schnidrig, 2005, p.10). Pour obtenir cette garde alternée / conjointe, les deux parents doivent faire une demande et accepter le principe de ce partage et collaborer un minimum afin de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement de ce système (Schnidrig, 2005, p.10). Agnès Martial (2009, p. 96 à 104) ajoute que « la rupture conjugale et l’organisation postséparation de la prise en charge des enfants sont des événements particulièrement révélateurs de ces asymétries […] dans l’accomplissement des tâches et des rôles parentaux […] qui laissent à la mère la plus grande part des responsabilités et des contraintes parentales […], si bien que les premières recherches française sur les rapports de genre au sein des organisations familiales succédant à la rupture évoquaient une forme de ‘’monoparentalité éducative’’ »
|
Table des matières
Remerciements
Mots clefs
Table des matières
Deutsche Zusammenfassung der Bachelorarbeit
Résumé
1 Introduction
1.1 Choix de la thématique et motivations
1.2 Question de départ
1.3 Lien avec le travail social
1.4 Hypothèses de départ
1.5 Objectifs
2 Cadre conceptuel
2.1 La famille
2.1.1 Définition et évolution
2.1.2 Différents types de famille
2.1.3 Fonctions de la famille
2.1.4 La parentalité
2.1.5 Les pratiques éducatives actuelles
2.1.6 Fonctionnements conjugaux
2.1.7 Parents toxiques
2.1.8 Représentations
2.2 Le placement en institution
2.2.1 Définition du placement
2.2.2 Causes et différents types du placement
2.2.3 Enjeux du placement
2.2.4 Objectifs du placement
2.2.5 Rôles et fonctions de l’éducateur social
2.2.6 Educateur référent
2.3 Développement de l’enfant : le lien d’attachement
2.3.1 L’attachement
2.3.2 Le développement social des enfants maltraités
3 Questions et hypothèses de recherche
3.1 Questions de recherche
3.2 Hypothèses de recherche
4 Démarche méthodologique
4.1 Terrain
4.2 Population choisie, échantillonnage
4.2.1 Enfants interrogés
4.3 Technique de récolte de données
4.4 Risques de la démarche
4.5 Enjeux éthiques
4.6 Déroulement des entretiens
4.6.1 Prise de contact avec la population
4.6.2 Les entretiens
5 Analyse des résultats
5.1 Méthodes d’analyse
5.2 Représentations de la famille selon des enfants placés en foyer
5.2.1 Dimensions et aspects de la famille selon les enfants placés
5.2.2 Les fonctions de la famille
5.2.3 Éléments significatifs par rapport à la famille
5.2.4 La parentalité
5.3 L’impact du placement institutionnel sur les représentations qu’ont les enfants de la famille
5.4 L’influence de l’éducateur de référence sur les représentations des fonctions de la famille chez l’enfant
6 Bilan de la recherche
6.1 Atteinte des objectifs
6.2 Retour sur les hypothèses
6.2.1 Hypothèse 1
6.2.2 Hypothèse 2
6.3 Réponse à la question de recherche
6.4 Difficultés rencontrées et limites de la recherche
7 Conclusions
7.1 Positionnement personnel et professionnel
7.2 Le mot de la fin
Bibliographie
Livres, brochures et articles
Sites internet
Reportages télévisés
Illustrations
Annexes
Lettre adressée aux autorités parentales
Grille d’entretien destinée aux enfants
Dessins de la famille selon les enfants interrogés
Télécharger le rapport complet