Le socioconstructivisme
Nos recherches se basent sur la coopération et la collaboration qui sont étroitement en lien avec le socioconstructivisme. Nous nous intéressons aux théories de Vygotski pour guider nos observations.
Dans sa théorie du développement de l’enfant, Vygotski (2011) met en avant la relation de l’enfant avec ce qui l’entoure. « Tout comme elles donnent naissance au langage intérieur et à la pensée réfléchie, les relations entre l’enfant et son entourage sont aussi à l’origine du développement de la volonté chez l’enfant. Dans un de ses récents travaux, Piaget (1924) a démontré que la coopération est à la base du développement du jugement moral chez l’enfant. Des recherches précédentes ont établi que l’enfant apprend d’abord à subordonner son comportement à un ensemble de règles au cours du jeu collectif, et que ce n’est qu’ensuite qu’apparait l’autorégulation volontaire du comportement, autrement dit que cet autocontrôle se convertit en une fonction interne » (p.242). En effet, Vygotski, n’est pas le premier à s’être penché sur la question du développement de l’enfant, c’est pourquoi il cite Piaget. L’enfant doit commencer par intégrer les règles, le fonctionnement du jeu avant de pouvoir, ensuite seulement, ajuster son comportement. Ce comportement pourra par la suite être remobilisé lors d’un prochain jeu.
Vygotski (2011) s’autorise à dire que pour créer un apprentissage, il est nécessaire d’« engendrer la zone du développement la plus proche, c’est-à-dire à donner naissance, réveiller et activer chez l’enfant toute une série de processus internes de développement capables d’opérer seulement quand l’enfant est en relation avec les personnes de son entourage et coopère avec quelqu’un de semblable » (pp.242-243). Tout comme pour les règles d’un jeu, ce processus sera ensuite intériorisé par l’enfant, qui pourra réinvestir son apprentissage dans une autre situation.
Dans leur ouvrage, Bodrova & Leong (2012) se sont également intéressés aux théories Vygotskiennes : « Selon les tenant Vygotskiens, les comportements exploratoires de l’enfant résultent d’une interaction entre ce que les adultes démontrent et les expériences de l’enfant.
Le développement social de l’enfant
Afin de procéder à nos recherches, il nous est nécessaire de tenir compte du développement de l’enfant. Nous nous concentrons particulièrement sur leur développement social entre 6 et 10 ans.
Dans leurs travaux, certains auteurs affirment que « l’individu à lui seul demeure égocentrique […] la conscience de soi impliquant une confrontation continue du moi et de l’autre » (Piaget, 1932, cité par Rouiller & Lehraus, 2008, p.2). Les travaux de ces auteurs nous démontrent que l’homme naît égocentrique. Afin de développer la décentration, il est nécessaire d’interagir avec d’autres pairs et de ce fait, de se confronter à d’autres manières de penser et de percevoir des situations d’un point de vue différent. Cependant, les recherches menées par Piaget se concentrent principalement sur l’enfant et l’objet. Elles s’appuient sur des facteurs internes en démontrant que l’enfant se développe à partir de lui grâce aux facteurs externes.
Vygostski aborde ce thème de façon différente. Dans ses travaux, il apparait que le développement social se fait sur deux facteurs : le facteur externe et le facteur interne. Ces deux éléments sont interdépendants. Il soutient que « dans le développement culturel de l’enfant, toute fonction apparait deux fois : dans un premier temps, au niveau social, et dans un deuxième temps, au niveau individuel ; dans un premier temps entre personnes (interpsychologie) et dans un deuxième temps à l’intérieur de l’enfant lui-même (intrapsychologie). […] Toutes les fonctions supérieures trouvent leur origine dans les relations entre êtres humains » (Vygostski, 1931/1978, cité dans Rivière, 1990, cité par Rouiller & Lehraus, 2008, p.5). En tenant compte de ces deux phases, il apparait que l’enfant doit reconstruire les informations qu’il reçoit. En effet, il va transformer un élément externe en élément interne en fonction de son vécu et de ce qu’il connait. De ce fait, il s’appropriera un savoir provenant d’une source extérieure sans en avoir forcément fait l’expérience. Dans son développement social, l’enfant, qui devient élève, est confronté à la vie en groupe. Cette expérience le force à interagir avec ses camarades dans différentes situations, notamment dans les travaux de groupe, qu’il s’agisse du groupe classe en entier ou de sous-groupes. En s’appuyant sur la théorie de Vygotski, l’enfant apprendra par ses pairs lors des interactions et des mises en communs. A partir de cela, il se développera socialement en acceptant de s’ouvrir à une pensée différente de la sienne et en l’intériorisant à sa manière.
Afin de collaborer, un enfant doit entrer en contact avec les personnes formant son entourage. Il sera confronté à différents points de vue et devra se positionner. Il doit prendre conscience qu’il est un être particulier mêlé à d’autres individus. Selon Doise & Mugry (1981), « Il semble nécessaire qu’un enfant puisse discerner en quoi sa position diffère de celle de son partenaire pour pouvoir profiter de sa participation à une interaction sociale menant à une nouvelle coordination des points de vue. Si coordination ne signifie pas annulation d’une centration existante, mais intégration dans une nouvelle régulation, il y a tout lieu de croire qu’une prise de conscience des différences entre sa propre centration et celle d’autrui est la base » (p.39). Il s’agit donc de tenir compte de l’avis des autres participants tout en gardant ses propres idées et de trouver un moyen de les communiquer.
Wallon s’appuie sur les travaux de Piaget concernant les stades de développement social de l’enfant. Nous nous intéresserons au stade de l’égocentrisme et de la décentration.
L’égocentrisme fait partie d’une étape dans le développement de l’enfant. Selon Wallon (1959), l’enfant se considère comme étant le centre « au point de départ ou au point d’arrivée de tout ce qui se produit. […] Il est la raison d’être des événements. Ils n’ont de sens que par rapport à lui » (p.280), les êtres et les choses « n’ont pas d’interdépendance ; leurs seules relations sont celles que leur attribue le point de vue propre du sujet » (p.280). Cette étape est à prendre en compte car elle est essentielle dans la compréhension des réactions de l’enfant. Il s’agira, par différentes expériences sociales, de l’amener à la décentration.
our atteindre ce dernier stade, l’enfant va s’ouvrir à la perspective que les personnes qui l’entourent ne partagent pas forcément les mêmes appréhensions du monde extérieur. Il va expérimenter différentes façons de percevoir ces informations et de les traiter. Toujours selon Wallon (1959), « l’intelligence qui introduit des rapports objectifs entre les choses a donc, selon Piaget, pour première origine la nécessité d’une entente, et comme d’un contrat entre les individus, dès le moment où chacun d’entre eux s’aperçoit que, n’étant pas seul, il ne peut prétendre être la règle universelle ; dès qu’il devient sensible à l’obligation du lien social entre individus » (p.280). La prise en compte des points de vue divergeant des siens amènera l’enfant à s’ouvrir à un monde inconnu. Il est important de tenir compte des rôles de chacun. En effet, chaque individu est unique et possède sa manière de penser. Dans un groupe qui vise un objectif commun, les personnalités uniques doivent élaborer des stratégies pour répondre à la demande. Pour être en mesure de le faire, chaque enfant doit passer par la décentration pour pouvoir entendre les autres et ainsi travailler ensemble. Ce stade apparait vers sept ans selon Piaget.
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Table des matières
1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1. Le socioconstructivisme
2.2. Le développement social de l’enfant
2.2.1. Le développement des interactions entre pairs
2.3. La coopération
2.4. La collaboration
2.4.1. La collaboration en mathématiques
2.5. Le Plan d’études romand
3. Présentation de l’étude
4. Méthodologie
4.1. Échantillon
4.2. Outils de recueil des données
4.3. Procédure
4.4. Analyse des données
5. Résultats
5.1. Résultats pour la classe de 3H
5.2. Résultats pour la classe de 4H
6. Discussion
6.1. Hypothèse 1
6.2. Hypothèse 2
6.3. Autre discussion
7. Limites et biais
7.1. Les limites
7.2. Les biais
8. Conclusion
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