La prématurité
La prématurité est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé par la survenue d’une naissance avant 37 semaines d’aménorrhée (SA) (1). On distingue habituellement la prématurité tardive (survenant entre 34 et 36 SA révolues), la prématurité modérée (survenant entre 32 et 33 SA révolues) et la grande prématurité (survenant entre 28 et 31 SA révolues). L’extrême prématurité est quant à elle définie par la survenue d’une naissance avant 28 SA (2). En France, l’Enquête nationale périnatale de 2010 relevait 7,4 % de naissances avant 37 SA (naissances vivantes et mort-nés) réparties de la manière suivante : 0,7 % de naissances avant 28 SA, 0,8 % entre 28 et 31 SA, 0,8 % entre 32 et 33 SA et 5,1 % entre 34 et 36 SA révolues. Ce chiffre est en constante augmentation compte tenu de l’augmentation des taux de grossesses multiples, de l’âge moyen des femmes lors des grossesses et de la prématurité induite (3). En 2011, d’après l’étude EPIPAGE 2, 2,1 naissances vivantes sur 1000 ont eu lieu avant 27 SA, 7,5 naissances vivantes sur 1000 ont eu lieu entre 28 et 31 SA et 17,3 naissances sur 1000 ont eu lieu entre 32 et 34 SA ; ce qui représente au total plus de 6500 naissances en France en 2011 (4). Les nombreux progrès réalisés ces dernières années (corticothérapie prénatale à visée de maturation pulmonaire fœtale, généralisation de l’utilisation du surfactant, progrès de la ventilation invasive (VI) et non invasive-VNI) ont permis d’améliorer la survie des prématurés (5). En France, les taux de survie (sur le nombre de naissances vivantes) entre1997 (cohorte EPIPAGE 1) et 2011 (cohorte EPIPAGE 2) ont augmenté de 11 % pour les 25 SA, de 18 % pour les 26 SA, de 13 % pour les 27 SA et de 12 % pour les 28 SA (4). Cette augmentation de la survie s’est accompagnée d’une diminution de la morbidité. En effet, entre 1997 et 2011 la survie sans morbidité néonatale sévère a augmenté de 16 % chez les 25 SA, de 19 % chez les 26 SA, de 16 % chez les 27 SA, et de près de 18 % chez les 28 SA .
Néanmoins, la morbidité associée à la prématurité persiste et reste un problème majeur, notamment chez les grands prématurés. Les complications neurologiques (hémorragie intraventriculaire, leucomalacie périventriculaire), respiratoires (maladie des membranes hyalines, dysplasie bronchopulmonaire), digestives (entérocolite ulcéro-nécrosante), infectieuses ou encore ophtalmologiques (rétinopathie du prématuré) conditionnent souvent le devenir à court, moyen et long terme de ces enfants.
Le développement pulmonaire normal
Le développement embryonnaire pulmonaire comprend 5 phases :
❖ la phase embryonnaire (0-7 SA) correspond à la formation de la trachée, des bronches souches droite et gauche, et des bronches lobaires et segmentaires.
❖ la phase pseudo-glandulaire (7-17 SA) correspond au début de la différenciation des cellules épithéliales, au prolongement des voies aériennes distales jusqu’aux bronchioles terminales.
❖ la phase canaliculaire (17-27 SA) correspond à la formation des alvéoles primitives, à la différenciation des pneumocytes de type I et II et à la formation de la barrière alvéolocapillaire. Le surfactant, produit par les pneumocytes de type II, est détectable à partir de 24 SA.
❖ la phase sacculaire (28 à 36 SA) pendant laquelle se produit une réduction de l’épaisseur des parois alvéolaires et une augmentation du volume des espaces aériens distaux permettant de meilleurs échanges gazeux.
❖ la phase alvéolaire (36 SA à 2 ans) : qui est la phase de division et de multiplication des alvéoles.
La composition et le rôle du surfactant endogène
Le surfactant est un mince film lipido-protéique qui tapisse l’épithélium alvéolaire (11). Il est composé de 90 % de lipides (principalement des phospholipides) et de 10 % de protéines dont 3 % de protéines dites spécifiques du surfactant pulmonaire (SP-A, SP-B, SP-C et SP- D) qui après une longue période de maturation confèreront au surfactant ses propriétés tensio-actives. Il est synthétisé par les pneumocytes de type II, stocké sous forme d’inclusions lamellaires et sécrété à la naissance, où sa principale fonction est de diminuer la tension de surface alvéolaire. Il permet ainsi aux alvéoles de ne pas se collaber totalement, même en fin d’expiration, et permet donc de maintenir une capacité résiduelle fonctionnelle, de réduire le travail respiratoire et d’améliorer les échanges gazeux. En plus de ses propriétés mécaniques, le surfactant a une action anti-infectieuse et anti-œdémateuse. Il joue également un rôle dans l’homéostasie alvéolaire en protégeant l’alvéole de certaines protéines sériques (comme l’albumine) .
La maladie des membranes hyalines
La détresse respiratoire néonatale du prématuré reste un problème majeur même si sa prise en charge n’a cessé d’évoluer ces dernières années permettant la survie de nouveau-nés de plus en plus immatures (15). La maladie des membranes hyalines (MMH) est due à une insuffisance quantitative et qualitative du surfactant. Ce déficit est à l’origine d’un collapsus alvéolaire responsable d’un shunt droit-gauche intra pulmonaire et d’une hypoxémie associés à un effondrement majeur de la compliance alvéolaire. Elle survient essentiellement chez le prématuré et son incidence est inversement proportionnelle à l’âge gestationnel. En l’absence de maturation pulmonaire fœtale par corticoïdes, son incidence est d’environ 60 % chez le nouveau-né d’âge gestationnel inférieur à 30 SA et de près de 100 % chez les moins de 26 SA (16). Les facteurs favorisants sont la naissance par césarienne, l’âge de la mère (17), l’anoxie périnatale, les naissances multiples, le diabète gestationnel et les hémorragies fœto-maternelles (18). Les facteurs protecteurs sont le sexe féminin (19) et la peau noire (16). Le retard de croissance intrautérin est un facteur de risque actuellement discuté .
La MMH réalise un tableau de détresse respiratoire aigüe, habituellement sans intervalle libre après la naissance. Le geignement expiratoire (freinage glottique) est caractéristique. Les signes de lutte peuvent manquer chez le prématuré. La radiographie thoracique met classiquement en évidence des opacités diffuses bilatérales et symétriques sous forme de micro-granité, un bronchogramme aérien et une diminution des volumes pulmonaires. Ces signes peuvent varier en fonction de la sévérité de l’atteinte respiratoire mais aussi en fonction de la prise en charge (surfactant, CPAP…) (15). Il en est de même pour les gaz du sang. Classiquement ils mettent en évidence une hypoxémie pure dans les formes modérées (liée au shunt intra-pulmonaire). Dans les formes plus sévères ils mettent en évidence une hypercapnie avec acidose.
La prise en charge repose principalement sur la corticothérapie prénatale (24), la ventilation (qui sera développée dans le chapitre « DBP ») et l’administration de surfactant exogène (SE). L’évolution sans traitement par surfactant exogène se fait classiquement par une aggravation progressive des signes respiratoires et de l’oxygéno-dépendance pendant 24 à 48 heures puis une stabilisation jusqu’à la 72ème heure de vie et enfin une amélioration rapide entre le 3ème et le 6ème jour. Cette évolution est totalement différente après administration de SE puisqu’on observe habituellement une amélioration quasi-immédiate des échanges gazeux. Les complications respiratoires sont principalement les épanchements gazeux intra-thoraciques, les surinfections broncho-pulmonaires et l’évolution vers une DBP .
La dysplasie bronchopulmonaire (DBP)
Présentation clinique
La dysplasie bronchopulmonaire est la plus sévère et la plus fréquente des complications respiratoires chroniques liées à la prématurité. Elle a été décrite initialement à la fin des années 1960 comme la principale séquelle respiratoire des grands prématurés, résultant de la prise en charge des détresses respiratoires néonatales (ventilation mécanique et oxygénothérapie) (25). La présentation clinique a beaucoup évolué depuis les premières formes décrites il y a 50 ans. La forme classique concernait des enfants ayant un âge gestationnel moyen de 32 SA et correspondait à une pathologie dont la part iatrogène était importante, liée à une oxygénothérapie et à une ventilation agressives. Elle était alors caractérisée par une dépendance importante et prolongée à la ventilation mécanique endotrachéale avec chez certains enfants la nécessité d’une trachéotomie pendant plusieurs mois voire années. Les progrès réalisés ces dernières années avec la généralisation de la corticothérapie anténatale, du SE et l’amélioration des techniques de ventilation ont donné naissance à une « nouvelle » forme de dysplasie broncho-pulmonaire. Cette dernière est aujourd’hui moins sévère et concerne principalement les extrêmes prématurés (moins de 28 SA). Elle se caractérise par une oxygéno dépendance modérément prolongée de quelques semaines à quelques mois .
Physiopathologie
Sur le plan physiopathologique, la DBP semble résulter aujourd’hui de l’interaction entre un poumon très immature (et probablement prédisposé génétiquement) et un environnement inadéquat (16). En effet, la naissance prématurée induit une rupture des conditions harmonieuses de développement, en exposant brutalement le poumon immature à un environnement aérien riche en oxygène, et à une augmentation rapide du débit vasculaire pulmonaire. Ceci aboutit à une alvéolisation diminuée (avec des alvéoles peu nombreuses et larges), et à une raréfaction du lit capillaire (avec des vaisseaux dystrophiques) (27). Elle résulte aussi d’interactions complexes de facteurs anténataux et de facteurs postnataux (induits par les soins) qui provoquent des lésions pulmonaires et engendrent des processus anormaux de cicatrisation .
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Table des matières
1 Introduction
1.1 La prématurité
1.2 Le développement pulmonaire normal
1.3 La composition et le rôle du surfactant endogène
1.4 La maladie des membranes hyalines
1.5 La dysplasie bronchopulmonaire (DBP)
1.5.1 Présentation clinique
1.5.2 Physiopathologie
1.5.3 Description lésionnelle
1.5.4 Définition actualisée
1.5.5 Incidence
1.5.6 Facteurs de risque
1.5.7 Prévention et prise en charge
1.5.8 Evolution
1.6 Le surfactant exogène et ses nouvelles méthodes d’administration
1.6.1 Les différents surfactants exogènes (SE)
1.6.2 Indications du traitement par SE
1.6.3 Posologie du SE
1.6.4 Méthodes d’administration du SE
1.6.5 Evolution des pratiques – Mise en place d’un nouveau protocole d’administration du surfactant dans le service de Pédiatrie néonatale et de réanimation du CHU de Rouen
1.7 Objectifs de l’étude
1.7.1 Objectif principal de notre étude
1.7.2 Objectifs secondaires
2 Matériel et méthode
2.1 Type d’étude
2.2 Critères d’inclusion
2.3 Critères d’exclusion
2.4 Modalités du recueil de données
2.5 Données recueillies
2.6 Critère de jugement principal
2.7 Critères de jugement secondaires
2.8 Analyse statistique
3 Résultats
3.1 Description de l’étude
3.2 Caractéristiques générales des deux populations
3.3 Modalités d’administration du surfactant exogène (SE)
3.4 Evolution respiratoire
3.4.1 Ventilation invasive
3.4.2 Ventilation non invasive
3.4.3 Dysplasie bronchopulmonaire
3.5 Comorbidités
3.6 Données générales
3.6.1 Durée d’hospitalisation
3.6.2 Mortalité
4 Discussion
4.1 Principaux résultats de notre étude
4.2 Intérêts de notre étude
4.3 Faiblesses de notre étude
4.4 Validité externe de notre étude
4.4.1 La dysplasie bronchopulmonaire
4.4.2 L’administration du surfactant exogène
4.4.3 L’évolution des techniques de ventilation
4.4.4 La corticothérapie
4.4.5 Données générales
5 Conclusion
6 Bibliographie
7 Annexes