La libéralisation des échanges et l’ouverture des marchés nationaux depuis un certain nombre d’années offrent d’importantes opportunités d’affaires aux entreprises de tous les pays. Ce sont toutefois principalement les entreprises des pays développés qui en bénéficient en y réalisant la plus grande part des activités internationales, tandis que la part des pays en développement, à part les pays émergents, reste faible comme le note l’OMC(OMC, 2016).Cette situation ayant été expliquée par le FMI (2001) par des «problèmes structurels profondément enracinés, l’insuffisance des institutions et des politiques, et les effets du protectionnisme tant chez eux qu’à l’étranger», sous l’égide de la Banque mondiale, de nombreuses réformes a vu le jour dans de nombreux pays, incluant les pays les plus pauvres. Celle-ci a rendu le soutien financier offert avec comme condition le rehaussement de la compétitivité des entreprises pour pouvoir, contribuer à la réduction de la pauvreté. Les résultats sont peu probants : malgré ces réformes et les appuis d’organismes de développement, les exportations des pays en développement sont passées de 35,3% à 33,8% du PIB national de 2005 à 2015 (OMC, 2016).
Une autre difficulté porte plus spécifiquement sur la faible participation des PME à ces activités internationales. Les résultats d’une enquête réalisée par la Banque Mondiale auprès de plus de 25000 PME montrent que les ventes à l’étranger ne représentent que 7,6% des activités des PME manufacturières des pays en développement comparativement à 14,1 % pour les plus grandes entreprises. C’est l’Afrique qui présente le bilan le plus faible avec seulement 3% de taux d’exportation, comparativement à 8,7% pour les PME asiatiques, loin derrière les PME des pays développés.
Le développement international des PME
La littérature souligne la complexité du développement des entreprises sur les marchés étrangers, pour des raisons multiples tenant à la fois aux entreprises elles-mêmes et à leur environnement. Dans le cadre d’une approche intégrative de plusieurs modèles explicatifs de l’internationalisation des PME, Laghzaoui (2009) souligne la nécessité de mobiliser plusieurs cadres théoriques pour une compréhension fine des processus. Les recherches montrent la prédominance de deux d’entre eux, que sont la théorie des étapes (Modèle d’Uppsala) et la théorie des ressources et compétences. Il semble y avoir consensus sur le fait que le processus d’internationalisation nécessite une organisation, des ressources et des compétences spécifiques, en particulier pour franchir les obstacles aux échanges internationaux et passer ainsi les étapes identifiées dans le modèle d’Uppsala (Johanson et Vahlne 1977, 2009). Une vingtaine d’années plus tard, Johanson et Vahlne intègrent dans leur premier modèle l’importance des réseaux comme ressource pour le développement des connaissances. Le temps de création des connaissances nécessaires est alors raccourci par la mobilisation de ces réseaux. Si l’entreprise prend en compte cette ressource réseau, elle arrive plus vite à mettre en place un processus efficace d’internationalisation. Ce constat fait le lien avec celui des approches centrées sur les ressources qui soulignent la nécessité de construire un avantage compétitif à partir de l’organisation de ressources et compétences rares et difficiles à imiter ou à substituer (Grant, 1991 ; Tallmanet al., 2002). Il faut des ressources pour l’internationalisation, et elles doivent être organisées en interne selon une gestion capable de faire naitre des avantages concurrentiels différents, significatifs et durables.
Mais cette gestion en interne n’exclut pas des liaisons avec les ressources externes et l’environnement de l’entreprise (Dyer et Singh, 1998 ; Barringer et Harrison, 2000). L’appui du milieu qui fournit «notamment» du capital social se révèle en effet souvent aussi important que le capital financier (Lin, 1999), en particulier pour les PME. Une hypothèse de cette approche porte donc sur le fait que l’absence de ressources ou de compétences suffisantes entrave le développement de l’activité internationale.
D’autres recherches se penchent sur les entreprises qui ne respectent pas le caractère progressif de l’internationalisation suggéré par le modèle d’Uppsala : il s’agit d’entreprises qui dès leur création ont un projet international et un modèle d’affaires qui entre directement sur différents marchés, tant pour des questions d’approvisionnement que de ventes (McDougall et Oviatt, 2000 ; Etrillard, 2006). Elles seront identifiées sous différents vocabulaires : Born Global,International New Ventures, EarlyInternationalizingFirms(Servantie, 2007) et constituent une partie De la base de recherches sur l’entrepreneuriat international. Ces PME misent sur des connaissances spécifiques et/ou des opportunités de marché auxquelles elles souhaitent répondre rapidement. Les motivations de ces comportements apparaissent là encore liées d’une part à des caractéristiques environnementales, d’autre part à certaines caractéristiques spécifiques liées au dirigeant de l’entreprise. Dans le premier cas, il s’agit notamment du nombre croissant des marchés ciblé (Oviatt et McDougall, 2005), et de l’accélération du cycle de vie des produits ou de la croissance de la concurrence. Dans le deuxième cas, les chercheurs remarquent l’importance de l’expérience internationale du chef d’entreprise, sa capacité d’innovation en termes de réponse à un besoin du marché, sa vision globale, et son compétence pour le développement de ses activités internationales. Ces entreprises sont fortement mobilisatrices de réseaux (Andersson et Wictor, 2003; Coviello, 2006), de développent des connaissances et des ressources spécifiques (Gassmann et Keupp, 2007 ; Coviello et Cox, 2006), ainsi que des capacitésdynamiques suffisantes pouradapter les ressources existantes aux exigences des marchés (Mort et al.,2012).
Les barrières à l’internationalisation des PME
Leonidou (2004, p. 81) définit les barrières à l’exportation comme étant «toutes les contraintes qui entravent la capacité de l’entreprise à prendre des initiatives commerciales sur des marchés ». Ces barrières peuvent être internes et externes à l’entreprise, mais leur impact sur le résultat des efforts d’internationalisation est spécifique à chacune d’elles. Cette définition de Leonidoureflète un état des travaux composé des éléments hétérogènes où les conclusions et les observations sont parfois difficilement réconciliables. A l’issue de nombreuses recherches identifiant de façon ponctuelle des obstacles pour des échantillons d’entreprises différents, des pays source ou cible différents, des temps économiques différents, Arteaga-Ortiz et Fernandez- Ortiz (2010, p. 15) élaborent une nouvelle définition de ce qu’est une barrière à l’exportation : «tout élément ou facteur, interne ou externe, qui bloque ou dissuade les entreprises d’initier, d’accroitre ou de maintenir des activités d’exportation ». Reprochant l’absence de consensus sur les barrières relevées par les chercheurs, le grand nombre de barrières identifiées présentant un contenu semblable ainsi que le fait que l’influence de celles-ci sur l’exportation est peu mesurée, ils proposent un regroupement des barrières à partir de quatre dimensions qui sont liées aux connaissances, aux ressources de l’entreprise, au processus d’internationalisation et à l’environnement externe. Cette mode de nomination jugée essentielle vise à permettre des comparaisons entre les travaux des chercheurs afin d’arriver, à une liste «universelle» qui pourrait aussi faciliter le travail et l’accompagnement des PME dans leurs désirs d’exporter.
L’une des critiques à l’égard du regroupement de ces auteurs est le fait que les barrières liées aux ressources ne sont pas toutes sous le contrôle de l’entreprise, et qu’elles peuvent être de nature exogène. Kahiya (2013) corrige cette lacune en proposant une nouvelle classification globale à partir de l’étude de 32 articles sur le sujet publiés dans les vingt dernières années. Il classe les 42 barrières identifiées dans 7 catégories complémentaires (voir l’annexe pour le contenu détaillé de chaque barrière).
Les barrières internes sont liées aux ressources, au management, au marketing et aux connaissances. Les limitations de ressources les plus fréquentes concernent l’insuffisance de l’outil de production, des compétences nécessaires, du financement et des assurances. En termes de marketing, les obstacles sont de deux ordres : ceux à l’entrée (difficulté à identifier les opportunités, accès et contrôle des réseaux de distribution) et ceux touchant le mix du pays d’accueil, notamment les adaptations produit / service nécessaires et le prix à proposer. Du côté managérial on retrouve le manque de temps à consacrer au développement à l’étranger et d’engagement de la direction de l’entreprise. Quant aux contraintes liées aux connaissances, on retrouve le fardeau lié à la documentation exigée lors de transactions internationales ainsi que le recouvrement du produit des ventes et le rapatriement des fonds dans le pays de l’exportateur. Du côté externe, la forte concurrence sur les marchés étrangers ainsi que le soutien gouvernemental dans le pays d’origine pour aider les PME sont parmi les barrières les plus souvent évoquées. En ce qui concerne les pays visé, on notera les barrières tarifaires et non tarifaires, la réglementation à respecter et les éléments culturels ainsi que la langue de communication.
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Table des matières
Introduction
Partie 1. Revue de la littérature
1.1.Le développement international des PME
1.2.Les barrières à l’internationalisation des PME
1.3.Le cas spécifique des pays en développement
Partie 2.Méthodologie et présentation des données
2.1. Madagascar: le contexte de recherche
2.2. Description des entreprises de l’échantillon
Partie 3. Présentation et analyse des résultats
3.1. Analyse des différents cas
3.2. Analyse globale
3.3. Discussions
Conclusion