Le développement face à la diversité culturelle

Point de vue de WEBER

                    Un des premiers à se pencher sur cette thèse est sans doute l’économiste et sociologue allemand Max Weber. Il se demande pourquoi le capitalisme est d’abord apparu en Europe et en particulier dans les pays de tradition protestante 10. Il va démontrer que, pour s’épanouir et se développer, les relations marchandes nécessitent l’apparition et la généralisation d’un « esprit capitaliste » qu’il va définir comme la recherche par des moyens rationnels de l’accumulation de toujours plus d’argent. Ce principe du capitaliste va modifier la nature profonde de la finalité des relations économiques : non plus la satisfaction des besoins mais l’acquisition sans fin de richesses .Or, l’apparition et la généralisation de cet esprit capitaliste vont être favorisées par la religion calviniste. En effet, dans le protestantisme, les hommes ne savent pas s’ils seront élus ou damnés après leur mort. Mais leur destinée est écrite dès leur naissance, c’est la prédestination. Pour sera ssurer, ils vont chercher des preuves de leur élection dans la vie quotidienne. Ces preuves d’élection vont se matérialiser dans la réussite économique et l’enrichissement personnel. Ainsi vont concorder une éthique protestante et un esprit du capitalisme du fait que les valeurs de ces deux cultures vont coïncider :en se donnant corps et âme au travail, l’homme honore Dieu.Pour Max Weber, le capitalisme naît dans les pays protestants du fait de l’existence de valeurs et de croyances compatibles avec celles de l’enrichissement personnel. Cependant, ces affirmations ne correspondent pas aux faits réels11. L’Écosse de tradition calviniste était moins développée que l’Angleterre anglicane, ou à priori, à la Belgique catholique. De plus, Des pôles de développement préexistaient à l’avènement de la réforme calviniste (Venise, Fugger d’Augsbourg, Cologne). Ensuite, les Juifs et les Arméniens aux Pays-Bas ont joué un rôle aussi important que les calvinistes dans le développement de ce pays. Et enfin, Le développement économique n’est pas, en ce sens, une découverte protestante puisque l’islam, avant le Xe siècle, l’empire de Chine et/ou les villes chrétiennes avaient déjà connu des périodes de prospérité relative avant même la réforme. Donc, en gardant les mêmes principes, mais en se référant sur des bases plus solides, cette étude se rapporte sur la manière de savoir comment les facteurs socio-culturels peuvent impacter sur le processus de développement d’un pays. Mais pour cela, il faut délimiter objectivement les notions principales se ramenant à la notion de culture.

Impact sur le capital social

                    L’homogénéité culturelle fluidifierait les échanges et limiterait les coûts des contrats. Le groupe qui se définit à partir d’une unité ethnique est porteur d’une culture, c’est-à-dire d’une langue, d’une religion, de rituels, d’habillements, de choix alimentaires, de valeurs, d’éthiques et de normes sociales31.Le groupe va être porteur de biens de club (sans rivalité mais avec exclusion) qui vont pallier les défaillances des institutions formelles. La principale défaillance institutionnelle est l’insécurité contractuelle. Cette insécurité serait typique des pays en développement et trouverait son origine dans l’opportunisme, la rupture de contrat. Aucun marchand n’a intérêt, dans ces conditions, à entrer dans un échange impersonnel en l’absence de garanties. Il n’accepte d’échanger, pour ces raisons, que s’il a confiance. La confiance lui permet de limiter ses coûts de mise en œuvre des engagements, ses coûts d’identification des opportunistes, et ses coûts d’information. La culture, comme l’appartenance ethnique, limite ainsi les coûts de transaction parce qu’elle permet aux agents de partager les mêmes règles du jeu. Elle facilite leurs anticipations. L’existence d’un groupe ethnique devient, alors, un instrument au service de la réduction des coûts de transaction. Parmi les coûts de transaction se trouvent le coût de la recherche d’un partenaire, le coût de la négociation ainsi que les coûts pour faire respecter le contrat. La théorie des groupes ethniquement homogènes explique la faiblesse des coûts de transaction à l’intérieur du groupe et leur succès économique à l’extérieur. L’appartenance à un groupe donne un accès privilégié à des marchés et à des professions, mais le groupe n’est pas accessible à tous. L’appartenance à un groupe profite à chaque membre. Chaque membre est, pour cette raison, garant des règles de conduite qui soudent le groupe, car chacun le bénéficie des biens de club produits par l’ensemble. La théorie de l’unité ethnique répond ainsi directement à la question de savoir pourquoi les individus engagent des ressources pour faire respecter les droits de propriété des autres membres du groupe. La confiance est l’élément clé qui permet à un groupe le rester. KNACK et KEEFER ont notamment apporté des vérifications empiriques sur le fait que la confiance affecte la croissance32, et on suppose que la fragmentation ethnique affecte elle-même la confiance, donc la santé de l’économie. La confiance dans ce cas est mesurée sur la base d’enquête dans laquelle, les individus affirment s’ils font confiance à d’autres personnes. Une autre étude concernant cette idée de confiance a également été fournie par Fearon et Laitlin33.Ils proposent notamment un modèle de coopération interethnique dans lequel, ces coopérations ont beaucoup de risque d’être brisées. Il y a notamment deux possibilités d’équilibre. Le premier se produit lorsque qu’il y a confiance réciproque entre chaque groupe. Le second se produit lorsque les membres des différents groupes ethniques ne se font pas confiance, ce qui amène à une situation de non coopération. Cette situation peut se produire, par exemple quand les individus font commerce ensemble. Quand les individus vont ensembles, soit ils coopèrent ensembles soit ils refusent de le faire.Cela se présente comme un dilemme de prisonnier dans lequel, la coopération mène à une situation gagnant-gagnant, alors que le refus de coopérer est la stratégie dominante. L’existence de groupes ethniques différents peut favoriser ce phénomène, lorsqu’une information est partagée entre membres de différents groupes ethniques.Les tricheurs peuvent alors profiter de cette information. Cette situation amène à trois possibilités d’équilibres dans un groupe. En premier, personne ne coopère entre elle. Dans un second équilibre, tout le monde coopère mais il y a certains qui ne le font pas, ce qui amène les autres au premier équilibre où personne ne coopère. Dans le troisième cas, les tricheurs sont punis. Dans le cas de plusieurs groupes ethniques, les tricheurs de chaque groupe ethnique ne peuvent pas être punis individuellement s’ils ne peuvent pas être reconnus comme membre du groupe. Le groupe entier est ainsi puni par la tricherie de certains de leurs membres. Cela peut amener à l’intensification et à l’altération de coopération entre deux groupes ethniques. La peur de ce phénomène amène d’un côté à la coopération. Mais cette équilibre est voué à l’échec s’il y a des contacts trop fréquents entre les groupes ethniques, il n’y a entre autre pas de raison de coopérer dans son groupe si l’on peut négocier avec d’autres groupes. Ainsi, les un pays caractérisé par différents groupes ethniques sont en proie à une cohésion sociale défaillante, qui se répercute divers domaine de l’économie. La question qui est l’étude de cas particulier.

Impact sur le niveau d’investissement

                   L’Etat des lieux du climat d’investissement à Madagascar est assez alarmant d’après les données relevées48. Ces données révèlent que ce pays connaît un taux d’investissement le plus bas de toutes les régions du monde. En effet, il est dit que ce taux a baissé de près de 13% depuis les années 1970 jusqu’aux années 1990.Si en moyenne, les pays d’Afrique ont connu un taux d’investissement de 20% avant les années 1997, celui de Madagascar évolue avec des taux inférieurs à 15%. Ce n’est qu’après 2004 qu’il atteint 20%. Voici l’évolution du climat d’investissement présentée par l’INSTAT en 2005 (figure 7). Elle comprend celle de l’investissement brut (public et privé), celle de l’investissement public, celle de l’investissement privé et celle de l’épargne global. Bien qu’enregistrant un taux d’investissement croissant et continu depuis 1995 pour atteindre une valeur maximale de 27% en 2005, le niveau d’investissement reste toujours faible par rapport au reste d’après le centre de recherches, d’études et d’appui à l’analyse économique à Madagascar (CREAM). Des facteurs de blocages de l’investissement résident toujours dans ce pays. Ainsi, sans occulter les facteurs économiques de blocages, on se penchera davantage sur les facteurs socio-culturels et plus précisément sur la diversité de la culture Malagasy. Le premier élément jouant sur le bon fonctionnement d’une firme est d’abord la confiance. C’est ce qui permet de minimiser les coûts de transactions (Chapitre III – Section 2). L’appartenance à son ethnie possède beaucoup de sens pour la population sachant que l’ethnie pour chaque individu forme un groupe duquel il se sent proche. Le niveau de confiance des individus vis-à-vis de différents groupes permet de mesure leur degré de proximité à ces derniers. Les enquêtes effectuées par l’Afrobaromètre en 2005 ont permis de postuler que les Malagasy font d’abord confiance à leur famille (qui font partie logiquement de la même ethnie) puis à leurs voisins, puis aux personnes de leur ethnie. Seul le tiers accorde leur confiance aux Malagasy d’autre ethnie que la leur.  Des recherches empiriques effectuées par le CREAM établissent certaines contraintes concernant le climat d’investissement, notamment concernant les entreprises installées sur des régions différentes à leurs origines. Il est estimé que les travailleurs, surtout au Sud, s’attachent à leurs traditions et se voient difficilement retenus par les obligations de travail en cas d’occurrences d’évènements importants. Ils refuseraient d’exécuter des tâches qui sont contraires à leurs croyances49. De plus, de la part des investisseurs, il y a une faible adaptation à la culture des communautés locales. Il y va jusqu’à un manque de confiance mutuelle dans lequel, ces investisseurs se gardent de s’engager dans un projet nécessitant la mise en commun des ressources de plusieurs personnes différentes. Cela est accentué par la différence culturelle.

Les conditions d’un changement institutionnel

                La transition entre la considération des facteurs ethniques dans les décisions, vers l’impersonnalité ne se fait pas en un court laps de temps. Cette transition commence depuis un état naturel qui devrait constituer la logique qui la conditionne63. La transformation vers l’impersonnalité des élites constituées par leur identité ethnique, se traduit tout d’abord par les changements des règles informelles dans les conditions de l’état naturel. Un premier pas de changement institutionnel s’associe donc à cet état naturel qui évolue vers le développement des institutions, des organisations, et des croyances permettant aux élites de négocier dans un climat impersonnel. La seconde étape est la transition proprement dite. Une société évoluant sur le premier les pas de l’état naturel continue de se transformer et crée des institutions formelles qui protègent l’impersonnalité des élites et l’accès à des organisations capables d’étendre les mêmes normes pour une grande partie de la population. En somme, le but est l’élimination de la considération des privilèges liés à l’identité culturelle personnelle dans les prises de décisions soit en matière de gouvernance ou dans la cohésion sociale en générale. Dans le cas de Madagascar, il est question de société polarisée par l’identité ethnique. Cela a fait naître les élites claniques Merina et les élites claniques côtières. Certes la considération de ces élites ethniques s’estampe au fil du temps mais elles laissent place à de nouvelles élites caractérisées par les ressortissants du secteur privé. Cela montre toujours un certain degré la personnalisation du pouvoir, des responsabilités et des décisions. Les élites économiques sont diversifiées par des groupes en compétition, ou en coopération ou directement en conflit entre eux. Une première explication de la transition doit commencer avec l’état naturel de la société. Cela impose 3 conditions selon NORTH64 :
• Les institutions, les organisations et les comportements des individus en début de la transition doivent être cohérent avec la logique de l’état naturel.
• Les changements dans les institutions, les organisations les comportements individuels qui se produisent lors des transitions à longue durée doivent être homogène avec les intérêts des membres de la coalition soit des groupes d’intérêts. Mais les résultats de ces changements peuvent être non intentionnels.
• La transition doit se produire à travers des séries de changements renforcés dans les institutions, organisations et comportements individuels tels qu’une amélioration dans l’accès soit soutenue par l’existence d’un système politique et économique.
Ainsi, l’état naturel peut très bien soutenir les caractères impersonnels autant qu’il crée des rentes par des privilèges personnels. L’état naturel est dynamique et subit des régulations dans sa structure interne en cas de changement périodique. Pour ce faire l’Etat naturel des sociétés doit prendre deux formes pour soutenir les relations impersonnelles entre les élites. Elles reposent sur les règles de droit des élites et sur les relations de perpétuation de sphères publiques et privées. La condition des règles de droit des élites stipule notamment qu’une coalition dans tout état naturel doit émaner par des individus mus par des intérêts mutuels, non individuels. Leurs interactions, les comportements doivent pouvoir être régulées par des règles, soient formelles ou informelles. Les conditions de perpétuation de cette organisation reposent sur le fait qu’aucun membre ne doit pouvoir dissoudre l’organisation. Les organes qui existent ainsi par la volonté dictatoriale d’un seul individu ou d’un leader ne sont pas perpétués à vivre à long terme. Compte tenu de tout ce qui a été dit, la situation de Madagascar requiert une coalition multiethnique relevant de tous les acteurs de et élites représentant tous les ethnies présents. Une nouvelle gestion décentralisée peut donc endiguer les contraintes culturelles relevées dans le domaine de l’investissement.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
Partie I Cadre conceptuel
Chapitre 1 : La pertinence des concepts de la culture dans les questions de développement 
Section 1 : Mise en perspective des caractéristiques du développement
1- Le point de vue libéral
2- Le point de vue néo-marxiste
3- Le Point de vue de la théorie structuraliste
Section 2 : Culture et Ethnie
1- Point de vue de WEBER
2- Concept de la culture
Chapitre 2 : Mesure de la diversité culturelle : fragmentation ethnique
Section 1 : L’indice ELF
Section 2 : La polarisation ethnique
Chapitre 3 : Les causes de sous-développement par la diversité ethnique
Section 1 : Impact de la diversité culturelle sur la politique publique
1- Impact sur la production de bien public
2- Diversité culturelle et corruption
Section 2 : Impact de la diversité culturelle sur le conflit et sur l’investissement
1- Risque de conflit
2- Impact sur le capital social
PARTIE II Cas de Madagascar
Chapitre 4 : Etat des lieux
Section 1 : Ethnicité à Madagascar
1- Les groupes ethniques présents
2- Les malagasy, une société polarisée
3- Les élites économiques en fonction de leur identité ethnique
Section 2 : Les impacts sur l’économie nationale
1- Impact sur le niveau d’investissement
2- Impact sur la Gouvernance
Chapitre 5 : Recommandation
Section 1 : Coût et bénéfice de la diversité
Section 2 : Les conditions d’un changement institutionnel
CONCLUSION
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES GRAPHIQUES
LISTE DES FIGURES
ANNEXES
ANNEXE – 1 : Les pays ayant une croissance du PIB par habitant négative, et ethniquement diversifiés
ANNEXE – 2 : Proportion de la population confrontée à des pénuries pour des besoins essentiels (nourriture, eau, médicaments)
BIBLIOGRAPHIE

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