Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Une recherche appuyée sur des constats
Lors d’un de mes premiers cours à l’ESPE, l’une de mes enseignantes nous a fait réfléchir sur la représentation que nous nous faisions de notre propre scolarité et sur notre volonté de reproduire le système éducatif que nous avions vécu ou de le modifier. J’ai toujours été plutôt une bonne élève mais je dois avouer que ce n’est pas pour autant que j’aimerai reproduire ma propre expérience scolaire. J’ai de très bons souvenirs de ma scolarité et d’autant plus de ma scolarité à l’école primaire, je me souviens pourtant aussi de mauvaises expériences. J’ai le souvenir du ventre noué à l’approche de la cantine ou de la récréation, de la peur du regard des autres parfois, que ce soit celle du professeur, ou celles d’autres élèves, de réflexions anodines et pourtant blessantes de certains enseignants à mon égard ou à l’égard de mes camarades. Tous ces souvenirs me sont revenus lors des premières semaines où j’ai pu observer mes élèves au sein de la classe et de l’école. J’ai été interpellée par tous ces moments où mes élèves passaient, d’une émotion à l’autre, tous ces moments de transition (cour de récréation, cantine, motricité) qui étaient source pour eux de grandes inquiétudes. Plusieurs de mes élèves ont été par exemple traumatisés par leurs premières expériences à la cantine notamment. Toutes la matinée durant, ils me demandaient si « c’était le jour de la cantine ». Ils semblaient incapables de penser à autre chose. Ils venaient vers moi et leurs angoisses étaient profondes et s’exprimaient même physiquement, certains tremblaient à l’heure de la cantine. Pour la plupart, ils ont bien sûr arrêté d’aller à la cantine après que j’en ai parlé avec leurs parents. Cependant, la recréation a été pendant longtemps et l’ai encore parfois, source de ces mêmes angoisses. Ces exemples sont pour moi significatifs du pouvoir nocif que peuvent avoir les émotions sur les apprentissages. Ces expériences ont été difficiles pour moi, je dois l’avouer, et m’ont beaucoup fait réfléchir. Au fil des semaines, j’ai pu continuer d’observer la profusion d’émotions que pouvait ressentir un élève de petite section ne serait-ce qu’au cours d’une journée. Je me suis rendue compte à quel point certaines frustrations, tristesses, colères ou bonheurs pouvaient envahir les élèves. Je me suis retrouvée parfois décontenancé par leurs émotions soudaines et changeantes au gré des périodes. A la fin de la première période, l’un de mes élèves notamment à commencer à avoir des attitudes agressives envers ses camarades et plus particulièrement à chaque fois qu’arrivait l’heure des retrouvailles avec ses parents. Certaines attitudes au sein de mon école m’ont amenée également à réfléchir. J’ai entendu des propos qui m’ont profondément touchée. Au bout de seulement quelques jours, j’ai pu entendre au sujet d’élèves des propos tel que « Oh ! Celui-là il n’arrive à rien », « Lui, ça se voit c’est un angoissé, de toute façon ils le sont tous dans sa famille », « Olala ! Mais qu’est-ce qu’elle pleure celle-là » etc. Ces propos étaient souvent tenus en présence même des élèves, comme si on les considérait tellement peu, qu’on finissait par penser qu’ils n’étaient pas capables de comprendre qu’on parlait d’eux.
Une recherche confortée par des enjeux professionnels
Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation, le socle commun de connaissances, compétences et de cultures, ainsi que les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique donnaient raison à mon envie de recherche. Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation établit dix compétences communes à tous les professeurs et professionnels de l’éducation ainsi que cinq compétences communes à tous les professeurs. Parmi ces cinq dernières se trouvent les deux compétences suivantes :
– Compétence 3 : Construire, mettre en oeuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves.
– Compétence 4 : Organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves.
Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui entrera en vigueur à la rentrée 2016 définit, au sein de son domaine 3 intitulé la formation de la personne et du citoyen, un certains nombres d’objectifs de connaissances et de compétences pour la maîtrise du socle commun. Parmi ces objectifs se trouve l’expression de ses sentiments et de ses émotions à l’aide d’un vocabulaire précis. Le socle commun précise que l’objectif est de préparer dès l’école maternelle les élèves à bien vivre ensemble par l’appropriation progressive des règles de la vie collective. Il nous indique que l’élève doit acquérir la capacité d’évaluer les conséquences de ses actes, et plus précisément de savoir reconnaître et nommer ses émotions, ses impressions, afin de pouvoir s’affirmer de manière constructive. Enfin, les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique, publiés au Bulletin officiel spécial n° 6 du 25 juin 2015 définit que l’enseignement moral et civique vise l’acquisition d’une culture morale et civique et d’un esprit critique ayant pour finalité le développement de dispositions permettant aux élèves de devenir progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale. Dans le cadre de cet enseignement un certains nombres de valeurs, savoirs et de pratiques sont présentés. La sensibilité y est alors introduite comme une composante essentielle de la vie morale et civique. Les nouveaux programmes précisent « [qu’]il n’y a pas de conscience morale qui ne s’émeuve, ne s’enthousiasme ou ne s’indigne. L’éducation à la sensibilité vise à mieux connaître et identifier ses sentiments et émotions, à les mettre en mots et à les discuter, et à mieux comprendre ceux d’autrui ». Certes les nouveaux programmes ont été créé pour le cycle 2 et 3, mais il me semble tout de même justifier l’introduction de cette démarche dès le cycle 1.
Les fondements de ma recherche
Désireuse de comprendre les émotions de mes élèves, et de déterminer quelle pédagogie mettre en place afin de les aider, je suis allée chercher mes réponses auprès des neurosciences affectives et sociales. Les découvertes que j’en ai tiré m’ont convaincue de l’importance de la prise en compte des émotions des élèves à l’école et m’ont amenée à réfléchir à la mise en place d’une pédagogie positive plaçant les émotions au centre de l’apprentissage.
Quelques définitions essentielles
Avant d’introduire ce que les neurosciences affectives et sociales ont démontré scientifiquement, il me semble important de préciser quelques définitions. Il est important de ne pas confondre émotions et sentiments, ils sont tous deux liés mais ne représentent pas la même chose. Une émotion étymologiquement signifie un mouvement qui sort vers l’extérieur. C’est ce qui vient de l’intérieur et qui s’exprime vers l’extérieur. C’est une réponse physiologique à une stimulation. Nos émotions constituent notre guide de survie, elles ont toutes une fonction biologique. Elles produisent alors une réaction face à la situation source (accélération du rythme cardiaque, tension des muscles etc.) et régule l’état interne de notre organisme. Ce sont les sensations que nous éprouvons lors de ces réactions qui nous renseignent sur nos émotions. Une émotion dure moins de trois minutes, et se déroule en trois étapes, la charge, la tension et la décharge. Les émotions ne sont donc pas bonnes ou mauvaises, elles sont naturelles et nous devons apprendre à les accepter. Le sentiment lui, demeure une fois l’émotion passée et peut durer très longtemps, pour s’en défaire il suffit bien souvent de l’exprimer. Le sentiment est un état affectif, il est le résultat d’une élaboration mentale. L’humeur représente l’état passager dans lequel nous nous trouvons lorsque nous n’avons pas exprimé nos émotions. Au cours de la mise en place de mon projet, je n’ai bien sûr pas envisagé d’introduire cette différence à mes élèves, mais faire la différence entre ces différents termes m’a permis d’avoir une meilleure lecture de ce que m’exprimaient mes élèves.
Le développement émotionnel au service de notre développement intellectuel
En France, nous connaissons bien les neurosciences cognitives. Ces dernières s’intéressent à nos facultés intellectuelles au niveau de notre mémoire, des apprentissages et de la réflexion. Depuis une quinzaine d’années, les neurosciences affectives et sociales ont vu le jour. Elles étudient ce qui se passe au niveau de notre cerveau lorsque nous sommes en relation avec les autres, que nous ressentons des émotions et des sentiments. Les études menées dans le cadre des neurosciences affectives et sociales ont permis de mettre en lumière que l’intelligence de l’Homme ne dépend pas seulement de facultés intellectuelles mais également que toutes rencontres, toutes expériences émotionnelles transforment en profondeur, et de façon globale, notre cerveau affectif et intellectuel.
Un quotient émotionnel aussi important que le quotient intellectuel
Depuis près d’un siècle, notre société a été marquée par ce que Howard Gardner appelle la « tyrannie du QI ». Le quotient intellectuel sonnait le glas de l’état de notre intelligence comme s’il n’existait qu’une seule et unique forme d’intelligence qui permettrait de prédire notre succès futur. Le quotient intellectuel était perçu dans nos écoles et nos cultures comme la clef de la réussite, de la prospérité et du bonheur. Pourtant de nombreuses études menées auprès d’une large population ont démontrés qu’à QI égal, il existait une forte diversité des destinées des individus, et que les individus ayant les QI les plus élevées n’étaient pas forcément ceux qui réussissaient le mieux que ce soit en termes de salaire, de statut professionnel ou de vie privé, et cela pour la simple et bonne raison qu’un QI élevé n’apprend pas à l’individu à affronter les épreuves de la vie. Les neurosciences affectives et sociales ont mis en lumière le rôle essentiel de notre quotient émotionnel sur notre intelligence. En effet, lorsque deux individus ont des capacités intellectuelles comparables, c’est la maîtrise de l’intelligence émotionnelle qui explique souvent pourquoi un individu réussit mieux qu’un autre. Les personnes empathiques, capables de reconnaitre et de comprendre les émotions et sentiments d’autrui et de composer avec ces derniers seront avantagées dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine privé, comme dans leur vie professionnelle. De plus, alors que notre quotient intellectuel ne se modifiera pas en fonction de nos expériences ou de notre éducation, l’intelligence émotionnelle, pour sa part, s’acquière et se nourrit d’elles.
Ainsi grâce aux neurosciences affectives et sociales, nous sommes désormais capables de dire que non seulement notre intelligence ne dépend pas de quelque chose d’inné et d’immuable, mais elles nous amènent la preuve que plus le cerveau est stimulé et de manières différentes, plus il se développe. Nous sommes désormais capables de prouver que le développement de notre cerveau dépend de processus génétiques et environnementaux (social et nutritionnel). On dit que le développement de notre cerveau dépend de l’épigénétique. Les expériences vécues par l’individu, modifient le développement de notre cerveau, modifient nos gènes.
Les principaux mécanismes au service des apprentissages
Les neurosciences cognitives, affectives et sociales ont permis de dégager les trois principaux mécanismes favorisant les apprentissages : la plasticité cérébrale, les fonctions exécutives et l’étayage bienveillant de l’entourage.
La composition et le développement de notre cerveau
Nous pouvons décomposer notre cerveau en trois grandes parties. Le cerveau archaïque est celui que nous partageons en commun avec les reptiles. C’est lui qui gère nos fonctions primaires (notre respiration, notre rythme cardiaque etc.). Face au danger, il déclenche des comportements instinctifs qui assurent notre survie et nous font attaquer, fuir, ou nous mettre dans un état de sidération. Le cerveau émotionnel, est celui que nous partageons avec tous les mammifères. Il est aussi appelé « système limbique » et est le fief de nos émotions. Le cerveau émotionnel est constitué de différentes structures comme l’amygdale et l’hippocampe qui sont toutes deux directement liées aux mécanismes d’apprentissages. Le cerveau supérieur appelé également le néocortex est celui que nous partageons avec les grands primates. Il représente 95% de notre volume cérébral. Le néocortex tempère les émotions ressenties par le cerveau émotionnel, et les instincts de survie générés par le cerveau archaïque. Le néocortex tient un rôle très important au niveau de l’apprentissage et de la mémoire, il est extrêmement lié à l’émotion. Il est composé de plusieurs lobes dont le lobe préfrontal. Le lobe préfrontal est ce qui nous distingue des grands primates. Il nous permet de réfléchir, de raisonner, d’imaginer, de créer, de résoudre des problèmes, avoir une conscience de soi et de l’empathie. Le développement du cerveau se déroule durant les cinq premières années de la vie et la maturation de certaines parties de notre cerveau se termine à l’âge de vingt-cinq ans. Cependant notre cerveau reste malléable tout au long de notre vie, et cela est dû à la plasticité cérébrale. En effet nos trois cerveaux sont interconnectés, ils fonctionnent ensemble et ont une caractéristique commune, la plasticité cérébrale. Notre cerveau est composé de milliards de neurones. Les informations passent d’un neurone à l’autre par un processus chimique et électrique. La plasticité cérébrale est un processus de création, de renforcement et d’élimination de connexions synaptiques (connexions entre deux neurones) en fonction de la fréquence des expériences vécues. La plasticité cérébrale est à son apogée entre zéro et cinq ans et se continue tout au long de la vie mais avec beaucoup moins de puissance. Au cours de ce processus le cerveau conserve les connexions des expériences les plus fréquentes. Ainsi les connexions synaptiques correspondant aux expériences les plus fréquentées se renforceront quand celles, correspondant aux expériences les moins rencontrés, se rompront. Cette plasticité cérébrale est donc à la fois une véritable opportunité mais aussi une véritable vulnérabilité.
Les structures neuronales participant au développement émotionnel et intellectuel
Jusqu’à cinq ans, nous l’avons vu, le cerveau de l’enfant est particulièrement immature. Le cortex préfrontal (notamment le cortex orbitofrontal), l’amygdale et l’hippocampe ne sont pas arrivés à maturation. Or, comme je l’exposais plus tôt, ces trois structures cérébrales sont directement liées à la gestion de nos émotions et à la mise en place de nos apprentissages. En effet, nous savons que la mémoire et l’apprentissage sont intimement liés. Or, nous avons deux systèmes de mémoire, la mémoire implicite (inconsciente) et la mémoire explicite (consciente). L’amygdale cérébrale, est le fief de la mémoire implicite. C’est elle qui déclenche la sécrétion des molécules de stress. Elle stock tous les souvenirs que l’enfant a vécus mais de façon inconsciente et à long terme. La mémoire explicite, consciente, dépend de l’hippocampe et du cortex préfrontal. L’hippocampe transforme le contenu de notre mémoire de travail (mémoire en jeu dans les fonctions exécutives) en mémoire à long terme. L’amygdale cérébrale est mature dès la naissance, ce qui n’est pas le cas ni de l’hippocampe, ni du cortex préfrontal. Or ce sont l’hippocampe et le cortex préfrontal qui nous permettent de gérer nos émotions et qui sont le siège de nos fonctions exécutives. L’hippocampe qui transforme notre mémoire de travail en mémoire à long terme a une place centrale dans la mémoire et l’apprentissage. L’apogée du développement neuronal de l’hippocampe se déroule entre trois et cinq ans. Les fonctions exécutives sont les fonctions essentielles de notre intelligence. Ce sont elles qui nous permettent qui sont en jeu dans n’importe quel apprentissage et nous permette d’agir de façon organisée pour effectuer une action quelle qu’elle soit. Les trois principales fonctions exécutives sont la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur, et la flexibilité cognitive. La mémoire de travail est le temps court qui nous permet de planifier des actions et de les garder en mémoire. Le contrôle inhibiteur nous permet d’inhiber nos gestes, nos émotions et nous permet de rester concentrés sur la tâche jusqu’au bout. La flexibilité cognitive nous permet de détecter une erreur et de réajuster afin d’atteindre notre objectif. Les fonctions exécutives permettent donc non seulement d’installer les apprentissages mais elles sont également en jeu dans la gestion de nos émotions. La période de grand développement des fonctions exécutives situées dans le cortex préfrontal se déroule entre trois et cinq ans. Durant cette période l’enfant désire de plus en plus faire seul. En faisant seul, il sollicite sa mémoire de travail, il va également solliciter le contrôle inhibiteur afin de contrôler ses gestes, sa frustration et ses émotions, enfin il va entraîner sa flexibilité cognitive afin de détecter ses erreurs pour réajuster ses gestes et son action. Le contrôle inhibiteur est celui qui va être le plus difficile à acquérir pour l’enfant. Entre trois et cinq ans, seule l’amygdale est mature, à la différence de l’hippocampe et du cortex préfrontal qui nous aident à gérer nos émotions, et à les inhiber. De plus le cortex orbitofrontal situé dans notre cortex préfrontal et dévoué à la régulation de nos émotions commence une poussée de croissance neuronale seulement vers cinq ans. Or c’est le cortex orbitofrontal qui nous permet d’avoir de l’empathie, qui régule l’amygdale (centre de la peur et du stress), et qui est le siège de notre sens moral. Le cortex orbitofrontal n’arrive à maturation qu’à vingt-cinq ans. Et c’est seulement vers l’âge de cinq, six ans que l’enfant commence à pouvoir contrôler ses émotions. Avant cet âge, le cerveau archaïque et émotionnel domine. L’enfant va vivre de véritables tempêtes émotionnelles qu’il ne peut pas traverser seul, son cerveau n’y étant pas préparé. Ses chagrins, ses angoisses, ses colères seront donc immenses pour lui. L’environnement social, la façon dont l’adulte va accueillir les émotions de l’enfant et l’aider ou non à les traverser vont être des éléments déterminants sur le développement de son cerveau intellectuel et émotionnel. En effet, il est facile de voir à quel point émotions et apprentissages sont liés, les mêmes structures cérébrales étant concernées. De plus, les neurosciences affectives et sociales, nous ont permis de voir à quel point l’attitude bienveillante ou non de l’adulte jouait un rôle primordial sur le développement des mécanismes neuronaux, allant jusqu’à agir sur le volume de certaines structures de notre cerveau émotionnel et intellectuel.
L’influence de l’attitude de l’adulte sur le développement du cerveau de l’enfant
Le développement de notre cerveau dépend de l’épigénétique. Les expériences vécues par l’individu, modifient le développement de notre cerveau, modifient nos gènes. Durant l’élagage synaptique qui se déroule dans sa majeure partie entre trois et cinq ans, le cerveau va conserver et renforcer les connexions synaptiques correspondant aux expériences rencontrées le plus fréquemment et va rompre les connexions synaptiques correspondant aux expériences les moins vécues. Les neurosciences affectives et sociales ont démontré de façon sûre, les effets néfastes du stress provoqué par certaines émotions et les effets bénéfique de la bienveillance, et de l’empathie.
Les effets néfastes du stress sur le développement du cerveau
L’enfant petit ne peut pas contrôler ses émotions. Ses structures et ses réseaux cérébraux ne sont pas encore matures et la partie du cortex (le cortex orbitofrontal) lui permettant de gérer ses émotions commencera à murir seulement entre cinq et sept ans. Les connexions entre le cerveau émotionnel et le cerveau rationnel ne sont pas encore présentes. Jusqu’à cinq, six ans, l’enfant va être sujet à de véritables tempêtes émotionnelles. Si l’adulte n’accueille pas les émotions de l’enfant, s’il ne l’aide à les gérer et à les comprendre, l’enfant va sécréter la molécule du stress appelé le cortisol. Cette molécule de survie tend nos muscles pour fuir ou nous cacher mais lorsque la sécrétion de cortisol est trop importante cette molécule se révèle être un véritable poison pour le développement de notre cerveau. Le cortisol stimule l’amygdale. Elle devient alors dominante. Le stress, surtout dans cette période de la petite enfance où le cerveau de l’enfant est si malléable, détruit par la suite des neurones dans l’hippocampe. Le cortisol sécrété va freiner la multiplication des neurones, puis va les détruire. L’enfant petit, dominé par son amygdale ne comprend pas ce qui lui arrive, il ne le réalise pas et n’arrive pas à mettre de mots sur ses émotions et ses sentiments. Si l’adulte ne l’y aide pas, il stresse. Et un enfant stressé par ce que lui ont dit ses parents le matin, par la cantine, par la cour de récréation, par son entourage, ne va pas apprendre. Rappelons-le, la mémoire et l’apprentissage sont intimement liés. De plus, aider l’enfant à se calmer lui permet de mieux gérer ses émotions mais également de développer son cortex préfrontal qui rappelons-le est le siège des fonctions exécutives. Le cortex préfrontal qui gère toutes les fonctions cognitives supérieures comme les fonctions exécutives, est non seulement immature, lors de la petite enfance, mais il est également le plus vulnérable au stress. Un stress répété et prolongé endommage donc directement ces fonctions exécutives. L’environnement dans lequel l’enfant évolue est intimement lié à la quantité et le futur de ses neurones et de leurs connexions. Il est donc très néfaste de faire peur à un enfant, ses structures cérébrales qui apaisent la peur n’étant pas totalement fonctionnelles. De même, la violence envers un enfant qu’elle soit physique ou psychologique (humiliation, réprimande violente) va empêcher la maturation du cerveau et des circuits cérébraux. En 2011, Emil Coccaro, professeur de psychiatrie à l’université de Chicago, a démontré sur une large population d’adultes violents l’hypoactivité de leur cortex préfrontal qui permet de contrôler les émotions. Martin Teicher à quant à lui montré que la violence verbale, et physique diminue le volume de l’hippocampe. Bruce Mac Ewen a prouvé que le stress empêchait d’apprendre. Le stress en classe et à la maison peut donc très aisément rendre difficiles les apprentissages, et si ce dernier est trop souvent présent dans l’environnement du jeune enfant, il peut même les altérer de manière durable. A l’inverse les neurosciences ont réussi à démontrer le pouvoir incroyable que pouvait avoir une attitude bienveillante et empathique sur le développement de notre cerveau.
Les effets bénéfiques de la bienveillance
L’être humain est un être social qui a besoin de l’étayage bienveillant pour épanouir sa plasticité cérébrale et ses fonctions exécutives. L’intelligence s’épanouie par le lien social. Lorsque nous tissons des relations tout notre cerveau est bien sûr en activité. Cependant certaines zones de notre cerveau sont plus sollicitées que d’autres, ce qui est le cas de l’amygdale, de l’hippocampe, du cortex préfrontal et plus précisément du cortex orbitofrontal. Nous retrouvons une fois de plus ces mêmes structures cérébrales. Allan Schore, fondateur des neurosciences affectives et sociales explique que le développement du cortex orbitofrontal dépend des expériences vécues sur les enfants et que tous les dysfonctionnements émotionnels sont localisés dans ce cortex. Cette structure cérébrale est très précieuse. C’est elle qui détermine notre capacité à l’empathie, à la régulation de nos émotions, et au développement de notre capacité morale. Une poussée de croissance neuronale multiplie le circuit neuronal du cortex orbitofrontal entre cinq et sept ans, ce qui prouve l’importance d’être particulièrement attentif à cette période. De nombreuses études ont été menées sur les effets d’une attitude bienveillante et empathique sur le développement de notre cerveau. Joan Luby, professeur de psychiatrie a pu ainsi démontrer que l’hippocampe augmentait de volume lorsqu’on adoptait une attitude bienveillante. La bienveillance favorise donc non seulement son développement mais engendre donc des souvenirs d’expériences empathiques dans notre mémoire consciente. De plus, le contact doux, sécrète de l’ocytocine qui est la molécule de l’amitié et de l’amour et qui procure du bien-être. Elle est sécrétée dans notre cerveau lors de contacts humains et d’expériences sensorielles agréables. Cette molécule aide à percevoir les émotions, et diminue bien sûr le stress. L’ocytocine est la molécule de la coopération. Dès que nous sommes bienveillants, nous favorisons la production d’ocytocine qui déclenche de la dopamine (molécule de la motivation), des endorphines (sensation de bien-être) et la sérotonine (stabilisateur de l’humeur). C’est également l’ocytocine qui nous permet d’être empathiques. Le stress, la compétitivité, la comparaison va bloquer la sécrétion d’ocytocine et donc la dopamine. Si les enfants sont dans un environnement autoritaire, si quotidiennement ils vivent parmi les reproches, les humiliations, le stress, ils ne peuvent plus être motivés et donc apprendre. Au contraire, si son environnement est calme, bienveillant et empathique, il apprendra avec confiance et déterminisme. Le rôle de l’adulte auprès de l’enfant en pleine maturation de ces structures cérébrales semble donc essentiel. L’adulte participe à la construction et au développement du cerveau émotionnel et intellectuel de l’enfant, et cela est accentué par le mécanisme des neurones miroirs, exposé plus loin.
L’adulte un modèle pour l’enfant
L’adulte est un véritable modèle pour l’enfant. Il est non seulement responsable de l’environnement dans lequel va vivre l’enfant qui va renforcer ou affaiblir ses structures cérébrales mais il constitue également un modèle pour l’enfant par le mécanisme des neurones miroirs. Les neurones miroirs font que l’on imite les gestes et les comportements de l’autre. Dès qu’on observe un comportement, les neurones miroirs dans notre cerveau reproduisent ce comportement, sans pour autant le reproduire physiquement. Cela veut dire que lorsque nous sommes violents, l’enfant apprend la violence par les neurones miroirs. Il apprend ainsi de la même façon les gestes d’empathie et de bienveillance. Les neurones miroirs rendent les émotions et les comportements contagieux. L’enfant apprend par modélisation pour structurer ces circuits neuronaux, c’est ce que Lev Vygostki appelle la zone proximale de développement. Chaque fois que l’enfant observe notre façon de traverser nos difficultés émotionnelles, il le modélise et renforce les circuits neuronaux correspondant à ces expériences. La relation idéale pour que le cerveau se développe bien est une relation empathique, et de soutien. Lorsque l’on exprime ses émotions cela apaise et régule le cerveau émotionnel. Le stress qui amène l’amygdale à secréter du cortisol va être apaisé par la simple expression de ces émotions. La connexion avec nos émotions est fondamentale pour se connaître, pour pouvoir être auto-empathique afin de pouvoir être empathique avec les autres mais aussi pour faire les choix qui nous correspondent. Antoine Damasio a découvert, grâce à des patients victimes de graves accidents ayant altéré leur structure cérébrale émotionnelle, qu’ils n’étaient plus capables de faire les choix essentiels de la vie alors que leur QI était intact. C’est trois choix sont celui de choisir son conjoint, choisir son métier et choisir son lieu de vie. Ces patients n’étaient plus connectés à leurs émotions. Il est absolument nécessaire de gérer ses émotions quand elles sont trop intenses. C’est pourquoi il est nécessaire d’adopter une attitude qui permette à l’enfant, dont le cerveau est encore trop immature pour le faire, d’exprimer ses émotions, de mettre des mots dessus et de les dompter. Il faut donc que l’adulte aide l’enfant à maîtriser ses émotions. Pour cela, l’attitude idéale de l’adulte est avant tout d’accueillir les émotions de l’enfant, et ce par une attitude empathique. C’est en adoptant une attitude empathique que l’enfant par modélisme le reproduira. Une attitude empathique passe par des gestes doux, une voix calme, apaisante, et un regard compréhensif. Ainsi l’adulte aide le cerveau de l’enfant à devenir mature, il permet la connexion synaptique de ses neurones et le processus de modélisation. Par la suite, il l’aide à faire face à ses émotions, à mettre des mots dessus. Il faut qu’il lui propose des mots qui semblent exprimer l’émotion et les sentiments qu’il traverse et de lui demander s’il est d’accord avec ces mots. Il participe ainsi au bon développement des zones de son cerveau permettant de gérer ses émotions. L’étayage bienveillant, déclenche donc un véritable cercle vertueux. La relation bienveillante et personnalisée à chaque enfant fait évoluer son cortex préfrontal, mais aussi le cortex orbitofrontal qui permet de mieux comprendre les émotions de l’autre. Ce cortex permet de faire des choix en évaluant les différentes possibilités offertes et d’en choisir la meilleure, c’est également lui qui forge notre sens moral et éthique. Cela a aussi un impact sur le développement de l’hippocampe (fief de la mémoire) qui fleurit alors de connexions synaptiques. Une fois que l’on a pris connaissance de tout cela, comment avoir envie d’autre chose dans sa classe que de mettre en place des méthodes d’enseignements excluant complètement la peur, le stress et mettant au centre des apprentissages la bienveillance et l’empathie.
Le développement émotionnel au service de notre développement intellectuel
En France, nous connaissons bien les neurosciences cognitives. Ces dernières s’intéressent à nos facultés intellectuelles au niveau de notre mémoire, des apprentissages et de la réflexion. Depuis une quinzaine d’années, les neurosciences affectives et sociales ont vu le jour. Elles étudient ce qui se passe au niveau de notre cerveau lorsque nous sommes en relation avec les autres, que nous ressentons des émotions et des sentiments. Les études menées dans le cadre des neurosciences affectives et sociales ont permis de mettre en lumière que l’intelligence de l’Homme ne dépend pas seulement de facultés intellectuelles mais également que toutes rencontres, toutes expériences émotionnelles transforment en profondeur, et de façon globale, notre cerveau affectif et intellectuel.
Un quotient émotionnel aussi important que le quotient intellectuel
Depuis près d’un siècle, notre société a été marquée par ce que Howard Gardner appelle la « tyrannie du QI ». Le quotient intellectuel sonnait le glas de l’état de notre intelligence comme s’il n’existait qu’une seule et unique forme d’intelligence qui permettrait de prédire notre succès futur. Le quotient intellectuel était perçu dans nos écoles et nos cultures comme la clef de la réussite, de la prospérité et du bonheur. Pourtant de nombreuses études menées auprès d’une large population ont démontrés qu’à QI égal, il existait une forte diversité des destinées des individus, et que les individus ayant les QI les plus élevées n’étaient pas forcément ceux qui réussissaient le mieux que ce soit en termes de salaire, de statut professionnel ou de vie privé, et cela pour la simple et bonne raison qu’un QI élevé n’apprend pas à l’individu à affronter les épreuves de la vie. Les neurosciences affectives et sociales ont mis en lumière le rôle essentiel de notre quotient émotionnel sur notre intelligence. En effet, lorsque deux individus ont des capacités intellectuelles comparables, c’est la maîtrise de l’intelligence émotionnelle qui explique souvent pourquoi un individu réussit mieux qu’un autre. Les personnes empathiques, capables de reconnaitre et de comprendre les émotions et sentiments d’autrui et de composer avec ces derniers seront avantagées dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine privé, comme dans leur vie professionnelle. De plus, alors que notre quotient intellectuel ne se modifiera pas en fonction de nos expériences ou de notre éducation, l’intelligence émotionnelle, pour sa part, s’acquière et se nourrit d’elles.
Ainsi grâce aux neurosciences affectives et sociales, nous sommes désormais capables de dire que non seulement notre intelligence ne dépend pas de quelque chose d’inné et d’immuable, mais elles nous amènent la preuve que plus le cerveau est stimulé et de manières différentes, plus il se développe. Nous sommes désormais capables de prouver que le développement de notre cerveau dépend de processus génétiques et environnementaux (social et nutritionnel). On dit que le développement de notre cerveau dépend de l’épigénétique. Les expériences vécues par l’individu, modifient le développement de notre cerveau, modifient nos gènes.
Les principaux mécanismes au service des apprentissages
Les neurosciences cognitives, affectives et sociales ont permis de dégager les trois principaux mécanismes favorisant les apprentissages : la plasticité cérébrale, les fonctions exécutives et l’étayage bienveillant de l’entourage.
La composition et le développement de notre cerveau
Nous pouvons décomposer notre cerveau en trois grandes parties. Le cerveau archaïque est celui que nous partageons en commun avec les reptiles. C’est lui qui gère nos fonctions primaires (notre respiration, notre rythme cardiaque etc.). Face au danger, il déclenche des comportements instinctifs qui assurent notre survie et nous font attaquer, fuir, ou nous mettre dans un état de sidération. Le cerveau émotionnel, est celui que nous partageons avec tous les mammifères. Il est aussi appelé « système limbique » et est le fief de nos émotions. Le cerveau émotionnel est constitué de différentes structures comme l’amygdale et l’hippocampe qui sont toutes deux directement liées aux mécanismes d’apprentissages. Le cerveau supérieur appelé également le néocortex est celui que nous partageons avec les grands primates. Il représente 95% de notre volume cérébral. Le néocortex tempère les émotions ressenties par le cerveau émotionnel, et les instincts de survie générés par le cerveau archaïque. Le néocortex tient un rôle très important au niveau de l’apprentissage et de la mémoire, il est extrêmement lié à l’émotion. Il est composé de plusieurs lobes dont le lobe préfrontal. Le lobe préfrontal est ce qui nous distingue des grands primates. Il nous permet de réfléchir, de raisonner, d’imaginer, de créer, de résoudre des problèmes, avoir une conscience de soi et de l’empathie. Le développement du cerveau se déroule durant les cinq premières années de la vie et la maturation de certaines parties de notre cerveau se termine à l’âge de vingt-cinq ans. Cependant notre cerveau reste malléable tout au long de notre vie, et cela est dû à la plasticité cérébrale. En effet nos trois cerveaux sont interconnectés, ils fonctionnent ensemble et ont une caractéristique commune, la plasticité cérébrale. Notre cerveau est composé de milliards de neurones. Les informations passent d’un neurone à l’autre par un processus chimique et électrique. La plasticité cérébrale est un processus de création, de renforcement et d’élimination de connexions synaptiques (connexions entre deux neurones) en fonction de la fréquence des expériences vécues. La plasticité cérébrale est à son apogée entre zéro et cinq ans et se continue tout au long de la vie mais avec beaucoup moins de puissance. Au cours de ce processus le cerveau conserve les connexions des expériences les plus fréquentes. Ainsi les connexions synaptiques correspondant aux expériences les plus fréquentées se renforceront quand celles, correspondant aux expériences les moins rencontrés, se rompront. Cette plasticité cérébrale est donc à la fois une véritable opportunité mais aussi une véritable vulnérabilité.
Les structures neuronales participant au développement émotionnel et intellectuel
Jusqu’à cinq ans, nous l’avons vu, le cerveau de l’enfant est particulièrement immature. Le cortex préfrontal (notamment le cortex orbitofrontal), l’amygdale et l’hippocampe ne sont pas arrivés à maturation. Or, comme je l’exposais plus tôt, ces trois structures cérébrales sont directement liées à la gestion de nos émotions et à la mise en place de nos apprentissages. En effet, nous savons que la mémoire et l’apprentissage sont intimement liés. Or, nous avons deux systèmes de mémoire, la mémoire implicite (inconsciente) et la mémoire explicite (consciente). L’amygdale cérébrale, est le fief de la mémoire implicite. C’est elle qui déclenche la sécrétion des molécules de stress. Elle stock tous les souvenirs que l’enfant a vécus mais de façon inconsciente et à long terme. La mémoire explicite, consciente, dépend de l’hippocampe et du cortex préfrontal. L’hippocampe transforme le contenu de notre mémoire de travail (mémoire en jeu dans les fonctions exécutives) en mémoire à long terme. L’amygdale cérébrale est mature dès la naissance, ce qui n’est pas le cas ni de l’hippocampe, ni du cortex préfrontal. Or ce sont l’hippocampe et le cortex préfrontal qui nous permettent de gérer nos émotions et qui sont le siège de nos fonctions exécutives. L’hippocampe qui transforme notre mémoire de travail en mémoire à long terme a une place centrale dans la mémoire et l’apprentissage. L’apogée du développement neuronal de l’hippocampe se déroule entre trois et cinq ans. Les fonctions exécutives sont les fonctions essentielles de notre intelligence. Ce sont elles qui nous permettent qui sont en jeu dans n’importe quel apprentissage et nous permette d’agir de façon organisée pour effectuer une action quelle qu’elle soit. Les trois principales fonctions exécutives sont la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur, et la flexibilité cognitive. La mémoire de travail est le temps court qui nous permet de planifier des actions et de les garder en mémoire. Le contrôle inhibiteur nous permet d’inhiber nos gestes, nos émotions et nous permet de rester concentrés sur la tâche jusqu’au bout. La flexibilité cognitive nous permet de détecter une erreur et de réajuster afin d’atteindre notre objectif. Les fonctions exécutives permettent donc non seulement d’installer les apprentissages mais elles sont également en jeu dans la gestion de nos émotions. La période de grand développement des fonctions exécutives situées dans le cortex préfrontal se déroule entre trois et cinq ans. Durant cette période l’enfant désire de plus en plus faire seul. En faisant seul, il sollicite sa mémoire de travail, il va également solliciter le contrôle inhibiteur afin de contrôler ses gestes, sa frustration et ses émotions, enfin il va entraîner sa flexibilité cognitive afin de détecter ses erreurs pour réajuster ses gestes et son action. Le contrôle inhibiteur est celui qui va être le plus difficile à acquérir pour l’enfant. Entre trois et cinq ans, seule l’amygdale est mature, à la différence de l’hippocampe et du cortex préfrontal qui nous aident à gérer nos émotions, et à les inhiber. De plus le cortex orbitofrontal situé dans notre cortex préfrontal et dévoué à la régulation de nos émotions commence une poussée de croissance neuronale seulement vers cinq ans. Or c’est le cortex orbitofrontal qui nous permet d’avoir de l’empathie, qui régule l’amygdale (centre de la peur et du stress), et qui est le siège de notre sens moral. Le cortex orbitofrontal n’arrive à maturation qu’à vingt-cinq ans. Et c’est seulement vers l’âge de cinq, six ans que l’enfant commence à pouvoir contrôler ses émotions. Avant cet âge, le cerveau archaïque et émotionnel domine. L’enfant va vivre de véritables tempêtes émotionnelles qu’il ne peut pas traverser seul, son cerveau n’y étant pas préparé. Ses chagrins, ses angoisses, ses colères seront donc immenses pour lui. L’environnement social, la façon dont l’adulte va accueillir les émotions de l’enfant et l’aider ou non à les traverser vont être des éléments déterminants sur le développement de son cerveau intellectuel et émotionnel. En effet, il est facile de voir à quel point émotions et apprentissages sont liés, les mêmes structures cérébrales étant concernées. De plus, les neurosciences affectives et sociales, nous ont permis de voir à quel point l’attitude bienveillante ou non de l’adulte jouait un rôle primordial sur le développement des mécanismes neuronaux, allant jusqu’à agir sur le volume de certaines structures de notre cerveau émotionnel et intellectuel.
L’influence de l’attitude de l’adulte sur le développement du cerveau de l’enfant
Le développement de notre cerveau dépend de l’épigénétique. Les expériences vécues par l’individu, modifient le développement de notre cerveau, modifient nos gènes. Durant l’élagage synaptique qui se déroule dans sa majeure partie entre trois et cinq ans, le cerveau va conserver et renforcer les connexions synaptiques correspondant aux expériences rencontrées le plus fréquemment et va rompre les connexions synaptiques correspondant aux expériences les moins vécues. Les neurosciences affectives et sociales ont démontré de façon sûre, les effets néfastes du stress provoqué par certaines émotions et les effets bénéfique de la bienveillance, et de l’empathie.
Les effets néfastes du stress sur le développement du cerveau
L’enfant petit ne peut pas contrôler ses émotions. Ses structures et ses réseaux cérébraux ne sont pas encore matures et la partie du cortex (le cortex orbitofrontal) lui permettant de gérer ses émotions commencera à murir seulement entre cinq et sept ans. Les connexions entre le cerveau émotionnel et le cerveau rationnel ne sont pas encore présentes. Jusqu’à cinq, six ans, l’enfant va être sujet à de véritables tempêtes émotionnelles. Si l’adulte n’accueille pas les émotions de l’enfant, s’il ne l’aide à les gérer et à les comprendre, l’enfant va sécréter la molécule du stress appelé le cortisol. Cette molécule de survie tend nos muscles pour fuir ou nous cacher mais lorsque la sécrétion de cortisol est trop importante cette molécule se révèle être un véritable poison pour le développement de notre cerveau. Le cortisol stimule l’amygdale. Elle devient alors dominante. Le stress, surtout dans cette période de la petite enfance où le cerveau de l’enfant est si malléable, détruit par la suite des neurones dans l’hippocampe. Le cortisol sécrété va freiner la multiplication des neurones, puis va les détruire. L’enfant petit, dominé par son amygdale ne comprend pas ce qui lui arrive, il ne le réalise pas et n’arrive pas à mettre de mots sur ses émotions et ses sentiments. Si l’adulte ne l’y aide pas, il stresse. Et un enfant stressé par ce que lui ont dit ses parents le matin, par la cantine, par la cour de récréation, par son entourage, ne va pas apprendre. Rappelons-le, la mémoire et l’apprentissage sont intimement liés. De plus, aider l’enfant à se calmer lui permet de mieux gérer ses émotions mais également de développer son cortex préfrontal qui rappelons-le est le siège des fonctions exécutives. Le cortex préfrontal qui gère toutes les fonctions cognitives supérieures comme les fonctions exécutives, est non seulement immature, lors de la petite enfance, mais il est également le plus vulnérable au stress. Un stress répété et prolongé endommage donc directement ces fonctions exécutives. L’environnement dans lequel l’enfant évolue est intimement lié à la quantité et le futur de ses neurones et de leurs connexions. Il est donc très néfaste de faire peur à un enfant, ses structures cérébrales qui apaisent la peur n’étant pas totalement fonctionnelles. De même, la violence envers un enfant qu’elle soit physique ou psychologique (humiliation, réprimande violente) va empêcher la maturation du cerveau et des circuits cérébraux. En 2011, Emil Coccaro, professeur de psychiatrie à l’université de Chicago, a démontré sur une large population d’adultes violents l’hypoactivité de leur cortex préfrontal qui permet de contrôler les émotions. Martin Teicher à quant à lui montré que la violence verbale, et physique diminue le volume de l’hippocampe. Bruce Mac Ewen a prouvé que le stress empêchait d’apprendre. Le stress en classe et à la maison peut donc très aisément rendre difficiles les apprentissages, et si ce dernier est trop souvent présent dans l’environnement du jeune enfant, il peut même les altérer de manière durable. A l’inverse les neurosciences ont réussi à démontrer le pouvoir incroyable que pouvait avoir une attitude bienveillante et empathique sur le développement de notre cerveau.
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Table des matières
Titre 1 : Le cheminement et les fondements théoriques de la mise en place d’une pédagogie positive donnant aux émotions une place centrale
1. Les origines de ma recherche
1.1 Une recherche liée aux enjeux de la petite section
1.2 Une recherche appuyée sur des constats
1.3 Une recherche confortée par des enjeux professionnels
2. Les fondements de ma recherche
2.1 Quelques définitions essentielles
2.2 Le développement émotionnel au service de notre développement intellectuel
A. Un quotient émotionnel aussi important que le quotient intellectuel
B. Les principaux mécanismes au service des apprentissages
a. La composition et le développement de notre cerveau
b. Les structures neuronales participant au développement émotionnel et intellectuel
a. L’influence de l’attitude sur le développement du cerveau de l’enfant
b. Les effets néfastes du stress sur le développement du cerveau
c. Les effets bénéfiques de la bienveillance
C. L’adulte un modèle pour l’enfant
2.3 La mise en place d’un pédagogie positive réintroduisant les émotions au centre de l’apprentissage
Titre 2 : La démarche pédagogique
1. Le contexte de la classe
2. Nécessité d’une ambiance de classe bienveillante
3. Préalable à la mise en place du projet
4. La mise en place du projet
4.1 Des lectures supports
4.2 Des propositions quotidiennes permettant aux élèves d’exprimer leurs émotions
4.3 Projet du tableau de nos émotions
5. Analyse
5.1 Des multiples activités nourrissantes
5.2 Un moment privilégié avec chaque élève : la boîte des émotions
5.3 Un portrait source de fierté
5.4 Un projet qui demande un travail sur soi et une mise en application permanente
5.5 Une évaluation difficile
6. Pour aller plus loin
Conclusion
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