Le développement des Bilatériens

Régulation du développement

Le développement des Bilatériens

Les Bilatériens regroupent des animaux pluricellulaires présentant une large diversité morphologique. Ce groupe monophylétique se définit par des organismes présentant une symétrie bilatérale aux stades adultes ou larvaires, mais aussi par la présence de trois feuillets cellulaires lors de l’embryogenèse et une concentration des organes des sens et de préhension en position antérieure de l’organisme. A ces caractéristiques morphologiques s’ajoutent des caractéristiques moléculaires avec, par exemple, les gènes homéotiques qui définissent le plan d’organisation des animaux bilatériens lors du développement (Baguñà et al., 2008). Ce groupe se divise en deux clades les Deutérostomiens et Protostomiens anciennement définis selon que se forme en premier l’anus ou la bouche, respectivement (Martín-Durán et al., 2012).

Les Deutérostomiens regroupent les Échinodermes, les Hémichordés et les Chordés. Ce dernier, caractérisé par la présence d’un tube squelettique le long de l’axe antéro-postérieur appelée notochorde, comprend les Vertébrés. Les Protostomiens incluent des espèces regroupées sous les termes Spiraliens et Ecdysozoaires. Les Ecdysozoaires rassemblent notamment les Arthropodes qui possèdent un corps segmenté recouvert d’un exosquelette et les Nématodes. Les Spiraliens, dont font partie les Mollusques, sont nommés ainsi car la segmentation des cellules de l’embryon se définit par un clivage en spirale (Martín-Durán et Marlétaz, 2020).

La gamétogenèse et la fécondation 

Chez les Bilatériens, le développement de l’organisme passe par une succession d’étapes conservées au cours de l’évolution. En cas de reproduction sexuée, le développement des Bilatériens implique la formation de cellules reproductrices ou gamètes chez les parents. Ce processus nommé gamétogenèse permet la formation de gamètes femelles, les ovocytes, et de gamètes mâles, les spermatozoïdes .

La gamétogenèse est un processus très précoce du développement des Bilatériens pendant lequel la différenciation cellulaire résulte en la production des cellules souches germinales à partir desquelles se forme la lignée germinale (Saffman et Lasko, 1999). La mise en place de cette lignée passe par une première phase de multiplication des cellules diploïdes. Après une succession de mitoses, les cellules entrent dans une phase d’accroissement cellulaire au cours de laquelle le volume de la cellule augmente et l’ADN est dupliqué pour préparer la méiose. La première division de la méiose, dite réductionnelle, engendre la ségrégation des chromosomes homologues. La seconde, dite équationnelle, consiste en une scission des centromères et la séparation des chromatides sœurs, qui constitueront les chromosomes individuels du gamète haploïde. Pour l’ovocyte, cette seconde division méiotique est souvent déclenchée lors de la fécondation, et le matériel surnuméraire est expulsé sous forme de globules polaires lors des toutes premières phases de la segmentation (Le Moigne et Foucrier, 2001). C’est lors de l’ovogenèse que l’ovocyte accumule toute la machinerie moléculaire qui sera nécessaire aux premières étapes de divisions cellulaires de l’embryon. En effet, des ARN et des protéines spécifiques, ainsi que des réserves énergétiques nommées vitellus, sont synthétisés dans la gonade et accumulés dans l’ovocyte. Ces réserves constituent les seules ressources métaboliques de l’embryon précoce et seront progressivement consommées en parallèle de l’activation du génome zygotique. Chez de nombreux Deutérostomiens et Protostomiens, l’ovocyte est polarisé au cours de l’ovogenèse en un pôle animal et végétatif selon une association asymétrique de l’ovocyte avec les cellules ovariennes voisines. Ces pôles se traduisent dans l’embryon par un gradient de ribonucléoprotéines où leur forte concentration définit le pôle animal, à l’inverse le pôle végétatif est marqué par une forte concentration en réserves vitellines (Picton et al., 1998, Holland, 2000, Matova et Cooley, 2001). La rencontre d’un gamète mâle et d’un gamète femelle matures donne lieu à la fécondation qui est l’association d’un spermatozoïde et d’un ovocyte produisant la cellule œuf ou zygote. Cette association engendre un « réveil » de l’ovocyte qui termine sa méiose et favorise la fusion des pronucléi mâle et femelle pour former une cellule œuf diploïde. Cette première étape de formation de l’embryon est largement conservée au cours de l’évolution. En effet, les principaux mécanismes de la fécondation : la reconnaissance, l’adhérence et la fusion cellulaire sont similaires des plantes aux animaux (Stricker, 1999, Sankaranarayanan et Higashiyama, 2018).

La segmentation

Suite à la fécondation, l’embryon unicellulaire met en place un mécanisme de division cellulaire grâce à la machinerie stockée lors de l’ovogenèse. Pendant la segmentation, l’embryon subit de nombreuses divisions sans augmentation de son volume. Différents modes de segmentation existent et sont d’abord classés selon la quantité de vitellus accumulée lors de l’ovogenèse. Les deux principaux modes de segmentation sont une segmentation holoblastique (ou totale) et méroblastique (ou partielle). La segmentation holoblastique est réalisée lorsque les réserves vitellines sont relativement pauvres et engendre majoritairement une cytodiérèse inégale donnant la formation de cellules de grandes et petites tailles, dites macromères et micromères, respectivement. La forte concentration de réserves vitellines freine la cytodiérèse qui est alors partielle et définit la segmentation méroblastique. Le mode de segmentation holoblastique comprend différents types de segmentation selon la disposition des cellules filles ou blastomères. La segmentation rotationnelle, présente chez les Mammifères, clive l’embryon selon un premier plan de division méridien passant par les pôles animal et végétatif et un second plan perpendiculaire au premier. La segmentation radiaire est présente chez de nombreux Vertébrés avec des plans de clivage cellulaire horizontaux qui engendrent une superposition des blastomères. Enfin, la segmentation en spirale, constituant un caractère ancestral chez les Spiraliens, est observable à partir de la troisième division, où les blastomères suivent un clivage en rotation autour d’un axe parallèle à l’axe des pôles animal et végétatif (Valentine, 1997, Scholtz et Wolff, 2013, Hasley et al., 2017, Martín-Durán et Marlétaz, 2020) .

La segmentation aboutit à l’obtention d’une blastula. La forte activité mitotique observée en segmentation se poursuit et conduit à la formation d’une cavité centrale, appelée blastocèle. Lors de la formation de cet embryon pluricellulaire, deux processus se déclenchent de façon séquentielle ou simultanée selon les espèces. Le premier processus est la transition maternelle à zygotique (MZT) lors de laquelle la déplétion en protéines et ARN maternels déclenche l’activation de la transcription du génome zygotique. Le second mécanisme est la transition blastuléenne, qui correspond à une désynchronisation et à un ralentissement de la division des blastomères (Le Moigne et Foucrier, 2001, Vastenhouw et al., 2019).

La gastrulation

La perte de synchronicité des divisions cellulaires et le rallongement de l’interphase du cycle des blastomères conduit à des modifications du microenvironnement local de chaque cellule. Elles résultent d’une part de l’établissement de nouvelles interactions de contact et d’autre part de l’intégration de signaux reçus au niveau de chaque blastomère. Ces phénomènes conduisent au début de leur spécialisation dans l’embryon et favorisent les mouvements entre les cellules et leur migration lors de la gastrulation. Ces mouvements morphogénétiques, coordonnés dans le temps et dans l’espace, conditionnent cette étape clé de l’embryogenèse et résultent en l’apparition d’une cavité, l’archentéron, ouverte vers l’extérieur au niveau de l’orifice primordial de l’embryon appelé blastopore . Les mouvements morphogénétiques lors de la gastrulation aboutissent à la formation des trois feuillets cellulaires de l’embryon triploblastique : l’ectoderme, ou feuillet externe, le mésoderme médian et l’endoderme qui borde l’archentéron.

Le devenir du blastopore est crucial chez les Bilatériens car il est à l’origine de la définition des Deutérostomiens, dont le blastopore forme l’anus en premier, et des Protostomiens dont le devenir du blastopore est plus complexe. En effet, le blastopore des Protostomiens a premièrement été décrit pour être à l’origine de la bouche. Cependant, cette observation est à nuancer, car chez certains Protostomiens, ce blastopore peut aussi devenir l’anus en premier (deutérostomie) ou encore s’allonger pour donner simultanément la bouche et l’anus (amphistomie) (Holland, 2000, SolnicaKrezel, 2005, Martín-Durán et al., 2012) .

La neurulation, l’organogenèse et la gonadogenèse

Les mouvements cellulaires de la gastrulation établissent le plan d’organisation général de l’organisme et les cellules regroupées selon leur devenir vont former les différents organes, c’est l’organogenèse (Nielsen, 2004, 2015). Elle commence par la neurogenèse caractérisée par la formation du tube neurale dont les modalités dépendent du clade observé (Hartenstein et Stollewerk, 2015). Lors des mouvements cellulaires, les cellules germinales primordiales migrent vers les territoires somatiques et vont ainsi se spécialiser en cellules germinales souches (Moore et al., 1998, Extavour, 2007a). Les cellules germinales souches, à l’origine de la lignée germinale, participent à la formation de la gonade se différentiant en une gonade mâle, où se déroule la spermatogenèse, ou une gonade femelle, où se produit l’ovogenèse (Extavour, 2007b). Cependant, chez certains Bilatériens l’organogenèse ne donne pas un individu semblable à l’adulte mais un organisme qui présentera un ou plusieurs stades larvaires avant une réorganisation tissulaire, la métamorphose (Bayne, 2017).

Régulation moléculaire du développement

L’émergence de cellules distinctes à partir d’un génome unique

La structure de l’organisme est acquise progressivement lors de l’embryogenèse grâce à un ensemble coordonné de proliférations, modifications et morts cellulaires chez tous les organismes Métazoaires. Elle repose sur l’engagement des blastomères indifférenciés vers les feuillets de l’embryon se différentiant et s’associant pour former les organes et tissus de l’organisme adulte. Or, cette variabilité phénotypique au niveau cellulaire émerge à partir du génome unique de la cellule œuf, transmis dans son intégralité aux cellules filles. Ainsi les cellules différenciées n’expriment qu’une partie des gènes et leurs phénotypes reposent sur l’établissement et le maintien de transcriptomes spécifiques à partir de l’homogénéité du génome zygotique. La mosaïque de phénotypes acquise progressivement par les cellules de l’embryon, lors de l’ontogenèse, résulte de la régulation différentielle de l’expression des gènes, un mécanisme commun à tous les Bilatériens. Par exemple, les gènes HOX codent des facteurs de transcription, qui contrôlent l’expression de gènes déterminant le plan d’organisation général de l’organisme selon l’axe antéro-postérieur . Leur expression colinéaire suit un ordre précis dans l’espace, mais aussi dans le temps chez certains clades (Gaunt, 2018). Ces gènes homéotiques ont tout d’abord été décrit chez la drosophile où ils sont organisés en deux clusters (Postlethwait et Schneiderman, 1971, Lewis, 1978). Le cluster Antennapedia détermine la structure de la tête et du thorax et sa mutation entraîne la formation de pattes à la place des antennes. Le cluster Bithorax contrôle la formation du troisième segment thoracique et de l’abdomen et sa mutation entraîne la formation d’un second métathorax.

Les BMP (Bone morphogenetic proteins) composent un large sous-groupe d’acteurs de la voie de signalisation TGF-E (Transforming growth factor E) largement conservés chez les Bilatériens. Ces protéines sécrétées activent les facteurs de transcription SMAD (Mother against decapentaplegic) activant ou réprimant l’expression de gènes cibles. Elles sont donc impliquées dans une multitude de fonctions cellulaires telles que la différenciation, l’apoptose, la prolifération et la migration cellulaire (Urist, 1965, Zou et Niswander, 1996, Onagbesan et al., 2003, Goldstein et al., 2005). Ces acteurs clés du développement embryonnaire s’expriment en gradient le long de l’axe dorso-ventral et guident la formation de tissus spécifiques. Chez les Bilatériens, elles guident notamment la localisation du tube neural en position dorsale chez les Vertébrés et ventrale chez les Protostomiens (Bier et De Robertis, 2015). Le gène vasa code pour une hélicase à ARN comprenant une « DEAD-box » et dont l’activité de linéarisation des ARN dépend de l’ATP et favorise la traduction d’ARNm (ARN messager) cibles. Chez les Bilatériens, sa présence dans l’embryon est soit due à une transmission maternelle via le cytoplasme de l’ovocyte, soit induite par l’interaction entre les cellules germinales et les cellules somatiques (Raz, 2000). Les délétions de cet acteur chez la drosophile, la souris et le nématode ont permis de mettre en évidence son rôle dans la mise en place de la lignée germinale. Cette fonction ou son association avec le développement de la lignée germinale sont largement conservés chez les Bilatériens (Gustafson et Wessel, 2010).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. RÉGULATION DU DÉVELOPPEMENT
1.1. Le développement des Bilatériens
1.1.1. La gamétogenèse et la fécondation
1.1.2. La segmentation
1.1.3. La gastrulation
1.1.4. La neurulation, l’organogenèse et la gonadogenèse
1.2. Régulation moléculaire du développement
1.2.1. L’émergence de cellules distinctes à partir d’un génome unique
1.2.2. L’eco-evo-devo
1.2.3. Régulation moléculaire des transcriptomes développementaux
1.2.3.1. Les mécanismes épigénétiques
1.2.3.2. Les mécanismes épitranscriptomiques
2. LA N6-MÉTHYLADÉNOSINE
2.1. La machinerie de la N6-méthyladénosine
2.1.1. La machinerie chez les Vertébrés
2.1.2. La machinerie des Ecdysozoaires
2.2. Régulation des fonctions physiologiques
2.3. Régulation du développement
2.3.1. La gamétogenèse
2.3.2. La transition maternelle à zygotique
2.3.3. L’inactivation du chromosome X
2.3.4. La différenciation cellulaire
3. LE MODÈLE BIOLOGIQUE CRASSOSTREA GIGAS
3.1. Un modèle d’intérêt
3.1.1. La position phylogénétique
3.1.2. L’écologie de l’huître creuse
3.1.3. L’intérêt économique
3.2. Le cycle de vie
3.3. Mécanismes moléculaires de régulation du développement de l’huître creuse
3.3.1. Contrôle moléculaire du développement
3.3.2. Régulation épigénétique chez l’huître creuse
4. OBJECTIFS
CHAPITRE I : CARACTÉRISATION D’UNE VOIE ÉPITRANSCRIPTOMIQUE AU COURS DU DÉVELOPPEMENT
1. PRÉAMBULE
2. A FUNCTIONAL M6A-RNA METHYLATION PATHWAY IN THE OYSTER CRASSOSTREA GIGAS ASSUMES EPITRANSCRIPTOMIC REGULATION OF LOPHOTROCHOZOAN DEVELOPMENT
3. SUPPORTING INFORMATION
4. BILAN DU CHAPITRE I
CHAPITRE II : CARACTÉRISATION DES PROFILS DÉVELOPPEMENTAUX DE LA N6-METHYLADENOSINE
1. PRÉAMBULE
2. INTRODUCTION
3. RESULTS
4. DISCUSSION
5. MATERIALS & METHODS
6. SUPPORTING INFORMATION
7. BILAN DU CHAPITRE II
CHAPITRE III : LA M6A : UN VECTEUR DE TRANSMISSION DE TRAITS DE VIE ENVIRONNEMENTAUX PAR EFFET MATERNEL ?
1. INTRODUCTION
1.1. L’effet maternel
1.2. Effet maternel chez l’huître creuse : Cas des microplastiques et microalgues toxiques
1.2.1. Microalgue toxique : Alexandrium minutum
1.2.2. Microplastiques
1.3. ARN maternels et N6-méthyladénosine
2. MATÉRIELS ET MÉTHODES
2.1. Exposition Alexandrium minutum
2.1.1. Conditionnement
2.1.2. Prélèvement des échantillons
2.1.3. Extraction d’ARN
2.2. Exposition Microplastiques
2.2.1. Conditionnement
2.2.2. Prélèvement des échantillons
2.2.3. Extractions ARN
2.3. Fragmentation des ARN totaux
2.4. MeRIP
2.5. Préparation des banques de séquençage
2.6. Analyse des données MeRIP-seq
2.7. Analyses de l’ontologie des gènes
2.8. Analyses statistiques et production de graphiques
3. RÉSULTATS
3.1. Analyse primaire des données de MeRIP-seq
3.2. Étude de l’exposition à Alexandrium minutum
3.3. Étude de l’exposition aux microplastiques
3.4. Comparaison de la réponse épitranscriptomique entre les conditionnements
4. DISCUSSION
5. TABLEAUX COMPLÉMENTAIRES
6. BILAN DU CHAPITRE III
CONCLUSION GÉNÉRALE
SYNTHÈSE GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *