LE DEVELOPPEMENT DE L’ELEVAGE DANS LE CONTEXTE THEORIQUE
LE ROLE DE L’AGRICULTURE DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
L’agriculture joue un rôle central dans le développement économique parce que la majorité des habitants des pays pauvres tirent leur subsistance de l’agriculture . Le seul moyen dont disposent les dirigeants réellement soucieux du bien-être de leurs concitoyens pour améliorer la situation du plus grand nombre d’entre eux est de les aider à accroître la productivité et leurs cultures alimentaires et commerciales et d’élever les prix auxquels elles sont payées aux agriculteurs. Certes, les augmentations de la production agricole ne bénéficient pas forcement à tous les ruraux. La création de grandes exploitations mécanisées à la place des petites fermes individuelles risque, au contraire, d’aggraver le lot de la majorité de la population. Tout en constituant une condition nécessaire du renforcement du bien être rural, l’augmentation de la production agricole ne suffit pas, par elle-même, à l’assurer.
La plupart des pays en développement doivent compter sur leurs secteurs agricoles propres pour produire l’alimentation consommée par leur population, encore qu’il y ait des exceptions. Les nations dotées d’un fort courant d’exportations fondé sur leurs ressources naturelles disposent des devises étrangères requises pour importer une large part de leur alimentation . Toutefois, la majorité des pays en développement ne peuvent dépendre aussi fortement de leurs recettes en devises pour nourrir leurs populations . Les agriculteurs des pays en développement doivent produire suffisamment pour assurer leur propre alimentation et celle de la population urbaine. Aussi l’augmentation de celle-ci doit-elle accompagner d’un accroissement de la productivité agricole, faute de quoi les termes de l’échange s’inverseront brutalement. La dimension du secteur agricole constitue l’élément spécifique auquel l’agriculture doit son rôle primordial dans la fourniture de facteur de production, et notamment d’actifs à l’industrie et aux autres secteurs modernes. La population étant agricole à raison de 70% au moins , le secteur rural est pratiquement le seul vivier ouvert au secteur urbain pour accroître ces actifs. L’importation de main d’œuvre est possible, et les villes connaissent elles-même, habituellement, un essor démographique, mais l’une et l’autre de ces sources risquent de ne pas suffire à la satisfaction des besoins à long terme de la croissance économique. Si la migration des actifs à l’extérieur de l’agriculture se heurte à des restrictions, le développement économique en pâtira gravement.
Le secteur agricole peut également constituer une source majeure de capitaux pour une croissance économique moderne. Certains auteurs ont même laissé entendre que l’agriculture était la principale, voire la seule , source de capitaux dans les premières phases du développement. Les capitaux proviennent de l’épargne investie, et celle-ci des revenus . La valeur ajoutée apportée par l’agriculture dans le PIB, même dans les pays les plus démunis est inférieur à la moitié du PIB . Dès lors, les secteurs non agricoles génèrent plus de la moitié du PNB et apportent souvent une contribution importante à l’épargne et, par conséquent à l’investissement . En outre, tandis que les importations de main-d’œuvre fournissent rarement une proportion élevée des actifs du pays, les importations de capitaux qu’elles prennent de la forme d’une aide ou d’un investissement privé génèrent effectivement, parfois, une part substantielle de la formation du capital intérieur. Ainsi, une nation peut mettre à son actif un taux élevé de formation de ce capital sans faire de tout appel au secteur agricole.
Si l’on considère les devises étrangères comme un facteur de production distinct, l’agriculture à également un rôle important à jouer dans la fourniture de ce facteur. Les pays en développement doivent habituellement leur avantage comparatif à leurs ressources naturelles ou à leurs produits agricoles . L’exportation d’articles manufacturés ou des services constitue rarement la source principale de devises étrangères pour un pays dans les premières étapes d’une croissance économique moderne. Dès lors, sauf dans un pays riche en ressources naturelles, le secteur agricole joue un rôle essentiel dans la fourniture de devises étrangères, qui permettent l’achat à l’étranger des biens d’équipement et des biens intermédiaires dont la production nationale est impossible.
Enfin, la population agricole d’un pays en développement offre au moins dans certains cas un marché important à la production du secteur urbain moderne. Il faut ajouter la restriction dans certains cas, car dans plusieurs pays pauvres, les populations agricoles font très peu d’achats à l’industrie moderne. Il en est ainsi, en particulier, dans les pays marqués par d’extrêmes inégalités dans la répartition des revenus, l’essentiel de ceux-ci, des terres et des autres richesses du pays étant dans les mains d’une classe réduite de privilégiés urbains et ruraux . Cette situation pourra voir la population rurale se borner à payer des impôts et des loyers à de riches habitants des villes et à subsister de ce qui reste . L’habillement à bon marché provenant des usines urbaines risquera lui-même de dépasser les moyens d’une population rurale extrêmement démunie. Mais, en cas de répartition moins inégale des revenus, le secteur rural peut générer une demande importante d’articles industriels. L’existence d’un grand marché rural permet aux industries de poursuivre leur croissance après avoir saturé la demande de leur produit dans les villes, sans s’orienter vers les marchés étrangers avant d’avoir développé leur capacité compétitive.
LES REGIMES AGRICOLES ET LES REFORMES AGRICOLES
Il faut pour comprendre le développement, appréhender la nature de l’agriculture. Les modèles sur l’excédent de main d’œuvre et les modèles néoclassiques ont principalement porté sur la nature des rapports reliant le secteur industriel au secteur agricole. Le problème de la répartition de revenus ou de la pauvreté absolue dans les pays du tiers monde se ramène, pour une large part, aux moyens à mettre en œuvre pour aider les démunis du monde rural. Le développement rural concerne toutes les activités qui accroissent le bien-être des populations rurales, notamment la satisfaction des impératifs vitaux, (alimentation par exemple) et le développement, par des programmes d’éducation et de nutrition, du potentiel humain à la campagne. En un sens, l’agriculture ne consiste qu’un secteur d’activité parmi de nombreux autres, mais c’est un secteur spécifique. Tout d’abord, dans un pays se trouvant dans la première phase de son développement, elle emploie beaucoup plus de gens que toutes les autres branches d’activité. Ainsi, dans les pays développés, à l’inverse, l’agriculture emploie habituellement moins de 10% des actifs (3% seulement aux USA ). En second lieu, les activités agricoles remontent à plusieurs milliers d’années, quand l’humanité a abandonné la chasse et la cueillette, dont elle tirait l’essentiel de sa subsistance. Ce long passé vaut à l’économie rurale la qualification de traditionnelle.
La production d’énergie électrique ou la fabrication d’automobiles requièrent impérativement des moyens fondés sur la science et l’ingénierie moderne, mais on fait souvent pousser les cultures à l’aide des techniques mises au point des siècles, voire des milliers d’années, avant l’avènement de la science moderne. De plus, les sociétés rurales qui font appel à des techniques traditionnelles acquièrent fréquemment des habitudes et des attitudes qui renforcent les anciennes méthodes et font, de la sorte, obstacle au changement.
L’agriculture se distingue des autres secteurs par une troisième caractéristique : l’importance majeure du sol en tant que facteur de production . La terre sert aux autres secteurs, auxquels elle est indispensable, mais dans aucun de ceux-ci elle ne joue un rôle si central. L’existence de terres cultivables que celles-ci soient relativement abondantes par rapport à la population comme en Amérique, ou rares comme dans une grande partie de l’Asie définit fondamentalement le type de techniques agricoles utilisables. L’influence du temps est étroitement liée au rôle central du sol. Aucun autre secteur ne subit autant que l’agriculture les caprices météorologiques . Le sol change, comme les conditions climatiques, avec l’endroit, si bien que les techniques appropriées ici ne sont souvent guère utiles là. La sidérurgie doit également s’adapter aux qualités différentes du minerai de fer selon le lieu, et les autres secteurs connaissent des problèmes similaires ; mais la plupart des industries manufacturières utilisent des techniques de base semblables, tout au moins au niveau national et souvent au niveau international. En agriculture, la diversité de la qualité des sols, des conditions climatiques et des réserves d’eau conduit à la production de récoltes différentes et à l’emploi de techniques distinctes pour une culture spécifique, non seulement dans les pays, mais à l’intérieur même des provinces ou des districts d’un pays donné.
Enfin, l’agriculture est le seul secteur à produire de l’alimentation. Pour survivre, l’humanité peut se passer d’acier, de charbon ou d’électricité, mais pas de nourriture. Il existe des produits de remplacement pour la plupart des articles manufacturés, mais non pour l’alimentation. Un pays doit ou bien assurer lui-même sa production alimentaire ou importer.
L’agriculture traditionnelle
Les sociétés traditionnelles existent dans le monde, mais la grande majorité des paysans du globe ne correspondent pas à la description faite . Une importante somme de preuves donne à penser que ces agriculteurs sont efficaces, qu’ils ont déjà fait des adaptations intelligentes parfois complexes et subtiles à leur environnement, et qu’ils sont prêts à effectuer de nouveaux changements pour développer leur bien-être, pourvu que les perspectives d’amélioration soient claires et que le risque de mauvaises récoltes, donc famine, ne soit pas accru de manière inacceptable.
Compte tenu des techniques existantes, les exploitants traditionnels tirent la production maximale des intrants dont ils disposent ou produisent à un niveau donné en utilisant le minimum d’intrants . Les conseillers étrangers ont souvent dû, indépendamment de leur expérience, réapprendre le fait, parfois à un coût considérable. En réfléchissant un peu, il n’est guère surprenant que l’agriculture coutumière tende à l’efficacité dans le cadre des techniques traditionnelles. Celles-ci ont pour caractéristique majeure de changer très lentement. Dès lors, les agriculteurs ne sont pas en mesure de s’adapter en permanence à l’évolution des méthodes agricoles ; Ils peuvent plutôt expérimenter pendants de longues périodes des techniques diverses, jusqu’à ce qu’ils trouvent la méthode adaptée à la technique donnée. Par longues périodes on peut entendre, dans ce contexte, des décennies, voire des siècles. Au cas où une technique de labour légèrement plus profond ou de semis plus rapprochés augmenterait le rendement à l’hectare, par exemple, un ou deux exploitants plus audacieux finiront par mettre ce type de méthode à l’essai, tout au moins s’ils possèdent des charrues convenant à une culture plus profonde. Le succès de cette technique amènera leurs voisins à observer et, en fin de compte, à leur emboîter le pas. Au bout de plusieurs décennies ou d’un siècle, tous les cultivateurs de la région utiliseront des méthodes semblables.
Cet exemple met en évidence une caractéristique de l’agriculture traditionnelle. Outre qu’elles sont efficaces, les techniques agricoles traditionnelles ne sont pas immobiles ; elles ont lentement évolué au fil du temps. Une surabondance de preuves a montré que les cultivateurs vivant en milieu traditionnel étaient prêts à évoluer à condition de percevoir clairement les avantages d’un changement. L’une des meilleures preuves traduisant cette volonté de changement est fournie par leurs réactions aux évolutions de prix. Maintes et maintes fois, devant la hausse des prix des œufs, du lait ou des viandes, par rapport aux autres prix agricoles, les exploitants même dans certains pays les plus démunis du globe se sont hâtés d’accroître la taille de leurs exploitations. Et l’inverse s’est traduit en période de chute des prix .
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Table des matières
Introduction
PARTIE I : LE DEVELOPPEMENT DE L’ELEVAGE DANS LE CONTEXTE THEORIQUE
CHAPITRE I : LE ROLE DE L’AGRICULTURE DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
CHAPITRE II : LES REGIMES AGRICOLES ET LES REFORMES AGRICOLES
1. L’agriculture traditionnelle
2. L’Agriculture fondée sur les techniques statiques
3. La modernisation des techniques agricoles
a. Le programme mécanique
b. Le programme biologique et la révolution verte
CHAPITRE III : LA MOBILISATION DES INTRANTS AGRICOLES
1. Les chantiers de travaux publics ruraux
2. Les banques rurales et Coopératives de crédit
3. Les services de vulgarisations
CHAPITRE IV : L’EXPANSION DES MARCHES RURAUX
CHAPITRE V : LA POLITIQUE DES PRIX AGRICOLES
1. Le rôle multiple des prix
2. L’impact des subventions
3. Les taux de change surévalués
PARTIE II : ETAT DE LIEU DE L’ELEVAGE A MADAGASCAR
CHAPITRE I : AVANTAGE COMPARATIF DE L’ELEVAGE A MADAGASCAR
1. Le milieu naturel
2. La potentialité humaine
CHAPITRE II : LA PERFORMANCE DU SECTEUR ELEVAGE A MADAGASCAR
1. L’élevage bovin à viande
a. Systèmes d’élevage
b. Action de promotion de l’élevage bovin
c. Economie de la filière bovine à viande
2. La production laitière à Madagascar
a. Système de production
b. Action de promotion de la production laitière
c. Economie de la filière lait à Madagascar
3. L’élevage des petits ruminants à Madagascar
a. Les techniques de production
b. Les actions de la promotion de l’élevage ovin et caprin à Madagascar
c. Economie de la filière petit ruminant
4. L’élevage porcin à Madagascar
a. Système d’élevage
b. Les actions de promotion de l’élevage porcin
c. Economie de l’élevage porcin
5. L’aviculture à Madagascar
a. Système d’élevage
b. Les actions de la promotion de l’aviculture à Madagascar
c. Economie de la filière
6. L’élevage des autruches
a. Le système d’élevage
b. Les actions pour la promotion de l’élevage des autruches
c. Economie de la filière
7. L’apiculture à Madagascar
a. Les systèmes d’exploitation
b. Les actions pour la promotion de l’apiculture
c. Economie de la filière
8. La sériciculture à Madagascar
a. Les techniques d’élevage
b. Les actions pour la promotion de la sériciculture
c. Economie de la filière
9. L’élevage d’escargots
a. Le système d’exploitation
b. Les actions de promotions de la filière escargot à Madagascar
c. Economie de la filière
CHAPITRE III : LES ACTIONS ENTREPRISES POUR LA PROMOTION DU SECTEUR ELEVAGE A MADAGASCAR
1. Pour l’élevage bovin
2. Pour la production laitière à Madagascar
3. Pour l’élevage des petits ruminants à Madagascar
4. Pour l’élevage porcin à Madagascar
5. Pour l’aviculture à Madagascar
6. Pour l’élevage des autruches
7. Pour l’apiculture à Madagascar
8. Pour la sériciculture à Madagascar
9. Pour l’élevage d’escargots
CHAPITRE IV : ANALYSE DE LA FORCE, FAIBLESSE, OPPORTUNITE ET MENACE
1. Les forces de l’élevage à Madagascar
2. Les faiblesses de l’élevage à Madagascar
3. Les opportunités de l’élevage à Madagascar
4. Les menaces de l’élevage à Madagascar
CHAPITRE V : STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR ELEVAGE A MADAGASCAR
1. Comment produire ?
a. Le choix du type et d’espèce à élever
b. L’élevage en système intensif à l’échelle
c. Industrialisation du secteur
d. L’encadrement de l’exploitation
e. Le recyclage
2. Les industries agroalimentaires
3. Le rôle de l’Etat
a. Le rôle direct
b. Les infrastructures
c. La recherche des marchés extérieurs
4. Le choix de lieu d’implantation des activités élevages
5. La valorisation de l’abondance des mains d’œuvres
6. Effort d’excèdent de la balance commerciale du secteur élevage
Conclusion