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Le développement de l’électronique hétérogène, les nouveaux challenges de l’intégration 3D : application aux interconnexions et au capteurs
L’intégration 3D au centre des attentions
Comme nous l’avons exposé les changements dans le marché de l’électronique précipités par une évolution des demandes mais aussi par la limitation technique de la réduction des dimensions des transistors ouvre la porte à ce que l’on appelle l’électronique hétérogène. Difficile de donner un seul exemple pour définir ce qu’est l’électronique hétérogène nous pouvons cependant dire qu’elle est composée de différents champs de recherche dont :
➢ L’intégration 3D, qui consiste à empiler des couches transistors ou des puces plutôt que de les construire dans le plan pour tirer avantage de la proximité de plusieurs fonctions ou de l’agencement spatial.
➢ L’intégration hétérogène qui vise à faire cohabiter dans une même architecture différentes fonctions et/ou de technologies. Il y a par exemple l’optoélectronique qui mêle optique et électronique, les bio-puces qui mêlent biologie et électronique ou encore les capteurs et les MEMS/NEMS qui mêlent des éléments de mécanique et d’électronique.
➢ L’utilisation de nouveaux matériaux comme le Graphène, le MOS2, les III-V et même les objets biologiques pour tirer avantage de leurs propriétés physico-chimiques intrinsèques parfois très éloignées des propriétés des matériaux classiques de l’électronique.
Tous ces champs de recherches constituent les recherches de type « More Than Moore » que l’on peut traduire comme « plus que Moore » et qui traduisent non pas une course à la miniaturisation mais une course à l’hétérogénéisations des fonctions au sein des puces électroniques. L’étude de la miniaturisation n’est cependant pas abandonnée, on parle alors de recherche de type « More Moore » (toujours plus de Moore) avec en ligne de mire les nœuds technologiques inférieurs à 10nm et qui s’adressera principalement au marché des composants logiques, aux serveurs et à certaines mémoires. En avril 2014 la refonte des thématiques de « l’International technology Roadmap for Semiconductors » (ITRS), consortium d’expert de la microélectronique, met clairement à jour ce changement de paradigme [GAR14]. La réorganisation permet de classer tous les sujets de recherche ciblés en 7 thèmes parmi lesquelles on voit clairement apparaitre un thème « More Moore » pour continuer la miniaturisation, le gain de performance et deux thèmes orientés : diversification avec « Heterogeneous components » et « Beyond CMOS ». On remarque aussi que les sessions des conférences majeures de l’électronique font de plus en plus échos aux sujets de recherches que sont, les nouveaux matériaux, l’intégration 3D mais aussi la photonique et les MEMS.
Les deux orientations de recherche « More Moore » et « More than Moore » ne doivent pas être mises en compétition. D’un point de vue purement scientifique, il existe des applications et des intérêts dans les deux types de recherches. La figure I.6 représente les différents domaines de recherche actuels selon leur besoin en miniaturisation ou en diversification. Un travail quant à la miniaturisation est à faire pour les serveurs nouvelles génération ayant besoin d’une puissance de calcul et une rapidité de plus en plus importante ce qui nécessite des nœuds technologiques de plus en plus fins. D’un autre côté les MEMS fonctionnent très bien avec des nœuds technologiques plus grands mais nécessite l’utilisation de fonctions diverses au sein d’une même puce. Ils ont donc besoin que l’on travaille sur la diversification des fonctions et des dimensions des technologies.
Et la fabrication en 3D dans tout cela ? Les technologies d’intégration 3D, grâce à l’empilement de couches de matériaux ou de puces qu’elles permettent, apparaissent comme des solutions pour résoudre à la fois les défis de la miniaturisation, en augmentant le nombre de transistors à surface équivalente, mais aussi les défis de la diversification en regroupant des fonctions hétérogènes au sein d’un même système. C’est pour cela que l’intégration 3D cristallise, aujourd’hui, beaucoup de challenges de l’électronique. On peut constater cette évolution en regardant l’évolution du nombre de publications contenant le terme « intégration 3D » depuis 1995 présenté sur la figure I.7.
Il est difficile de lister tous les challenges de recherche liés à l’intégration 3D, on peut néanmoins en citer quelques-uns, répartis en deux catégories. Tout d’abord il y a les challenges globaux auquels il faut trouver une solution technologique ou technique, nous pouvons citer :
➢ Etudier, caractériser et utiliser de nouveaux matériaux
➢ Développer une nouvelle gamme d’interconnections pour une utilisation dans les architectures 3D
➢ Développer des techniques d’intégration de type 3D monolithique, par collage ou par report
➢ Augmenter le nombre de transistors à encombrement fixe (miniaturisation ou 3D)
➢ Développer de nouvelles techniques de caractérisation pour les objets en 3D
➢ Développer de nouvelles architectures prenant en compte les spécificités de circuit en 3D (délais, horloges, alimentations, fonctions hétérogènes, nouvelles applications)
➢ Concevoir de nouveaux types de packaging pour les puces 3D
Il existe aussi des challenges liés aux performances, nous pouvons citer :
➢ Améliorer l’utilisation de matériaux hétérogènes au sein d’un même dispositif
➢ Augmenter de la précision du collage plaque à plaque, puce à plaque et puce à puce
➢ Limiter l’échauffement des puces 3D et augmenter leur diffusion thermique
➢ Améliorer la tenue mécanique des puces 3D et notamment les puces collées
➢ Diminuer la consommation électrique des puces
Maintenant que le décor mondial est planté et que les principaux challenges de l’électronique hétérogène ont étés évoqués il faut définir avec plus de précision sur quoi portent nos recherches. Nous cherchons via nos travaux à faire avancer deux champs applicatifs : les interconnections et les capteurs. Pour les interconnections les buts principaux sont de fabriquer des fils nanométriques avec des facteurs de formes de plus en plus élevés et d’avoir une fiabilité à toute épreuve. Ceci pose d’énormes problèmes techniques de fabrication lorsque les dimensions sont très agressives. Pour les capteurs le but principal est de créer des objets permettant de capter/mesurer toutes formes d’informations physiques ou de détecter/mesurer la quantité d’une espèce et d’être le plus précis possible. Pour faire avancer ces deux champs applicatifs nous nous sommes posé la question du gain que pourrait avoir l’utilisation de nouveaux matériaux. Avant de détailler nos arguments en faveur des nouveaux matériaux regardons plus en détails les challenges liés aux interconnections et aux capteurs.
Les enjeux liés aux interconnexions
Les interconnexions sont, par définition, toutes les connexions électriques entre les différentes parties constituants une puce. Ces interconnexions permettent de distribuer les alimentations électriques, les signaux d’entrées et de sorties des composants, mais aussi de faire transiter les signaux d’horloge et les signaux internes à la puce. Selon la proximité de connexion entre deux entités, les caractéristiques physiques et fonctionnelles des interconnexions sont différentes. On classe donc les interconnexions en plusieurs catégories :
➢ Les interconnexions globales : connexions entre les puces et l’extérieur. On retrouve dans cette catégorie les broches des boitiers mais aussi les fils de soudure appelés « wire bond ». Ces interconnexions ont des dimensions pouvant atteindre plusieurs centimètres de longueur et plusieurs centaines de micromètres de diamètre. Elles sont souvent en Cu, en Al ou en Au.
➢ Les interconnexions intermédiaires : entre les wafers/puces ou entre les différentes parties des puces. On y trouve les « bumps », les « pillars » et « balls » mais aussi les structures de type TSV pour « throught silicon via » qui sont des connexions verticales dans une puce. La figure I.8 montre des exemples de TSV.
➢ Les interconnexions proches ou locales : à l’intérieure d’une puce. On classe dans cette catégorie les TSV dont les dimensions peuvent être très agressives avec des rapports de forme grand. On parle dans ce cas de structure faisant 5µm de large et 100µm de long jusqu’à des structures faisant une centaine de micromètre de large. On utilise souvent des multicouches de métaux à base de Ti, TiTiN, AlSi, WSi, Cu.
Les performances souhaitées pour chacun des types d’interconnexions sont de plus en plus exigeantes avec (i) la réduction des dimensions des composants électroniques induite par la recherche de performances et (ii) l’utilisation de l’intégration 3D pour la conception de puce. Ceci implique des challenges technologiques importants que l’on peut classer deux catégories. D’un côté les challenges liés à la réalisation technique des interconnexions : la réduction des dimensions des structures (bumps, pillars, TSV), la diminution du pitch (espace entre 2 motifs) et l’utilisation de nouveaux matériaux. Et d’un autre côté les challenges liés aux performances électrique comme : la réduction du délai, la diminution du bruit, l’augmentation de la bande passante et l’augmentation de la dissipation thermique.
Maintenant que les challenges liés à la fabrication d’interconnexions sont exposés, penchons-nous sur le cas des capteurs.
Les enjeux liés aux capteurs
Pour la fabrication de nouveaux capteurs les challenges adressent plusieurs points distincts. En premier lieu la réduction des dimensions et la consommation électrique des outils permettant la détection ou la mesure. Le but étant de pouvoir à terme réaliser des mesures avec des appareils nomades et/ou autonomes. Ensuite l’augmentation du facteur de mérite par rapport à l’état de l’art en jouant sur l’amélioration des performances, comme la sensibilité, la résolution, la précision, la gamme de mesure ou encore la linéarité. Une application visée peut être de diminuer le seuil de détection de la concentration de gaz dangereux. Ensuite il faut travailler à la diminution de la complexité d’utilisation et du besoin de savoir-faire technique nécessaire pour obtenir une information utile à l’aide d’un capteur. On peut par exemple parler des autotests pour les infections ou le contrôle de glycémie. Il faut aussi concevoir des capteurs permettant la mesure de nouvelles grandeurs. On peut par exemple parler de mesurer la présence d’enzymes ou de bactéries dans un échantillon de sang. Et enfin il faut développer la complexité des capteurs pour passer de transducteurs simples à des capteurs intégrant de la logique se rapprochant le plus possible d’un instrument de mesure autonome, communiquant et intelligent.
Actuellement une application capteur focalise beaucoup d’attentions. Le séquençage de l’ADN. Cela consiste en la détermination de la séquence d’acides aminés constituant de ce dit ADN ou morceau d’ADN (on parle de codon d’ADN). En 1977, Dr F. Sanger et son équipe décode le premier génome complet [SAN77]. Depuis les méthodes ont évoluées et se sont perfectionnées mais les techniques de séquençage restent longues, couteuses et nécessitent l’intervention de personnel qualifié. Les industriels cherchent donc à développer un dispositif moins chronophage et moins couteux en ressources humaines et financières permettant de séquencer un codon d’ADN. L’entreprise leadeur mondial du secteur, Illumina, utilise pour réaliser un séquençage une technique en trois étapes. La première étape consiste en la multiplication en grande quantité du codon à séquencer. Ensuite ces codons sont greffés sur des sondes organisées en matrice possédant un nombre de zones de greffage important. Ensuite une succession de solutions contenant une des quatre bases formant l’ADN, associée à un marqueur fluorescent sont mis en contact avec les codons et une image révélant la couleur est prise. En réalisant une répétition de photo on peut identifier les bases qui s’accrochent de manière fiable et ainsi reconstruire le codon à séquencer par complémentarité.
Les chercheurs s’intéressent, aujourd’hui, à remplacer les techniques de détection optique par des techniques de détection électronique. Pour cela certain utilisent des structures à base de nanofils de silicium ou à base de nanotube de carbone pour lire en temps réel le raccordement de chaque base de l’ADN à son brin complémentaire et effectuer ainsi un séquençage rapide et fiable. A l’heure actuelle aucun dispositif de ce style n’est encore commercialisé à grande échelle.
En plus du séquençage de l’ADN nous observons un nombre croissant de recherches liées à la fabrication de biocapteurs notamment avec l’essor de cette thématique dans les conférences.
Une fois ce constat fait sur les besoins en capteurs et biocapteurs et au travers des différentes études menées au CEA et à travers le monde nous nous sommes posé la question de l’utilisation d’objets biologiques au sein du dispositif électronique. Peut-on répondre aux challenges de miniaturisation des interconnexions et de diversification des capteurs à l’aide de matériaux biologiques. Il peut paraitre contre intuitif de vouloir utiliser des matériaux que l’on ne connait pas bien. Pourtant le changement de matériaux a permis beaucoup d’innovation dans l’électronique. Deux exemples permettent de constater la pertinence de l’utilisation de nouveaux matériaux. Le premier, le plus amont, est le Graphene sous toutes ses formes. Le second, plus présent en salle blanche, est le Nitrure de Gallium (GaN).
Une fois l’idée de l’utilisation d’objets biologique dans des puces électroniques lancé il faut étudier sa faisabilité, son intérêt et sa pertinence. Quel serait l’apport de l’utilisation d’objets biologiques en substitution d’autres matériaux « classiques » dans des puces électroniques ? Comment peut-on interfacer un objet biologique et un circuit CMOS ? Les parties suivantes permettent de répondre à ces questionnements.
Les objets biologiques peuvent-ils être des solutions alternatives intéressantes pour répondre aux problèmes actuels ?
Quels sont les avantages de la co-intégration d’un objet biologique et d’un objet silicium ?
Pourquoi et comment utiliser un objet biologique dans un dispositif électronique ? Il est difficile de répondre simplement à cette question tant les domaines d’applications et les enjeux de chacun sont variés. On peut cependant s’accorder sur le fait que les matériaux biologiques, à l’instar des matériaux III-V et du graphène, peuvent apporter à l’électronique toute une palette de propriétés encore peu utilisées comme certaines sensibilités entre molécule cible et molécule d’intérêt dans le domaine des capteurs ou des propriétés d’auto assemblage innovantes.
L’utilisation de nouveaux matériaux pourrait aussi permettre de développer des techniques nouvelles permettant par exemple (i) une nouvelle manière de réaliser le séquençage ADN à l’aide de protéine associée à un nanofil de silicium sensible au greffage de chaque base en temps réel (voir chapitre III et IV), (ii) la conception de nouveaux dispositifs de test du virus Ebola développé par Bioaster et Fujifilm grâce à l’utilisation d’anticorps spécifiques [BIO15] ou (iii) une réduction des déchets de l’électronique par l’utilisation de substrats biodégradables [ALI5]. Dans tous les cas l’utilisation d’objets biologiques permet de penser les dispositifs électroniques d’une nouvelle manière mais cela pourrait aussi permettre d’augmenter les performances de structures déjà existantes en utilisant les propriétés intrinsèques des objets biologiques.
Comme les exemples d’applications précédentes le prouve les objets biologiques sont déjà utilisés dans certains domaines de l’électronique. Dans d’autres domaines les objets biologiques sont encore à l’étude. On peut donc dire que selon le type d’application visé et la maturité des recherches liées à l’utilisation d’objets biologique est différente. Nous allons faire un état de l’art succin de l’exploitation d’objets biologiques en microélectronique.
Dans le domaine des techniques de fabrication de dispositifs électroniques on peut distinguer plusieurs intérêts aux objets biologiques. (i) les propriétés d’auto assemblage de certains objets biologiques permettent de créer des masques de lithographie comme avec les origamis d’ADN [DIA16] ou encore avec les protéines de Deinococcus radiodurans pour créer un masque utile d’électrodéposition [ALL05]. On peut utiliser des origamis d’ADN pour concevoir par génie génétique des structures nanométriques ayant des formes spécifiques choisies. Un résultat de ce type de masque à ADN est la réalisation de formes géométriques de base comme le montre la figure I.9 tirée des travaux récents d’un laboratoire du Leti [DIA16]. L’auto assemblage permet donc de produire des motifs de lithographie de quelques nanomètres, en deçà des limites de la lithographie EUV [FEN13, DIA16]. (ii) les propriétés de dissolution particulières des objets biologiques peuvent être utilisées comme couche sacrificielle [LIN05] et (iii) les propriétés physiques des objets biologiques peuvent être utiles pour leur utilisation comme substrat comme par exemple avec de la cellulose [ALI15] ou la cellulose avec laquelle l’équipe de Jung fabrique des dispositifs biodégradables [JUN15].
Dans un tout autre domaine, celui de l’énergie qui devient un enjeu majeur, beaucoup de recherches sont menées pour concevoir des biopiles en tirant avantages des réactions biologiques ou chimiques à base d’objets biologiques. On peut citer les biopiles enzymatiques à base d’alcool ou de sucre ou encore les biopiles microbiennes [GAL13, TIN13, LEP12]. Les biopiles microbiennes sont constituées d’une anode et d’une cathode comme une pile à combustible. L’anode est naturellement recouverte par une pellicule de bactéries. Ces bactéries dégradent des molécules organiques de nature diverses en réalisant une réaction d’oxydoréduction. Cette réaction génère la production d’électrons qui alimentent la pile. Un des gros avantages de ce type de pile et le fait qu’elle peut être alimentée par les déchets organiques des stations d’épuration, les déchets domestiques (comme un composte) ou encore des déchets agricoles. Des recherches sur l’utilisation d’enzymes ont permis de développer des dispositifs dans lesquels elles sont utilisées pour produire du courant. En effet Dr Cosnier explique que les enzymes servent de catalyseurs à la réaction naturelle de dégradation du glucose par l’oxygène pour créer de l’énergie [COS14, ZEB12]. Cette application ouvre de nombreuses portes vers l’utilisation de biopile dans l’organisme humain ou animal. Les figures I.10 montrent une photographie d’une biopile microbienne développée par S. Cosnier et un schéma de principe d’une pile microbienne [KER14].
Un autre domaine dans lequel les objets biologiques ont de l’avenir est la gestion des déchets. Les objets biologiques peuvent grâce à leurs propriétés de biodégradabilité aider à solutionner ce problème grandissant de l’électronique. En effet les consommateurs changent d’appareils électroniques de plus en plus rapidement et le nombre de composants électroniques vendus est de plus en plus important. Ces deux facteurs conjugués font exploser la quantité de déchets (i) issus des procédés de fabrication et (ii) issus de l’obsolescence des appareils électroniques. Pour diminuer la quantité de déchets, plusieurs équipes travaillent à la fabrication de substrats biologiques biodégradables. Cela permettrait de pouvoir plus facilement dégrader les déchets issus de la fabrication des composants et appareils obsolètes. Dr Jung et al. de l’université de Wisconsin ont publié en 2015 un article montrant comment il ont fabriqué des portes logiques sur un substrat en cellulose [JUN15]. Dans leur article Jung et al. montrent que leur portes logiques imprimées sur nanofibres de cellulose fonctionnent bien puis montre des photos de leur dispositifs après plusieurs jours de décomposition. La figure I.11 montre des images tirées de leur article sur lesquelles nous pouvons constater que le substrat organique a quasi disparu au bout de 60 jours. En comparaison le plastique des sacs est dégradé en environ 400 ans.
Dans le domaine des capteurs c’est la spécificité des interactions entre l’objet biologique servant à la capture développée et la molécule cible ainsi que les interactions entre l’objet biologique et le dispositif de lecture qui seront intéressantes. Comme par exemple avec (i) l’utilisation d’anticorps pour détecter des agents pathogènes comme la salmonelle responsable de la fièvre jaune [PAR00], ou encore (ii) l’utilisation d’enzymes sur des transducteurs pour détecter des protéines spécifiques [LEE09]. L’utilisation des objets biologiques pour la conception de capteurs sera détaillée dans la partie I.2.3.
Concernant le domaine des interconnections les objets biologiques peuvent servir (i) de squelette à la fabrication de nanofils comme c’est le cas de l’ADN [BRU15] et de certaines protéines comme l’Actin métallisée par des molécules d’or [GAL13] et (ii) de nanofils conducteurs comme avec les nanofils à base de fibres amyloïdes [ALT15]. L’utilisation des objets biologiques pour la conception d’interconnections sera détaillé dans la partie suivante.
Les exemples montrent que les matériaux biologiques ont un fort potentiel pour être utilisés dans des dispositifs électroniques car ils permettent par leurs propriétés intrinsèques de remplacer ou surpasser des matériaux non biologiques. A travers ces exemples nous avons constaté que les objets biologiques peuvent être utilisé de manière indirecte pour la conception, la réalisation, la fabrication ou le fonctionnement d’un dispositif électronique soit au contraire de manière directe lorsque l’élément biologique est actif dans le dispositif. Les objets biologiques possèdent de vrais arguments en tant que nouveaux matériaux de l’électronique.
Autre avantage, les matériaux biologiques ont par nature des dimensions micrométriques voir nanométriques. La figure I.12 montre sur une échelle de dimensions les différents objets biologiques. Ces dimensions réduites sont un vrai atout pour les applications nécessitant des interconnexions a fort facteur de forme. L’ADN par exemple qui peut être métallisée pour obtenir des nanofils conducteurs fait seulement 2nm de diamètre pour des longueurs allant jusqu’à plusieurs dizaines de micromètres [BRU15].
Le dernier argument est le fait que les matériaux biologiques comme les protéines peuvent être synthétisables et modifiables à façon (les chapitres 2 et 3 contiennent le détail de la fabrication de dispositif électronique et de nanofils biologiques afin de comparer les deux méthodes). Certaines protéines par exemple peuvent être modifiées par génie génétique pour réaliser des fonctions différentes ou même pour modifier leur aspect et leur fonctionnement c’est ce qu’on appelle les protéines chimères* ou protéines de fusion*. La technique de fabrication de protéines dites chimères permettant depuis le XXe siècle de concevoir des objets aux propriétés complétement diverses. Cette technique est utilisée pour fabriquer des protéines luminescentes à partir d’une protéine de capture et d’un tag fluorescent permettant la détection d’agents pathogènes [LEU12]. Des exemples et des compléments sur les protéines de fusion seront données dans le chapitre 2.
Il existe donc plusieurs types d’objets biologiques pouvant être utilisés dans la microélectronique pour profiter de propriétés différentes de celles des matériaux usuels en salle blanche. Il reste néanmoins à savoir comment peut être réalisé l’interfaçage entre un objet en silicium et un objet biologique en fonction des applications visées et des résultats attendus. Comme nous l’avons déjà explicité nos études portent sur la conception d’un nouveau type d’interconnections et sur le développement de nouveaux capteurs. Nous allons maintenant expliquer plus en détails comment les objets biologiques peuvent nous aider dans ces deux domaines applicatifs.
Des interconnections à base d’objets biologiques
Pour répondre à nos besoins nous voulons interconnecter deux puces de silicium entre elles ou réaliser des interconnexions à l’intérieur même d’une puce. Pour mieux appréhender les besoins en interconnexions nous prendrons exemple sur celles présentes dans le module 3DNOC dans la figure I.11. Le module 3DNOC est un véhicule test permettant de démontrer un empilement de circuits asynchrones. Pour ce véhicule test intégrant une technologie avec le nœud 28nm (standard des puces actuelles) nous cherchons à obtenir des interconnexions locales verticales le moins résistives possible et ayant des dimensions très agressives, de l’ordre de quelques micromètres de diamètre et pouvant atteindre plusieurs dizaines de micromètres de longueur.
Pour les applications futures, les nœuds technologiques en dessous de 10nm et les puces en 3D, les interconnexions devront poursuivre leur diminution d’échelle. On peut estimer qu’elles devront avoir un diamètre inférieur à 1µm et une longueur de quelques dizaines de micromètres avec un pas de répétition micrométrique. Or ce grand facteur de forme est difficilement réalisable même par les techniques de microélectronique les plus récentes. Nous pouvons le constater avec les énormes contraintes liées à la fabrication de transistors isolés dont la largeur de grille est inférieure à 10nm et la longueur de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres [BAR12]. Des techniques complexes de dépôts, de lithographie et de gravure devront encore être développées pour passer d’un dispositif isolé dans un démonstrateur à la production de ces même motifs répétées de proches en proches et en masse (augmentation du rendement) avec des empilements de plus en plus complexes
D’un autre côté, un tel facteur de forme n’apparait pas comme particulièrement exotique pour les organismes vivants. Le brin d’ADN le plus long chez l’homme est composé d’environ 220 millions de paires de bases espacées de 0,33nm. Ce qui représente une longueur totale de plus de 7cm alors que le diamètre de la double hélice est mesuré entre 2nm et 3nm. Bien entendu, d’ordinaire l’ADN n’est pas rectiligne mais plutôt en forme de pelote dense dans laquelle les brins sont enchevêtrés mais il a l’avantage d’être un matériau très facilement accessible et synthétisable. A l’état naturel l’ADN est un isolant électrique. Il faut donc le rendre conducteur pour certaines applications de la microélectronique. Une des voies connues est la métallisation, on obtient en fin de fabrication des nanofils de 25nm de diamètre pour 1µm de longueur avec une résistance inférieur à 1kΩ [BRU15]. On peut aussi parler des protéines qui malgré leurs conformations parfois très complexes possèdent des dimensions pouvant très facilement atteindre quelques microns de long pour quelques nanomètres de diamètre comme c’est le cas pour la fibre amyloïde que l’on présentera plus en détails dans la prochaine partie. La figure I.13 montre en parallèle une interconnexion utilisée dans les derniers appareils électronique (nœud 28nm), un brin d’ADN métallisé, une fibre conductrice à base de protéine et une représentation des interconnexions pour les nœuds technologiques en dessous de 10nm.
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Table des matières
Introduction générale
-Chapitre 1-
I. Les objets biologiques peuvent-ils permettre de concevoir des dispositifs innovants et performants pour les nouveaux challenges de l’électronique
I.1.1. 70 ans d’électronique : de l’essor à un ralentissement de la course à la miniaturisation des composants
I.1.2. Le développement de l’électronique hétérogène, les nouveaux challenges de l’intégration 3D : application aux interconnexions et au capteurs
I.1.2.1. L’intégration 3D au centre des attentions
I.1.2.2. Les enjeux liés aux interconnexions
I.1.2.3. Les enjeux liés aux capteurs
I.2. Les objets biologiques peuvent-ils être des solutions alternatives intéressantes pour répondre aux problèmes actuels ?
I.2.1. Quels sont les avantages de la co-intégration d’un objet biologique et d’un objet silicium ?
I.2.2. Des interconnections à base d’objets biologiques
I.2.3. Des capteurs utilisant des objets biologiques
I.3. Objectifs et méthodologie de travail
-Chapitre 2-
II. Les nanofils biologiques et le besoin de conception d’une plateforme pour les caractériser électriquement
II.1. Intérêt des nanofils biologiques, cas particulier de la fibre amyloïde
I.1.1. Les nanofils biologique, des structures modifiables et fonctionnalisables à grand
facteur de forme
I.1.2. Cas particuliers des fibres amyloïdes Het
II.2. Définition d’une plateforme permettant la caractérisation des objets biologiques
II.2.1. Contraintes liées à la microélectronique, aux dimensions et à la biocompatibilité
II.2.2. Définition du packaging
II.3. Conception d’un dispositif de mesure biostable pour l’étude électrique des objets biologiques
II.3.1. Conception d’un masque de mesure des objets biologiques
II.3.2. Fabrication des puces électroniques
II.3.3. Choix du boitier et packaging
II.3.4. Tests électriques préliminaires de la plateforme de caractérisation
II.3.5. Vérification de l’impact de la mise en boitiers et de l’environnement de mesure
II.3.6. Analyses des causes du disfonctionnement électrique
II.3.7. Mesures du comportement électrique de la fibre amyloïdes sous forme de film
II.4. Conclusion
-Chapitre 3-
III. Conception et fabrication d’un capteur à base de nanofils de silicium co-intégrés avec un circuit CMOS d’adressage
III.1. L’ISFET : description, fonctionnement et exemple de réalisation
III.2. Co-intégration d’une matrice d’ISFET et d’un circuit CMOS
III.2.1. Contraintes de conception d’un capteur hybride en 3D
III.2.2. Design et fonctionnement du circuit d’adressage
III.2.3. Fabrication des capteurs 3D par report de wafers
III.2.4. Caractérisations préliminaires des dispositifs en voie sèche
III.2.5. Packaging des puces pour la réalisation de mesures en voie humide
III.3. Conclusion et perspectives
-Chapitre 4- Etude de la détection fine de charges à l’aide d’un nanofils de silicium et impact sur l’intégration
IV. Etude de la détection fine de charges à l’aide d’un nanofils de silicium et impact sur l’intégration
IV.1. La détection fine de charges à l’aide de nanofils de silicium
IV.1.1. Intérêt de la détection fine de charge
IV.1.2. Principe de base permettant la détection de charges à l’aide de nanofils de silicium115
IV.1.3. Intérêt de la simulation
IV.2. Simulation de la détection de particules chargées
IV.2.1. Méthodologie
IV.2.2. Description de la structure de simulation
IV.2.3. Résultats
IV.2.3.1. Modification du nanofils
IV.1.1.1. Modification de l’isolant de grille
IV.1.1.2. Modification de la charge et de l’electrolyte
IV.2. Détection dans un système réel complexe
IV.2.1. Description du modèle
IV.2.2. Résultats
IV.3. Conclusion et perspectives
-Conclusion générale
Références
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