Le deuil périnatal : le tabou à travers les mots

Le choix de ce sujet de mémoire s’est logiquement inscrit dans les apprentissages que j’ai acquis durant ces deux années au sein de l’ESIT, car il reflète deux découvertes principales que j’y ai faites et est le fruit d’une réflexion engendrée par ces dernières. La première, c’est que la langue n’est pas un simple outil de communication, elle est également le reflet d’une société et de ses fondements les plus intrinsèques, elle incarne une « vision du monde ». Cette vision se traduit par les mots que l’on y trouve, mais également, en creux, par ceux qui n’existent pas. La seconde, non pas des moindres, c’est la notion d’empathie rationnelle en traduction , ou comment le traducteur peut aborder les sujets les plus sensibles avec empathie tout en conservant la distance nécessaire à la réalisation de son postulat traductif. Dès lors, aborder un sujet chargé d’affect, touchant à mon expérience personnelle, tout en conservant une approche professionnelle et suffisamment distancée pour produire un travail de qualité, abordable à mes lecteurs, m’est apparu comme une évidence autant que comme un défi intéressant. L’objectif du présent mémoire est donc d’illustrer la manière dont la langue véhicule différemment une idée ou un concept, en l’occurrence le deuil périnatal, selon son niveau d’acceptation dans la société et par cette dernière .

Le deuil périnatal est un deuil particulier, car il concerne l’enfant à naître, ou juste nouveauné. Cet être qui disparaît parfois avant même d’avoir obtenu un statut légal au sein de la société qui s’apprêtait à l’accueillir. Comment, alors, dire l’indicible ? Quels mots employer pour décrire ce que l’on ne voudrait pas croire possible ? Peut-on parfois transmettre le tabou à travers les mots ou l’absence de mots ?

En France, on parle généralement de mortalité périnatale pour parler du décès des fœtus et des bébés entre 22 semaines d’aménorrhée (SA) et 27 jours de vie révolus. La mort peut-être due à une mort fœtale in utero (MFIU) ou à une interruption médicale de grossesse (IMG). Dans certains pays anglophones et dans le cadre du texte support de ce mémoire, la mortalité périnatale (perinatal loss) désigne aussi l’avortement spontané, également connu sous le nom de fausse couche (mort d’un fœtus avant la 28e semaine de grossesse ). Aussi terrible qu’inattendue, l’issue fatale de cette grossesse, état qui par nature devrait être synonyme d’avenir, engendre au-delà du choc, un type de deuil très particulier en de multiples aspects. L’image de l’enfant à naître ou du tout juste nouveau-né est très limitée au sein du cercle familial, voire inexistante pour le reste de l’entourage et la société. Il n’y a que très peu voire pas de souvenirs à partager et le statut juridique lui-même est parfois incertain. La grossesse, symbole du cycle de vie qui suit son cours, et la naissance d’un enfant vivant, qui en est la suite logique, sont deux piliers de notre société. Trouver la mort où l’on attendait la vie semble contre nature et évoque des peurs que nul n’a envie d’affronter. En cela, le deuil périnatal a longtemps été un tabou, une réalité dont on préfère détourner le regard, peut-être pour croire en toute quiétude à la pérennité de l’espèce humaine.

Récemment, l’Académie française et le Larousse se sont vu soumettre une demande bien particulière, provenant d’associations œuvrant autour du deuil périnatal . Cette requête était l’introduction dans les dictionnaires d’un nouveau mot : « parange ». Nombre de parents endeuillés cherchent à briser le tabou et à être reconnus et identifiés en tant que tel, car dans la langue française tout comme dans la langue anglaise, il n’existe pas de terme qui définisse précisément le statut de parent ayant perdu un enfant, comme « orphelin » désigne une personne qui a perdu un parent (ou ses parents) et « veuf » ou « veuve », une personne qui a perdu son conjoint. Au-delà de ce qui peut paraître pour certains une simple question de rhétorique, la finalité de cette démarche n’est-elle pas tout simplement la reconnaissance d’une détresse et la recherche d’une légitimité que la société ne leur accorde pas encore, comme en témoigne tout simplement l’absence de terme permettant de désigner leur souffrance ?

Ferdinand de Saussure appelle signe linguistique « la combinaison du concept et de l’image acoustique ». Il fait la différence entre le signe, le signifié et le signifiant. Le signifié représente l’idée, la représentation mentale d’un concept, tandis que le signifiant représente la matière phonique, « l’image acoustique » d’un mot. Le signe, quant à lui, est l’ensemble de ces deux éléments. Pour Ferdinand de Saussure, le signe linguistique est arbitraire, en ce sens qu’il n’existe pas, en soi, de lien entre le signifiant et le signifié. En effet, Saussure considère que le signe ne répond à aucune motivation, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune relation de nécessité entre le signifiant et le signifié, aucune attache naturelle dans la réalité entre ces deux éléments.

Dans son cours de linguistique générale, Ferdinand de Saussure différencie la langue de la parole. La langue serait alors un acte social, un ensemble de signes arbitraires qui ne relève pas de la volonté de l’individu. L’enfant apprend sa langue maternelle de manière passive, quasi involontaire ; il apprend, car il est entouré de signes linguistiques qui lui sont nécessaires pour communiquer, il s’en imprègne au quotidien, cela ne relève pas d’une volonté particulière de sa part. La parole, au contraire, est « un acte individuel de volonté et d’intelligence ». Si, comme Saussure, on considère la langue comme un outil et le langage comme la capacité à l’utiliser, la parole désigne alors la manière de faire usage de l’outil en question. Chaque individu a le libre choix de l’utilisation d’un outil, il en est maître, et son usage relève de sa volonté individuelle. Saussure précise d’ailleurs que la langue « n’existe qu’en vertu d’une sorte de contrat passé entre les membres de la communauté », ce qui implique qu’une lacune linguistique (ou lexicale) est un indice de la nature ou de l’étendue du « contrat » qui lie les usagers d’une langue.

Même s’il n’est nommé ainsi qu’au XXe siècle par Ferdinand de Saussure, le concept de signe linguistique donnait lieu depuis bien longtemps à de multiples études et théories, et ce, avant même les philosophes antiques. Au premier millénaire av. J.-C., la grammaire de Pānini posait les jalons de la linguistique et permettait de faire le lien entre le signe linguistique, la pensée et la représentation psychique de l’objet. Le sanskrit apparaissait alors comme une langue porteuse de sens, de culture et de sacré . Le « logos » d’Héraclite interrogeait d’une nouvelle manière sur l’origine de la parole ; le lien entre la pensée, l’énoncé et la réalité serait d’ordre divin. Le signe linguistique ne serait non pas arbitraire, mais motivé. Chaque signe linguistique serait le fruit de la représentation fidèle de la nature propre de l’objet.

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Table des matières

Le deuil périnatal : le tabou à travers les mots
Exposé du sujet
Première partie : La langue, miroir d’une société et de ses tabous ?
De l’antiquité au XXIe siècle : le relativisme linguistique
Le tabou linguistique et le poids des mots
Des mots en trop, des mots manquants
Deuxième partie : Le statut du fœtus, cadre juridique et réalité culturelle
Quand la loi influence la culture
Théorie juridique et réalité culturelle
Troisième partie : Le deuil périnatal, un deuil singulier
Mourir avant de naître, l’adieu à l’avenir
Donner la mort, bousculer l’ordre établi
Deuil normal, Deuil complexe, Deuil traumatique
Traduction
Stratégie de traduction
Repérage des difficultés de traduction
a) Difficultés lexicales
b) Difficultés syntaxiques
c) Difficultés stylistiques
Traduire sans se trahir
a) L’empathie rationnelle en traduction
b) Le traducteur doit savoir s’effacer
c) S’effacer, mais sans jamais s’oublier
Le traducteur à l’ère de l’intelligence artificielle neuronale
a) DeepL, ce que la machine sait faire
b) Ce que la machine ne sait pas faire
c) Ce que peuvent faire ensemble, la machine et le traducteur
Analyse terminologique
Liste des fiches
Fiche-type
Glossaire

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