Le design à la recherche d’une opportunité de branding : de l’état de fait sémantique à l’opportunité sémiotique 

L’identité du designer est mise en valeur au sein des supports autrement que par son simple nom

Les noms propres, disait Mill, « n’ont, à proprement parler, aucune signification »; ils sont une simple marque permettant de distinguer un objet d’un autre, sans dire en quoi — par quelles propriétés — cet objet se distingue des autres. C’est Kripke qui introduisit ensuite bien plus tard la notion de désignateur rigide, dans le sens de nom propre « vide de sens ».
Nous avançons avec cette hypothèse qu’étant donné cette contrainte du désignateur rigide – il est évident que pour probablement beaucoup d’entre nous, les Bouroullec ne sont pas forcément deux designers issus des Arts Décoratifs – il existe dans les supports des éléments permettant de contourner cette dimension de désignateur rigide qui colle au nom. Des éléments qui ont été pensés pour venir « faire identité » a ses côtés, l’enrichir, pour finalement le relayer . Nous avançons donc que si la représentation du nom du créateur est certes un moyen de le désigner, il n’est qu’une forme possible au sein d’un système de référence varié. Dans cet univers où le nom est caution, nous avançons le fait que les éditeurs et marques essaient donc de représenter et dénoter la personne autrement que par le nom, et nous verrons selon quels ressors.
Après la prise en compte du handicap que représente le désignateur rigidepour le nom, notre deuxième hypothèse avance le fait que le design et les designers sont à la recherche d’une opportunité de production de sens qui leur permette de donner du sens à ce nom, sur ce nom, avec ce nom. En quête d’une augmentation de capital sémiotique, nous avançons le fait qu’ils transforment l’état de fait sémantique du désignateur en une forme nouvelle, hybride, qui produit alors un sens nouveau. Notre seconde hypothèse se formule donc comme suit :

Le design est à la recherche de représentation marquées et d’une opportunité de branding

Nous verrons en traitant cette hypothèse quelles sont les possibilités sémiotiques offertes par le nom en vue d’un nouveau mode de signification, et aussi quelles sont les conséquences de ce passage du nom au signe. Nous verrons notamment comment du nom à la marque, certains s’essayent à l’architecture de marque sans pour autant en maîtriser tous les aspects : c’est alors que nous formulerons nos recommandations, en fin de partie.

Signifier l’identité du designer autrement que par le nom : ou l’anti désignateur rigide

Le champ d’étude auquel nous nous intéressons a cela de propre que la manifestation de l’auctorialité y est un enjeu capital, notamment pour signifier la personne du designer. Au sein des supports mais aussi bien plus en amont dans la création de l’objet, notre contexte énonciatif implique aussi, une multitude de petites mains aux métiers et connaissances indispensables à l’avènement de l’objet. Comme nous l’avons abordé précédemment, la polyphonie est constituée une pluralité des acteurs mais surtout par la présence de ceux dont le statut d’auteur est légitime, et ce par les conditions d’originalité, de différence et d’enrichissement mises en avant par Quinton.
Il relèverait du truisme de soulever le fait que les personnes, qu’elles soient plus ou moins illustres, sont mentionnées et désignés grâce à leur nom. De ce fait, le nom du designer reste le ressors majeur auquel les marques, et bien sur mêmes euxmêmes ont recours pour se désigner. Nous pourrions même dire ici, se signifier : car il s’agit bien de signifier la présence, la collaboration d’un designer dans tel ou tel projet, afin de faire valoir sa caution, et la garantie selon laquelle l’objet est donc fameux.
Bien sûr, notre corpus n’échappe pas à cet état de fait : les noms des designers, complets ou incomplets, y sont toujours mentionnés. Mais n’est-il pas bon de se demander alors, quelle peut bien être la valeur de ce nom ? Bien que le design se démocratise, tant dans langage que dans sa pratique ou l’intérêt qu’il suscite, le domaine et le mot de « design » restent encore un monde inconnu. Il est évident que tout un chacun ne saurait être capable de dire si Bouroullec relève d’une expression perdue un peu curieuse ou bien d’une fratrie de créateurs très inspirés par la nature, sortis des Arts Décoratifs.
La désignation du créateur par son nom afin de faire valoir sa dimension auctoriale nous amène à aborder la dimension référentielle de ce dernier. Comme l’expliquait John Stuart Mill dans son Système de logique , un nom – il prenait l’exemple de Mitterrand – connote un individu mais ne dénote rien, il est un pur désignateur. Similairement à l’arbitraire du mot qui rappelle que le mot chien n’aboie pas, il n’est pas donné au nom de produire un sens spécifique ou différenciant qui permette à l’interlocuteur de se forger une idée ou une préconception de la personne ou de ce qu’elle fait. Dans la perspective sémantique du nom que nous étudions – qui est, rappelons le, un nom propre – notre nom n’est donc qu’un « nom propre vide de sens » . Après la considération du nom tel quel, la question suivante relève de la levée d’ambigüité quant à ce que le nom dénote. Selon Kripke, le nom propre désigne toujours le même objet, quelque soit le monde de référence. Il existe donc une ambigüité référentielle certaine : pour certains, Prouvé peut être qu’un nom sans être un illustre designer. Et encore davantage, sans le marqueur de la majuscule en début de mot – marqueur pouvant être facilement brouillé avec une utilisation de majuscules sur tout le mot, par exemple – il peut même être perçu comme un verbe de la langue française. Marie-Noëlle Gary-Prieur précisait d’ailleurs les restrictions qui devraient normalement s’opérer quand à leur mention : « Un nom propre en effet se caractérise par sa relation à un référent initial, et ne peut être employé sans que soit présupposée une connaissance de ce référent, partagée avec les interlocuteurs ». Or, dans le cas qui est le notre, l’impossibilité de réponse des récepteurs est évidente : Baudrillard disait des médias traditionnels qu’ils sont ceux qui interdisent à jamais la réponse. Si les marques habituelles jouissent de l’acte de baptême de leur nom de marque, il n’en est pas autant pour notre malheureux nom de créateur, qui ne peut pas, par absence d’opportunité néologique, « dire également par le pouvoir de sa forme, l’expertise, la performance technologique et l’innovation » . Car si les marques classiques peuvent enrichir le capital sémiotique de leur nom, le nom de créateur est privé de cette possibilité de faire « signe de »

Quand la forme marque : l’iconisation des objetsjusqu’à l’iconisation du style du designer

Le concept Prouvé Raw se présente comme une collaboration inédite entre une marque de textile, G-Star RAW spécialisée notamment dans la toile de jean, un éditeur historique et distributeur de design, Vitra, ainsi que la famille du designer Jean Prouvé, créateur des objets nous étant présentés. Ce concept au sein de notre corpus est un des plus polyphoniques : trois voix se partagent l’auctorialité du concept et avec elle la tête d’affiche. Outre le parti-pris du nom Prouvé Raw sur lequel nous reviendrons plus tard dans ce travail, les analyses des objets communicationnels indiquent dans un premier temps que l’élément médiateur entre les instances est le fauteuil, et ce dans deux champs, le champs existentiel ou fonctionnel (l’objet du fauteuil en lui même) mais aussi celui du symbolique (sa représentation dans les supports). Concernant le premier, l’objet dans ses caractéristiques synesthésiques en tant que signifiant, a rassemblé les efforts des deux marques quand à son avènement, avec la participation de la famille de Jean Prouvé. Mais il est intéressant de noter que son signifié sur les supports (dans la construction de l’identité du concept) se pose elle aussi comme médiateur, à l’image du travail en amont qui a été fait. Le représenté, le fauteuil Direction imaginé par Jean prouvé en 1951 – l’objet en volume – à été iconisé : les caractéristiques formelles du fauteuil, mais surtout les formes triangulaires si représentatives du travail de Prouvé ont été « absoluties », simplifiées, radicalisées en un représentant vectoriel blanc. Dès lors, toutes les autres instances présentes dans le dispositif se teintent de blanc, et font écho à la suprématie de l’objet, comme posé sur un piédestal et chapeautant l’explicitation compliquée qui donna vie au concept. Les noms des autres marques prennent également la police de caractère définie pour le concept. En position centrée, chaque pied de fauteuil est situé au dessus de chaque instance, comme si le fauteuil puisait littéralement sa source et sa légitimité dans Prouvé, et dans RAW. Simplifiée pour mieux rassembler, telle est la représentation de l’objet au sein d’un bloc qui a été pensé pour marquer. Si l’aspect marqué de cette collaboration sera traité plus en profondeur dans la deuxième partie, il est clair que l’objet prend ici une position de médiateur venant légitimer la pluralité d’instances en jeu. Le choix du blanc comme couleur unique du bloc n’est évidemment pas sans lien ni arbitraire quand à cet argument. Cette forme absolue, cette « image » de l’objet caractéristique, alors blanchi, vierge, n’est rien de moins que l’avènement d’un objet nouveau, d’une page blanche à écrite, d’un objet nu, prêt à de nouvelles aventures, venant justifier et légitimer la collaboration.
Dans cette simplification médiatrice des caractéristiques formelles, il est aussi surtout question de formes caractéristiques : cet absolutisme de la forme fait ressortir les parti-pris formels si représentatifs du travail de Prouvé que sont les structures triangulaires (piètement du fauteuil). C’est le profil parfait du fauteuil qui nous est donné d’observer : sans cet angle, impossible alors de remarquer ces fameux piètements triangulaires. C’est la transformation de la créativité en un symbole fort, comme universel, qui parle de l’essentiel.

Quand l’objet marque : la revendication de l’autorité technique

Dès lors que nous abordons l’iconisation de l’objet, impossible de ne pas mentionner l’historique éditeur de design Herman Miller. Maison célèbre de la commercialisation et de l’édition de meubles et de matériel de bureau, la marque américaine est une référence : son fondateur Herman Miller, s’intéressa très tôt et de aussi de près au travaux des designers du début du siècle dernier. Il est notamment – avec Vitra, qui le deviendra aussi pour le marché européen – le principal éditeur des travaux de Charles et Ray Eames, l’illustre et brillant couple de designers, à qui nous devons la quasi totalité des chaises de la quasi totalité des restaurants du Marais aujourd’hui. Le couple est reconnu pour ses chaises et fauteuils devenus iconiques, comme la Lounge chair, la DSW, et les chaises en aluminium visibles dans notre corpus (voir annexe 1).
Les Eames sont notamment reconnus pour avoir inventé le système et mécanisme de piètement pour soutenir la plupart de leurs assises, notamment celui du « Aluminium group » et du « plywood group ». Le couple et leurs travaux ont bénéficié tôt d’une grande médiagénie : on disait mêmes qu’ils étaient des faiseurs d’images. Leur production prolifique de photos, d’éléments graphiques mais aussi surtout la sympathie qu’ils suscitaient en ont fait un immanquable des années 1940 à aujourd’hui, tant leurs créations sont omniprésentes dans notre quotidien contemporain. Les piètements à quatre et cinq branches sont devenus caractéristiques de leur travail mais surtout largement médiatisés et représentés par les éditeurs. De nombreux supports graphiques les représentent d’ailleurs de manière symbolique, comme les vues de dessus des piètements, qui ont même été transformés en motifs (voir annexe 2) .En effet, leur représentation n’est pas sans rappeler le paragraphe précédent : Herman Miller, distributeur exclusif des Eames aux Etats-Unis, a largement capitalisé sur les éléments caractéristiques, à savoir certes les formes d’assises, elles aussi très reconnaissables mais surtout les groupements de piètement en aluminium. Les visuels diffusés à l’époque, visibles en annexe 3 montrent à quel point l’éditeur a poussé l’absolutisme de la forme à l’extrême, transformant les courbes formelles des objets en symboles en eux-mêmes.
Parce que finalement, les formes en disent plus que le nom, parce que les courbes sont celles qui rendront deux objets de même usage à jamais différents, l’éditeur en fait ses têtes d’affiche. Chaque objet étant différencié avec succès par quelques lignes minimales en aplats de couleurs. Si certaines affiches sont datées, il est intéressant de remarquer que la marque semble toujours utiliser ce système de signification à l’heure d’aujourd’hui (notamment les visuels du bas datant de 2011 et de cette année) il est nécessaire de revenir sur cet état de fait afin de poursuivre notre démonstration. L’après la vague médiatique et de traitement symbolique de leurs objets, la référence des Eames fait aujourd’hui partie de notre environnement contemporain. Et c’est alors que le mode de signification de la singularité des designers et de leurs travaux n’est plus le même : après avoir été rendus facilement identifiables et reconnaissables par la symbolisation extrême, les supports mettent aujourd’hui en avant les objets sous un jour nouveau. Si les tendances graphiques évoluent avec le temps, c’est en regardant de plus près notre corpus Vitra Eames que nous ne pouvons que constater qu’ici encore une attention toute particulière est portée à la disposition et scénarisation des piètements des chaises. Si l’éditeur Vitra n’utilise plus le ressors de la symbolisation des formes caractéristiques, c’est parce que de la « patte » du designer nous passons au registre de la primauté du style mais aussi de l’invention en elle même. Si ce sont toujours les mêmes éléments qui ont été représentés – le groupement en aluminium – le changement de mode de signification est significatif. Ici, le style graphique est avant tout photographique et réaliste, avec une mise en valeur du style de vie et de l’habitat de manière générale : la promotion des couleurs, la disposition « ancrée dans la vie » des visuels des encarts modernisent un objet qui n’a cependant jamais vieilli. En analysant de plus près les visuels utilisés, nous remarquons bien la surreprésentation des piètements, notamment dans les encarts publicitaires présents sur le site : sur un visuel ou l’on ne voit finalement aucun groupement dans sa totalité, tout est fait pour que nous puissions non seulement en reconstruire au moins un complet mais surtout chaque espace, joué de perspective, s’amuse à nous faire entrevoir ces piètements si caractéristiques. L’angle de prise de vue, semble bien plus bas que celui d’un homme tenu debout, et permet justement de voir d’avantage l’objet dans sa hauteur. Dans l’encart promouvant la disponibilité de couleurs (qui est ici non plus du ressors du designer mais bien de l’éditeur, un peu de la même manière qu’un éditeur choisirait la couverture du roman) c’est comme si l’éditeur avait partagé l’espace de parole en deux parties distinctes : en haut, où il vient faire étal de son offre colorielle et des modèles disponibles, et puis le bas, où les piètement sont là encore mis en valeur. Remarquons le soin porté à la visualisation en intégralité de chaque piètement, chaque chaise étant si justement séparée de sa voisine pour les laisser s’entrevoir, tel un écrin de feutre dévoilerait une perle chromée. Dans les publicités, des affiches récentes commanditées par Vitra, les éléments scéniques ont une importance aussi particulière, puisqu’ici encore on remarque la prise de vue légèrement sous bassée qui permet encore et toujours une vue globale sur les piètements. Mais plus globalement, la disposition d’un ensemble composite d’objets de décoration tout autour des chaises, rend l’impression d’une œuvre d’art à qui l’on rendrait un hommage. Finalement, dans ces supports plus récents, Vitra signe l’identité des Eames en scénarisant ce qui les rends unique, ce qui fait leur singularité. Par ce mode de signification plus réaliste, c’est davantage l’invention dans son ancrage dans la réalité, dans ses caractéristiques presque synesthésiques qui sont mises en valeurs plutôt qu’une pureté exclusivement formelle. L’aluminium brossé, les reflets, les courbes et jeux d’ombres et de lumière, sont ici comme un écrin de mise en valeur d’un savoir faire industriel, lui aussi. Et pour évidence : si Vitra ne peut revendiquer l’auctorialité des objets qu’elle distribue, leur production industrielle en est de son ressort. L’éditeur, non loin d’être un simple distributeur, vient apporter la caution technique d’un certain savoir faire, issu de l’expérience, quand à sa capacité à donner vie au prototype. D’ailleurs, sa contribution peut amener à des modifications formelles de l’objet : ce fut le cas pour Vitra et Herman Miller qui, au milieu du siècle dernier, éditaient les mêmes références créées par les Eames. Mais chacun, pour son marché, avait opté pour de légères adaptations quand aux piètements, le même objet sur le dessin ayant alors deux traductions locales, en quelque sorte. A partir de là, il semble presque logique que l’éditeur ait pris le soin de mettre en valeur cet élément : à la fois comme un signe de reconnaissance des Eames, signifier leur identité autrement qu’avec un nom, mais aussi bien sûr pour lui-même, pour faire valoir sa garantie de qualité, de savoir-faire. Finalement, il s’agit comme d’un empilement sémiotique : si l’objet, la focalisation sur ce qui le rend particulier, permet de signifier la personne du designer, c’est son traitement (comprenons scénarisation, traitement graphique etc.) qui permet à l’éditeur rajouter lui son discours intéressé par dessus. L’éditeur vient comme sursignifier son discours sur un élément bien spécifique (les piètements, ce qui rend les Eames uniques), et ainsi son savoir-faire. C’est donc une représentation du travail du designer selon l’angle pertinent pour l’éditeur dans son discours publicitaire, notamment dans le caractère moderne qu’il entend donner aux objets. Il fait donc sa propre publicité d’expert industriel et commercial sur la requalification de l’objet non plus en dessin, comme c’était davantage le cas par iconisation, mais en tant qu’objet ancré dans le quotidien. D’ailleurs, la séparation sémiotique est presque tranchée : d’une part les chaises avec le piètement bien visible, ou signe l’auctorialité des Eames, et au sol, l’ensemble hétéroclite d’objets de décoration qui ancre l’objet dans l’habitat mais qui surtout pose Vitra comme une marque de style, complète et surtout moderne, par la diversité des objets et le choix des couleurs.

Ceci est mon nom, ceci est une pluralité de marques : vers l’architecture

Karine Berthelot-Guiet, par ses recherches nombreuses sur le statut du nom de marque, s’est intéressée de près aux opportunités que celui-ci peut recouvrir, et notamment dans le domaine du branding. Elle explique entre autres dans La marque du nom qu’une marque « ne peut faire l’économie d’une réflexion sur sa dénomination et sur les potentiels communicationnels que celle-ci lui ouvre. » Mais qu’en est-il quand on ne choisit pas ce nom ? Qu’en est-il quand l’identité, si importante de la personne, ne peut se permettre – sous forme d’une regrettable erreur – de s’effacer derrière un néologisme ? Dans le corpus que nous étudions se trouve Philippe Starck, illustre créateur bien que parfois décrié, étant aujourd’hui une des figures emblématiques du design mondial et s’est confectionné un portfolio tout bonnement incalculable. Mais Starck n’est plus seulement qu’un créateur : si l’homme bénéficie d’une très grande médiagénie, aujourd’hui, c’est également la marque ellemême qui fait sens et signe partout où il a jeté son dévolu créatif. Du nom à la marque, nous allons voir comment une marque de prime abord simplement homonyme du nom propre fait sens de manière particulière dans l’écosystème que nous étudions, jusqu’à se faire elle-même écosystème Sin Karine Berthelot-Guiet se demandait comment le nom de marque habillet-il le vêtement, nous allons nous aussi nous poser la question de comment la marque du créateur habille-t-elle l’objet.
Nous l’avons déjà abordé, il est d’une nécessité d’augmenter le capital sémiotique du nom propre vide de sens . Notre nom de marque n’est donc pas un néologisme conscientisé, lui permettant de dénoter des attributs de marque ou de produit. Cet état de fait (sémantique) constitue un point majeur dans la considération nouvelle du capital sémiotique que le nom du créateur peut représenter, dans le sens le seul recours sera plus sémiotique que linguistique : garder le nom implique une augmentation de son capital sémiotique.
La marque du créateur a été déposée in n’y a pas si longtemps, en avril 2011.
Dans sa construction, la marque se calque bien sûr sur le nom de Starck, avec le fameux symbole mathématique « + » orange ayant remplacé le t. Dans cette identité, on retrouve bien la notion d’évidemment sémantique puis « de proposition de sens nouveau », puisqu’on a bien augmenté le capital du syntagme lui-même, sans pour autant rajouter une multitude de signes par des créations graphiques, etc. Plusieurs points déterminant s sont donc constitutifs de l’identité visuelle du créateur : le orange et le « + », omniprésents voire sureprésentés à l’extrême sur toutes ses plateformes et supports. La charte graphique se constitue ensuite de gris et de blanc, comme précisé dans un rapport de l’AFNIC. Le sens produit par cette identité se réclame de manière attendue de la modernité, notamment grâce à la typographie et à sa couleur perlée, mais aussi d’une forme d’inconformisme, par la couleur du orange . Cette couleur a une importance capitale dans le travail de Starck puisque non seulement le « + » orange de son logo signe une majorité de ses produits, mais bien plus encore, puisqu’elle est un acteur à par entière de la représentation de Starck, qui l’utilise dans ses vêtements pour se mettre en scène dans ses photos, et bien plus encore puisque ses objets en  revêtent la couleur dans un systématisme presque agaçant. D’autant plus que comme l’expliquait Michel Pastoureau, le fait d’avoir projeté sur cette couleur des symboles positifs (comme la lumière, la gaîté, le dynamisme), elle fut tellement surexploitée dans la ville (métros, cartes..) comme dans les foyers qu’elle en est devenue vulgaire au fil des temps. Le orange n’est alors peut être pas illogique en tant que symbole de la philosophie presque utopiste de ce designer qui prétend démocratiser le design et s’adresser à tous. Puisque le développement des technologies et des matériaux a une conséquence directe sur le design et la consommation, il est aussi utile de rappeler que cette couleur fut emblématique des années soixante, de manière corrélée au développement incroyable du plastique, parce qu’elle fut alors très facile à représenter. Parce qu’issue d’un mélange, « le orange est une couleur artificielle, comme la matière plastique » . Si Starck se définit lui-même comme un gourmand, la couleur en est aussi le symbole : jouissif, féminin, voire gustatif, il n’existe pour nous que par son origine de fruit. Si le orange par son renvoi au plastique notamment dénote le domaine, la construction du nom est également intéressante sur ce point. Nous l’avons vu, le design est le domaine privilégié des collaborations, des partenariats, des systèmes auctoriaux ou plusieurs voix sont représentées, en général par les conventionnels « et » « par » « pour » « avec » ou encore « & » : on voit bien que le signe « + » est, en sa position de médiateur, représentatif et réellement ancré dans la réalité du métier, d’autant plus que le signe est universel. En remplaçant le « t » de son nom en ce signemathématique, il initie déjà ses collaborations. De manière projective, c’est comme si on imaginait déjà : Starck + Lacie, Starck + Parrot… Et d’ailleurs, nombre de d’articles titrent les projets avec ce système symbolique. Sur son site internet (visible en annexe7), le symbole mathématique et le orange sont clairement sur représentés : le symbole de la souris sur l’écran est un « + », chaque occasion est bonne pour le représenter. Starck a développé, à partir d’un état de fait sémantique (son nom), non pas seulement son identité mais toute une signalétique qui s’étend bien au delà de sa simple marque. Nous allons voir non seulement qu’elle lui permet les prémices d’une nomenclature, mais que son influence dépasse largement la sphère de sa propre marque.

Du nom à la toute puissance des signes : quand la marque influence le travail de l’objet

Nous l’avons vu, Starck est l’exemple du passage du nom au symbole jusqu’à une multitude de marques. Du t de son nom au « + », le symbole est sureprésenté dans ses objets, dans le branding et l’architecture de marque qu’il déploie selon ses activités.
Nous l’avons abordé également : la majorité des objets du design sont créés sous l’impulsion d’une marque commanditaire. En cela, il est clair que les créations du design – et pas seulement du design industriel – sont dans un sens programmées.
C’est Quinton qui soulevait cet aspect en le radicalisant « Les designs n’existent qu’en relation avec des commandes » . Par commandes, il entendait bien sûr la transformation d’une demande issue d’un commanditaire, mais il était peut être alors loin de se douter en 1998 que la création serait aussi programmée par une autre puissance, non pas humaine mais symbolique : celle de la marque que le créateur à fait de son nom.
De manière générale, un commanditaire a recours à un designer pour un projet, le lancement d’un nouveau produit et s’en remet à ses capacités d’analyse, de dessin, d’adaptabilité face aux usages consommateur et de maîtrise technique et stratégique.
Ce cahier des charges incomplet constitue ce qu’une marque peut attendre du travail de designer. En parallèle, nous l’avons vu, la couleur symbolique de la marque Starck issue de son logo est le orange, orange que nous retrouvons sur de nombreux supports, sites, autres logos (celui de xO et TOG notamment) mais aussi surtout beaucoup…sur les objets. Bien plus qu’une simple signature avec un sigle (parfois avec le « + » orange comme chez Lacie, le designer utilise sa couleur – issue de son logo donc – en tant que composante même des objets qu’il créée. Dans bon nombre de secteurs différents, comme l’alimentaire (Starck et 1664 par exemple) industriel bien sûr (édition, objets de grande consommation, etc.) mais aussi textile, nouvelles technologies, architecture, le designer a déversé sa teinte dans le plastique, le métal, le verre, le textile… Si certains objets échappent à la couleur comme partie intégrante de leur design, le logo du designer viendra la rappeler. Le constat est sans appel : la marque du designer, en tant que puissance symbolique, a déteint la création ellemême. Comme s’il dessinait à l’encre orange, et quel que soit le domaine, une multitude d’objets ont été créés comme tels : une planche reconstituant ce constat est visible en annexe 10. Programmées par une marque commanditaire mais aussi beaucoup par l’instance nouvelle qu’est la marque du designer, la création se trouve donc modifiée en son sein par la puissance symbolique de la marque. Evidemment, dans une activité ou chaque forme, parti-pris formel ou symbolique se doit d’être justifié, se pose naturellement la question de la légitimité de cette couleur omniprésente sur les objets de son créateur. Est-elle pertinente à la fois dans des objets de l’industrie, de l’automobile et de la mode ? Où est-ce que cette question est elle finalement évincée dès lors qu’il s’agit du travail de Starck ? Finalement, on peut se demander aussi si les marques qui le sollicitent ne le font-elle pas davantage pour les compétences de l’homme plutôt que pour la puissance du signe ? Dans un monde de consommation déjà surchargé par les marques et les signes, le fait qu’une deuxième marque se rajoute à l’objet (en plus de la marque du commanditaire) est un état de fait qui mérite qu’on s’y attarde. D’ailleurs, ce n’est pas le choix de tous les designers, qui dessinent et inventent pour les marques sans revendiquer leur part du gâteau sémiotique que représente l’objet fini. Mais dans le cas qui est le nôtre, où Starck bénéficie d’une renommée mondiale, il constitue bien sûr une caution certaine, du moins dans l’esprit du grand public selon laquelle l’objet est fameux, et en cela, l’omniprésence des signes de Starck est une opportunité à double tranchant pour les marques.
Premièrement, parce que nous ne devons pas négliger le fait que les consommateurs « achètent du Starck » avant d’acheter du Lacie, puisqu’alors l’achat en lui-même revêt une dimension plus statutaire. Acheter du Starck, c’est acheter du design, l’air du temps et le statut qui va avec.

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Table des matières
Introduction 
I – Signifier l’identité du designer autrement que par le nom : ou l’anti désignateur rigide
a) Quand la forme marque : l’iconisation des objetsjusqu’à l’iconisation du style du designer
b) Quand l’objet fait marque : la revendication de l’autorité technique
c) Quand la demarche marque le design : la volonté d’intelligibilité
II – Le design à la recherche d’une opportunité de branding : de l’état de fait sémantique à l’opportunité sémiotique 
a) Hybridation des identités et curiosités onomastiques
b) Ceci est mon nom, ceci est une pluralité de marques : vers l’architecture
c) Du nom à la toute puissance des signes : quand la marque influence le travail de l’objet
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes 
Annexe 1 – Corpus par planche
Annexe 1 bis – Analyse sémiologique de Prouvé Raw
Annexe 2 – Visuels issus de la fondation Eames
Annexe 3 – Herman Miller et l’iconisation des formes et piètements (Eames-
Annexe 4 – Dessins et recherches graphiques des frères Bouroullec
Annexe 5 – G-Star Raw : activités récentes
Annexe 6 – G-star Raw : exemples de différenciationlégère à partir du denim
Annexe 7 – Site internet de Starck et représentations des symboles d’identité
Annexe 8 – Marques et architecture de marque de Starck
Annexe 9 – Lacie lance des produits orange Starck
Annexe 10 – Exemples de produits créés par Starck
Résumé 
Mots clefs

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