LE DEPOT ET L’INFILTRATION EN PHASE VAPEUR

LES COMPOSITES STRUCTURAUX 

Généralités

L’essor de l’industrie aérospatiale et ses besoins en matériaux de structure combinant légèreté (faibles densités) et robustesse (rigidité, résistance à la rupture, à la fatigue ou au fluage) ont conduit au développement des matériaux composites. Les matériaux composites sont, par définition, formés de plusieurs constituants différents dont l’association confère à l’ensemble des propriétés améliorées par rapport à celles de chaque constituant pris séparément [1]. Les composites structuraux sont généralement constitués d’un renfort fibreux, formant une armature qui constitue le squelette de l’ensemble, et d’une matrice qui lie entre elles les fibres et répartit les efforts ; celle-ci joue également un rôle de protection vis à vis du renfort. Dans les plus répandus (90 % des applications) sont associées une matrice en résine organique (époxyde ou polyester) et des fibres de verre, de carbone, de polyamide . . . Leurs propriétés mécaniques sont équivalentes ou supérieures à celles des meilleurs aciers pour une densité 4 fois plus faible. Ils trouvent donc de nombreuses applications en construction aéronautique, navale, automobile, pour la fabrication d’articles de sport . . . Cependant, du fait de leur faible stabilité thermique, leur emploi est limité aux applications à basse température (< 300°C).

Pour les applications à moyenne température (< 800°C), on a recours à l’utilisation de matrices métalliques moins denses que les superalliages, tels que les alliages à base d’aluminium ou à base de titane. Mais, se posent alors des problèmes de compatabilités chimiques et thermomécaniques avec la plupart des renforts fibreux. De plus, leur difficulté d’élaboration et le coût élevé des éléments qui les constituent limitent leur industrialisation. Pour de plus hautes températures d’utilisation (> 800° C), en raison de leur excellente réfractairité, leurs hauts modules d’élasticité, leur dureté élevée et leur bonne inertie chimique combinés à leurs masses volumiques relativement faibles (par rapport à celles des métaux), les céramiques apparaissent comme les matériaux de matrice les mieux adaptés. Leur association avec un renfort fibreux (au sein d’un composite) permet de pallier à leur principal inconvénient : leur fragilité. Ainsi, les composites à matrice céramique (CMC) peuvent être envisagés à terme pour la fabrication de pièces de moteur thermique ou d’engins spatiaux.

Les composites à matrice céramique 

Les premiers CMC ayant bénéficié d’un développement industriel sont les composites carbone/carbone (fibres et matrice en carbone). En raison de leurs excellentes propriétés thermomécaniques en atmosphère neutre ou réductrice et de leur légèreté, ils sont utilisés par exemple comme cols ou divergents de tuyères de moteur de fusée ou boucliers thermiques de corps de rentrée. Leur coefficient de friction élevé à chaud, ou leur biocompatibilité ont également permis leur utilisation dans les systèmes de freinage ou en tant que prothèses médicales. Cependant, le champ d’application des carbone/carbone est limité par leur faible résistance à l’oxydation qui, à l’air, débute dès 450°C.

Pour pallier cet inconvénient, il a été proposé dans un premier temps de remplacer la matrice carbone par une matrice plus résistante à l’oxydation i.e. carbure (SiC [2], TiC [3] ou B4C [4]), nitrure (BN [5] ou Si3N4) ou oxyde (Al2O3 [6] ou ZrO2 [7]). De plus, de nouvelles fibres céramiques performantes ont également été développées et commercialisées (carbure de silicium, alumine, nitrure de silicium . . .), ce qui a permis de réaliser de nouvelles combinaisons fibre/matrice pouvant être utilisées à haute température en atmosphère oxydante.

Elaboration des CMC

L’élaboration d’une matrice céramique réfractaire au sein d’une préforme constituée de fibres longues a lieu généralement soit par voie liquide soit par voie gazeuse. Dans le cas de la voie liquide, un précurseur organo-métallique ou un hydrosol (procédé sol-gel) est utilisé pour imprégner la préforme, qui est ensuite réticulée ou séchée. Le pré-imprégné ainsi réalisé est traité thermiquement pour obtenir la céramique finale.

Dans le procédé permettant l’élaboration d’une matrice solide à partir d’espèces gazeuses, la densification de la préforme se fait par infiltration chimique en phase vapeur (CVI -Chemical Vapour Infiltration-) technique dérivée du dépôt chimique en phase vapeur (CVD, -Chemical Vapour Deposition-). Ces procédés permettent d’obtenir des matériaux très purs dont les caractéristiques physico-chimiques (morphologie, structure, composition, propriétés mécaniques . . .) peuvent être contrôlées en modifiant les paramètres d’élaboration (pression, température, composition de la phase gazeuse).

LE DEPOT ET L’INFILTRATION EN PHASE VAPEUR 

Dans la technique CVD, un ou plusieurs gaz sont mis en contact avec la surface de la pièce à recouvrir (substrat). Le chauffage du substrat provoque une réaction chimique conduisant à la formation d’un dépôt solide. La chambre de dépôt est une enceinte ouverte aux deux extrémités, parcourue par le flux gazeux constitué d’un gaz vecteur entraînant le ou les gaz précurseurs du solide.

Dans le cas des réacteurs à parois froides, seul le substrat est chauffé directement par exemple par induction ce qui limite les réactions en phase homogène et les dépôts sur les parois du réacteur, mais provoque de forts gradients de température et donc de forts courants de convection. Dans le cas des réacteurs à parois chaudes, le chauffage est obtenu par rayonnement ce qui porte les parois et le substrat à des températures élevées voisines. Ce type de réacteur, utilisé dans l’industrie, permet d’obtenir une phase gazeuse homogène mais le dépôt simultané sur les parois provoque une consommation accrue des gaz.

Le mécanisme du dépôt CVD mettant en jeu des processus physicochimiques complexes peut être décrit par la succession d’étapes :

1. Transport par convection forcée des gaz jusqu’à la zone de réaction.
2. Réactions chimiques en phase homogène entre les molécules initiales conduisant à la formation d’espèces intermédiaires.
3. Transport par diffusion à travers la couche limite des espèces réactives vers la surface du substrat.
4. Réactions chimiques hétérogènes au contact du substrat :
(a) adsorption des espèces réactives,
(b) réactions à la surface entre espèces adsorbées ou entre espèces adsorbées et espèces présentes dans la phase gazeuse initiale,
(c) désorption des produits gazeux de réaction.
5. Transport par diffusion des produits gazeux à travers la couche limite.
6. Transport par convection forcée des produits de réaction et des gaz qui n’ont pas réagi vers la sortie du réacteur.

La vitesse globale de dépôt est déterminée par celle de l’étape la plus lente, appelée étape limitante. Ainsi, le processus peut être contrôlé soit par les processus physiques (transferts de masse aux étapes 1, 3, 5 et 6) soit par des processus chimiques (étapes 2 et 4). Dans le premier cas, le système est dit en régime diffusionnel. Dans le deuxième cas, le système est dit en régime chimique. Le régime chimique en phase hétérogène est favorisé dans des conditions de basse pression (LPCVD, -Low Pressure Chemical Vapour Deposition-) (typiquement < 50 kPa), de basse température (typiquement < 1200°C) et de débits gazeux assez élevés pour permettre un apport de matière suffisant. Il permet l’obtention de films denses et homogènes ou l’infiltration de substrats poreux (CVI), tels les préformes fibreuses, en donnant aux espèces réactives le temps de diffuser au coeur de la porosité avant de réagir et de provoquer son obstruction. Dans ces conditions, le système chimique est loin de l’équilibre et il ne peut plus être décrit de façon rigoureuse par des études thermodynamiques. En CVI isotherme et isobare (ICVI), les vitesses lentes de réaction impliquent des infiltrations sur de longues durées pour la densification complète d’une préforme fibreuse. Cependant, dans les réacteurs à parois chaudes, l’infiltration simultanée de nombreuses pièces de géométrie complexe est possible.

LES COMPOSITES SiC/SiC 

Les fibres

La fibre couramment utilisée comme renfort des composites SiC/SiC est la fibre Nicalon(1) dont le diamètre moyen est d’environ 14 µm. Elle est élaborée par « filage/réticulation à l’oxygène/pyrolyse » d’un précurseur organométallique de type polycarbosilane (PCS). Il s’agit principalement d’une structure métastable de nano-cristaux de SiC ß de 2 à 3 nm de diamètre emprisonnés dans une phase amorphe d’oxycarbure de silicium SiC1-x/4Ox/2 comportant des agrégats de carbone libre polyaromatique [10,11]. La présence d’une fine couche de silice est également observée en extrême surface de fibre. Les caractéristiques mécaniques de ces fibres (E ≈ 200 GPa, sR ≈ 2500 MPa), associées à une faible densité (d = 2,55), et une bonne tenue à l’oxydation et à une utilisation aisée sous forme de mèches multifilamentaires et de tissus, expliquent la place qu’elles occupent dans les CMC. Cependant, du fait de la présence d’oxygène, ces fibres sont instables au-delà de 1000°C sous atmosphère inerte ou sous vide [12,13] : l’oxygène de la fibre est éliminé sous forme CO et SiO, laissant une structure microporeuse. A partir de 1300°C, cette évolution s’accompagne également d’une croissance des grains de SiC ß. Cette dégradation thermique entraîne une dégradation importante des propriétés mécaniques de la fibre.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. LES COMPOSITES STRUCTURAUX
1.1. Généralités
1.2. Les composites à matrice céramique
1.3. Elaboration des CMC
2. LE DEPOT ET L’INFILTRATION EN PHASE VAPEUR
3. LES COMPOSITES SiC/SiC
3.1. Les fibres
3.2. La matrice
3.3. Comportement mécanique des SiC/SiC
3.4. L’interphase
4. Le microcomposite
5. Le pyrocarbone
5.1. Structure
5.2. Elaboration
5.3. Oxydation
6. LES MATERIAUX RELEVANT DU SYSTEME CARBONEBORE
7. OBJECTIFS ET CONTENU DU PRESENT MEMOIRE
SYNTHESE DES PRINCIPAUX RESULTATS
I. LPCVD ET CARACTERISATION DE MATERIAUX C(B)
I.1. Elaboration des matériaux
I.2. Caractérisation chimique
I.2.1. Composition
I.2.2. Etude des liaisons chimiques du bore par XPS
I.3. Caractérisation structurale
I.3.1. Anisotropie
I.3.2. Structure par diffraction des rayons X
I.3.3. Microscopie électronique en transmission en haute résolution
I.4. Résistance à l’oxydation
I.5. Conclusion
II. LES MATERIAUX C(B) EN TANT QU’INTERPHASES DE MICROCOMPOSITES SiC/SiC
II.1. Procédures expérimentales
II.1.1. Elaboration des microcomposites
II.1.2. Caractérisation mécanique
II.1.3. Appareillage de mesure des durées de vie sous charge à l’air en température des microcomposites
II.1.4. Méthode pour réaliser des lames minces de microcomposites en coupe longitudinale
II.2. Etude sur les microcomposites à interphase uniforme
II.2.1. Comportement mécanique
II.2.2. Résistance à l’oxydation
II.3. Microcomposites à interphases à gradient de composition
II.3.1. Comportement mécanique
II.3.2. Résistance à l’oxydation
II.4. Présence d’une phase nano-cristallisée dans les interphases
II.5. Conclusion
III. ELABORATION ET CARACTERISATION DE COMPOSITES 2D SiC/SiC A INTERPHASE C(B) A GRADIENT DE COMPOSITION
III.1. Introduction
III.2. Procédure expérimentale
III.3. Résultats
III.3.1. Caractérisation de l’interphase par SEA
III.3.2. Tests de traction à l’ambiante
III.3.3. Résistance à l’oxydation
III.3.4. Caractérisation par MET des composites
III.3.4.1. – L’interphase du composite
III.3.4.1.1. – Fonds clairs contrastés et EELS
III.3.4.1.2. Haute Résolution
III.3.4.2. – L’interphase sans matrice
III.3.4.2. – Localisation des déviations de fissures matricielles
III.3.4.3. L’interphase après vieillissement
III.4. CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES

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