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Histoire naturelle du cancer du col de l’utérus
Il existe une condition commune, nécessaire, pour le développement de presque tous les cancers du col de l’utérus, que ce soit les carcinomes épidermoïdes ou les adénocarcinomes, qui est l’infection persistante par un papillomavirus humain à haut risque (ou HPV-HR). Cette condition est nécessaire mais non suffisante.
Ainsi, par exemple, moins de 5 % des femmes infectées par l’HPV 16 (HPV-HR) développeront un cancer du col de l’utérus au cours de leur vie (4).
Les autres formes, plus rares, ne sont, elles, pas liées à la présence de papillomavirus humain. Papillomavirus humains ou HPV:
Les papillomavirus humains ou Human PapillomaVirus (HPV) sont de petits virus à ADN, très résistants, qui infectent les épithéliums. Il en existe plus de 120 génotypes chez l’être humain dont plus de 40 types sont à tropisme muqueux. Ces derniers sont alors classés en fonction de leur potentiel oncogène en 2 catégories principales (Tableau 1) que sont :
– Les HPV à Haut Risque ou HPV-HR : ce sont les HPV responsables des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus (mais également d’autres cancers ano-génitaux comme ceux de la vulve, du vagin, du pénis, de l’anus ou encore de l’oropharynx). Il en existe 12 bien établis, classés comme agents cancérogènes avérés (16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58 et 59). Le type 16 représente 50% des cancers du col de l’utérus et il est le plus agressif, avec un risque de cancer 10 fois supérieur aux autres génotypes. Les types 16 et 18 représentent à eux seuls 80% des cancers du col de l’utérus en France (4).
– Les HPV à Bas Risque ou HPV-BR (HPV 6 et 11) : ils sont surtout responsables d’anomalies cervicales bénignes, de verrues génitales (ou condylomes), et de papillomes laryngés.
Ces virus étant à transmission directe par contact cutanéo-muqueux, l’infection à HPV est donc considérée comme une infection sexuellement transmissible (ou IST). Les facteurs de risque sont, par conséquent, étroitement liés au comportement sexuel : multiplicité des partenaires, précocité des premiers rapports sexuels…
Cependant la protection par préservatif est insuffisante pour la prévenir totalement car le virus peut être présent sur la plupart de la zone ano-génitale (y compris sur des zones non couvertes par le préservatif). Cette protection est de l’ordre de 70%, elle diminue donc le risque d’infection mais ne le supprime pas.
Cette infection est donc considérée comme une des IST les plus fréquentes au monde avec, à tout moment, plus de 290 millions de femmes qui en développent une (6). En 2008, elle était considérée comme l’IST virale la plus fréquente (avant même l’herpès génital) (4).
Ainsi, la plupart des hommes et des femmes sexuellement actifs, indépendamment de leur orientation sexuelle (6), seront infectés au cours de leur vie, avec un risque d’infection apparaissant dès le premier rapport sexuel quel qu’il soit, même sans pénétration. Une infection à HPV est donc généralement acquise dans les premières années suivant le premier rapport sexuel avec un pic d’incidence retrouvé entre 20 et 25 ans. Cette incidence va ensuite diminuer avec l’âge, sûrement du fait de la diminution du rythme de rencontre de nouveaux partenaires sexuels ainsi que du développement d’une immunité spécifique.
. Infection de l’épithélium du col de l’utérus par HPV :
Les HPV infectent les hommes comme les femmes mais les pathologies qu’ils provoquent sont majoritairement présentes chez ces dernières du fait d’une grande susceptibilité des cellules du col de l’utérus à ce type de virus (surtout au niveau de la zone de jonction).
Concernant l’infection par HPV de l’épithélium mucosécrétant de l’endocol, l’histoire naturelle est encore mal connue.
En revanche, l’histoire naturelle de l’infection à HPV de l’épithélium malpighien est mieux connue. Lors de l’infection par HPV, le virus va pénétrer au niveau des cellules basales (ou cellules souches de l’épithélium malpighien) soit du fait de micro-abrasions de la muqueuse soit du fait de leur exposition presque physiologique au niveau de la zone de jonction. Il va alors utiliser l’appareil réplicatif de ces cellules. Lorsque les cellules infectées en voie de maturation migrent vers la surface de l’épithélium, l’effet viral cytopathogène devient apparent sous la forme de koïlocytes (marqueur cytologique de l’infection à HPV).
Lorsque l’infection à HPV-HR persiste, il peut y avoir une intégration du génome viral au génome de la cellule (Figure 4). Cette intégration est la première étape du mécanisme de carcinogénèse. En effet, lors de celle-ci, il va y avoir une surexpression des oncoprotéines virales E5, E6 et E7 entraînant une instabilité génomique responsable de modifications cellulaires avec une perte du contrôle normal de la croissance et de la différenciation au niveau de l’épithélium malpighien. Cela a pour conséquence le développement d’un épithélium dysplasique, c’est-à-dire un épithélium anormal, signe d’une lésion intra-épithéliale. Ainsi, si rien ne stoppe ce processus, cela va affecter toute l’épaisseur de l’épithélium malpighien avec le risque de franchissement de la membrane basale et d’évolution vers un cancer invasif.
Le dépistage et le diagnostic du cancer du col de l’utérus
Le dépistage du cancer du col de l’utérus
Le cancer du col de l’utérus (4) est le cancer le plus efficacement contrôlé par un dépistage qui permet la détection et le traitement des lésions précancéreuses afin d’éviter leur progression en lésion cancéreuse.
. Vers un dépistage organisé:
Jusqu’à présent individuel, le dépistage du cancer du col de l’utérus a eu droit à une grande part dans le Plan cancer 2014-2019 avec la volonté de la mise en place du 3ème dépistage organisé de masse en France (après le dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal), s’inscrivant dans l’optique de l’OMS qui, en 2018, a déclaré que « l’élimination du cancer cervical dans le monde était une priorité de santé publique » (Dr TEDROS).
Les objectifs sont donc, avec la création d’un dépistage organisé, d’augmenter le taux de couverture de dépistage avec un objectif supérieur à 80% de la population cible, de réduire les inégalités d’accès à ce dépistage et de diminuer de 30% l’incidence et la mortalité du cancer du col de l’utérus à 10 ans.
Le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus va ainsi cibler les femmes de 25 à 65 ans non à jour de leur dépistage. Celles-ci recevront un courrier au domicile les invitant à contacter un professionnel de santé pour effectuer ce dépistage, leur permettant une dispense d’avance de frais pour l’examen cytologique et/ou le test HPV. Les seules femmes exclues sont les femmes ayant subi une hystérectomie totale (c’est-à-dire l’ablation de l’utérus et du col dans sa totalité) sans rapport avec un cancer du col de l’utérus.
. Principes du dépistage:
Jusqu’à peu de temps, les recommandations de dépistage étaient basées sur la réalisation d’un frottis cervico-utérin (FCU ou test de Papanicolaou), examen cytologique de balayage (Figure 12), à réaliser tous les 3 ans après que les deux frottis initiaux réalisés à un an d’intervalle (à 25 et 26 ans) se soient avérés normaux.
Récemment, ces recomma ndations ont été révisées par la Haute Autorité de Santé (HAS) en juillet 2019 (16) avec l’introduction de l’utilisation du teest HPV pour les femmes de plus de 30 ans. En revanche, la prise en charge par laa Sécurité Sociale de ce test n’a été effective qu’à partir de la fin du 1er semestre de l’’année 2020, ceci expliquant sa non-applicatioon avant cette période.
Ainsi dans ces nouvelles recommandations, la HAS préconise, se ulement chez les femmes de plus de 30 ans, un test HPV premier sur phase liquide (même technique de prélèvement que le FCU, Figure 12) afin de pouvoir réaliser un FCU réflexe si celui-ci revient positif. L’avvantage de ce test HPV est une meilleuure sensibilité (ce gain d’efficacité serait lié à une plus grande détection des adénocarcinomes que l’examen cytologique) et une valeur prédictive négative supérrieure permettant d’augmenter l’intervalle entrre deux dépistages de 3 à 5 ans.
Pour les femmes de moins de 30 ans, le FCU reste d’actualité à la même fréquence. Dans cette tranche d’âge, le test HPV n’est pas recommandé car les infections à HPV transitoires sont trop fréquentes avec un risque de sur-diagnnostic et donc de traitement inapproprié asso cié.
Le diagnostic du cancer du col de l’utérus
Le FCU ou le test HPV restent des outils de dépistage qui, s’ils reviennent positifs ou anormaux, doivent être confrontés à un test diagnostique pour en faire le diagnostic définitif. En effet, les diagnostics de lésion intra-épithéliale (CIN1/2/3), de carcinome in situ (Cis), d’adénocarcinome in situ (Ais) ou de cancer du col de l’utérus nécessitent un examen histologique et non cytologique seul (c’est-à-dire avec l’étude de l’architecture du tissu).
Pour réaliser cet examen histologique, il convient de réaliser une colposcopie (Figure 17) permettant un examen du col de l’utérus, du vagin et de la vulve à l’aide d’un microscope à faible grossissement (aussi appelé colposcope) afin d’orienter de possibles biopsies.
La colposcopie comporte 3 étapes successives :
– Une première application de sérum physiologique pour permettre l’étude de la vascularisation notamment avec l’utilisation d’un filtre vert.
– Une application d’acide acétique dilué entre 2 et 5% qui va réagir en fonction de l’activité nucléaire : sur un tissu épithélial malpighien normal cette activité est faible ce qui va donner une coloration rosée, alors qu’au niveau d’une lésion intra-épithéliale, cette activité est plus importante du fait du trouble de la différenciation et de la maturation entrainant une réaction acidophile et donc l’apparition d’une coloration blanche (Photo 1).
Photo 1 : Exemple de coloration après application d’acide acétique, les flèches représentent des zones acidophiles suspectes (Société Française de Colposcopie)
– Une application d’une solution de Lugol : l’épithélium malpighien normal mature est riche en glycogène et va ainsi capter l’iode (dit iodo-positif) entrainant une coloration brunâtre ou noire alors qu’une lésion intra-épithéliale, elle, du fait d’une déficience en glycogène, ne prendra pas la coloration à l’iode (dite iodo-négative) et elle apparaitra ainsi avec une couleur jaune paille sur fond de brun (Photo 2).
Photo 2 : Exemple de coloration au Lugol, les flèches représentent des zones iodo-négatives suspectes (Société Française de Colposcopie)
Les biopsies seront alors orientées sur les zones acidophiles (de coloration blanche après application de l’acide acétique dilué) et iodo-négatives (de coloration jaune paille sur fond brun après application de la solution de Lugol).
Un schéma est réalisé poour le compte-rendu de colposcopie afin de préciser la topographie des biopsies pour orienter un possible geste chirurgical par la suite en fonction des résultats (Figure 18).
Ressenti des femmes à l’annonce d’un résultat de frottis cervico-utérin anormal
• Dans le monde:
Dans le monde, de nombreuses études ont été menées étudiant l’impact d’un résultat de frottis cervico-utérin anormal sur les femmes dès 1986 (20,21).
Selon une revue de la littérature en 2002 (22), ces études ont notamment retrouvé surtout des réactions initiales de choc et de panique ainsi que de la peur (peur du cancer, peur d’une diminution de la fertilité ou de la fonction sexuelle, peur des procédures médicales, peur de la perte d’intégrité corporelle…), avec des répercussions notamment sur l’humeur avec une humeur dépressive, une irritabilité, des pleurs, de la colère, mais également sur le sommeil et sur la vie de couple avec des difficultés relationnelles avec le partenaire. Certaines études ont également noté des répercussions sur la vie sexuelle.
Une étude hawaïenne publiée en 2007 (23) a constaté ces mêmes réactions, de choc et d’anxiété, avec l’apparition d’une notion de questionnements multiples (notamment avec une méconnaissance du lien FCU et HPV), mais également des réactions de peur, de honte, avec une modification de l’image de soi et un sentiment de contamination face au diagnostic d’infection à HPV, considérée comme une IST. Elle a rapporté également l’apparition d’un questionnement sur la nécessité d’en parler ou non au partenaire et surtout de ce qu’il fallait lui dire. L’annonce aux patientes avait déclenché par la suite une recherche d’informations et de soutien (auprès d’internet, de professionnels de santé, de la famille ou d’amis). L’impact des professionnels de santé a été variable, dépendant de leur attitude : ils ont été soit considérés comme soutenants quand ils étaient rassurants avec l’utilisation d’analogies familières, soit considérés comme non soutenants lorsqu’ils utilisaient trop de jargon médical, ne prenaient que peu de temps pour expliquer avec la sensation d’une absence de préoccupation personnelle, et surtout lors de l’absence d’établissement antérieur d’une relation de confiance.
Une étude thaïlandaise (24) a démontré également l’existence d’une anxiété plus importante chez les femmes avec un FCU anormal en comparaison aux contrôles.
• En Europe:
Une étude britannique (25) a également relevé de l’anxiété chez 20% des femmes avec un FCU anormal. Parmi celles-ci, des niveaux plus importants d’anxiété ont été retrouvés chez les femmes plus jeunes, fumeuses, ayant un haut niveau d’activité physique et chez celles souhaitant avoir des enfants.
La Suède notamment a réalisé de nombreuses études sur ce ressenti.
Ainsi une étude quantitative suédoise (26) dans les années 1990 a étudié la qualité de vie pendant 2 ans des femmes ayant eu une colposcopie suite à un résultat de FCU anormal. Elle a conclu que la perception de sa santé mentale par une femme a été affectée au long terme après un FCU anormal, celle-ci étant plus liée à l’annonce du résultat en lui-même plutôt qu’au grade de la lésion ou à son traitement. Finalement l’information à propos d’un FCU anormal, quelque soit son résultat, a eu un plus grand impact sur la qualité de vie des femmes que la sévérité de la lésion diagnostiquée ou que son traitement.
Une autre étude quantitative en Suède (27) a évalué les femmes 5 ans après deux FCU anormaux consécutifs. Elle a retrouvé une absence d’anxiété rémanente chez les patientes mais, chez un petit pourcentage d’entre elles (8%), la persistance d’une influence négative sur la sexualité avec une baisse de l’estime de soi. Cette étude a introduit également la notion de perturbation de la vie quotidienne avec l’évocation spontanée par la moitié des femmes d’un besoin d’être mieux informées avec une information préférée par rendez-vous ou au moins par téléphone, une annonce par courrier engendrant un choc, de la peur avec une impossibilité d’obtenir des informations et de poser des questions à un professionnel de santé.
Enfin, une étude qualitative suédoise (28) en 2014 s’est intéressée aux expériences des femmes ayant eu un FCU anormal (étude se rapprochant le plus de celle présentée dans ce travail). Dans cette étude, le FCU était considéré comme un examen de routine dont la positivité était une réponse inattendue avec des patientes non préparées à la réception d’un possible résultat anormal. La lettre d’annonce était jugée non satisfaisante avec une information inadéquate entrainant une mauvaise interprétation du résultat du FCU et, par là, des réactions initiales de colère, de choc, de stress, de tristesse et d’anxiété avec une peur du cancer, peur pour la fertilité ou pour le fœtus lorsqu’une grossesse était en cours. Il n’y avait que quelques femmes qui avaient la notion d’infection à HPV, d’infection sexuellement transmissible avec notamment une peur d’être contaminée, salie et une peur pour le partenaire. Ce qui est également apparu dans cette étude, c’est que les femmes avaient un besoin de soutien émotionnel (se tournant vers leur mère, leurs amis et leur conjoint). Elles jugeaient nécessaire d’avoir plus d’informations notamment avec une préférence pour une annonce des résultats à l’oral (internet étant la 1ère source de renseignements, mais les femmes ayant un rendez-vous avec un gynécologue étant plus rassurées) et notamment une volonté de plus de respect de la part des professionnels de santé avec le souhait d’une écoute attentive et d’une explication des différentes étapes à venir.
. En revanche, en France, peu d’études se sont penchées sur ce sujet.
Une enquête européenne quantitative a été réalisée en 2008 (29), étude de cohorte réalisée en France, en Espagne et au Portugal, qui avait pour but d’enquêter sur l’expérience des femmes à l’annonce d’un résultat de FCU anormal, sur les événements en découlant ainsi que sur la prise en charge de leur praticien. En France, cette étude a notamment souligné que deux tiers des résultats de FCU anormaux étaient communiqués par lettre avec des réactions initiales d’anxiété (74%) et de stress (39%) majeures plus importantes qu’en Espagne ou qu’au Portugal. Elle a également mis en exergue que 30% des françaises ne comprenaient pas le résultat et réclamaient plus d’informations. Au niveau de la recherche d’information, le gynécologue était la source principale d’information mais avec une place importante d’internet, les françaises faisant ainsi moins appel que les autres pays à des médecins. Cette étude n’a retrouvé qu’un impact modéré de cette annonce sur leur vie personnelle, professionnelle et familiale.
Population d’étude et méthode de recrutement
Le choix s’est porté sur le fait d’inclure des femmes entre 25 et 65 ans, en se basant sur les critères d’indication du dépistage du cancer du col de l’utérus. Ces femmes devaient avoir un résultat de FCU anormal datant de moins de 6 mois. L’autre critère majeur a été l’absence d’un résultat de FCU anormal auparavant.
L’échantillonnage a été réalisé sur la base du volontariat jusqu’à saturation des données (atteinte lorsque deux entretiens n’apportaient pas de nouvelles idées).
Le recrutement s’est déroulé à la consultation de colposcopie du Centre Hospitalier d’Aix-en-Provence avec l’aimable participation du Dr Anne-Laurence DAUMALIN, titulaire du DIU de colposcopie, entre novembre 2019 et février 2020.
Il est à noter que ce travail de thèse a été réalisé avant l’application des nouvelles recommandations de dépistage de la HAS de juillet 2019.
À la fin de la consultation de chaque femme réunissant les critères d’inclusion, le thème et la question de recherche étaient exposés. Le chercheur, de sexe féminin, était présenté comme une interne en médecine générale en fin de cursus.
La participation des femmes s’est ainsi faite sur la base du volontariat après présentation du travail de thèse.
Après un premier accord oral, soit la patiente souhaitait un entretien le jour-même et celui-ci était réalisé dans une salle de consultation à l’hôpital en tête à tête au calme, soit la patiente préférait un autre jour au domicile et alors, elle était recontactée par téléphone pour déterminer une date de rendez-vous.
Réalisation du guide d’entretien
Un premier guide d’entretien a été construit, il s’agissait d’un guide semi-structuré qui comportait initialement 4 questions ouvertes et neutres avec des possibilités de reformulation. La première question était une question brise-glace leur demandant de raconter comment elles avaient appris leur résultat de FCU anormal.
La méthode prévoyait que le guide d’entretien évolue au fur et à mesure des entretiens. Ainsi après interrogation des deux premières patientes, deux nouvelles questions ont été rajoutées et une question a été précisée sur le rôle du médecin traitant.
Réalisation des entretiens individuels
Lors de l’entretien, avant de débuter l’interview, le discours de présentation de la thèse et les informations sur le déroulement de l’entretien étaient renouvelés avec notamment l’existence de la possibilité de se rétracter à tout moment. Il a été bien précisé que le recueil des données bénéficiait d’un double enregistrement audiophonique avec destruction des enregistrements par la suite après la réalisation de la retranscription informatique.
Après signature d’un consentement écrit manuscrit, non informatisé, les critères sociodémographiques ont été relevés afin de caractériser l’échantillon. Ont été recueillis ainsi : l’âge, la profession, le statut marital ainsi que le nombre d’enfants.
La trame de l’entretien était fixée par le guide d’entretien mais il était possible de l’adapter si besoin en fonction des réponses de la patiente.
À noter qu’à la fin des entretiens, à la vue de l’angoisse des femmes et de leurs questionnements, un temps à part a été pris pour leur donner un espace de discussion afin de poser toutes les questions qu’elles souhaitaient sans que cela ne soit enregistré.
Retranscription et analyse des données
Une fois l’entretien fini, il a été retranscrit sur Microsoft Word aussi fidèlement que possible.
Les entretiens étant anonymes, les patientes ont été renommées lors de la retranscription en « P » pour « patiente » suivi d’un chiffre attribué selon l’ordre de passage.
Les données ont été codées de façon semi-manuelle à l’aide du logiciel N’Vivo. Des verbatims ont ainsi été dégagés du texte, qui pouvaient être des mots, des phrases ou des parties de phrases correspondant à une idée. Ces codes ont été regroupés en sous-thèmes puis en thèmes principaux, déterminés après analyse des données.
Lors de l’analyse thématique, une méthode de triangulation des données a été réalisée avec l’aide d’un autre chercheur formé au qualitatif, interne également. Le codage des premiers entretiens a été vérifié par le directeur de thèse.
Réactions suite à l’annonce
Par la suite, après le premier ressenti, les femmes ont eu 3 types de réactions en commun : la recherche d’informations, la recherche de soutien et la prise de rendez-vous rapide pour la colposcopie (Figure 24).
Recherche d’informations
Une majorité des femmes, après l’annonce, ont ressenti un besoin presque urgent de recherche d’informations.
P2 : « J’ai cherché sur… de milles façons ! »
• Soit auprès de professionnels de santé:
La plupart des femmes se sont tournées initialement vers le médecin qui a réalisé le frottis ou vers le médecin qu’elles considéraient comme leur référent en gynécologie, soit lors de l’annonce pour celles qui ont eu un appel téléphonique, soit suite à la réception de la lettre.
La plupart ont essayé de le joindre par téléphone.
P1 : « Et du coup moi j’ai réessayé de ravoir mon docteur, mon docteur. ».
P 10 : « Donc j’ai appelé la gynécologue qui m’avait envoyé… donc qui m’a fait le frottis ».
P16 : « Alors après j’ai appelé la gynéco beh dès que j’ai pu ».
Chez certaines patientes, il a existé une vraie notion d’urgence à les contacter, comme pour la patiente 11.
P11 : « Et donc j’ai appelé mon gynécologue d’urgence ! ».
Lorsque le médecin restait, ou était supposé, non joignable au téléphone, certaines femmes ont préféré se rendre directement au cabinet comme la patiente 2, notamment car le médecin s’était rendu disponible de cette façon préalablement.
P2 : « Alors je me suis déplacée euh… pour la voir. Parce qu’elle m’avait dit « s’il y a quoi que ce soit… revenez me voir ou… téléphonez-moi » mais bon elle est pas, elle est pas joignable quand on l’appelle parce que… elle est en… forcément, en consultation. Donc j’ai préféré me déplacer au cabinet parce qu’elle m’avait laissé euh la possibilité et en fait entre deux portes, elle était, bien sûr, surchargée elle m’a juste dit « ne vous inquiétez pas c’est rien, c’est rien, euh, pas de soucis c’est rien allez à l’hôpital, faites la colposcopie et ensuite on reprendra rendez-vous ». »
D’autres ont pris rendez-vous auprès du secrétariat. Mais les rendez-vous étant assez éloignés, souvent celles-ci ne sont pas contentées d’attendre mais sont allées chercher ailleurs (notamment sur internet) avant le rendez-vous. Le professionnel de santé est alors passé en deuxième ligne au niveau de l’information.
P7 : « J’ai regardé un peu sur internet […] Et puis après j’ai eu le rendez-vous avec la gynéco. » D’autres patientes, en appelant leur médecin référent, ont pu discuter avec un assistant médical comme c’est le cas de la patiente 10.
P10 : « Donc j’ai appelé la gynécologue qui m’avait envoyé… donc qui m’a fait le frottis. Et euh… j’ai pas eu le médecin, j’ai eu que l’assistante… médicale. »
Certaines, devant l’absence de réponse de leur référent en gynécologie, se sont tournées vers leur médecin généraliste ou vers n’importe quel autre médecin ou intervenant étant un professionnel de santé.
P5 : « Du coup j’ai essayé d’appeler ma gynéco pendant 4 jours de suite et répondeur, répondeur, répondeur. Soit disant elle était en congés… Euh j’ai appelé mon médecin traitant qui malheureusement n’était pas là non plus… Là j’ai fait scandale au bureau j’ai dit « donnez-moi n’importe quel médecin mais donnez-moi un médecin ! ». »
P9 : « Et puis le lendemain j’avais rendez-vous avec la sage-femme qui me… qui me faisait la rééducation du périnée. Donc j’en ai discuté un peu avec elle et elle aussi m’a rassurée en me disant que c’était… que c’est pas anodin mais c’est… voilà c’est pas non plus… ».
P14 : « Et après oui, et après je crois une semaine après avoir eu mes résultats, je suis allée voir le généraliste et il m’a rassuré aussi ! Il m’a dit « mais fallait pas rester dans cet état ! ». »
Pour la plupart, de ce qui a été rapporté par les patientes, le contact s’est limité à de la réassurance succincte avec renouvellement de l’indication de faire un examen complémentaire pour en savoir plus.
P1 : « J’ai réussi à l’avoir et elle m’a dit « Non ne vous inquiétez pas on prend… on se voit… avec les résultats, on attend le deuxième… » de ça là… [attente du test HPV] Oui voilà le test… Mais elle m’a dit « Mais pour l’instant ne vous alarmez pas ». »
P7 : « Beh elle m’a fait l’ordonnance. Elle m’a dit que y avait rien d’inquiétant mais qu’il fallait faire cet examen-là. »
Quelques patientes ont néanmoins pu poser des questions précises sur leur inquiétude principale, HPV pour une (patiente 10), cancer pour l’autre (patiente 13).
P10 : « Euh… et je lui ai posé des questions parce que c’est vrai que euh… bon… papillomavirus… ».
P13 : « Ouais… Bah honnêtement c’est un peu… c’est un moment, je, je, la première question que j’ai posé c’est « est-ce que c’est cancéreux ? est-ce que c’est un cancer ? ». »
• Soit auprès de leur entourage:
Lorsque les femmes se sont tournées vers leur entourage dans le but de rechercher des informations, elles ont alors ciblé 2 types de personnes : celles ayant une formation médicale ou paramédicale ou celles ayant déjà fait face, ou connaissant quelqu’un ayant déjà fait face, à ce genre de problème.
Certaines femmes se sont ainsi adressées à leur entourage ayant une formation médicale ou paramédicale (quel que soit leur domaine d’exercice).
P1 : « La petite… euh… copine à mon fils, sa mère elle est infirmière, donc du coup j’ai pris mes résultats, j’ai envoyé, j’ai dit « qu’est-ce que c’est », enfin « dis à ta mère si elle s’y connait un peu qu’elle me dit si c’est bon ou pas bon » »
P5 : « Euh… ma sœur qui est infirmière, j’ai essayé de l’appeler pour avoir des infos elle m’a dit « mais je travaille pas du tout dans ce secteur donc je peux pas te renseigner du tout ». »
P12 : « J’ai la chance d’avoir ma meilleure amie donc qui a un frère qui est radiologue, donc qui a potentiellement des amis qui sont dans le milieu médical… et qui voilà… et qui, qui ont, qui ont, on va dire… rassurer le truc… »
P14 : « Le truc c’est que j’ai appelé une amie qui est médecin urgentiste… j’ai photographié les résultats et elle m’a rappelé genre 20 minutes après en me rassurant et je crois qu’heureusement que… […] Enfin après quand j’ai eu… mon amie qui est médecin elle m’a tout de suite rassurée et ma, la pression elle est retombée quoi ! »
Et d’autres encore ont sollicité des personnes de leur entourage ayant eu une expérience de près ou de loin avec un FCU anormal ou un cancer du col de l’utérus.
P9 : « Ma cousine a eu ça aussi l’année dernière donc j’en ai discuté un peu avec elle. […] Et du coup le fait que ma cousine ait vécu la même chose, bon, beh elle a répondu finalement à mes questions… »
P10 : « J’en ai parlé à ma meilleure amie parce que du coup je travaille avec elle et que sa sœur l’a eu donc… je… voilà… au moins avoir son avis. »
P12 : « J’en ai parlé à une amie parce que je savais qu’elle avait eu des problèmes à ce niveau-là… et euh donc du coup je lui ai demandé qu’est-ce qu’elle avait eu mais sans… sans lui dire que moi j’avais quelque chose hein ! »
P16 : « Et puis j’ai appelé une copine qui en avait une qui elle avait eu euh… un… […] Oui ça c’était vraiment par rapport à son expérience parce que j’aurais pu en appeler une autre ou voilà et j’ai appelé celle… »
La discussion avec cet entourage non médical ou paramédical a été à double tranchant :
– Soit avec un essai de réassurance.
P4 : « J’ai une amie qui a eu le cancer du col de l’utérus elle m’a dit « T’inquiète pas c’est pas grave ça se soigne très bien ! »… Voilà c’est pas… »
Essai seulement notamment pour la patiente 8 qui était bien au clair sur le fait que ce ne sont pas des professionnels de santé.
P8 : « Après hum… j’en ai aussi discuté avec des copines qui ont eu une fois le même résultat… et toutes m’ont dit « ne t’inquiète pas, tant que c’est pas haut grade normalement ça va » (rires). Après ce sont pas des, des professionnelles donc euh… »
– Soit au contraire avec l’écoute d’un parcours mitigé ou compliqué avec quelque fois la naissance de nouveaux questionnements,
P9 : « Ma cousine m’avait dit de toute manière on peut rien y faire c’est tellement répandu euh… Et elle m’a… c’est elle qui m’a mis le truc en fait. Parce que… Au début j’avais ce sentiment mais elle a… mais elle a… ça a accentué quand elle m’a dit « mais visiblement ça passerait même à travers les préservatifs » donc on peut pas… on peut pas lutter contre quoi. »
P16 : « Oui et puis elle c’était vraiment euh… bah elle ça a pas été cool pour le coup… donc euh… donc du coup… donc elle, elle l’a plutôt mal vécu… »
Enfin, pour une patiente (patiente 5), elle s’est tournée vers une amie, non pas pour son appartenance à une profession médicale ou paramédicale ni pour son expérience, mais pour faire des recherches à sa place, la considérant comme plus objective qu’elle.
P5 : « Comme je disais mon amie thésarde elle s’est penchée sur le sujet […] Et puis après j’ai laissé ma copine chercher…[…] parce que je me suis dit elle ira plus loin que moi et… elle comprendra peut-être mieux…[…] du coup j’ai dit je la laisse gérer et puis bah elle me dira ce qu’elle peut comprendre. Elle a essayé de m’aider un peu. »
• Soit auprès d’internet
Pour la plupart des femmes, la réaction majoritaire a quand même été d’aller faire des recherches sur internet, et rares sont celles qui ne l’ont pas fait.
P5 : « Alors après euh… beh j’ai… comme tout le monde je pense, j’ai été cherchée un peu sur internet. »
P7 : « Après les résultats papiers, on cherche sur internet et après… »
P10 : « Donc après j’en ai parlé à mon conjoint, on en a discuté, parce qu’on s’inquiétait parce que forcément on a regardé sur internet ! »
P14 : « Enfin j’ai lu les résultats d’analyse après je suis allée sur internet bien sûr… »
Certaines n’y sont allées que lorsque leur médecin est resté injoignable.
P11 : « Entre temps j’arrivais pas à la joindre [sa gynécologue] donc j’ai fait tout par internet et c’est vrai ça fait très peur de… de voir ça ! Parce que justement on voit ça du coup, du coup on va sur internet obligatoirement ! »
Certaines s’en sont mêmes contentés, même lorsqu’elles ont revu un professionnel de santé par la suite comme pour la patiente 7.
P3 : « J’ai pas cherché d’informations ailleurs sinon sur internet… »
P7 : « Là…elle [gynécologue] m’a pas expliqué quoi, j’avais vu sur internet du coup comme j’avais vu, j’ai pas demandé mais… »
La plupart des patientes ont ciblé leur recherche notamment sur l’acte de la colposcopie en lui-même qui, la plupart du temps, ne leur évoquait rien.
P9 : « J’ai regardé dans un premier temps ce que c’était que cet examen et comment il se… comment il se faisait. Qu’est-ce qu’on recherchait par le biais de cet examen et puis… »
P12 : « Bah forcément les infos quand on les a pas euh… alors après moi je fais pas partie de ceux-là les hypochondriaques à aller chercher trop pour me faire flipper…
Euh vu que j’étais plus dans le… je vais faire comme si de rien n’était, je suis juste allée chercher en quoi consistait la colposcopie c’est tout. »
P15 : « Ouais c’est pas… déjà regarder ce qu’était l’examen… parce que
« colposcopie » pff connais pas (rires) ! Connais pas, je connais pas ce mot (rires) donc j’ai fait une petite recherche vite fait. »
Certaines ont aussi également recherché le vocabulaire médical qui leur faisait défaut pour comprendre le résultat de frottis.
P7 : « J’ai regardé un peu sur internet parce que y a beaucoup de mots compliqués qu’on… qu’on connait pas. »
Les autres recherches ont concerné les résultats du FCU, l’HPV et notamment son mode de transmission et le risque pour le conjoint,…
Concernant la recherche en elle-même, certaines patientes étaient conscientes de la nécessité de cibler les sites consultés (sites médicaux, sites professionnels, thèses de médecin…) pour la recherche notamment en évitant les forums.
P2 : « J’ai cherché par moi-même euh… sur les sites… qui me paraissaient les plus fiables au niveau santé hein j’ai bien sûr évité les forums et tout ce qui s’en suit hum…»
P3 : « Il y avait des sites vraiment médicaux… qui étaient… et puis il y avait… je me rappelle plus des noms spécifiques mais c’était des sites universitaires… »
P5 : « Alors après euh… beh j’ai… comme tout le monde je pense j’ai été cherché un peu sur internet en essayant de prendre des… vraiment des sites de docteur. J’ai fait aucun forum je veux pas lire ces trucs-là ».
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Table des matières
AVANT-PROPOS
I. INTRODUCTION
A. QUELQUES RAPPELS ANATOMIQUES ET HISTOLOGIQUES SUR LE COL DE L’UTÉRUS… 4 B. LE CANCER DU COL DE L’UTÉRUS
b. Histoire naturelle du cancer du col de l’utérus
c. Épidémiologie
C. LE DÉPISTAGE ET LE DIAGNOSTIC DU CANCER DU COL DE L’UTÉRUS
b. Le diagnostic du cancer du col de l’utérus
D. RESSENTI DES FEMMES À L’ANNONCE D’UN RÉSULTAT DE FROTTIS CERVICO-UTÉRIN ANORMAL
A. CHOIX D’UNE APPROCHE QUALITATIVE
A. ANNONCE DES RÉSULTATS
b. Compréhension des résultats
c. Ressenti initial à l’annonce
B. RÉACTIONS SUITE À L’ANNONCE
b. Recherche de soutien
c. Place majeure de la colposcopie
C. IMPACT DE CETTE ANNONCE SUR LA VIE QUOTIDIENNE
a. Au niveau personnel
b. Au niveau familial
c. Au niveau de la vie de couple
d. Au niveau professionnel
D. RESSENTI SUR LA PRISE EN CHARGE GLOBALE
b. Impact du professionnel de santé
c. Moyen d’information préféré
IV. DISCUSSION
A. L’ANNONCE D’UN RÉSULTAT DE FROTTIS CERVICO-UTÉRIN ANORMAL RESTE UNE ANNONCE SENSIBLE L’ANNONCE QU’IL FAIT
BIBLIOGRAPHIE
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