Objet et moyens du mémoire
Stéphane Cosson nous a demandé en début d’année de sélectionner un couple dont le mariage a été célébré entre 1833 et 1842. Ce couple, qui pourra avoir été choisi délibérément ou aléatoirement, constituera l’élément central de notre mémoire. Leur lieu de vie principal et/ou l’endroit de leur union fera l’objet d’une étude particulière, tant géographique qu’historique, afin de se placer au plus près de leurs espace et contexte d’existence.
On recherchera et détaillera leur descendance sur 2 générations.
On remontera également sur 3 générations depuis une des 2 personnes de chaque couple rencontré, en prenant soin d’établir la fratrie de chacune d’entre elles. Au-delà des actes d’État Civil et des registres de paroisses, il nous est demandé d’étoffer notre étude en utilisant judicieusement les autres ressources mises à notre disposition aux Archives Départementales.
Parmi lesquelles, les actes notariés représentent une mine incontournable de renseignements additionnels, qui peuvent être recoupés ou largement agrémentés par les registres du cadastre et des hypothèques, par exemple.
Sur des périodes récentes (XIXèmeet XXème siècles), les différentes campagnes de recensements de la population réalisées par les communes sont un support précieux pour un meilleur suivi des personnes étudiées ou recherchées. De même, les fiches individuelles tenues par l’armée apportent des informations sur les individus, notamment à partir de 1867 avec l’apparition des registres matricules, plus fournis, qui vont jusqu’à donner une description physique des hommes.
D’autres sources existent, aux Archives Départementales ou ailleurs, selon la spécificité des recherches, la disponibilité des fonds, leur accessibilité, les services proposés à distance et les autorisations éventuellement nécessaires à leur consultation.
Une fois ce travail de recherche effectué et la rédaction du mémoire terminée, on n’oubliera pas d’adjoindre un arbre synthétisant l’ensemble (au format Gedcom ou papier), pour avoir une vision plus globale des personnes étudiées et des liens qui les unissent à travers le temps.
Conjoncture
Cette année 2020 marque le début d’une nouvelle ère : celle du coronavirus.Dommage.
« Désormais, il faudra vivre avec » nous ont répété les autorités.
Mais avant d’en arriver là, il a fallu tout arrêter, mettre la planète en berne pour stopper sa propagation galopante et éviter ainsi le pire.
À notre modeste niveau d’étudiants en généalogie, ce confinement nécessaire a eu pour principale conséquence de faire basculer notre DU de présentiel à distanciel.
Rien de grave en soi. Nous nous sommes simplement adaptés à la situation en restant à la maison, comme cela s’imposait.
En revanche, l’incidence fut nettement plus fâcheuse concernant nos mémoires.
L’impossibilité première, puis les difficultés d’accès aux ERP ont fortement grevé nos recherches et ont notamment été fatales à notre mémoire collectif, qui a tout bonnement été annulé, faute de pouvoir accéder en groupe aux AD du Gard dans un délai suffisant.
Bien que la date de remise des mémoires individuels ait été gracieusement repoussée par monsieur Cosson d’une durée équivalente au temps du confinement, les contraintes inhérentes à la situation que nous vivons ont quelque peu perturbé les recherches in situ, nous laissant, le plus clair du temps, avec Internet comme seul outil de travail.
Nous n’y avons rien pu, parce que surpris par ce nouveau modus vivendi, mais nous savons tous maintenant que l’anticipation de nos actes est plus que jamais essentielle pour pallier les aléas de notre nouvelle vie et mener à bien nos projets.
Principe d’étude
Mon choix était fait !
À l’instar de mes camarades, l’étape préalable avant de me lancer dans cette aventure, a été de déterminer le couple central de mon mémoire. La seule chose dont j’étais certain au départ, c’est qu’il serait issu de ma propre généalogie.
Tout en cherchant à répondre à cette question, je me suis attelé à lire un maximum de mémoires publiés sur DUMA1 , afin de mieux comprendre ce qu’il m’était demandé de faire.
Au fil de mes lectures, j’ai pu constater que l’ascendance agnatique était souvent prise comme lignée principale. Ceci m’a alors donné l’idée de faire l’inverse. Non par pur esprit de contradiction, mais pour diversifier au mieux les noms de famille.
Donc, plutôt que de m’orienter « rive gauche » de mon arbre, j’ai basculé « rive droite », en partant de ma sœur et en remontant de fille en mère jusqu’à trouver un couple de mes aïeux qui se soit marié au cours de la décennie demandée, c’est-à-dire entre 1833 et 1842. J’aurais pu passer à côté, un peu avant, un peu après… Mais, par chance, je suis tombé plein fer dans l’intervalle, année 1838.
En plus de multiplier les noms de famille, ce principe d’étude a un deuxième avantage à mes yeux, conséquence du premier : celui de multiplier également les lieux de vie.
Car, en passant d’une famille à l’autre, on change régulièrement d’endroit.
Pas de quoi s’enflammer pour autant, puisque presque tous les protagonistes de cette histoire familiale sont nés dans la même commune : celle de Caylus, grand village de l’est du Tarn-et-Garonne.
Si on « voyage », ce n’est que de hameau en hameau, en ne franchissant que très rarement les limites communales.
Pas de casse-tête non plus quant au choix du lieu à étudier, puisque la quasi-totalité de cette saga se déroule dans un périmètre très restreint, autour d’un seul village qui, sans grande surprise, est aussi le lieu de mariage de mon couple central !
Je me devais cependant de faire, en préambule de celui de la commune, un petit topo sur la création du département du Tarn-et-Garonne, car celle-ci, survenue tardivement, a eu des répercussions sur les habitants de l’époque et en a encore aujourd’hui sur les recherches généalogiques les concernant.
Le département du Tarn-et-Garonne
La grande majorité des départements que nous connaissons aujourd’hui ont été créés en 1790 par l’assemblée constituante post-révolutionnaire. Certains ont été morcelés par la suite, d’autres furent annexés à l’Allemagne ou à l’Italie pour former la France que nous connaissons aujourd’hui.
Une poignée d’entre eux a connu une genèse particulière : créés sur le tard, ils ont été formés à partir de départements préexistants.
C’est le cas du Tarn-et-Garonne, qui résulte de la fusion d’arrondissements et cantons issus de cinq départements voisins ! (voir carte page suivante) Napoléon Ier, de passage à Montauban fin juillet 1808, fut alerté par les notables de la ville sur le manque de considération et le sort indigne de son rang qui avait été réservé à celle-ci lors du découpage du territoire dix-huit ans plus tôt, la laissant simple souspréfecture excentrée du département du Lot.
L’empereur pris cette requête en considération et déclara : « Je suis satisfait de l’amour que m’ont témoigné mes fidèles sujets de ma bonne ville de Montauban. J’ai vu avec peine les pertes qu’elle a éprouvées. Je la rétablirai dans ses droits. Vous pouvez la regarder comme chef-lieu de département et je la mettrai au rang des principales villes de mon royaume . »
Ce qui fut officiellement fait le 21 novembre de la même année.
La légende raconte même que c’est Napoléon en personne qui posa sa main sur la carte pour dessiner les contours du futur département.
Cet aparté, qui a toutes les allures d’une digression, n’en est pourtant pas une.
Car, si l’histoire est plaisante à entendre maintenant, elle a engendré à l’époque un bel imbroglio administratif, dont subsistent encore aujourd’hui quelques stigmates.
Le couple central de mon étude est né au début des années 1810. Il fait donc partie de la première génération de Tarn-et-Garonnais de naissance. Leurs parents et aïeux, qui sont évidemment aussi dans l’arbre de ce mémoire, ont été les témoins et les acteurs de cette transition administrative, avec toutes les conséquences, bonnes ou mauvaises, qu’elle a pu engendrer.
Les descendants
Avant d’évoquer la descendance de mon couple central, je tiens à préciser qu’Antoine fut le premier Montrouziès à naître à Bonnal.
Son père était originaire de Saint-Projet, commune voisine au sein du canton de Caylus, comme on le verra au chapitre suivant.
Il est à l’origine d’une véritable dynastie Montrouziès, qui règne sur le lieu-dit La Tour de Bonnal depuis plus de deux siècles !
Ils sont aussi les seuls à y habiter aujourd’hui. Le règne n’en est que plus aisé.
L’endroit a bien changé depuis le début du XIX ème siècle. Il ne ressemble plus du tout à ce qu’il était. Certains bâtiments ont été détruits, d’autres aménagés, et beaucoup ont été construits suite à l’expansion de leur exploitation agricole.
Je n’ai aucune source écrite à proposer pour soutenir ces propos, ce sont les résidents actuels qui me l’ont dit, des cousins au onzième degré , à qui je rends visite quand je reviens au pays.
Il reste tout de même la base de la tour qui a donné son nom au lieu, à moitié enterrée derrière la maison des grands-parents, qui serait une extension de la maison familiale d’origine m’ont-ils dit.
Antoine et Catherine ont eu sept enfants, dont cinq ont atteint l’âge adulte et trois ont eu une descendance :
Jean Montrouziès nait à La Tour de Bonnal le 14 novembre 1839 et y décède le 11 octobre 1906.
Marie Montrouziès nait à La Tour de Bonnal le 7 avril 1841 et y décède célibataire le 26 juin 1930.
Catherine Montrouziès nait à La Tour de Bonnal le 22 novembre 1842 et décède à Guzounat (commune de Caylus) le 4 juin 1923.
Marie Montrouziès nait à La Tour de Bonnal le 19 novembre 1844 et y décède célibataire le 7 février 1891.
Anne Montrouziès nait à La Tour de Bonnal le 26 avril 1847 et décède à Laumet (commune de Caylus) le 14 mai 1873.
Thérèse Montrouziès nait à La Tour de Bonnal le 13 février 1849 et y décède le 8 août 1849.
Un garçon est mort-né à La Tour de Bonnal le 9 juin 1850.
En février 1858, Jean, alors âgé de dix-huit ans, fait l’acquisition d’une terre dans un acte partagé avec son père qui fait, quant à lui, deux achats ce jour là.
Le document à venir pages suivantes est la transcription de cet acte, faite deux mois plus tard dans les registres des hypothèques.
On constate par sa lecture que le jeune Jean est déjà soucieux de se créer un patrimoine, dans la droite ligne de son père, qui ne cesse d’étendre le sien. On peut également remarquer que la première terre qu’achète Antoine, ainsi que celle de son fils, sont dans le prolongement de celle qui lui avait été vendue vingt ans plus tôt par son grand-père.
L’an mil huit cent soixante dix neuf et le vingt neuf avril A comparu
Par devant Maître Étienne Joseph Théophile Durieu, licencié en droit, notaire à la résidence de Caylus, chef lieu de canton, arrondissement de Montauban, département de Tarn-etGaronne, assisté des témoins soussignés Catherine Montroziès, sans profession, veuve de Jean Frauciel, en son vivant cultivateur, domiciliée à Rabet, section de Saint-Symphorien, commune de Caylus, Laquelle a déclaré au sieur Pierre Delrieu, propriétaire cultivateur domicilié à Malpérié, même commune de Caylus, ici présent et acceptant, qu’il est à sa connaissance que ce dernier a prêté une somme de treize cent vingt francs dans les premiers jours du mois de mars de l’année mil huit cent soixante dix huit au dit sieur Frauciel, son mari, qui l’employa à payer pareille somme par lui due au sieur Louis Fieux, propriétaire sans profession, domicilié à Caylus et précédemment au lieu de Gamas, et que ce prêt n’a été constaté d’aucune manière, le décès prématuré du débiteur ayant empêché cette constatation.
La dite veuve Frauciel reconnait, en conséquence, que les six enfants nés de son mariage avec le défunt et les seuls héritiers et représentant de celui-ci sont légalement débiteurs de la dite somme de treize cent vingt francs, laquelle est productive d’intérêt, dont la première échéance a eu lieu au mois de mars dernier, et a été par elle acquittée entre les mains du créancier, se faisant forte pour ses enfants qui sont Rose Frauciel, Jean Frauciel, Marie Frauciel, Euphrasie Frauciel, Antoine Frauciel et Augustin Frauciel, et se portant leur caution solidaire, la veuve Frauciel s’oblige à faire le remboursement de cette somme dans tout le mois de mars prochain, avec intérêt à compter du dix mars dernier.
Pour sûreté de ce remboursement, la veuve Frauciel met et subroge le sieur Delrieu en son lieu et place dans l’utilise de l’hypothèque légale grevant les immeubles dépendant de la succession de son mari pour raison des reprises matrimoniales dotales et extra dotales qu’elle peut avoir a exercer, contre cette dernière pouvoir le sieur Delrieu la faire inscrire à son profit, à concurrence des sommes qui peuvent et pourront lui être dues, en principal et accessoire, en vertu des présentes, tout pouvoir lui étant donné pour lever grosse et expédition des actes établis, dont les dites reprises. Dont acte fait et passé à Caylus en l’étude, en présence des sieurs Charles Loude, menuisier, et Benjamin Tressens, cordier, domiciliés à Caylus.
Et lecture faite, Delrieu a signé avec les témoins et le notaire, la veuve Frauciel de ce requise a déclaré ne savoir.
Rose, la fille aînée de Catherine, fait publier une promesse de mariage à la mairie de Caylus les 30 mai et 6 juin 1886. L’homme concerné a l’âge que devrait avoir son père (42 ans de plus qu’elle) et s’appelle Pierre Delrieu.
Peut-être le créancier de sa mère sept ans plus tôt ?
Cette promesse restera sans suite.
Elle se marie finalement à Caylus le 13 février 1892 avec Antoine Cros, originaire de Boussac (même commune) où il est né le 7 août 1859 et où il mourra le 10 août 1927.
Ils n’eurent aucun enfant. Marie se marie à Caylus le 13 juin 1900 avec Joseph Nègre, dit « lou pantre « , cordonnier originaire de Lasalle où il est né le 3 février 1874 et où il mourra le 17 octobre 1945. Euphrasie se marie à Caylus le 21 juin 1900, huit jours après sa sœur, avec Jean Castelnau, originaire de Jamblusse (commune de Saillac, Lot, limitrophe au Tarn-etGaronne) où il est né le 30 septembre 1872 et où il mourra le 9 février 1950.
Antoine se marie à Lavaurette le 11 juillet 1911 avec Marie Périé, veuve en premières noces de Gabriel Faillech dont elle a eu deux fils, cultivatrice originaire du Sorris où elle est née le 12 décembre 1886 et où elle mourra le 21 février 1963.
Ils n’eurent aucun enfant.
Augustin se marie à Caylus le 2 novembre 1906 avec Émilie Bessède, originaire de La Masse (commune d’Espinas) où elle est née le 11 septembre 1886.
Elle décède à Caylus le 18 décembre 1980.
Anecdote
Augustin et Émilie n’ont eu qu’une fille : Augusta.
Elle vient de fêter ses cent printemps cette année 2020. Bon pied, bon œil.
Lorsque je l’ai connue, il y a une vingtaine d’année, elle ne savait pas que son prénom dérivait de celui de son père !
Elle l’a appris à 80 ans ! Ni lui ni personne ne lui avait dit qu’il s’appelait Augustin à l’état civil, elle ne le connaissait que sous le surnom de Justin. Et on dit que les gens de la campagne sont des taiseux ? C’est p’tet bin vrai ma foi !
Cession vente
La veuve Frauciel fait par le présent cession et vente à forfait de tous les droits mobiliers et immobiliers dans la succession paternelle tels qu’ils se composent et comportent à son frère Jean Montroziès, acceptant pour la somme de six cents francs, qu’elle déclare avoir reçu de son frère acquéreur, dont quittance. Le don d’hoirie de la veuve Frauciel n’est pas compris dans le présent.
À l’exception des reprises de la veuve Montroziès, il n’existe pas d’autres dettes grevant la succession du père, mais dans le cas où il viendrait à s’en découvrir, elles seraient à la charge de Montroziès cessionnaire pour la part et portion de sa sœur cédante. Dont acte fait et passé à Caylus en l’étude, en présence de messieurs Jean Pierre Déjean, propriétaire sans profession, domicilié à Pourrouyou, commune de Caylus, et Avant de clore, Maître Durieu a donné lecture aux parties des articles douze et treize de la loi du vingt trois août mil huit cent soixante onze. Et lecture faite, Montroziès et Henriette Montroziès, Marabelle ont signé avec les témoins et le notaire, les autres parties de ce individuellement requises ont déclaré ne savoir.
Un tel acte s’avère être d’un intérêt majeur, car il contient une foultitude d’éléments renseignés, tout en faisant la synthèse de plusieurs actes antérieurs auxquels il renvoie.
Ainsi, nous avons la confirmation qu’Antoine a bien géré son affaire, en faisant fructifier son patrimoine de départ, offrant une riche succession à ses enfants et à sa femme, que l’on retrouvera par répercussion lors de la succession de celle-ci vingt ans après.
Jean hérite donc d’un large domaine qu’il saura, lui aussi, bien gérer, et dont ses descendants profitent encore aujourd’hui.
Pour Catherine, on peut dire que cette succession tombe à point nommé puisqu’elle a signé une reconnaissance de dettes quelques semaines plus tôt, qu’elle va pouvoir acquitter en partie grâce à la cession de ses droits qu’elle fait à son frère à cette occasion.
Pour ma part, je retrouve la trace de mes Marie, dont une se fait appeler Henriette et habite (non officiellement) sur la commune de Saint-Antonin.
C’est là qu’interviennent à nouveau les recensements (voir plus loin), qui m’apprennent qu’elle est la domestique d’un curé nommé Pierre Delpech.
D’après l’âge qu’on lui donne sur les différents registres, je déduis qu’elle est née en 1841 et décédée en 1930, ce qui clarifie la situation entre les deux sœurs homonymes.
Et je comprends aussi que pour connaître ses différents lieux de vie à elle, il va falloir que je connaisse sa carrière à lui.
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Table des matières
I Objet et moyens du mémoire
II Conjoncture
III Principe d’étude
IV Le département du Tarn-et-Garonne
V La commune de Caylus
VI Histoire du village de Caylus
VII Les lieux de vie
VIII Présentation du couple central
IX Les descendants
X Les ascendants
XI Conclusion
XII Remerciements
Annexes A-1
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