Le département de la Meuse (France): industrialisation entre 1790 et 1914

Définitions et modèles

Industrie et industrialisation

Nous avons indiqué dans l’introduction de cette thèse que notre recherche avait pour objet les processus d’industrialisation dans des unités de production, ayant donné lieu à des successions de systèmes d’industrialisation dans des sites du département de la Meuse. Interroger les mots au début d’un tel travail n’est ni vain ni trivial. Certains mots sont à l’évidence employés avec des sens différents selon les locuteurs et les scripteurs. Ayant demandé à une vingtaine de personnes de notre entourage ce que signifiait pour elles le mot industrialisation, nous avons été pour le moins surpris par le résultat. Le mot industrialisation est en effet polysémique, et son usage fortement contextuel, ainsi que variable historiquement. Il en serait sans doute de même pour les mots industrie et technique. Pour éviter les confusions dans la suite de ce travail, il nous a paru nécessaire de faire une recherche de définition de ce mot : industrialisation chez différents auteurs,.

Recherche d’une définition du mot : industrialisation

Nous allons utiliser, à la recherche d’une définition du mot industrialisation, une bibliographie, due à un historien belge des techniques, Jean BAUDET . Celle-ci nous semble être caractéristique de l’évolution des problématiques et des points de vue adoptés depuis près de trois quarts de siècle par des historiens de renom, s’agissant de technique, d’industrie et finalement d’industrialisation.

On peut trouver, dans une article  publié par Lucien FEBVRE en 1935, une incitation à produire une histoire des techniques, qui mettra du temps à être suivie. Il nous paraît assez remarquable que cet article ait été publié dans une revue d’histoire économique et sociale, discipline dont l’histoire des techniques nous semble avoir eu besoin de s’éloigner, au moins pour un temps, afin de se fonder en tant que discipline autonome. En 1990, soit 55 ans plus tard, cet article était encore d’actualité, puisque Alain BELTRAN et Pascal GRISET  y font explicitement référence dans leur introduction à une Historie des techniques aux XIXe et XXe siècle, en citant Lucien FEBVRE :

« Technique : un de ces nombreux mots dont l’histoire n’est pas faite. Histoire des techniques : une de ces nombreuses disciplines qui sont tout entières à créer – ou presque. Les Annales n’ont pas la prétention aujourd’hui, ni d’improviser l’histoire du mot, ni de suppléer hâtivement à quelques unes de nos plus criantes  gnorances des choses. Elles se proposent simplement d’amener leurs lecteurs – les jeunes surtout – à réfléchir sur un ensemble de problèmes que l’histoire néglige avec trop de sérénité. » .

Déjà, en 1934, Lewis MUMFORD avait publié aux USA la première édition de son livre : Technique et civilisation (réédité en 1946 et publié en français seulement en 1950 ). Cependant, l’auteur s’intéressait alors essentiellement, dans cet ouvrage, à l’influence de la machine sur l’homme et la civilisation, et c’est l’avenir de cette dernière qui faisait problème pour MUMFORD.

En 1945 on trouve le titre : Milieu et techniques – évolution et technique sous la plume d’André LEROI-GOURHAN, le mot milieu, bien qu’ambigu, pouvant signifier une prise en compte de ce dans quoi la technique se développe. Un historien des techniques qui sera célèbre, Bertrand GILLE, publie dès 1946 deux Notes d’histoire de la technique métallurgique. La discipline semble alors prendre corps – avec peut-être une certaine posture externaliste chez GILLE – mais le programme mis à l’ordre du jour sera bien une histoire technique des techniques, en tant que préalable à un élargissement à l’histoire générale, comme le souhaitait Lucien FEBVRE. Dans une posture plus internaliste, en septembre 1962, Maurice DAUMAS est le directeur du premier tome d’un Histoire générale des techniques, qui en comportera cinq. Le troisième tome porte en sous-titre : L’expansion du machinisme : 1725-1860. Dans l’introduction de ce tome, nous trouvons le passage suivant :

« Cependant, l’utilisation du terme de révolution industrielle pour désigner la phase d’industrialisation des différents pays du monde, qui s’est partout produite après celle de la Grande-Bretagne, est difficilement acceptable .[…] 

L’industrialisation, et quand nous parlons d’industrialisation nous entendons aussi bien l’apparition des procédés de production modernes que l’implantation des chemins de fer ou la distribution du courant électrique, l’industrialisation s’est faite par des emprunts aux pays initiateurs […].  » (p.XIV, souligné par nous). 

Comme nous pouvons le constater, si le terme industrialisation est employé à plusieurs reprises dans ce fragment de texte par Maurice DAUMAS, il nous semble qu’il désigne pour lui aussi bien les procédés de production que le développement de l’industrie. Et il nous semble également que le terme industrialisation est introduit par l’auteur pour lui permettre d’écarter l’idée qu’une révolution industrielleaurait pu se produire ailleurs que dans la seule Grande-Bretagne. Pour le reste, l’utilisation faite pas l’auteur du mot industrialisation est tellement large que l’incertitude sémantique reste pour nous entière.

En mars 1978 Bertrand GILLE sera directeur d’une Histoire des techniques, en 1.643 pages , dont il a rédigé lui-même une grande partie. Elle est introduite par un chapitre de 112 pages intitulé : Prolégomènes à une histoire des techniques. Citons quelques passages de la préface.

« La difficulté était de réaliser un ouvrage qui ne fit pas double emploi avec d’autres. Il existe en effet déjà trois grandes histoires des techniques […]. Trois histoires qui sont axées presque exclusivement sur les seules techniques, en quelque sorte histoire technique des techniques. Etait-il opportun d’en ajouter une quatrième ? […] Il nous a semblé qu’il était plus enrichissant de prendre cet important problème de manière tout à fait différente, selon une méthode nouvelle. […] La notion de système technique, ensemble cohérent de structures compatibles les unes avec les autres, nous a semblé devoir rendre de façon plus intéressante le monde matériel de l’humanité depuis ses origines, le monde matériel du quotidien. […] Les systèmes techniques se succèdent les uns aux autres. La dynamique des systèmes, ainsi conçue, donnait une nouvelle valeur à ce qu’on appelle, expression à la fois vague et ambiguë, les révolutions industrielles. De système en système, il était donc possible de scander les siècles, voire les millénaires selon d’autres rythmes que ceux auxquels nous étions habitués par une histoire infiniment plus classique. » (pp.VII-IX, souligné par nous) .

Il est aisé de lire dans ces extraits un double souci de Bertrand GILLE :
– d’une part, se démarquer d’historiens des techniques tout à fait contemporains  , en proposant la notion de système technique en tant que paradigme qui permette une nouvelle périodisation ;
– d’autre part, dépasser la première phase du programme proposé par Lucien FEBVRE, et aborder sans tarder sa troisième partie, comme le passage suivant de la préface de Bertrand GILLE le laisse clairement apparaître :

« Ce mode de préhension du phénomène technique pouvait avoir un autre avantage: celui d’engager le dialogue avec les spécialistes des autres systèmes, l’économiste, le linguiste, le sociologue, le politique, le juriste, le savant, le philosophe, ce dialogue qu’il est si difficile d’organiser aujourd’hui. »  .

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
Quelle est la problématique de cette thèse ?
L’espace géographique objet de notre recherche et les raisons de ce choix
La période choisie pour notre recherche et les raisons de ce choix
Quelles ont été les sources constitutives de notre corpus ?
Quelle périodisation pour cette thèse ?
Comment est organisée la présente thèse ?
Annexe – Cartes
Chapitre 1 – Définitions et modèles
1.1 Industrie et industrialisation
1.2 Systèmes d’Industrialisation et approche systémique
1-0 Introduction à la première partie
Chapitre 2 – Hommes, femmes et enfants de Meuse
2.1 Une histoire démographique compliquée pour une région charnière
2.2 Les recensements de population par communes de 1790 à 1914
2.3 Une première rupture démographique entre 1851 et 1856
2.4 Populations rurales et urbaines meusiennes entre 1806 et 1914
2.5 Accroissements et diminutions de population entre 1851 et 1856 en France
2.6 Le département de la Meuse, gisement de main d’œuvre ?
2.7 Bilan des migrations pour la Meuse entre 1801 et 1906
2.8 Patrons, entrepreneurs et innovateurs meusiens
2.9 Acquisition du savoir et du savoir-faire : la formation des meusiens
2.10 Conclusions pour le sous-système de la population
Chapitre 3 – Le sous-système des ressources naturelles
3.1 Les ressources du sous-sol et leur utilisation
3.2 Conclusions pour les ressources naturelles
Chapitre 4 – Le sous-système des infrastructures de communication
4.1 Les routes
4.2 Les voies d’eau
4.3 Les chemins de fer
4.4 La poste
4.5 Le télégraphe et le téléphone
Chapitre 5 – Le sous-système des formes d’énergie
5.1 Energies hydrauliques
5.2 Le bois comme source d’énergie
5.3 La houille en Meuse
5.4 Des roues à aubes aux turbines hydrauliques
5.5 Le développement de l’énergie vapeur en Meuse
5.6 Distribution d’énergie électrique
Chapitre 6 – Le sous-système de financement
6.1 L’épargne des particuliers
6.2 Les banques et les investissement dans l’industrie
6.3 Agents de change et courtiers
6.4 Combien coûtent les usines en Meuse au XIXe siècle ?
6.5 Conclusions pour le sous-système de financement
Chapitre 7 – Le sous-système des unités de production
7.1 Généralités
7.2 Unités artisanales, proto-industrielles et industrielles
7.3 Remarques générales relatives aux statistiques industrielles
7.4 Les unités de production meusiennes avant 1840
7.5 Les unités de production d’après l’enquête industrielle de 1840
7.6 Fragments de l’enquête industrielle de 1852
7.7 Les unités de production selon l’enquête de 1861
7.8 L’enquête industrielle de 1873 – 1876
7.9 L’enquête industrielle de 1882
7.10 Les monographies des instituteurs de 1886
7.11 Les unités de production en 1894
7.12 Au-delà de 1894
7.13 Recherche d’une nomenclature de synthèse
7.14 Conclusion concernant ce chapitre
Chapitre 8 – L’environnement législatif et réglementaire
Conclusion générale

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *