Le début d’une nouvelle ère pour la Turquie et sa politique étrangère

Avec l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la Justice et du Développement (Adalet ve Kalkınma Partisi – AKP), le début des négociations d’adhésion à l’Union Européenne en 2005 et le déclenchement des révoltes populaires du Printemps arabe en 2011, l’intérêt porté sur la Turquie a été accentué dans les pays européens et moyen-orientaux. La République de Turquie, fondée en 1923, se situe à un carrefour de l’espace eurasiatique et moyen-oriental. Le territoire turc, d’une superficie de 783 562 km², comporte plus de 2500 kilomètres de frontières terrestres avec la Grèce et la Bulgarie à l’Ouest, la Syrie et l’Irak au Sud, ainsi que l’Iran, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Géorgie à l’Est. D’une population actuelle estimée à plus de 78 millions d’habitants, la Turquie tend à devenir une puissance régionale et internationale qui cherche à développer son influence dans le domaine des relations extérieures. Nous observerons, au cours de cette thèse, que les potentialités turques peuvent en grande partie permettre au pays d’accroître la portée de sa position géostratégique. Avec plus de 99% de musulmans, on estime qu’environ 75% des Turcs adhèrent au courant sunnite hanéfite et plus de 20% à la communauté alévie, branche proche du chiisme. La Turquie est l’héritière de l’Empire ottoman, qui a dominé pendant plusieurs siècles des territoires dépassant largement celui de la République actuelle. A son apogée, ceux-ci allaient de l’Autriche jusqu’à l’Iran, ainsi que de l’Afrique du Nord à la péninsule arabique, en passant par l’Anatolie et le Caucase. De par son poids de plus en plus considérable dans l’échiquier mondial, il est ainsi important pour les pays européens et moyen-orientaux de mieux comprendre l’évolution de ce pays et son rôle grandissant dans l’interaction entre ces deux régions. L’accroissement des tensions en Turquie entre l’expression de son identité occidentale et son orientation envers le MoyenOrient amène à la nécessité de renforcer l’attention à son égard.

La particularité de l’islamisme turc : De l’Empire ottoman à la République 

L’islamisme constitue un concept où l’islam se doit d’être au centre des sociétés musulmanes. Cette idéologie tient ainsi à se fonder « sur la définition classique selon laquelle l’islam est tout à la fois religion-État-vie profane (din-dawla-dunya en arabe)»  . La Turquie se différencie clairement des autres pays musulmans du Moyen-Orient dans sa relation avec l’islam. Il est alors intéressant, dès le début de notre travail de recherche, d’analyser l’évolution des positions prises par le courant islamique turc sur ce rapport entre la religion et la vie publique. En effet, ce pays, qui constitue le seul État laïc du monde musulman, a connu une influence très marquée du processus d’occidentalisation, que cela soit dans les domaines politique, économique, social et culturel, depuis le 19ème siècle. L’islam majoritaire en Turquie est l’islam sunnite de l’école hanafite, officialisé sous l’Empire ottoman. Elle constitue la plus libérale des quatre écoles doctrinales du sunnisme, avec la mise en avant de  la raison et de l’opinion en son sein. Dans ce contexte, l’islamisme turc a la particularité de se rattacher aux traditions propres de la Turquie, qu’elles soient ethniques, culturelles ou religieuses. Ainsi, cet islamisme ne peut être comparable avec l’islamisme arabe qui recherche avant tout à reconstituer l’umma. Il ne faut cependant pas oublier que l’islam turc est original tout d’abord de par « son caractère pluriel qui tient à ses origines asiatiques et à ses échanges avec plusieurs autres religions »  . L’évolution des relations entretenues, à partir de 2002, entre les tenants de l’islamisme turc et les principaux acteurs du courant islamique au sein des pays moyen-orientaux, représente alors un indicateur essentiel qu’il nous faut étudier dans le cadre de notre travail de recherche. En effet, le rôle de la spiritualité dans la société turque, depuis la période ottomane, représente l’un des facteurs majeurs qui fait que l’islam turc se différencie de celui pratiqué dans les territoires arabes du Moyen-Orient.

Les courants islamiques turcs du kémalisme à la création de l’AKP

L’instauration de la République de Turquie en 1923 a un effet primordial dans l’évolution de l’islamisme turc ainsi que de son impact dans la société. Alors que Mustapha Kemal a utilisé l’islam, durant la guerre d’indépendance entre 1919 et 1922, comme ciment de l’unité nationale, celui-ci souhaite désormais supprimer son influence. Les figures religieuses, tels que les sheikhs et les derviches, n’ont plus à être les seuls à s’occuper de l’islam en Turquie . La création de la direction des Affaires religieuses, la Diyanet, en 1924, suite à l’abolition du Califat la même année est le premier exemple fort de cette ligne directrice. Cette institution permet à l’État turc de gérer l’implantation de l’islam dans la société. La religion doit être confinée dans la sphère privée et exclue de la vie politique. Dans les années 1920 et 1930, des séries de lois diminuent la place du religieux dans la sphère publique tout en renforçant la sécularisation et l’occidentalisation de la Turquie. Nous pouvons ainsi citer l’adoption d’un code civil en 1926 et l’inscription du terme de laïcité dans la Constitution en 1937. A partir des années 1950, l’islam va progressivement retrouver un rôle important dans la vie publique turque. Une partie non-négligeable de la population a en effet conservé un profond attachement à l’islam. Pour espérer remporter les élections, les partis politiques ont à prendre en considération leurs aspirations en faveur d’un retour du religieux. Les sujets liés aux droits de l’homme et au respect de la culture islamique sont ainsi amenés dans le débat politique. Le soufisme commence également à réapparaître publiquement en Turquie. En 1960, le coup d’État militaire va stopper cette dynamique de manière provisoire. En effet, la nouvelle Constitution va rapidement permettre un accroissement de l’islam dans la vie publique turque grâce à la multiplication d’associations incluant ses principes. Les années 1970 constituent le second pallié majeur du retour de l’islam sur le devant de la scène publique turque. En 1969, Necmettin Erbakan fonde un mouvement islamique appelé Milli Görüş, la « vision nationale », qui apparaît pour la première fois dans un manifeste expliquant que les principes de l’islam doivent être les fondements de la société turque.

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Table des matières

Introduction
Première Partie : Le début d’une nouvelle ère pour la Turquie et sa politique étrangère (2002-2006)
1. L’arrivée au pouvoir de l’AKP et son « emprise » sur la société
1.1 De sa fondation à sa victoire historique en 2002
1.1.1 La création du parti
1.1.2 Une première campagne électorale réussie
1.1.3 La victoire d’une nouvelle entité politique
1.2 Les principaux marqueurs de son ascension
1.2.1 Une lassitude des partis traditionnels au système politique turc
1.2.2 Des politiques économiques et sociales au plus près des besoins de la population
1.2.3 Le charisme de Recep Tayyip Erdoğan
1.3 L’enracinement du nouveau parti conservateur dans la société
1.3.1 Une société « historiquement » traditionaliste
1.3.2 La naissance d’une classe moyenne novatrice
1.3.3 L’élargissement de l’électorat comme une force d’opposition au courant kémaliste
2. Le renouveau du courant conservateur en Turquie
2.1 L’islam politique entre traditions et transformations
2.1.1 Les différenciations majeures entre l’islamisme classique turc et l’AKP
2.1.2 La mise en avant de lignes de continuité
2.1.3 Les forces minoritaires de l’islamisme turc face à cette nouvelle vision
2.1.4 Les diverses identités du Parti de la Justice et du Développement
2.2 L’alliance de l’AKP et du mouvement de Fethullah Gülen
2.2.1 Les fondements de la confrérie güleniste
2.2.2 Les circonstances ayant conduit à l’alliance AKP-Gülen
2.2.3 L’intérêt réciproque d’un rapprochement des deux courants
2.3 Le retour d’un conservatisme religieux lié à un nouveau contexte régional
2.3.1 La résurgence de l’islamisme au Moyen-Orient
2.3.2 L’importance de la Turquie dans ce processus
2.3.3 Une politique intérieure allant de pair avec les relations internationales
3. La politique étrangère turque marquée par une orientation islamique
3.1 Le renforcement de la politique pro-active à travers la doctrine Davutoğlu
3.1.1 La poursuite de l’élargissement diplomatique lancé par İsmail Cem
3.1.2 La doctrine Davutoğlu : vers une nouvelle vision des relations extérieures
3.1.3 Une politique étrangère de plus en plus conforme à l’approche de l’AKP
3.2 La désillusion européenne : Des réformes aux lentes négociations d’adhésion
3.2.1 La nécessité pour le courant conservateur d’un rapprochement avec l’Europe
3.2.2 La mise en place de réformes encourageantes
3.2.3 La déception devant le prolongement des négociations
3.3 Un regain d’intérêt vis-à-vis du Moyen-Orient
3.3.1 Le poids de l’histoire et le partage d’une civilisation islamique
3.3.2 La prise en compte de l’atout stratégique du monde arabo-musulman
3.3.3 Une complémentarité ou incompatibilité entre la politique moyen-orientale et le projet européen ?
Deuxième Partie : Une période d’affirmation pour l’islamisme turc (2007-2010)
1. La consolidation de l’AKP dans le système politique turc
1.1 D’un statut d’opposition idéologique à celui de pouvoir durable
1.1.1 Les succès électoraux de 2007
1.1.2 L’accroissement de l’influence des conservateurs
1.1.3 Le retrait continu des centres de pouvoir kémalistes
1.2 L’accentuation des valeurs de l’islam dans la vie politique
1.2.1 La légitimation des forces islamiques
1.2.2 L’importance de la stabilisation de l’alliance AKP/Gülen
1.2.3 La mise en avant marquée des revendications islamiques
1.2.4 Le renforcement progressif d’une symbolique conservatrice
1.3 La profonde division de la société turque
1.3.1 L’opposition accrue entre « conservateurs » et « kémalistes »
1.3.2 Le risque d’une fracture sociétale
1.3.3 Deux visions différentes de la laïcité turque 1
2. Les implications des évolutions intérieures favorables aux forces islamiques sur la politique étrangère turque
2.1 L’affaiblissement du rôle de l’armée dans la vie politique
2.1.1 La restriction des prérogatives de l’institution militaire
2.1.2 L’élection d’un président issu de l’AKP : les effets sur les rapports militaro-civils
2.1.3 Les conséquences de la crise de 2007-2008 sur l’équilibre des pouvoirs
2.2 Le renforcement du lien entre les questions domestiques et internationales
2.2.1 Les aspects internes de l’essor du rôle turc dans le système mondial
2.2.2 Le rattachement des sujets de politique intérieure à la situation au Moyen-Orient
2.2.3 L’impact de l’opinion publique sur la politique étrangère turque
2.3 La variation des pressions internes et l’évolution des relations extérieures
2.3.1 La moindre influence de l’establishment kémaliste sur les décisions internationales
2.3.2 La politique étrangère reliée à la montée en puissance d’une nouvelle élite
2.3.3 Une plus grande indépendance dans les choix extérieurs
3. Une nouvelle politique étrangère conforme à la vision conservatrice
3.1 Les changements d’organisation de la politique étrangère
3.1.1 La prise en compte de nouveaux acteurs dans le processus décisionnel diplomatique
3.1.2 Des stratégies novatrices en phase avec l’idéologie de l’AKP
3.1.3 Les limites de la politique étrangère turque
3.2 Des discussions sans fin avec l’Union Européenne ?
3.2.1 Le blocage des négociations: signe de la fin de la priorité européenne
3.2.2 Les doutes de la Turquie sur la « bonne foi » de l’Europe
3.2.3 L’islam est-il un obstacle à une future adhésion turque?
3.3 L’accroissement de l’influence turque sur la scène moyen-orientale
3.3.1 La pertinence de la Turquie comme médiateur régional
3.3.2 Le « modèle turc » en débat
3.3.3 Les réelles potentialités pour la puissance turque au Moyen-Orient
Troisième Partie : L’islam politique en action (2011-2015)
1. Vers un retour des fondamentaux de l’islamisme turc ?
1.1 Les indications d’une recrudescence idéologique classique
1.1.1 Le renforcement des ressemblances entre l’AKP et le courant islamique traditionnel
1.1.2 La volonté d’inscrire la politique turque dans la glorification du passé ottoman
1.1.3 L’accentuation de la confrontation sur des sujets sociétaux
1.2 L’accroissement de la polarisation de la société
1.2.1 Un autoritarisme plus marqué suite à la victoire de 2011
1.2.2 Une polarisation de plus en plus déstabilisatrice
1.2.3 Le choc sociétal de Gezi Park : reflet d’une République de Turquie divisée
1.3 La rupture de l’alliance AKP-Gülen
1.3.1 Les principales raisons de cette dissension
1.3.2 Les conséquences de la fracture au sein de l’islam turc
1.3.3 Les perspectives relationnelles de ces deux mouvements
2. L’évolution de la politique étrangère turque
2.1 L’incertitude dans les relations turco-européennes
2.1.1 L’installation d’une méfiance mutuelle durable
2.1.2 La persistance du blocage à l’adhésion européenne
2.1.3 Les désaccords en termes de vision de politique extérieure
2.2 L’islamisme turc et le Printemps arabe
2.2.1 Les défis inattendus suite aux révolutions arabes
2.2.2 Le positionnement « sectaire » dans le clivage sunnisme/chiisme
2.2.3 Les handicaps pour la Turquie de prétendre au leadership régional
2.3 Un bilan mitigé de la politique étrangère turque
2.3.1 La réussite des islamo-conservateurs à ancrer l’État turc sur la scène mondiale
2.3.2 Les échecs de la politique de «zéro problème avec les voisins »
2.3.3 La difficile conciliation des relations européennes et moyen-orientales
3. Les perspectives actuelles de développement
3.1 L’islam politique turc face aux défis
3.1.1 La désunion des forces islamiques turques
3.1.2 Les possibles évolutions de l’islam politique en Turquie
3.1.3 Les challenges pour l’AKP de maintenir sa popularité
3.2 L’édification d’une politique extérieure entre opportunités et difficultés
3.2.1 Le rôle essentiel de la Turquie entre l’Europe et le Moyen-Orient
3.2.2 La complexité des situations régionales à prendre en considération
3.2.3 La constante adaptation nécessaire des relations extérieures turques
3.3 Quel avenir pour l’islamisme turc au regard de l’influence des facteurs nationaux, régionaux et internationaux ?
3.3.1 L’importance du développement du rôle du religieux dans la société
3.3.2 L’avenir de l’islamisme turc déterminé par le contexte régional
3.3.3 La place de l’islam dans la politique étrangère liée à l’évolution de l’ordre mondial
Conclusion

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