Le cycle profond du carbone

Le carbone joue un rôle important sur l’équilibre du climat et de la vie sur la planète. En effet il est le composant de deux des principaux gaz à effet de serre (CO2 et CH4) et fait donc l’objet de nombreuses études concernant l’évolution climatique de la planète. Jusqu’à présent, les études du cycle du carbone se sont attachées principalement à l’étude de phénomènes externes impliquant l’atmosphère, l’océan, la biosphère et la lithosphère, en les considérant comme un système « fermé ». Pourtant, les données récentes montrent que, sur des temps géologiques (de l’ordre du million d’années), la concentration en carbone dans ces réservoirs externes est intiment liée à des processus géologiques qui se font à plus grande échelle : on parle de cycle géodynamique du carbone qui implique des interactions entre des réservoirs allant de la surface de la Terre jusqu’au manteau (e.g. Javoy et al. 1982, Sleep et Zahnle 2001). Le carbone est émis principalement sous la forme de gaz via le volcanisme, puis est recyclé dans le manteau terrestre via la subduction de plaques lithosphériques. Cependant, nos connaissances actuelles sur le cycle géodynamique du carbone restent relativement restreintes ; de nombreuses incertitudes demeurent quant à la dimension des réservoirs profonds ainsi que sur la nature des phases porteuses de carbone dans ces réservoirs. C’est sur ce dernier point que s’inscrit le travail de thèse présenté dans ce manuscrit.

Le carbone est recyclé dans le manteau principalement sous la forme de carbonates (Alt et Teagle 2003) ; c’est pourquoi l’étude du cycle géodynamique du carbone porte principalement sur le devenir des carbonates aux conditions de pression (P) et température (T) mais aussi aux conditions d’oxydoréduction du manteau (e.g. Isshiki et al. 2004, Oganov et al. 2008, Dasgupta et Hirschmann 2010). Du fait de la rareté des échantillons naturels provenant du manteau, ces études sont principalement expérimentales et théoriques. Les résultats montrent la possibilité d’avoir un recyclage profond du carbone au-delà de la zone de transition (> 660 km de profondeur). En effet, une partie des carbonates semble rester stable par rapport à la décarbonatation et la fusion le long du chemin de subduction au travers du manteau supérieur (e.g. Molina et Poli 2000, Poli et Schmidt 2002, yaxley et Brey 2004); c’est le cas par exemple lors de subduction dites « froides » (subduction généralement rapide où la plaque subductée reste froide). Les carbonates peuvent ainsi être recyclés dans le manteau inférieur. Peu de données existent quant à leur stabilité dans cette partie profonde du globe (au delà de 660 km de profondeur correspondant à des pressions supérieures à 25 GPa). Quelques diamants du manteau inférieur suggèrent fortement la présence de carbonates dans le manteau inférieur (Stachel et al. 2000, Brenker et al 2007). L’objectif de ce travail de thèse est d’apporter de nouvelles données quant au mode de stockage du carbone dans les conditions du manteau inférieur .

RÉSERVOIRS ET FLUX DU CYCLE PROFOND DU CARBONE ACTUEL

Bien qu’étant le 4ème élément le plus abondant de l’Univers, le carbone ne fait pas partie des éléments majeurs constituant la Terre. Il joue pourtant un rôle important dans l’équilibre de la planète. Il est le composant principal de deux gaz à effet de serre, à savoir le CO2 et le CH4 qui permettent de maintenir la vie sur Terre. Le recyclage du carbone affecte alors l’équilibre de la vie sur Terre et du climat. Le cycle profond du carbone implique des réactions chimiques biotiques mais aussi abiotiques, qui ont lieu depuis la surface de la Terre jusqu’au manteau terrestre. Décrire et contraindre le cycle global du carbone permet donc de mieux comprendre l’équilibre géochimique de la planète.

Classiquement, le terme «cycle du carbone» évoque le cycle à court terme qui se fait entre les réservoirs situés à la surface de la Terre : l’atmosphère, l’hydrosphère, la biosphère et le sol. Les temps de transfert d’un réservoir à l’autre sont de l’ordre de 1 à 10000 ans et l’influence du carbone anthropique va avoir un effet important sur son équilibre. Cependant sur une échelle de temps de plusieurs millions d’années, il existe un cycle du carbone dit « cycle profond » ou « cycle géodynamique » impliquant les différentes couches de la Terre : Ce dernier est contrôlé par la géodynamique globale de la planète.

Deux principaux réservoirs sont alors à considérer lors de l’étude du cycle global du carbone : d’une part la surface de la Terre incluant la croûte terrestre, l’atmosphère, l’hydrosphère, et d’autre part le manteau supérieur et inférieur. Le carbone mantellique est constamment dégazé vers la surface sous la forme de CO2 via le volcanisme, tandis que le carbone superficiel est recyclé dans le manteau via le phénomène de subduction. Il semblerait que ce cycle soit aujourd’hui à l’équilibre ou proche de l’équilibre en termes de flux de carbone : c’est-à-dire que la quantité de carbone extraite du manteau par le volcanisme est proche de celle injectée au niveau des zones de subduction.

CONCENTRATION TOTALE EN CARBONE 

De nombreuses études ont tenté de quantifier le carbone dans les différents réservoirs terrestres (Otting et Zahringe, 1967; Trull et al., 1993; Jambon, 1994). La concentration totale en carbone de la Terre comme des autres planètes telluriques peut, en premier lieu, être déduite à partir de l’étude de la composition des météorites. Si les concentrations en espèces volatiles peuvent varier d’un objet planétaire à l’autre, les rapports entre éléments volatiles, eux, restent relativement constants. Le rapport C/36Ar varie de 2 x 107 à 20 x 107 mol/mol dans les chondrites. Ainsi la quantité de carbone peut être déduite de la quantité d’36Ar présent (Otting et Zahringe, 1967). En supposant que l’36Ar est actuellement concentré entièrement dans l’atmosphère de la Terre, la concentration moyenne en carbone est estimée à 0,11 ± 0,05 % pds soit une masse totale de 5,5 ± 2,5 x 1023 mol. Dans le cas où la concentration atmosphérique en 36Ar ne représenterait que 50% de l’36Ar total, la masse totale en carbone est alors estimée de 6 à 12 x 1023 mol (Jambon, 1994).

CONCENTRATION EN CARBONE À LA SURFACE

Comme évoqué précédemment, le carbone présent à la surface regroupe le carbone de l’atmosphère, de l’hydrosphère, et de la croûte. Bien qu’elle ait un effet important sur la biologie et le climat, la quantité de carbone dans l’atmosphère est négligeable par rapport à la quantité présente dans les autres réservoirs : elle est de l’ordre de 5,5 x 10¹⁶ à 1,8 x 10¹⁷ mol (Javoy et al., 1982; Sleep et Zahnle, 2001). Le carbone dissous dans l’eau de mer représente lui aussi une quantité négligeable : il est estimé à 3,3 x 10¹⁸ mol selon Jambon, (1994); Sleep et Zahnle, (2001), voire 1,6×10¹⁹ mol d’après Javoy et al.(1982). Le temps de transfert de l’un à l’autre de ces deux réservoirs est estimé à environ 1000 ans, c’est-à-dire l’ordre de grandeur du temps de mélange océanique. La plus grande quantité de carbone présente à la surface de la planète est contenue au sein même de la croûte terrestre. Elle fut longtemps associée seulement aux roches carbonatées qui représentent près de 15% de la couverture sédimentaire de la lithosphère océanique. De nombreuses études faisant l’inventaire de la stratigraphie montrent alors une quantité en carbone allant de 2,8 à 7,9 x 10²¹ mol (Holser et al., 1988; Wilkinson et Walker, 1989). Le carbone organique représente environ 15% de la quantité de ce carbone crustal, soit environ 1,4-1,7 x 10²¹ mol (Hayes et Waldbauer, 2006).

A partir des années 1990, une nouvelle source de carbone crustal a été comptabilisée : le carbone provenant des veines hydrothermales carbonatées formées suite à la circulation d’eau de mer au travers des basaltes constituant la croûte océanique. Cette circulation se fait essentiellement au niveau des rides océaniques et va avoir deux effets distincts sur le cycle du carbone en fonction de la température (Schultz et Elderfield, 1997) :

◆ A l’aplomb de la ride océanique, l’eau de mer réagit avec la croûte océanique à des températures supérieures à 350°C. Ces réactions chimiques chargent le fluide en hydrogène, méthane et dioxyde de carbone dont le carbone provient du manteau. Réchauffés, ces fluides remontent rapidement à la surface par des zones de décharge diffuses ou focalisées : il s’agit des fumeurs noirs où le refroidissement rapide et l’élévation du pH du fluide conduit à la précipitation de métaux. Ce type de circulation permet de libérer du CO2 mantellique au niveau des fonds océaniques (e.g. Charlou et al., 2002).

◆ Une circulation à plus petite échelle va produire des fluides hydrothermaux moins chauds (<150°C) sortant au niveau des fumeurs blancs. Les précipitations seront principalement constituées de talc, zinc et carbonates (e.g. Kelley et al., 2001). Appauvri en CO2 par la carbonatation, la concentration en CO2 des fluides sortant représente alors seulement 44% de la concentration de l’eau de mer avoisinante (Sansone et al., 1998). Ces veines carbonatées ont été mises en évidence par l’échantillonnage de roche du fond océanique (e.g. Alt et Teagle, 1999).

Le carbone utilisé lors de la formation de ces veines carbonatées provient directement du bicarbonate dissous dans l’eau de mer. Cette circulation à température moyenne permet donc de piéger du carbone superficiel sous la forme de carbonate crustal qui sera alors ultérieurement recyclé.

Finalement, en faisant une synthèse des différentes études, et en négligeant le carbone présent dans l’atmosphère et l’hydrosphère, on obtient une quantité totale de carbone à la surface de l’ordre de 7 à 8,5 x 10²¹ mol (Zhang et Zindler, 1993 ; Hayes et Waldbauer, 2006). Le temps de résidence du carbone externe, c’est à dire le temps caractéristique du recyclage mantellique de ce réservoir, est estimé entre 1,1 et 2 x 10⁸ ans (Javoy et al., 1982).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : LE CyCLE PROFOND DU CARBONE
I Réservoirs et flux du cycle profond du carbone actuel
I.1) Les différents réservoirs
I.1.a) Concentration totale en carbone
I.1.b) Concentration en carbone à la surface
I.1.c) Concentration en carbone dans le manteau
I.1.d) Concentration en carbone dans le noyau
I.2) Les flux modernes
I.2.a) Emissions de carbone mantellique
I.2.b) Recyclage du carbone depuis la surface vers le manteau
I.2.c) Equilibre du cycle (surface-croûte-manteau)
I.3) Cycle isotopique du carbone
II Pétrologie du cycle profond du carbone
II.1) Formation des carbonates à la surface
II.2) Pétrologie des flux entrant dans le manteau
II.2.a) Profondeur de la subduction
II.2.b) Stabilité des carbonates subduits au sein du manteau supérieur
II.2.c) Stabilité des carbonates subduits au sein du manteau inférieur
II.3) Phases riches en carbone présentes dans le manteau
II.3.a) Les carbonates
II.3.b) Les fluides carbonatés
II.3.c) Les diamants
II.3.d) Les alliages
II.4) Remontée du carbone vers la surface
III Evolution du cycle du carbone
IV Les questions en suspens :
CHAPITRE 2 : MéTHODES EXPéRIMENTALES ET ANALyTHIQUES
I Méthode expérimentale
I.1) Cellule à enclumes de diamants
I.2) La mesure de la pression
I.3) Chauffage laser
I.4) La mesure de la température
II Analyses in situ
II.1) Diffraction en dispersion d’angle de rayons X
II.2) Le traitement des données de DRX
II.3) L’équation d’état de Birch-Murnaghan.
II.4) Spectroscopie Raman
III Analyses ex situ
III.1 Préparation des échantillons par focused ion beam (FIB
III.2 Principes de la microscopie électronique à transmission (MET) et interaction électrons-matière
III.3 Diffraction électronique
III.4) Spectroscopie X en dispersion d’énergie: XEDS)
III.5) Spectroscopie de pertes d’énergies d’électrons (Electron energy loss spectroscopy : EELS)
III.5a) Spectre EELS
III.5.b) Détermination de la stœchiométrie par analyse EELS
III.6) Scanning transmission X-ray miscroscopy (STXM)
CHAPITRE 3 : CHOIX ET CARACTERISATION DES PRODUITS DE DEPART
I Produits de départ et synthèse des connaissances
I.1) Carbonates
I.1 a) Diagramme de phases de la magnésite
I.1 b) Diagramme de phases de la sidérite
I.2) Périclase (MgO) Ferropériclase (Fe,Mg)O,Wüstite(FeO)
I.3) Hématite (α-Fe2O3)
I.4) Goethite (α-FeO(OH))
I.5) Dioxyde de carbone (CO2)
II Expériences effectuées
III :Caractérisation des carbonates par la spectroscopie Raman
Article «Extracting Fe-Mg carbonates chemical compositions and crystals structure informations
from Raman spectral peak positions.»
CHAPITRE 4 :RESULTATS
I Objectif et résumé de l’étude
II Article : «A new host for carbon in the deep Earth»
III Article «Experimental investigation of the stability of Fe-rich carbonates in the lower mantle.» :
III.1) Données complémentaires
III.1.a) Expériences «FeO + CO2
III.1 b) Expériences «(Mg0,6, Fe0,4)O +CO2»
III.1 c) Expériences «Fe2O3+CO2»
III.1d) Expériences «FeO(OH) + CO2
CHAPITRE 5 CONCLUSIONS

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