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La perturbation humaine
Le CO2 est par ordre d’abondance, après l’azote (N) (78,11 %), l’oxygène (O2) (20,95 %) et l’argon (0,93 %), le quatrième élément dans l’atmosphère mais présent seulement à hauteur de 0,03 %. Il est, après la vapeur d’eau (H2O), le gaz à effet de serre le plus abondant.
L’augmentation de CO2 dans l’atmosphère au cours de l’ère industrielle, due aux activités de l’homme, modifie le cycle global du carbone sur la Terre. La concentration de CO2 atmosphérique est passée d’une valeur de 280 ppm pendant la période préindustrielle à 387 ppm en 2009 et 389 ppm en 2010 en moyenne annuelle ( [CHANGE-IPCC, 2007; Friedlingstein et al., 2010], http ://co2now.org/Current-CO2/CO2-Now/). Ces valeurs excèdent de loin les valeurs estimées dans les carottes de glace pendant les 650 000 ans avant l’ère industrielle qui sont comprises entre 180 et 300 ppm [Siegenthaler et al., 2005]. Les flux entre l’atmosphère et d’une part la biosphère terrestre et d’autre part l’océan ont changé comme le montrent les flèches rouges sur la FIGURE I.1. Ces perturbations sont l’un des moteurs du changement climatique à cause de leurs effets persistants sur l’atmosphère. L’une des conséquences de l’augmentation du CO2 atmosphérique, d’après les conclusions du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), est la hausse des températures moyennes pour 1906-2005 qui atteint 0.74 [0,5-0,94] C et qui est estimée entre 1,1C et 6,4 C d’ici à 2100 selon les scénarios [CHANGE-IPCC, 2007]. La FIGURE I.1 montre que les « émissions anthropogéniques » sont divisées en deux parties :
• le CO2 issu des combustions des énergies fossiles et de la production de ciment sont les principales sources de CO2 atmosphérique depuis la période préindustrielle. Les émissions de CO2 fossile sont passées de 6,40,4 PtC.an1 dans les années 1990 à 7,70,4 PtC.an1 entre 2000 et 2008 et 8,40,5 PtC.an1 en 2009 [Friedlingstein et al., 2010; Le Quéré et al., 2009]. Ces émissions sont plutôt bien connues, avec une incertitude de 6% [Marland, 2008].
• le CO2 issu de la déforestation et du développement agricole, dégagé par le changement d’utilisation des sols. En 1990, ces émissions étaient estimées à 1,60,7 GtC.an1 et entre 2000 et 2008 à 1,40,7 GtC.an1. Elles sont moins bien estimées que les précédentes avec une incertitude de 50% [Le Quéré et al., 2009; Le Quéré, 2010].
Le CO2 dans l’atmosphère augmente à cause de la capacité limitée des réservoirs à absorber le CO2 rejeté par les activités anthropiques. En moyenne, 43%.an1 des émissions totales de CO2 entre 1959 et 2008 sont restées dans l’atmosphère, avec une forte variabilité interanuelle.
Le taux d’augmentation dans l’atmosphère de CO2 est passé de 3,10,1 GtC.an1 entre 1990 et 2000 à 4,10,1 GtC.an1 entre 2000 et 2008 [Le Quéré et al., 2009].
Des changements à long terme de l’efficacité des puits naturels de CO2 atmosphérique ont été mesurés sur la période 1959-2006. On observe une tendance à la diminution des puits (-0,250,21%.an1), c’est à dire que le pourcentage de CO2 lié aux émissions humaines qui est resté dans l’atmosphère est passé de 40% en 1960 à 45% durant les deux dernières décennies [Canadell et al., 2010; Le Quéré, 2010].
Dans ce contexte, identifier les processus responsables de la variabilité du CO2 océanique est un préalable indispensable à la prévision de l’évolution du puits océanique de CO2.
Le cycle océanique du carbone
Le système des carbonates
Dans l’océan, le carbone existe sous forme de molécules organiques mais plus abondamment sous forme inorganique (90%). Parmi les formes inorganiques, moins de 0,5% est sous forme de CO2 aqueux. Les 3 autres formes sont le produit des réactions d’hydratations : les ions bicarbonates, HCO
Processus affectant la fugacité du dioxyde de carbone (CO2) à la surface
Le CO2 est continûment échangé entre l’atmosphère et l’océan, d’après la FIGURE I.1, le flux net moyen est de 2,8 GtC.an1, soit environ 30 fois moins que les flux bruts échangés dans chaque sens. Le CO2 dans l’océan est un acide faible. Le système des carbonates réagit à un ajout de CO2 atmosphérique, en associant les ions CO2 3 au CO2 dissous en excès et neutralise son effet sur le pH (eq I.10). C’est l’effet tampon de l’océan.
Les variations de fCO2 dans l’eau de surface sont dues à différents processus liés aux échanges de gaz avec l’atmosphère, à l’activité biologique (FIGURE I.2) et à la circulation des masses d’eau :
1. La pompe biologique : l’activité biologique se déroule principalement dans la couche euphotique qui est la profondeur à laquelle le rayonnement photosynthétique actif (PAR) 1 incident est réduit à 1% de sa valeur de surface. Le phytoplancton va synthétiser le Cor indispensable à son développement par la photosynthèse. A l’aide de CO2, de lumière et de sels nutritifs (nitrates, phosphates), il va former de la matière organique. Par la suite, il meurt et forme des détritus qui se décomposent dans l’eau sous forme de carbone organique dissous (COD) ou particulaire (COP) lesquels coulent et sont reminéralisés par la respiration. L’activité biologique diminue donc la fCO2 à la surface de l’océan.
On estime que cette pompe transporte 11 GtC.an1 de la couche de surface aux couches profondes (FIGURE I.1).
2. La contre pompe : certains phytoplanctons utilisent le carbone dissous pour se constituer un squelette ou une coquille en CaCO3 (ex : foraminifère, cocolitophoridé). Ils entrainent une diminution des carbonates dans la couche de surface et donc une diminution de DIC.
On a ainsi une augmentation de fCO2 en surface. La dissolution du CaCO3 en profondeur peut modifier l’alcalinité. La contre pompe a des effets importants localement à courte échelle de temps mais a un effet négligeable sur les flux globaux actuels de CO2.
3. La pompe de solubilité : La dissolution du CO2 dans l’eau de mer dépend de la température.
Les changements de solubilité du CO2 gazeux peuvent modifier les concentrations de CO2 dans les océans et l’atmosphère. En hiver, les eaux froides des hautes latitudes, denses et enrichies en CO2 (comme le DIC) à cause de leur forte solubilité, coulent de la surface vers les profondeurs de l’océan. Ce puits localisé, associé à la circulation thermohaline correspond à la pompe de solubilité. Ces processus physiques, correspondent au flux (90,2 GtC.an1) entre l’océan de surface et l’océan intérieur (FIGURE I.1). Ce flux est approximativement équilibré par un transport vertical de carbone (101GtC.an1) distribué principalement dans l’eau de surface chaude.
L’activité biologique dépend de la disponibilité en lumière, en nutriments (azote, phosphate, nitrate) et de la stabilité de la colonne d’eau. Le mélange des masses d’eau et la circulation océanique vont affecter la disponibilité de ces facteurs et jouer un rôle.
Les flux air-mer et leur répartition spatiale
Il existe un échange continu de CO2 en phase gazeuse entre l’atmosphère et l’océan. Ces échanges dépendent de la différence de fCO2 entre l’océan et l’atmosphère notée fCO2 et du coefficient d’échange du CO2, k (cf Chapitre II, § 2.1.4) . Ils sont liés à l’état de saturation des eaux superficielles par rapport à l’air. Les échanges ont donc lieu dans le sens qui permet de réduire cet écart et sont d’autant plus importants que le vent et fCO2 sont élevés.
Les transferts de gaz à l’interface air-mer sont des processus lents affectant la fCO2 dans les eaux superficielles. C’est pourquoi, la plupart des eaux de surface ne sont pas en équilibre gazeux avec l’atmosphère. Takahashi et al. [2009] ont publié une carte globale de |fCO2| montrant la répartition des sources et puits de CO2 pour l’atmosphère, à partir des observations existantes et d’un modèle d’advection/diffusion (FIGURE I.3). Les zones tempérées
Figure I.3 – Répartition spatiale sur tout le globe des flux air-mer de CO2[Takahashi et al., 2009].
(entre 14 et 50N et S) dans les deux hémisphères sont les puits de CO2 les plus importants
pour l’atmosphère avec -0,70 PgC.an1 dans le Nord et -1,05 PgC.an1 dans le Sud. Localement,
les puits les plus intenses sont observés dans les zones de formation d’eau profonde, aux hautes latitudes. Ce sont des régions où les eaux superficielles sont froides et chargées en CO2 (principe de la pompe de solubilité). Elles pénètrent dans l’océan par des mouvements convectifs et transfèrent les eaux de surface en profondeur. La circulation océanique des masses d’eau fait remonter à la surface des eaux riches en CO2, dans les régions de basses latitudes, au niveau des zones d’upwelling (remontée d’eau). Les zones équatoriales sont donc des sources de CO2 pour l’atmosphère et jouent un rôle important dans le cycle global du carbone.
L’océan Pacifique tropical est la plus importante source de CO2 (0,48 PgC.an1 entre 14N et 14S) pour l’atmosphère. Plusieurs études ont permis de mieux comprendre la variabilité à plusieurs échelles de temps de cette source de CO2 dans le Pacifique [Feely et al., 2002, 2006], et également de mettre en évidence les processus physiques et biologiques qui contrôlent l’intensité de cette source [Chavez et al., 2002]. A l’inverse, la source de CO2 de l’Atlantique tropical, la deuxième par importance après celle du Pacifique tropical, est beaucoup moins bien documentée. Elle est estimée a 0,1 PgC.an1 [Takahashi et al., 2009]. Dans cette thèse, je me suis concentrée sur la région au voisinage du point 6S,10Woù une longue série temporelle de fCO2 a été acquise (voir section 1.3).
Les mesures régulières du CO2 à la surface de l’océan
Une difficulté majeure pour l’étude du cycle du carbone est de surveiller la variabilité spatiale et temporelle de la fCO2. C’est dans ce cadre que des systèmes de mesures de la fCO2, en dehors des campagnes océanographiques se sont développés, en particulier pour être utilisés sur des navires d’opportunité [Lefèvre et al., 2010; Wanninkhof , 1992] ou des flotteurs lagrangiens ou eulériens [Hood et Merlivat, 2001; Lefèvre et al., 1993; Bakker et al., 2001; Boutin et Merlivat, 2009].
Depuis 1988, les séries temporelles (des bouées fixes) comme Hawaii Ocean Time-Series (HOT) dans l’océan Pacifique ou encore Bermuda Atlantic Time-Series (BATS) dans l’Atlantique et plus récemment European Station for Time Series in the Ocean and the Canary Islands (ESTOC) ont permis de mettre en évidence que le taux de la fCO2 dans l’océan est au premier ordre proche de l’augmentation de la fCO2 atmosphérique [Bindoff et al., 2007].
Entre 1998 et 2008, l’augmentation de fCO2 dans l’océan est de 1,410,7 matm.an1 à BATS comparée aux 1,4 matm.an1 dans l’atmosphère et à ESTOC 0,715,1 matm.an1 [Bates, 2001; González-Dávila et al., 2003]. Entre 1988 et 2002, le taux d’augmentation de CO2 est de 2,50,1 matm.an1 à HOT . Il excède la tendance atmosphérique (1,50,0 matm.an1 ) observée à HOT sur la même période [Keeling et al., 2004]. Cette tendance est apparue après 1997 suite à un changement dans le cycle moyen de température. La multiplication de longues séries temporelles en points fixes a permis de dresser une carte de l’augmentation de fCO2 océanique relativement à l’augmentation du fCO2 atmosphérique [Le Quéré et al., 2010].
De nombreuses stations de mesures nécessitent des visites mensuelles par bateau [González-Dávila et al., 2003], ce qui contraint à positionner ces bouées près des côtes (où la profondeur est inférieure à 500 m). Ces mesures mensuelles ne permettent pas l’étude de la variabilité haute fréquence telle que le cycle diurne. Or, l’utilisation des capteurs autonomes utilisés dans diverses régions démontre l’importance de la mesure haute fréquence [Bates et al., 2000; Guillou et al., 2004]. Par exemple, le Santa Monica Bay Observatory (SMBO) a permis de mettre en évidence l’importance de l’amplitude des cycles diurnes (150 matm) dus à des changements de température et à l’activité biologique [Leinweber et al., 2009].
Depuis quelques années, l’enregistrement des données de CO2 s’est particulièrement développé dans le Pacifique et l’Atlantique Nord, déjà fortement échantillonné lors des campagnes océanographiques et par les navires d’opportunité. Ce type de mesures est beaucoup plus développé dans le Pacifique tropical que dans l’Atlantique tropical (FIGURE I.4). Ce dernier est actuellement échantillonné par 3 stations mesurant le CO2. La première permet des mesures mensuelles, CARIACO (Carbon Retention in A Colored Ocean) à 10,5N, 64,67W.
Les deux autres sont des capteurs CARIOCA permettant la mesure horaire à 8N, 38W et 6S, 10W. C’est ce dernier site qui sera l’objet de cette thèse. Le capteur a été placé en juin 2006 pendant les campagnes EGEE.
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Table des matières
Introduction générale
Contexte scientifique
I Contexte général de l’étude
I.1 Cycle du carbone
I.1.1 Le cycle naturel du carbone
I.1.2 La perturbation humaine
I.1.3 Le cycle océanique du carbone
I.2 Atlantique tropical Est : Présentation
I.2.1 Le climat
I.2.2 Les principaux courants
I.2.3 Les remontées d’eau froide (upwellings)
I.2.4 L’état des connaissances sur le CO2
I.3 Objectifs de l’étude
II Données et méthodes
II.1 Mesures au mouillage 6S, 10W
II.1.1 Le réseau de bouées instrumentées PIRATA
II.1.2 Le capteur de CO2 de surface CARIOCA
II.1.3 Calcul des variables complémentaires : alcalinité (TA) et carbone inorganique dissous (DIC)
II.1.4 Le flux air-mer de CO2
II.2 Mesures complémentaires
II.2.1 Les campagnes EGEE
II.2.2 Mesures Autonomes
II.2.3 Données satellites
II.3 Outils d’analyses
II.3.1 Analyse en ondelettes
II.3.2 Calcul de la production communautaire nette
II.3.3 Diagramme de Taylor
II.4 Modélisation
II.4.1 Modèle unidimensionnel
II.4.2 Les simulations tridimensionnelles du projet DRAKKAR
III Evolution temporelle du CO2 observé à 6S,10W (article)
III.1 Situation hydrographique
III.1.1 Variabilité saisonnière
III.1.2 Variabilité interannuelle
III.1.3 Variabilité haute fréquence
III.1.4 Flux air-mer de CO2
III.2 Article publié dans Tellus B
IV Analyse des processus responsables de la variabilité haute fréquence
IV.1 Introduction
IV.2 Définition des conditions initiales et du forçage pour le modèle unidimensionnel
IV.2.1 Choix de la paramétrisation du forçage atmosphérique
IV.2.2 Définition et construction des profils initiaux
IV.3 Etude d’une période dominée par la physique
IV.3.1 Réglage des paramètres physiques
IV.3.2 Résultats de la simulation
IV.3.3 Variation des profils verticaux
IV.3.4 Rôle du courant
IV.4 Etude d’une période dominée par la biologie
IV.4.1 Réglage des paramètres biologiques
IV.4.2 Résultats de la simulation
IV.4.3 Impact de l’apport vertical
IV.5 Conclusion
V Variation saisonnière : DRAKKAR
V.1 Introduction
V.2 Adéquation entre le modèle et les observations
V.2.1 Comparaison des séries temporelles PIRATA avec le modèle
V.2.2 Les profils ARGO
V.2.3 Comparaison avec le Nokwanda
V.3 Résultats
V.3.1 Evolution de la salinité à la bouée.
V.3.2 Distribution de la salinité et des courants
V.3.3 Transport de l’eau dessalée à la bouée
V.4 Origine des eaux dessalées
V.4.1 Précipitations
V.4.2 Les apports fluviaux
V.5 Processus prenant place entre janvier et mai
V.6 Conclusion
Conclusions et perspectives
Annexes
A Etude des périodes de variabilité diurne
B Etude de sensibilité des paramètres physiques
C Etude de sensibilité des paramètres biologiques
D Etude des flotteurs dérivants
E Comparaison des mesures PIRATA avec DRAKKAR
Bibliographie
Acronymes
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