Le cycle biogéochimique de l’iode

Le cycle biogéochimique de l’iode

Découvert par Courtois en 1811 à partir du varech [1], l’iode est un micro-nutriment essentiel à l’homme et aux autres mammifères pour la synthèse des hormones thyroïdiennes T3 et T4. Ces hormones jouent un rôle crucial dans le développement et la maturation du système nerveux ainsi que dans la régulation du métabolisme de la plupart des tissus [2]. Dans une population, un déficit en iode provoque un ensemble de désordres physiologiques (hypothyroïdie, goitre endémique, retards de développement physique et mental sévères) que l’on regroupe sous le nom de « troubles dus à la carence en iode » (TDCI). Ces troubles ont été essentiellement observés chez les populations éloignées des zones côtières qui n’avaient pas accès à une alimentation d’origine marine. Le TDCI est toujours un problème de santé mondial malgré la généralisation de l’enrichissement du sel alimentaire en iode [2-4].

L’espace océanique constitue le compartiment majeur de réserve en iode biodisponible, avec une teneur de 45-60 µg/l, essentiellement sous forme iodate et iodure [5]. Les sédiments marins renferment, quant à eux, plus de 68% de l’iode de la croûte terrestre [6]. Le cycle biogéochimique de l’iode est basé sur d’intenses échanges du compartiment océanique vers l’atmosphère (Fig.1). Ces échanges reposent principalement sur l’émission de composés volatils iodés (CH3I, CH2I2 …) et d’iode moléculaire (I2) par le phytoplancton mais aussi par les macro-algues présentes en zones côtières. Une fois dans l’atmosphère, les composés volatils iodés (CVIs) et l’iode moléculaire sont dissociés par photolyse en radicaux I°. Ces radicaux I° sont impliqués dans une chimie atmosphérique complexe conduisant, par réaction avec l’ozone, à la formation d’un pool d’espèces oxydées (IO, I2O, OIO…). Ces espèces oxydées participent ensuite à la formation d’aérosols et à la condensation des nuages [7-9]. L’iode est, par conséquent, déposé à la surface des continents par les précipitations ou par les aérosols secs, ce qui permet son incorporation dans l’alimentation humaine [5]. Une partie de l’iode est aussi re émise sous forme de CVIs par les bactéries du sol [6]. Enfin, les eaux de ruissellement et les cours d’eau permettent la re-incorporation de l’iode dans le compartiment océanique.

Les principaux radio-isotopes de l’iode générés par les activités humaines (centrales et essais nucléaires) sont l’iode 131 (demi-vie de 8,04 jours) et l’iode 129 (demi-vie de 15,7 millions d’années). Compte tenu de leur durée de demi-vie, ils sont susceptibles d’intégrer le cycle géochimique de l’iode et, par conséquent, d’être disséminés sur des territoires étendus et d’incorporer la chaîne alimentaire humaine. Leur radio-toxicité est liée à leur incorporation au niveau de la thyroïde, ce qui induit une augmentation de l’incidence des cancers de cette glande comme observé à la suite de l’accident de Tchernobyl [11, 12].

Par conséquent, la compréhension des mécanismes biologiques qui contrôlent la dissémination de l’iode dans la biosphère est un enjeu environnemental, radio-écologique et de santé publique. Dans ce contexte, le projet iode du programme inter-organisme de Toxicologie Nucléaire Environnementale (TOXNUC-E), dans lequel s’inscrit ce travail de thèse, s’intéresse à deux modèles biologiques présentant des mécanismes d’accumulation de l’iode très différents : les algues brunes et les mammifères.

Les algues brunes 

Les algues brunes, en particulier les laminaires, sont un modèle d’étude unique et particulièrement intéressant. Les laminaires sont des accumulateurs exceptionnels de l’iode puisque leur teneur moyenne peut atteindre jusqu’à 4,7% de leur poids sec (soit un taux d’enrichissement par rapport à l’eau de mer d’un facteur de 10⁵ -10⁴ ) [13]. Leur rôle dans le cycle biogéochimique de l’iode a été très récemment re-évalué : Il a été mis en évidence qu’elles sont des acteurs clés des transferts de l’iode en zone côtière par l’émission de CVIs et aussi, en bien plus grande quantité, d’iode moléculaire (I2). Cette émission d’iode moléculaire serait impliquée dans la formation d’aérosols [14-16] et aurait une incidence directe sur la couche d’ozone. La iodovolatilisation par les laminaires fait donc actuellement l’objet de nombreuses études en chimie environnementale, comme l’illustre un numéro spécial de la revue Environmental Chemistry [17]. Cependant, les mécanismes biochimiques contrôlant la captation et l’émission de l’iode chez les laminaires n’ont pas été entièrement élucidés. Il est actuellement fortement suggéré que les enzymes appartenant à la famille des halopéroxydases à vanadate (vHPO) sont les principaux effecteurs de ces mécanismes (pour revue : [10]). Démontrer clairement le rôle physiologique de ces protéines est crucial pour la poursuite des études physiologiques. Par ailleurs, les distributions tissulaire et sub-cellulaire de l’iode sont, à l’heure actuelle, inconnues alors que ces données sont des éléments essentiels à la compréhension des transferts de l’iode chez ces organismes.

Les mammifères 

Chez les mammifères, la glande thyroïde est l’organe qui accumule le plus l’iode. Cette accumulation est nécessaire à la synthèse des hormones iodées T3 et T4. Bien que la biosynthèse de ces hormones ait été élucidée, les effecteurs impliqués dans les mécanismes de transport de l’iode au niveau des thyrocytes n’ont pas été entièrement caractérisés. Depuis quelques années, notre groupe s’intéresse au symporteur Na+ /I- (NIS) qui est responsable de la captation des iodures plasmatiques par les thyrocytes. Malgré de très nombreuses études, les mécanismes de régulation de cette protéine ne sont pas entièrement élucidés. De plus, aucun inhibiteur spécifique et puissant de la protéine NIS n’a été identifié. Or, de telles molécules constitueraient des outils pharmacologiques permettant de mieux caractériser le transport de l’iode au niveau thyroïdien. Elles pourraient aussi permettre de développer de nouvelles solutions plus efficaces que l’administration d’iodure froid, en cas de contamination accidentelle à l’iode radioactif [12] ainsi que de nouvelles approches thérapeutiques contre certaines pathologies thyroïdiennes (maladie de Grave ou thyroxicoses).

La génétique chimique

Pour apporter des éléments de réponse à ces deux thématiques de recherche, nous avons mis en place des stratégies de génétique chimique. La génétique chimique est une alternative aux méthodes classiques de génomique. Elle consiste à étudier la fonction d’un gène en modulant l’activité de la protéine dont il contrôle l’expression, grâce à de petites molécules organiques. On distingue deux approches : la génétique chimique directe et la génétique chimique inverse (pour revues : [18, 19]). La génétique chimique directe consiste à rechercher une molécule capable de générer un phénotype particulier sur un système cellulaire ou un organisme. Cette molécule est ensuite utilisée comme outil moléculaire pour identifier sa protéine cible et comprendre la fonction de cette protéine dans le contexte cellulaire. Cette stratégie permet donc d’identifier les effecteurs protéiques du mécanisme biochimique, souvent complexe, responsable du phénotype étudié. La génétique chimique inverse consiste, quant à elle, à identifier des molécules modulant l’activité d’une protéine purifiée. Ces molécules sont ensuite testées sur un système cellulaire ou un organisme pour étudier le phénotype induit par la modulation de la protéine.

La génétique chimique est indissociable des tests de criblage à haut-débit qui permettent d’identifier rapidement et efficacement les petites molécules organiques d’intérêt pharmacologique. Elle connaît un essor grandissant depuis une dizaine d’années, aussi bien dans le domaine académique que pharmaceutique, grâce à la mise au point des plateformes entièrement automatisées, au développement de la chimie combinatoire et à la mise sur le marché de bibliothèques de molécules.

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Table des matières

Introduction générale
1. Le cycle biogéochimique de l’iode
2. La génétique chimique
Objectifs et stratégies
Plan du mémoire
Bibliographie
THEMATIQUE ALGUE BRUNE
Chapitre 1 : Introduction bibliographique
1. Notions sur la morphologie et l’histologie de Laminaria digitata
2. L’iode chez les laminaires
2.1. Richesse et distributions en iode
2.1.1 Teneur et distribution tissulaires
2.1.2 Distribution sub-cellulaire
2.2. Spéciation de l’iode chez les laminaires
2.3. Physiologie des transferts de l’iode chez Laminaria digitata
2.3.1 Mécanisme de captation de l’iode : historique
2.3.2 Commentaires sur le mécanisme de captation
2.3.3 Mécanisme d’efflux et rôle physiologique de l’iode chez L. digitata
3. Les halopéroxydases à vanadate
3.1. Généralités
3.1.1 Occurrence et rôles putatifs des vHPO
3.1.2 Clonage et expression des activités vHPO
3.2. Données structurales concernant les vHPO
3.2.1 Structures des vHPO
3.2.2 Le site actif des vHPO
3.3. Réaction enzymatique et cycle catalytique des vHPO
3.3.1 Cycle catalytique des vHPO
3.3.2 Sélectivité des vHPO envers les halogénures
3.3.3 Halogénation de substrats organiques
3.4. Méthodes de suivi des activités des vHPO et chimie en solution
4. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 2 : Inhibiteurs de la vBPO d’Ascophyllum nodosum
1. Introduction
2. Suivi des activités de la vBPO
2.1. Introduction
2.2. Identification d’une nouvelle sonde
2.2.1 Etudes préliminaires
2.2.2 Etude de la famille des sulfone-phtaléines
2.3. Optimisation de la méthode de suivi par le bleu de thymol
2.3.1 Principe
2.3.2 Résultats
2.4. Validation des méthodes de suivi des activités de la vBPO par le bleu de thymol
2.4.1 Vérifications préliminaires
2.4.2 Identification des produits de réaction du bleu de thymol
2.4.3 Explication de la modification du spectre d’absorbance
2.5. Application à la recherche d’inhibiteurs de la vBPO
2.6. Conclusion
3. Tests de criblage à haut-débit
3.1. Mise au point du test de criblage à haut-débit
3.1.1 Séquence du test de criblage à haut-débit
3.1.2 Concentration des composés de la chimiothèque
3.1.3 Paramètres cinétiques et de suivi de la DO(620 nm)
3.1.4 Choix des témoins et schéma de plaques
3.1.5 Paramètres d’étude et méthode d’analyse des données
3.2. Validation du test de criblage à haut-débit
3.2.1 Définition des paramètres statistiques Z’ et Z
3.2.2 Détermination des paramètres Z’ et Z
3.3. Réalisation des tests de criblage à haut-débit
3.4. Résultats des tests de criblage à haut-débit
3.4.1 Remarques générales
3.4.2 Résultats globaux
3.4.3 Sélection des hits
3.5. Tests de confirmation des hits et sélection des molécules les plus actives
3.5.1 Test de confirmation : Comparaison avec le test de criblage à haut-débit
3.5.2 Sélection des molécules les plus actives
3.6. Validation et étude du mode d’action des 20 hits
3.6.1 Conformité et stabilité des composés
3.6.2 Effet doses-réponses
3.6.3 Perturbation de la iodation chimique du bleu de thymol
3.6.4 Comparaison des systèmes I3-, vBPO/H2O2/I- et vBPO/H2O2
3.6.5 Conclusion
3.7. Identification d’inhibiteurs : discussion et perspectives
3.7.1 La chimiothèque
3.7.2 La méthode de suivi des activités de la vBPO
3.7.3 Structure des vHPO
3.7.4 D’autres voies pour identifier des inhibiteurs de la vBPO ?
4. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 3 : Etude du mécanisme de captation de l’iode
1. Introduction
2. Principe d’évaluation
2.1. Description
2.2. Vérifications préliminaires
3. Evaluation des hits du test de criblage à haut-débit
3.1. Molécules évaluées
3.2. Résultats
4. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 4 Distributions tissulaire et sub-cellulaire de l’iode chez L. digitata
1. Introduction
2. Présentations des techniques d’imagerie
2.1. Microsonde nucléaire
2.2. Microsonde SIMS
2.3. Comparaison des deux techniques
3. Préparation des échantillons
3.1. Echantillons pour l’analyse par microsonde nucléaire
3.2. Echantillons pour l’analyse par microsonde SIMS
3.3. Résultats de la préparation des échantillons
3.3.1 Echantillons pour l’analyse par microsonde nucléaire
3.3.2 Echantillons pour l’analyse par microsonde SIMS
4. Résultats
4.1. Analyses par microsonde nucléaire
4.1.1 Analyse de sections transversales de stipe
4.1.2 Analyse de sections transversales de lame
4.2. Analyses par microsonde SIMS
4.2.1 Dosage de l’iode par analyse par activation neutronique
4.2.2 Analyse de coupes chimiquement fixées par microsonde SIMS
4.2.3 Analyse de coupes cryofixées par microsonde SIMS
5. Discussion
5.1. Spéciation et teneurs en iode
5.2. Distributions tissulaire et sub-cellulaire de l’iode insoluble
5.3. Distributions tissulaire et sub-cellulaire de l’iode total
5.3.1 Principaux résultats obtenus
5.3.2 Corrélation entre la distribution et les rôles physiologiques de l’iode
5.3.3 Propositions de nouveaux mécanismes d’accumulation de l’iode ?
6. Conclusion générale et perspectives
Bibliographie
Conclusion générale

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