Le culte de Mercure dans les trois Gaules

Entre dua et tria nomina : un culte aux mains des citoyens romains

La citoyenneté romaine, dont l’acquisition représente un véritable enjeu pour ceux ne le possèdent pas, désigne les individus libres, porteurs des dua ou tria nomina, indice de leur appartenance à la cité romaine et au système droits-devoirs qui en découle. Ces tria nomina se composent du prénom ou praenomen de l’individu, de son nom ou gentilice signe de son appartenance à une gens, et de son surnom ou cognomen. Il pouvait également être désigné par les dua nomina se composant seulement du gentilice et du surnom, ce qui était d’ailleurs le cas pour les femmes. Nous pouvons d’ores et déjà souligner que cinquante-sept inscriptions de notre corpus sont le fait de citoyens romains porteurs des tria nomina et quarante de porteurs des dua nomina. Pour mener une analyse de la répartition géographique de ces témoignages, il s’avère plus intéressant de porter notre attention sur les civitates en faisant abstraction des limites provinciales. Ainsi les individus porteurs des tria nomina se distinguent très nettement chez les Ubiens (GI 017 à 021, 025, 038, 039, 042, 043, 046) et les Lexoviens (L 016, 022, 029, 030, 032, 034 à 036, 038 à 040) avec réciproquement onze inscriptions, ce qui n’est en rien surprenant au vu de la quantité d’inscriptions fournie par ces civitates. Dans l’ordre décroissant, nous pouvons ensuite mentionner les Médiomatriques avec six inscriptions (B 020, 025 à 027, 030, 037), les Trévires avec cinq occurrences (B 061, 064, 073, 075 et 076), les Lingons avec quatre témoignages (B/GS 003, 004, 009, 010) puis les Éduens faisant mention de trois inscriptions (L 007, 010, 015). Se dessine un groupe de cités, où deux dédicaces de citoyens romains ayant les tria nomina sont attestées, composé des Arvernes (A 006 et 012), des Santons (A 053 et 063*), des Bituriges Cubes (A 018 et 019), des Ségusiaves (L 045 et 051), des Bellovaques (B 004 et 006) et des Bataves (GI 002 et 005) auxquels il faut adjoindre deux inscriptions (GI 053 et 054) pour lesquelles la localisation d’origine demeure inconnue. Enfin, l’on peut mentionner les cités où une seule occurrence est attestée, à savoir les Lémovices (A 031), les Riedones (L 043), les Ambiens (B 001) et les Leuques (B 018).
Concernant les porteurs des dua nomina, deux civitates se distinguent des autres avec onze et neuf inscriptions attestées : les Trévires (B 059, 063, 066, 078, 079 à 081, 084 à 086) et les Ubiens (GI 009 à 016, 026, 027, 030, 031, 033, 040 et 047) en sachant que parmi ces témoignages, deux sont le fruit d’une dévotion féminine chez les Trévires et trois chez les Ubiens. Quatre occurrences se retrouvent chez les Arvernes (A 002, 003, 005 et 011) et les Lexoviens (L 017, 019 à 021), dont deux féminines chez ces derniers. Quant-aux Sénons (L 058 et 065) et Bataves (GI 001 et 003), ils font état réciproquement de deux inscriptions alors que trois témoignages appartiennent au territoire des Médiomatriques (B 031, 032 et 054). Enfin, un seul témoignage est présent chez les Pictons (A 048), les Éduens (L 012), les Leuques (B 011), les Lingons (B/GS 007) tout comme chez les Bituriges Vivisques (A 022) et les Ambarres (L 003) même s’il s’agit d’attestations féminines pour ces deux dernières civitates.
La présence de citoyens romains au sein de ces cités tend à se justifier au vu du statut de ces dernières. La plupart de ces civitates sont des cités de droit latin, ayant dans certains cas le titre de colonie telles les agglomérations de Metz ou de Langres. Ces dédicaces de citoyens romains honorant Mercure se retrouvent aussi dans des colonies romaines telles Cologne, Xanten, ainsi que Lyon qui en plus de ce statut se voit adjoindre le rôle de capitale fédérale des Trois Gaules faisant de cette cité un lieu de pouvoir majeur. Dans une moindre mesure, des cités pérégrines sont attestées comme Rennes ou Bordeaux. Dès lors, il apparaît que la localisation de ces dédicaces résulte du statut juridique des cités impliquant une présence plus ou moins accrue de citoyens romains, porteurs des dua ou tria nomina. Ceci ne signifie pas pour autant qu’au sein des cités pérégrines aucun citoyen romain ne soit présent, mais seulement en quantité moindre que dans les cités de droit latin ou romain. Les chercheurs considérant que le droit latin se diffuse dans les Trois Gaules entre les règnes de Claude et Vespasien, il apparaît plus significatif d’étudier les inscriptions datant du Ier siècle afin d’analyser la diffusion du droit latin dans ces provinces. Il s’avère préférable de laisser de côté les inscriptions du trésor de Berthouville datées du Ier siècle (L 016, 029, 030, 032, 034, 035, 038), dans la mesure où il s’agit de supports d’importation italienne réalisés par un citoyen romain pour lequel la question de l’origine géographique demeure. A cale s’ajoute le problème de la non-connaissance de l’identité des commanditaires comme à Poitiers (A 052) avec une inscription datée précisément entre le 26 juin 19 et le 25 juin 20, d’après l’indication de la puissance tribunicienne de l’empereur, mais pour laquelle le nom du dévot demeure inconnu. L’on peut cependant faire mention d’une inscription de Saintes (A 055), de trois inscriptions de Lyon (L 048 à 050) et d’une de Cologne (GI 010) offertes par des citoyens romains qui sont datées précisément du Ier siècle mais qui s’avèrent peu représentatives puisqu’elles proviennent de capitales provinciales. La diffusion du droit latin dans ces provinces s’avère donc difficilement perceptible d’après les inscriptions en l’honneur de Mercure sans une datation plus précise des différents témoignages inscrits. Les citoyens romains apparaissent cependant comme des fidèles récurrents du Mercure gallo-romain et romano-germanique, et ce quelque soit leur nomenclature.

César et Tacite au regard des témoignages pérégrins

De ces deux auteurs romains, mentionnés précédemment, émerge l’image d’un culte de Mercure à vocation universelle couvrant toutes les strates de la société gallo-romaine et romano-germanique. Cette affirmation est tout à fait recevable pour les citoyens romains, au vu de l’analyse antérieure, mais en est-il de même pour les pérégrins ? Ces individus qualifiés de pérégrins sont des personnes libres avec une nomenclature dite indigène puisque semblable à celle de leur père avec un nom unique suivi d’une filiation à patronyme unique203. Ces pérégrins nous fournissent un corpus de quarante-sept attestations d’hommes, qu’il est préférable d’analyser par civitas. La civitas des Lexoviens nous offre le plus d’inscriptions avec six occurrences liées à des pérégrins (L 023, 025, 026, 028, 033 et 041). S’en suivent les civitates des Médiomatriques (B 024, 028, 034, 042 et 047) et des Lingons (B/GS 010 à 012, 014 à 016) avec chacune cinq témoignages pérégrins. Dans le cas des Trévires (B 050, 053, 060 et 077) et des Leuques (B 007, 010, 012 et 016), quatre occurrences nous sont parvenues.
Les cités des Éduens (L 009, 014 et B/GS 001) et des Ubiens (GI 012, 028 et 044) nous fournissent quant-à-elles trois attestations de cette dévotion. Avec les Pictons (A 051 et 052), les Bituriges Cubes (A 016 et 017), les Ségusiaves (L 044 et 052), les Tongres (B/GI 003 et GI 008) et les Rèmes (B 048 et 049) nous sommes en présence de cités où deux inscriptions pérégrines envers Mercure sont attestées alors qu’un seul témoignage nous est parvenu chez les Bituriges Vivisques (A 024) et les Bataves (GI 004).
Pour autant, il ne s’agit ici que des dédicaces offertes par des hommes pérégrins et il convient désormais de mentionner les actes de dévotion des femmes, dont le nombre s’avère significatif dans la mesure où quatorze monuments inscrits témoignent de cette fidélité féminine à l’égard de Mercure. Il faut d’ores et déjà signaler que la quantité la plus importante d’attestations au sein d’une même civitas est de trois occurrences, et que c’est au sein des cités ubienne (GI 023, 024 et 041) et lexovienne (L 024, 031 et 037) qu’elles sont répertoriées.
Ensuite, deux inscriptions sont attestées chez les Médiomatriques (B 022 et 038). Enfin, les Bituriges Cubes (A 017), les Lémovices (032), les Sénons (059), les Trévires (B 092*), Les Leuques (B 015) et les Lingons (B/GS 013) nous fournissent chacun un témoignage.
De plus, la répartition de ces témoignages pérégrins, d’hommes ou de femmes, s’avère similaire à celle des dédicaces des citoyens romains puisque quatorze des seize civitates mentionnées pour les pérégrins présentent également des inscriptions de citoyens romains, les Tongres et Rèmes faisant exception. A noter, que les civitates des Arvernes, des Santons, des Bellovaques, des Riedones, des Ambiens et des Ambarres quant-à-elles ne mentionnent aucun témoignage à l’égard de Mercure réalisé par des pérégrins. On peut émettre l’hypothèse que cette répartition repose sur le cadre géographique de cette dévotion puisque trois des quatorze témoignages pérégrins s’inscrivent dans un cadre rural, et cinq dédicaces de citoyens romains sur treize furent découvertes en contexte urbain auxquelles on peut adjoindre les six témoignages d’Orcines appartenant à la périphérie d’Augustonemetum. L’on peut également supposer une romanisation plus accrue des civitates où furent découverts les témoignages produits par des citoyens romains, mais cela supposerait dès lors une analyse plus approfondie de l’ensemble des inscriptions découvertes au sein de ces cités, et pas seulement celles concernant Mercure, afin de valider cette hypothèse.
On peut dès lors affirmer que les visions de César et Tacite sur l’universalité du culte de Mercure en Gaule et Germanie s’avèrent confirmées puisque les pérégrins et pérégrines expriment eux aussi de manière significative leur fidélité à Mercure au travers de l’épigraphie.

Les milieux serviles et affranchis dans la pratique du culte de Mercure

L’esclavage est une réalité propre à chaque territoire sous domination romaine, où l’esclave représente un matériel humain utilisé pour des besoins économiques. L’esclavage du Haut Empire représente la forme la plus achevée de ce système, prenant en compte les révoltes du IIème et Ier siècle av. n.è., de manière à ce qu’à la domination physique succède la prise en main juridique visant à définir les liens entre esclaves et maîtres, tout en encourageant les affranchissements. Dans les Trois Gaules et la Germanie Inférieure, ce phénomène se développe et se renforce au gré des campagnes militaires vers la Germanie Libre tout en répondant à des besoins économiques de plus en plus accrus. Ce milieu noue donc des liens particuliers avec la divinité du commerce, liens qu’il convient à présent de définir.

Vers une perception de l’implantation de l’esclavage

Même si l’esclavage est un phénomène qui concerne l’ensemble des provinces étudiées, les vestiges épigraphiques réalisés par les esclaves et affranchis à l’égard de Mercure ne concernent pas l’ensemble de ces territoires. En effet, alors que dix-sept inscriptions des Trois Gaules attestent d’une dévotion servile ou affranchie envers Mercure, aucune mention de Germanie Inférieure ne fut découverte à ce jour. Le système esclavagiste n’était cependant pas absent de cette province, en lien avec l’installation des légions le long du Rhin et la concentration des populations civiles à proximité du limes, laissant supposer que des monuments inscrits ne nous sont pas parvenus ou que la dévotion s’exprimait par d’autres moyens. Pour les provinces des Trois Gaules, il convient de distinguer les attestations serviles de celles des affranchis. Bien que les esclaves n’aient pas de droits mais seulement des devoirs, ils préservent la possibilité d’exprimer leurs croyances comme en témoignent une inscription d’Aquitaine (A 021) et une autre de Belgique (B 009) dédiées à Mercure. Cette dernière présente d’ailleurs la particularité d’être le fruit d’une dévotion collective associant une esclave et un affranchi. Les témoignages demeurent cependant plus nombreux dans le milieu affranchi, en lien avec des moyens économiques plus accrus ainsi que leurs activités dans le commerce et la manipulation d’argent, avec respectivement cinq attestations pour l’Aquitaine et la Lyonnaise, et cinq pour la Belgique si l’on élimine l’inscription de Ludres mentionnée précédemment. A une échelle moindre, ces inscriptions sont réparties au sein de neuf civitates avec dans l’ordre décroissant cinq occurrences chez les Trévires (B 065, 067, 071, 074 et 087), quatre chez les Ségusiaves (L 046, 048 à 050) et une seule mention pour les Bituriges Vivisques (A 026), les Bituriges Cubes (A 015), les Pétrocores (A 045), les Convènes (A 028), les Santons (A 055), les Lexoviens (L 018) et les Leuques (B 009).
Il apparaît que l’échelle des villes apparaisse comme plus pertinente que celle des civitates pour définir le système esclavagiste dans la mesure où l’essentiel de nos témoignages, à l’exception de ceux de Ludres, Niederemmel et Reinsport, se concentrent au sein d’agglomérations. Même si ces agglomérations sont de taille variable, allant de la capitale de province à l’agglomération secondaire, elles n’en demeurent pas moins des lieux de pouvoir où se concentrent les institutions politiques, économiques et religieuses. La faiblesse des témoignages de campagne pourrait être liée à une diffusion réduite de l’esclavage dans ces zones reculées avec peut être la persistance d’une forme de main-d’oeuvre dépendante de type gaulois, combinée aux difficultés d’accès aux matériaux et à la gravure.

Les rapports maître / patron et esclave / affranchi

Les individus, en esclavage ou ayant auparavant connu cette situation, sont désignés par une nomenclature spécifique qu’il convient de présenter. Tout d’abord, il faut signaler que les inscriptions concernant des fonctionnaires impériaux seront exclues de cette approche puisqu’elles feront l’objet d’une analyse ultérieure. Cette approche onomastique portera dès lors sur quatorze inscriptions en l’honneur de Mercure réparties dans les Trois Gaules et regroupées en plusieurs catégories mettant en lien les dénominations serviles / affranchies et celles des maîtres / patrons indiquant la position sociale de chacun. Alors que les esclaves ont généralement un nom unique, l’usage veut que les affranchis reprennent leur ancien nom servile en tant que cognomen et le gentilice de leur patron afin de montrer les liens unissant ces individus. Dans le cas des maîtres / patrons de rang pérégrins, nous pouvons voir sur les inscriptions du corpus que les esclaves / affranchis ont eu aussi un nom unique, ce qui par ailleurs nous indique que le système esclavagiste n’était pas seulement entre les mains des seuls citoyens romains. En Aquitaine, Autumnalis est esclave de Graecinus à Bordeaux (A 021), à Bourges (A 015) l’affranchi de Latina se nomme Marcellus alors que celui d’Attillus à Périgueux (A 045) se prénomme Ponticus et que Masculus affranchi d’Ingenua est attesté à Saint-Bertrand-de-Comminges (A 028). Un seul cas est mentionné en Belgique, à Niedaltdorf (B 065), avec Messor affranchi de Canis. La reprise du gentilice du patron par les affranchis est perceptible sur différentes occurrences de notre étude. Ainsi à Berthouville (L 018), l’affranchi Publius Aelius Eutychus porte des tria nomina basées sur ceux de son patron, Publius Aelius Numitor. Cependant le port des tria nomina par le patron, ne signifie en rien que l’affranchi sera désigné de cette manière comme en témoignage l’inscription de Bordeaux
(A 026) où Iulius Montanus est affranchi de Titus Iulius Secundus Faustus. À Tawern (B 074), Aceratius Primus est affranchi de Gratus, et se retrouve néanmoins associé avec Catenara et Pupia qui sont également des affranchies mais porteuses seulement d’un nom unique : doit-on y voir une différence homme / femme ? Au vu des lacunes présentes sur l’inscription de Saintes (A 055), seule l’identité de l’affranchi nous est parvenue : Vegetus Creticus. Enfin, l’inscription de Ludres (B 009) présente la double particularité de mentionner à la fois un affranchi, Appus, et une esclave, Aprila, sans pour autant que l’identité du patron / maître ne soit indiquée.
Si l’on s’intéresse désormais encore un peu plus à cette onomastique servile et affranchie, il est intéressant de signaler que le cognomen de ces individus est d’origine latine, à l’exception de Ponticus à Périgueux et de Eutychus à Berthouville qui sont d’origine grecque. Certains de ces surnoms sont fréquents au sein de ces provinces, comme Messor attesté à de nombreuses reprises en Belgique et en Germanie, ou dans des provinces voisines, comme Vegetus qui est un surnom fréquent dans la péninsule ibérique.
Ainsi, il apparaît que les témoignages serviles et affranchis en l’honneur de Mercure sont le fruit de la dévotion d’un milieu relativement romanisé ayant recours aux usages romains.

Les collaborateurs impériaux : entre administration et culte impérial

Afin d’assurer le contrôle romain sur les provinces nouvellement instituées, l’empereur s’est certes appuyé sur les élites locales mais aussi sur l’appareil administratif impérial où esclaves et affranchis représentaient une main d’oeuvre compétente et loyale. Intégrer les affranchis impériaux dans l’appareil administratif provincial, permettait au gouverneur en place de pouvoir se reposer sur des personnes disposant d’un savoir technique assurant la stabilité et la continuité du service. De plus, ces affranchis étaient présents sur le long terme à la différence des autorités provinciales renouvelées régulièrement afin d’éviter qu’elles n’aient une emprise trop forte sur les provinces. Ce personnel administratif a d’ailleurs laissé de nombreux témoignages épigraphiques soulignant l’efficacité d’un système d’exploitation des importantes ressources de Gaule et Germanie, système qui n’était cependant pas exempt d’abus. Deux inscriptions de notre corpus sont ainsi le fait d’affranchis impériaux appartenant à ce personnel administratif. La première, provenant de Wasserbillig (B 087), concerne un tabularius ou archiviste appelé Doccius Acceptus, ayant offert à Mercure un temple avec tous ses ornements sous le règne d’Alexandre Sévère. Ce n’est pas son poste d’archiviste mais son titre de sévir augustale qui nous renseigne sur sa condition d’affranchi de la maison impériale. La seconde inscription, originaire de Niederemmel (B 067), mentionne un adiutor tabularii affranchi d’Augustus, donc de la maison impériale, et qui selon Walter Meyers devait travailler dans les archives de Trèves après le milieu du IIème siècle208. Au vu de son poste d’assistant comptable, le dédicant semble nouer une relation toute naturelle avec Mercure d’autant plus que son surnom, Mercurialis, est un dérivé du nom de la divinité du commerce et approprié aux activités bancaires. Ces deux exemples attestent de la continuité opérée dans les premiers siècles de l’Empire avec une administration provinciale aux mains des affranchis impériaux, dont le rôle est d’autant plus destiné à se renforcer avec l’installation à Trèves au IIIème siècle d’un atelier monétaire.
Au-delà de la sphère administrative, c’est dans le domaine religieux que l’on retrouve les affranchis impériaux en tant que Seviri Augustales. Il s’agit d’une magistrature annuelle exercée par un groupe de six affranchis devant participer à la célébration du culte impérial et en assumer les frais, ce qui souligne leur niveau de fortune. Ces individus portent rarement une identité d’origine celtique mais plutôt les tria ou dua nomina, ce qui en fait une catégorie sociale avec un haut degré de romanisation d’autant plus que leurs charges leurs confèrent un rôle politique et économique certain. C’est de nouveau en Belgique, dans la civitas des Trévires, que nous devons porter notre attention avec deux inscriptions associant culte de Mercure et sévir Augustale. L’inscription de Wasserbillig (B 087), mentionnée précédemment et associant dévotion à Mercure, à Rosmerta et à la maison impériale, fut offerte par Doccius Acceptus occupant à la fois une charge de fonctionnaire impérial et de sévir Augustale : il s’agit en cela d’un individu hautement romanisé, d’autant plus qu’il porte les dua nomina. Il en est de même pour les dédicants de Reinsport (B 071), Doccius Aprossus et (Doccius) Acceptus, faisant acte de dévotion aux mêmes divinités, à savoir Mercure, Rosmerta et la maison impériale. On peut émettre l’hypothèse, au vu d’une onomastique semblable, que le sévir Augustale Doccius Acceptus honorant Mercure à Reinsport et à Wasserbillig soit la même personne sans que nous puissions en apporter la preuve.

Des dédicants insérés dans les sphères économiques, religieuses, institutionnelles et militaires

Libres, esclaves ou affranchis, ce sont les particuliers qui témoignent le plus de leur dévotion à l’égard de Mercure en ayant recours à l’épigraphie, d’après les analyses menées précédemment. Néanmoins, d’autres individus rendent un culte à Mercure grâce à des inscriptions exprimant, certes leur attachement envers la divinité du commerce, mais surtout leur appartenance à des regroupements à caractère social, économique, religieux, institutionnel ou militaire209. De ce fait, au-delà de la simple démarche onomastique, il s’agit ici d’entrevoir la manière dont s’exprimait la fidélité à Mercure au sein de ces différentes formes d’organisation sociales.

Vers une dévotion des acteurs économiques

En tant que dieu du commerce et des voyages, Mercure s’avère être le protecteur de divers agents de la vie économique romaine : les marchands, les artisans et les producteurs.
Dans la mesure où Mercure représente la divinité de prédilection de ces acteurs du système économique romain, on pourrait s’attendre à voir une floraison de témoignages épigraphiques permettant une mise en avant des circuits commerciaux des Trois Gaules et de la Germanie Inférieure. Néanmoins, ce n’est pas le cas puisque seulement six inscriptions attestent d’une dévotion de ces individus à l’égard de Mercure. Parmi ces témoignages, trois nous suggèrent l’existence de corporations de métier puisqu’il s’agit de dédicaces collectives réalisées au nom d’un ensemble d’individus exerçant la même activité.
Les flamines représentent des prêtres attachés au culte d’une unique divinité, qui à l’origine de Rome occupaient cette charge à vie et étaient soumis à de nombreux interdits. L’extension territoriale romaine et le développement du culte impérial, conduisit chaque grande cité de l’Empire à se doter d’un ou plusieurs flamines n’occupant plus cependant cette charge à vie, mais pour une durée annuelle et sur autorisation des décurions. Le flamine pouvait toutefois conserver son titre à vie, comme le démontre l’inscription de Rennes avec Titus Flavius Postuminus flamine perpétuel de Mars Mullo.
Malgré tout, aucune inscription ne mentionne l’existence de prêtres du culte de Mercure. Une explication de ce manque peut résulter de l’adoption de ce culte à Rome au Vème siècle av. n.è. qui intervient à une époque où les structures religieuses romaines avaient déjà reçu leur forme définitive depuis longtemps. Dès lors, l’introduction d’un nouveau culte, d’origine hellénique de surcroît, poussa les autorités publiques romaines à préférer la création d’un nouveau collegium plutôt que celle d’un nouveau flaminat : ainsi même à Rome, il n’y a jamais eu l’existence d’un flamine de Mercure. Nous savons peu de chose de ce collège, dit des Mercuriales, notamment concernant le recrutement de ses membres. Théodore Mommsen avait émis l’hypothèse que les membres appartenant à ce collège exerçaient la même activité professionnelle, le négoce, et qu’ils résidaient tous sur la colline de l’Aventin où, pour lui, était situé le temple de Mercure. Cette idée a été totalement invalidée puisqu’à l’origine Mercure n’était pas le dieu des marchands mais il assumait l’échange mercantile, et l’Aedes Mercurii n’était pas situé sur l’Aventin. La laïcisation du droit sous l’impulsion de la loi des XII Tables, conduisit à un affaiblissement progressif de ce collège dont le rôle se maintenait seulement pour la forme, même s’il connut un certain renouveau sous l’impulsion de la politique impériale. Dans les Trois Gaules et la Germanie Inférieure, aucune inscription ne mentionne l’existence de prêtres de Mercure ou même d’un collège des Mercuriales en charge de la gestion de ce culte. Deux hypothèses ont été proposées par Jean-Jacques Hatt pour répondre à ce manque : soit il existait un corps de ministres du culte ambulants en marge des prêtrises officielles et spécialement chargé du culte de Mercure dans les divers sanctuaires locaux, ou on avait une survivance des druides qui prirent en charge la gestion de ce culte. A l’heure actuelle, aucune réponse ne peut être apportée pour tenter de définir qui étaient les ministres du culte de Mercure et de quelle manière ils étaient organisés.
Ainsi, la dévotion de ces officiers sacerdotaux s’avère d’une maigre utilité pour tenter de définir la place du culte de Mercure dans les Trois Gaules et la Germanie Inférieure, d’autant plus qu’ils n’agissent pas en qualité de prêtres de cette divinité.

La place des cadres institutionnels et territoriaux

Le culte rendu à la divinité du commerce est certes l’expression de la dévotion, individuelle ou collective, des dédicants mais elle peut également être la manifestation d’un engagement de la part de structures administratives. Parmi ces entités structurées, il convient de mentionner le rôle joué par les curies, où plus particulièrement par la curie Amratinna attestée sur deux inscriptions de Germanie Inférieure.

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Table des matières

Introduction 
Aquitaine / Aquitania
Lyonnaise / Lugudunensis
Belgique / Belgica
Belgique / Belgica ou Germanie Supérieure / Germania Superior
Belgique / Belgica ou Germanie Inférieure / Germania Inferior
Germanie Inférieure / Germania Inferior
Annexes 
Abréviations employées pour citer les inscriptions dans la rubrique «Publication »
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