Le croisement de la poésie et de la peinture
Remontée à la source
Ut pictura poesis
La comparaison entre la littérature et les beaux-arts s’inscrit dans une longue tradition. Par exemple, la figure de rhétorique de l’ekphrasis, c’est-à -dire description littéraire d’une œuvre d’art, peut remonter aux origines de la littérature occidentale, avec un exemple emblématique, tel que la description du bouclier d’Achille par Homère dans l’Iliade. L’ekphrasis décrit la représentation d’une scène : c’est un morceau détachable (comme l’indique « ek »), à la fois parce qu’il décrit une scène
admirable et à la fois parce qu’il est lui-même admirable. macrostructurale se prête donc très bien au fragment ou au poème. Nous pouvons déjà noter que les Parnassiens, après Gautier, se livreront régulièrement à la pratique de l’ekphrasis, en particulier ils représenteront des œuvres d’art grecques, comme Heredia ou Leconte de Lisle. L’ekphrasis constitue ainsi une mise en abyme de l’art, ce que nous verrons chez chacun de nos poètes, Gautier et WEN Yiduo. Simonide de Céos (556 – 467 av. J.-C.), poète lyrique grec, formule aussi, « La peinture est une poésie muette et la poésie est une peinture parlante ». Ceci est probablement la doctrine la plus ancienne parlant du rapport entre la poésie et la peinture. Plus tard, Horace (65 – 8 av. J.-C.), poète romain, met en parallèle la peinture et la poésie dans son œuvre Art poétique avec une formule retentissante « Ut pictura poesis », c’est-à -dire qu’ « il en est d’une poésie comme d’une peinture » . Horace y explique davantage :
[…]telle, vue de près, captive davantage, telle autre vue de plus loin ; l’une veut le demi-jour, l’autre la lumière, car elle ne redoute pas le regard perçant du critique ; l’une a plu une fois, l’autre, si l’on y revient dix fois, plaira encore.
A son avis, il existe une question de perspective pour la poésie comme pour la peinture, et elle ne redoute pas un examen minutieux. Donc, on peut juger un poème comme un tableau selon les mêmes règles. Dès lors cette formule a joué un rôle déterminant dans l’histoire. Horace souligne l’importance de l’unité et de la simplicité dans l’œuvre d’art, à partir du moment où elle imite le réel et tend à créer des émotions, à persuader. L’importance de la nature et de la raison sont au principe de ses règles d’harmonie : du sujet et de la forme, des parties de l’œuvre entre elles. Nous
pouvons dire qu’Horace constitue un fondement capital pour les classiques et peut nous faire réfléchir sur l’importance de la nature, si centrale pour les poètes chinois. A partir de la Renaissance, on redécouvre et réinvente les sources antiques. Léonard de Vinci, précurseur de la Renaissance, considère la peinture comme « chose mentale » et même comme la vraie science. Il ne veut pas mettre en valeur la poésie en négligeant la peinture. C’est ainsi qu’il modifie un peu la formule de Simonide pour manifester l’égalité entre les deux arts : « La peinture est une poésie muette et la poésie une peinture aveugle ; l’une et l’autre tendent à l’imitation de la nature selon leurs moyens. » Alors qu’Horace comparait la poésie à la peinture en rapportant l’art du langage à celui de l’image, les artistes de la Renaissance l’inversent : « un poème est comme un tableau » devient « un tableau est comme un poème ». Donc, l’Ut pictura poesis consiste souvent, dans beaucoup de discours sur l’art, à définir la peinture et à évaluer sa valeur en fonction des critères de l’art poétique. Il vise aussi à évaluer l’efficacité esthétique d’une œuvre et sa puissance de suggestion. C’est un outil critique. Au XVIIe, on réaffirme cette proche parenté. Charles-Alphonse Du Fresnoy, peintre et poète français, a écrit : « La Peinture et la Poésie sont deux Sœurs qui se
ressemblent si fort en toutes choses, qu’elles se prêtent alternativement l’une à l’autre leur office et leur nom. On appelle la première une Poésie muette, et l’autre une peinture parlante. » C’est ainsi que, dans le Songe de Philomathe, André Félibien met en scène la dispute de Peinture et de Poésie, qui s’apostrophe l’une l’autre sous le nom de « ma sœur » et comparent leurs mérites respectifs, l’une s’exprimant en vers, l’autre en prose. On peut y voir que les deux sœurs de proche parenté sont aussi deux sœurs rivales. Qui des deux sœurs l’emporte sur l’autre ? Le XVIIIe siècle suit le sillage de la « querelle des Anciens et des Modernes » de la fin du XVIIe siècle. Au XVIIIe se distingue Gotthold Lessing avec son Laoccon
(1776) qui rejette la doctrine de l’Ut pictura poesis et insiste au contraire sur les différences entre la poésie et la peinture et les limites qui les séparent. Il pensent que les Modernes, en réduisant les réflextions sur l’art à la seule règle de l’ut pictura poesis, ont fort mal compris les Anciens. Pour lui, les deux arts sont incomparables et ils diffèrent par leur matière, leur mode d’imitation et leur rapport à l’espace-temps. En comparant le poète avec le sculpteur, il indique la distinction entre les règles de l’art plastique et de la poésie : « Le poète travaille pour l’imagination et le sculpteur pour l’œil. Celui-ci ne peut imiter toute la réalité qu’en blessant les lois du beau ; il ne reproduit qu’une situation, qu’un instant, tandis que le poète développe l’action tout entière. » L’inscription du poème dans le temps constitue donc un avantage pour la poésie, par rapport à la simultanéité du visible. Au XIXe siècle, les rapports sont plutôt marqués par la confrontation et la fascination mutuelles. L’ut pictura poesis renatî de plus belle. Vers les années 1830 les romantiques français déclenchent « la fraternité des arts », dont les bases sont jetées par Delacroix, qui a mis en parallèle au début les deux arts, mais est sensible à l’esprit poétique. Il propose « la fusion des arts » en empruntant le terme au vocabulaire alchimique. Théophile Gautier s’y entend et, dans son œuvre Histoire du romantisme, il apprécie la fraternisation des arts et trace de Delacroix un portrait significatif en l’imaginant « composé de tous les métaux en fusion ». C’est ainsi que l’ancienne doctrine de l’ut pictura poesis est conduite à une nouvelle étape :
La fraternité des arts est un mouvement dont on a pu contester la réalité concrète, et qui traduit une aspiration d’union entre les artistes plutôt qu’entre les arts ; en revanche, la fusion des arts veut unifier les spécialités, au prix d’une sorte de transmutation poétique […] est une conjuration, à dimension sociale, d’artistes révolutionnaires, romantiques, anti-classiques, qui reprennent à leur compte, et en termes nouveaux, l’ancienne alliance de l’ut pictura poesis.
L’idée d’une correspondance entre les arts parcourt tout le siècle. On ne s’étonne pas de voir des peintres écrire (ex. Le Journal de Delacroix) et des écrivains peindre ou dessiner (ex. Les dessins et aquarelles de Hugo). D’ailleurs, beaucoup d’écrivains pratiquent la critique picturale ou l’histoire de l’art : Stendhal, Gautier, Baudelaire, Zola, etc. Peu à peu, les convergences entre la poésie, ou plus généralement la littérature, et la peinture s’intensifient davantage puisque les courants et écoles structurent aussi l’histoire de l’art. Elles sont particulièrement visible dans ces temps forts des alliances que constituent le romantisme, le réalisme et le synbolisme, qui relancent la réflexion théorique, nourrissent la pensée esthétique et militent en faveur la création.
« Dans son poème, une peinture ; dans sa peinture, un poème »
Pour les lettrés dans l’histoire chinoise, « la poésie, en liaison avec la calligraphie et la peinture – appelées en Chine la Triple-Excellence – devient l’expression la plus haute de la spiritualité chinoise nourrie de trois courants de pensée : le taosïme, le confucianisme et le bouddhisme ». Ils s’intéressent à leur fusion, d’où est né un fruit remarquable – la poésie incrite dans la peinture, qui peut remonter à la période des Trois Royaumes (220 – 280).Mais dans l’histoire de la peinture traditionnelle chinoise,c’est à partir de l’époque de l’empereur Huizong28 des Song que l’on inscrit le poème sur le blanc de la peinture et le fait une partie de la composition29. Lapoésie ne sera abordée que dansle mesure où elle aide à la compréhension des arts graphiques. Ce type de fusion se présente en général sous les deux aspects : l’emprunt de la matière à la poésie et l’imitation des techniques poétiques.Les peintres, qui empruntent la matière à la poésie pour composer une peinture poétique, souvent élèvent la conception artistique d’origine de la poésie. Il y a une anecdote qui peut servir d’exemple. Dans la dynastie des Song, l’Académie impérialede la peinture choisit souvent un vers comme le sujet de composition, par exemple,Embarcadère désert : flottant de travers, une barque…30 ». Beaucoup de concurrents peignent juste une barque flottant de travers à côté d’un embarcadère désert d’après le sens du vers, mais ils ne sont pas admis, parce que leur conception artistique est très superficielle. Un candidat ajoute sur le devant de la barque un oiseau aquatique bien à son aise, dont la présence manifeste l’absence de l’homme. Les examinateurs apprécient beaucoup cette idée inventive. Il y a beaucoup de telles anecdotes. En un mot, la peinture puise la conception poétique et la poésie donne l’inspiration à la peinture.
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Table des matières
Sommaire
Introduction : La société Xinyue – « le Parnasse » en Chine
Chapitre I Le croisement de la poésie et de la peinture
1.1 Remontée à la source
1.1.1 Ut pictura poesis
1.1.2 « Dans son poème, une peinture ; dans sa peinture, un poème »
1.2 Double caractère : poète et peintre
1.3 Deux théoriciens audacieux
1.3.1 Théophile GAUTIER : « L’art pour l’art »
1.3.2 WEN Yiduo : le retour à la prosodie
1.3.2.1 La lecture de « l’art pour l’art » en Chine
1.3.2.2 La triple beauté
Chapitre II De la peinture des formes à la peinture des mots
2.1 Emaux et Camées
2.2 Bougie rouge et Eau stagnante
Chapitre III Le rayonnement
Conclusion
Bibliographie
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