Le criticisme et le rôle qu’il a joué dans l’édifice moral de Kant

Le criticisme et le rôle qu’il joué dans l’édifice moral de Kant

Pour commencer, il est important, voire indispensable, de souligner que Kant est et demeure un phi losophe du X VIIIe siècle communément appelé siècle des lumières. Pourquoi les lumières ? Parce que la raison humaine commençait à s e déployer comme il faut. Nous allons nous mettre d’accord sur ce que sont les lumières avant de montrer le rôle important qu’elles ont joué dans l’évolution de la pensée philosophique. Lumières en France, Enlightment en Angleterre, Illuminismo en Italie, Aufklärung en Allemagne, le VIIIe siècle fut le seul à s’appeler du même nom dans la plupart des pays d’Europe : ce nom est celui de lumière ; laquelle est descendue du ciel vers la terre. Au Moyen Age, la lumière était le signe de Dieu. Désormais, elle sera celui de la grandeur de la raison humaine qui serait alors, selon le mot de Descartes, la chose au monde la mieux partagée . A la question « qu’est-ce que les lumières ? » à laquelle il consacra une Opuscule, Kant répond : sortir de l’état de minorité, ne dépendre d’aucune autre loi que celle de sa raison.

Le siècle des lumières fut donc un grand siècle de l’esprit. Montesquieu soulignait que l’étude a été pour lui le souverain remède contre le dégoût de la vie, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. Heureuse époque, heureux hommes qui, disait-t-il, faute de drogue et de médecines, avaient des livres.

Le XVIIIe siècle a donc ceci de particulier qu’il a vu naître une certaine autonomie de la raison vis-à-vis et du Clergé et du pouvoir politique ; autonomie qui, notons-le bien, favorisa un déploiement de plus en plus important du bon sens dont « Père » nous a gratifié. C’est pourquoi toute la philosophie des lumières, ce vaste mouvement de pensée qui particularise ce siècle notamment, marquera une époque qui demeure celle de l’affirmation de l’autonomie et de la souveraineté de la raison et ce, dans tous les domaines ; ce qui conduira Kant à dire ce siècle est le siècle propre à la critique, à laquelle tout doit se soumettre.

A cet effet, nous pouvons dire sans risque de nous tromper que nul mieux que Kant n’a incarné l’esprit de cette époque notamment à travers ce qu’il est convenu d’appeler le criticisme. Car, comme le soulignera Philonenko plus tard, toutes les notions ou concepts auxquels touche Kant sont d’une façon ou d’ une autre transformés. Kant aura, de ce point de vue, incarné mieux que quiconque l’esprit de ce siècle dans la mesure où il a initié une toute nouvelle manière de voir les choses à travers le criticisme. Mais avant de dire quoi que ce soit sur le criticisme et sur le rôle qu’il a joué, nous allons d’abord, pour rester fidèles à une certaine logique, parler des sources de la pensée kantienne pour nous acheminer peu à peu à ce qui lui a, à notre avis, valu ses lettres de noblesse à savoir cette perspective nouvelle qui, faut-il encore le noter, se trouve d’emblée éclairée et autorisée par la critique et dans laquelle beaucoup d’autres philosophes ne manqueront pas de se ranger et parmi lesquels, Nietzsche dont nous allons parler plus tard.

Kant a été éduqué dans le piétisme dont la particularité consiste dans la tentative de rajeunissement du L uthéranisme protestant qui soumet la conduite humaine à d e sévères règles ou maximes . D’abord influencé par la tradition rationaliste − Leibniz, Wolf ─, Kant s’en éloignera sous l’influence de David Hume qui aura, d’après Kant lui-même, joué un rôle très important dans sa pensée. Hume l’aurait, selon le philosophe allemand lui-même, réveillé de son sommeil dogmatique et donné, par la même occasion, une toute nouvelle trajectoire à sa conception philosophique ; ce  , à coup sûr, s’est traduit par la mise sur pied, au XVIIIe siècle plus précisément, du criticisme qui aura à son tour une très grande influence sur la pensée des philosophes qui vont venir à la suite de Kant.

En quoi consiste donc le rationalisme dont on pa rle ici ? Le rationalisme est alors toute cette tradition philosophique qui a prévalu depuis Platon jusqu’à Kant en passant par Descartes et bien d’autres penseurs ; courant selon lequel tout serait à la portée de la raison. On accordait alors une très grande importance à la raison et on l’investissait du c oup d’un pouvoir extraordinaire lui permettant, comme nous l’avions dit tantôt, de connaître aussi bien les choses sensibles que celles dites abstraites. Alors, on parlait de choses comme Dieu, l’origine du monde, l’immortalité de l’âme, même le jugement après la mort sera décrit par Platon à travers le mythe d’Er . Ce dernier parlait non seulement des choses sensibles ou concrètes qu’il considère comme les reflets des idées du monde intelligible, mais aussi et surtout des choses abstraites n’ayant aucun répondant matériel pouvant faire l’objet d’une expérimentation. Ceci se traduira alors en un idéalisme conduisant à la dévalorisation de tout ce qu’il y a de concret, de palpable et de visible.

Au-delà de Platon, les philosophes avant Kant, pour la plupart rationalistes, peut-être aveuglés par leur enthousiasme pour la quête du savoir, ne se posaient pas de questions sur la raison, sur ses capacités ainsi que sur ses l imites avant d’entreprendre une quelconque recherche. Alors, si Kant constitue aujourd’hui un philosophe dont on ne doit en aucune manière taire la pensée parce qu’ayant marqué de son empreinte toute la pensée philosophique du XVIIIe siècle, si le criticisme a eu de nos jours ses lettres de noblesse et donné du coup une toute nouvelle orientation aux philosophies postérieures, c’est parce que Kant a été, disons, libéré de l’emprise dogmatique comme il le soutient lui-même dans les Prolégomènes, même si notre penseur laisse entendre par ailleurs, notamment dans sa lettre à Christiane Garve, une chose tout à fait autre . Dans cette lettre, Kant affirme :

« Ce ne sont pas mes recherches sur l’existence de Dieu, l’immortalité, etc. qui ont été le point de départ dont je suis parti, mais l’antinomie de la Raison pure : « le monde a un commencement : il n’a pas de commencement, etc. (…) » ; voilà ce qui me réveilla en premier de mon sommeil dogmatique et me poussa à la critique même de la Raison, afin de faire disparaître le scandale d’une contradiction manifeste de la Raison avec elle-même » .

Sommeil dogmatique par rapport aux métaphysiciens antérieurs qui veulent démontrer l’existence de Dieu du point de vue de la raison  ; ce qui est, du point de vue kantien, indémontrable, car Dieu n’a aucun répondant matériel qui puisse soutenir une expérimentation. C’est ainsi que Kant va, contrairement aux anciens, recentrer l’activité philosophique sur le sujet. Il entreprend, d’emblée, une critique de la raison dans ses prétentions de connaître afin de distinguer les connaissances qui sont à sa portée de celles qui lui sont totalement inaccessibles ; et ira de facto jusqu’à considérer le phénomène comme la seule chose connaissable par l’homme. Dans la Critique de la raison pure, Kant dit la chose suivante :

« Jusqu’ici on admettait que toute notre connaissance devait se régler sur les objets; mais, dans cette hypothèse, tous les efforts tentés pour établir sur eux quelque jugement a priori par concepts, ce qui aurait accru notre connaissance, n’aboutissaient à rien » .

Il faut oser dire que de même que Copernic qui, ayant constaté qu’il ne réussirait pas à rendre compte des mouvements du ciel en concevant que toutes les étoiles tournaient autour de l’homme, chercha aussitôt s’il n’aurait pas plus de réussite en faisant évoluer l’observateur même autour des astres immobiles ; de même que ce dernier donc, Kant supposa qu’il serait plus intéressant de changer de perspective et de penser que ce sont les objets qui doivent plutôt se régler sur le sujet et non le contraire. Ce qui, selon lui, s’accorderait déjà mieux avec la possibilité tant désirée d’une connaissance a priori de ces objets.

Toujours, dans ce même ouvrage, Kant nous invite de « ne jamais nous risquer avec la raison spéculative au-delà des limites de l’expérience », de telles recherches dépassant nos facultés de connaître. Il profite également de cette occasion pour dénoncer la manière dont Platon pratiquait la recherche philosophique en commençant par décrire cette manière que met en exergue la méthode dialectique dans La République, Livre VII à travers l’allégorie de la caverne. Dans la Critique de la raison pure, il dit :

« La colombe légère, lorsque, dans son libre vol, elle fend l’air dont elle sent la résistance, pourrait s’imaginer qu’elle réussirait bien mieux encore dans le vide. C’est justement ainsi que Platon quitta le monde sensible parce que ce monde oppose à l’entendement trop d’obstacles divers, et se risqua au-delà de ce monde, sur les ailes des idées, dans le vide de l’entendement pur » .

Et plus loin il se penchera sur le concept d’idée et soulignera : « Platon se servit du mot idée de telle sorte qu’on voit bien qu’il entendait par là quelque chose, qui non seulement ne dérive jamais du sens, mais qui même dépasse de beaucoup les concepts de l’entendement, dont s’est occupé Aristote, puisque jamais il n’ait rien trouvé, dans l’expérience, qui corresponde à ce concept » .

En dénonçant ce procédé, Kant inaugura une exigence nouvelle s’agissant de déterminer les conditions de possibilité de la connaissance par la raison et de prendre position vis-à-vis des métaphysiciens antérieurs qui ont établi la possibilité d’une connaissance comme processus de dévoilement d’une réalité en soi qui n’est autre chose que l’absolu conçu sous diverses formes. Parmi ces métaphysiciens, nous avions cité tantôt Platon qui, après avoir avancé l’idée des deux mondes : le monde intelligible d’une part et le monde sensible de l’autre, nous exhorte à nous libérer de ce monde qui est le notre à savoir le monde sensible, conçu comme une prison, afin de pouvoir mener à bien cette quête du savoir. Cette quête se trouve malheureusement entravée par notre situation d’homme et c’est ce qui pousse Platon à dire dans le Phédon :

« C’est bien là notre état : notre faiblesse et notre lenteur nous empêchent de nous élever à la limite de l’air ; car si quelqu’un pouvait arriver en haut de l’air, ou s’y envoler sur des ailes, il serait comme les poissons de chez nous qui, en levant la tête hors de la mer, voient notre monde ; il pourrait lui aussi, en levant la tête, se donner le spectacle du monde supérieur ; et si la nature lui avait donné la force de soutenir cette contemplation, il reconnaîtrait que c’est là le véritable ciel, la vraie lumière et la véritable terre » .

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Table des matières

Introduction générale
PERMIERE PARTIE
Chapitre I. le criticisme et le rôle qu’il a joué dans l’édifice moral de Kant
I. Sur les sentiers du changement : de a révolution copernicienne à l’hypothèse idéaliste
II. Connaissance et croyance : le criticisme comme « fondement » de la morale kantienne
Chapitre II. La pensée morale de Kant
I. Analyse des concepts clés de la morale kantienne
II. Le rôle de a morale dans a vie de l‘ «animal politique » qu’est l’homme
DEUXIEME PARTIE
Chapitre I. La vie et l’œuvre de Nietzsche
I. Pour une âme bien née la valeur n’attend point e nombre des années : Nietzsche, un enfant déjà étudiant
II. De la folie à la chute du « malheureux surhomme » : les soleils noirs dans la folie
Chapitre II. L’influence de Kant (du criticisme notamment) dans la pensée de Nietzsche
I. La critique nietzschéenne du rationalisme et ses conséquences dans sa vision sur la science et la philosophie
II. La critique de la civilisation : le nihilisme et l’idée de la mort de Dieu
TROISIEME PARTIE
Chapitre I. Le radicalisme de la critique nietzschéenne
I. La critique nietzschéenne de la orale
II. La critique nietzschéenne de la religion : le cas du christianisme
Chapitre II. Nietzsche et la orale de Kant
I. La critique de la notion de « devoir »
II. L’impératif catégorique comme l’expression la plus haute du ressentiment
Conclusion générale
Bibliographie

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