LES OBSTACLES DE NATURE PATRIMONIALE OPPOSES AU CREANCIER
Le créancier est confronté à plusieurs obstacles liés au droit commun, tous ayant pour fin les intérêts du débiteur. Le respect de la personne du débiteur, de sa dignité, de son intimité, la condamnation des saisies abusives, la longue liste des biens insaisissables et la faculté de solliciter des délais de grâce ont renforcé les obstacles à la saisie . Ainsi, que l’a souligné Madame le Professeur Anne LEBORGNE, « le métier de l’huissier de justice aujourd’hui est bien différent de celui décrit par ZOLA, BALZAC, FLAUBERT au XIXe siècle, où l’officier ministériel venant saisir jusqu’au grabat du malheureux débiteur à la demande d’un créancier sans cœur, était ainsi associé à la dureté, à l’intrusion, quand ce n’était pas à la mort ». Le créancier est confronté d’une part à la protection du débiteur au titre de son patrimoine , et d’autre part, au statut du débiteur en couple.
LA PROTECTION DU PATRIMOINE DU DÉBITEUR
Le législateur a initialement privilégié la protection des biens constituant le patrimoine du débiteur. Ce choix a eu des effets préjudiciables au créancier . Si le logement d’habitation du débiteur était historiquement saisissable, cette faculté est désormais écartée lorsque le débiteur choisit le statut de l’entrepreneur individuel. En l’état, une seule et unique situation induit cette possibilité, lorsque le logement d’habitation est inséré au patrimoine d’affectation pour l’entrepreneur individuel . Cependant, elle présente le risque de se généraliser à tous les débiteurs. Par conséquent, le logement familial deviendrait insaisissable de plein droit en toute circonstance. Ainsi, il est opportun de s’écarter de la théorie d’unicité du patrimoine d’AUBRY et RAU, et de concevoir un démembrement de patrimoine.
La protection des biens du débiteur
Les solutions retenues dans les domaines spécifiques des biens de familles et des biens instruments professionnels à titre personnel (§I), supposent de revenir au préalable sur le statut accordé en droit français aux biens saisissables et insaisissables (§II). L’importance de la distinction est telle que cela permet de mettre en évidence les possibilités d’agir sur certains biens et d’obtenir le paiement de la dette.
Le statut juridique du bien et son insaisissabilité : une limite pour le créancier
L’article 2284 du code civil pose le principe selon lequel « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir » . Ce principe de gage général, a priori favorable au créancier, est écarté par l’insaisissabilité à laquelle peuvent donner lieu certains biens, en particulier le bien immeuble logement de la famille lorsqu’il appartient à l’entrepreneur individuel ainsi que les biens appartenant à l’article 14 de la loi du 9 juillet 1991. La reconnaissance de ce statut apporte une protection supplémentaire au débiteur. Or, cette protection d’ordre public, couvrant le logement de la famille, paralyse trop souvent la saisie . Cette situation est d’autant plus dommageable pour le créancier, que le bien immeuble logement de la famille est de tous les biens, le plus économiquement valorisé. Si la notion de patrimoine d’affectation se rencontre en droit français uniquement dans l’hypothèse de l’entreprise individuelle, il n’est pas exclu à l’avenir qu’elle se généralise dans d’autres domaines. Il s’ensuivrait la disparition de la saisie immobilière, laquelle placerait le créancier dans une situation de grande difficulté.
La notion « d’insaisissabilité » du bien immeuble appartenant au débiteur regroupe deux caractéristiques principales : l’indisponibilité et l’inaliénabilité. Leur portée détermine l’étendue des droits du créancier.
Le droit des biens étant au coeur du droit patrimonial, les juristes n’ont d’autre choix que d’analyser ces biens. Tous ces biens étant détenus par le débiteur confronté à la saisie immobilière représentent nécessairement une valeur pécuniaire. En outre, cette saisie immobilière, comme l’énonce l’article 2193 ancien du code civil, porte essentiellement sur « tous les droits réels afférents aux immeubles, y compris leurs accessoires réputés immeubles ». La saisie frappe aussi bien les immeubles par nature que les biens mobiliers affectés à un immeuble – appelés plus communément immeubles par destination. Dans le cas où ils sont exploités par le propriétaire, ils restent saisissables .
La définition du terme « bien » – « bona » en latin, révèle l’importance de cette notion, qui renvoie pour le créancier, aux avantages, avoirs, actif du patrimoine , à la disposition d’une fortune. Il en découle donc qu’elle représente sous l’angle économique, un avantage, un actif, une richesse . Dans la mesure où une saisie s’applique à un actif et non à une dette ou un passif, c’est donc au travers de ce principe, que la saisie de certains biens prend ici toute sa valeur. Il convient donc que la valeur du bien et sa saisie soient satisfaisantes pour le créancier afin d’en conserver son efficacité.
La nature des biens meubles ou immeubles saisissables ou insaisissables
Les procédures de saisies ne sont pas similaires selon la nature du bien constituant le patrimoine d’où la nécessité de distinguer et classer les différents biens. Le poursuivant déterminera le type de saisie opportun, dans l’optique de respecter le principe de proportionnalité. Les biens meubles ornant un immeuble relèvent de différentes catégories et pourront être saisis concomitamment à la saisie de l’immeuble, dès lors que le montant de la dette est supérieur à la valeur du bien immobilier.
Une procédure de saisie conservatoire puis une procédure de saisie vente peuvent être effectuées sur les biens meubles et les biens immeubles par anticipation. En revanche, les biens immeubles par nature et par destination seront saisis à l’aide d’une procédure de saisie immobilière . Par ailleurs, une saisie conservatoire peut constituer une sûreté judicaire .
Dès l’époque Romaine, les biens immeubles et les biens meubles ont été catégorisés. Madame Isabelle FREIJ rappelle que « la nature mobilière ou immobilière d’un bien est définie par la loi sans que la convention des parties puisse avoir une incidence à cet égard » . Le droit ne laisse aucune place à une autre catégorie de biens . Par ailleurs, les biens immeubles se divisent en deux catégories non équivoques : les biens immeubles par nature et immeubles par destination. Les biens meubles sont quant à eux de deux sortes, selon l’article 516 du code civil : les meubles corporels et les meubles incorporels. Le meuble par nature est défini par les dispositions de l’article 528 du code civil . Auparavant cette notion comprenait les animaux et les corps qui pouvaient être déplacés d’un lieu à un autre. Aujourd’hui, seuls les seconds sont conservés au sein de cet article. La mobilité est donc le principal critère. Or, si elle permet une saisie aisée par opposition au bien attaché au sol, la valeur du bien est inférieure et donc moins intéressante pour le requérant. Cette catégorie lui sera toutefois utile lorsque la saisie du bien immeuble n’atteint pas le montant de la dette : les meubles meublants seront alors saisis simultanément. Par ailleurs, les biens meublants abandonnés dans le domicile pourront aussi faire l’objet d’une saisie. En tout état de cause, le bien meuble ne prend de l’importance que dans l’hypothèse où il est rattaché au bien immeuble.
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Table des matières
TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : POUR LA LEVEE DES OBSTACLES A LA SAISISSABILITE DES BIENS DU DEBITEUR
TITRE I : Les obstacles de nature patrimoniale opposés au créancier
CHAPITRE I : La protection du patrimoine du débiteur
CHAPITRE II : Le statut du débiteur en couple
CONCLUSION TITRE I
TITRE II : L’anticipation de la procédure de saisie immobilière par
le débiteur
CHAPITRE I : Le surendettement et le rétablissement personnel
CHAPITRE II : Les contestations soulevées relatives à la saisie
CONCLUSION TITRE II
CONCLUSION PARTIE I
PARTIE II : POUR LA RESTAURATION DES DROITS DU CREANCIER DANS L’EXECUTION DE LA SAISIE IMMOBILIERE
TITRE I : La surprotection du débiteur dans le cadre de la procédure d’exécution
CHAPITRE I : Pour un rétablissement de la sanction pénale du débiteur
CHAPITRE II : Pour un aménagement de la sanction civile du débiteur
CONCLUSION TITRE I
TITRE II : La surprotection du débiteur grâce aux libertés fondamentales
CHAPITRE I : La protection du logement du débiteur
CHAPITRE II : L’atteinte du débiteur pendant la phase judiciaire
CONCLUSION TITRE II
CONCLUSION PARTIE II
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
INDEX ALPHABETIQUE
TABLE DES MATIERES
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