Le coworking, une alternative au travail en « entreprise classique » ?

Des espaces de l’entre-deux essentiellement hybrides

Espaces tiers : sortir de la dichotomie domicile / bureau

Dans « Building new places of the creative economy: The rise of coworking spaces», Bruno Moriset range les espaces de coworking dans la catégorie des « tiers-lieux», terme utilisé pour la première fois par Ray Oldenburg en 1989 pour décrire les «lieux n’étant ni la maison, ni le bureau » . Selon le sociologue américain, cette idée de troisième lieu dérive de la distance physique et sociale créée à l’avènement de la révolution industrielle entre la maison – « le premier lieu » – et le lieu de travail – « le second lieu ». Ces deux points de repères représentant des mondes restreints dans lesquels les rôles sociaux de l’individu sont déterminés et relativement limités, des tiers-lieux sont nécessaires pour que se développe une vie sociale alternative, où chacun peut élargir ses propres perspectives.

Cette notion d’espace tiers est également présente dans la réflexion d’Alessandro Gandini, pour qui les espaces de coworking permettent une « troisième voie », à mi-chemin entre une vie professionnelle « classique » au sein d’un « bureau traditionnel et délimité », avec un environnement social lui étant propre et une vie professionnelle « indépendante », dans laquelle le travailleur est isolé à son domicile. Elle postule ainsi l’existence d’espaces tiers pouvant être utilisés pour travailler, sortant de la dichotomie domicile / bureau. C’est d’ailleurs ce que suggère l’une des interviewées lorsqu’elle s’exclame pouvoir « travailler dans un jardin sans problème ! » .

Pour Pierre Dubus, le tiers-lieu est un espace interstitiel, « une sorte d’entre-deux ne s’intégrant pas à une fonction définie » . On y retrouve là l’opposition mise au jour par E.T. Hall dans La dimension cachée, lorsqu’il distingue les territoires à organisation fixe, délimités et correspondant à une fonction particulière, des territoires à organisation semi-fixe, dont les usages peuvent varier au gré des réorganisations . Le jardin mentionné ci-dessus n’est en effet pas initialement pensé pour héberger une activité de travail intellectuel mais peut tout de même se prêter à cet usage. En tant que tiers-lieux, les espaces de coworking se présentent comme des espaces de l’entre-deux : entre domicile et bureau, entre usages et fonctions distincts, entre isolation et environnement social professionnel.

Une hybridation esthétique et fonctionnelle des espaces

Cette notion d’entre-deux se retrouve d’ailleurs à l’échelle de l’aménagement et l’organisation des espaces de coworking. L’hybridation semble en effet souvent au cœur de la configuration de ces lieux, comme au Craft, à mi-chemin entre la cantine hipster et la bibliothèque ou encore l’AntiCafé, qui en se voulant en contrepied du café classique, en réinvestit tous les codes . Elle peut se manifester à travers l’implantation d’espaces de coworking dans des lieux insolites, comme le Container au Havre, qui réinvestit l’imaginaire des docks.

L’hybridité peut être générée par l’ameublement et la décoration du lieu. Un mélange des genres peut s’observer au WorkLab Paris, entre « de la récup’ », du mobilier acheté à la Ressourcerie, « trouvé dans la rue » et du mobilier « design et ergonomique » plus qualitatif . L’esthétique du lieu participe en outre à créer le sentiment d’être « chez soi » au travail :

« Il y a toute une mise en scène qui fait que tu as l’impression d’être dans ton salon quand t’arrives. Et tu n’as pas juste la moquette bleue et les murs blancs. »

« Comme l’espace offre beaucoup de ressources, on s’y sent un peu comme chez soi. »

La présence d’une cuisine, d’une salle de détente, de canapés, fauteuils confortables ou encore d’un espace sieste font entrer dans un espace dédié au travail des éléments appartenant classiquement à l’univers de la maison. Ces derniers tranchent avec l’image topique du bureau d’entreprise impersonnelle construite en creux par la mention de la « moquette bleue » et des « murs blancs ».

Cette porosité d’univers a priori clos se retrouve d’ailleurs dans l’ambition de certains espaces d’être polyfonctionnels, comme le Coworkcrèche qui se définit à la fois comme un espace de travail et de garde pour jeunes enfants . Le Craft peut quant à lui être utilisé uniquement pour son espace de restauration par des utilisateurs qui n’y viendraient pas forcément pour travailler  . Certains se proposent même comme des lieux totaux, presqu’auto-suffisants, réunissant toutes les fonctions de la vie quotidienne, comme Mutinerie Village, « espace de coworking et coliving », réunissant un espace de travail, un potager en permaculture pour les repas, un hébergement en chambres doubles et 42 hectares de prairie, rivière et sous-bois . Par l’hybridation des espaces de coworking, ce sont les frontières traditionnelles du lieu de travail, ce premier lieu de la révolution industrielle, qui se voient reconfigurées.

La mise en co-présence de mondes professionnels cloisonnés

Celle-ci est également perceptible à la diversité des profils coexistant dans ces lieux. Si l’accent est souvent mis sur les travailleurs indépendants  et les entrepreneurs dans la littérature et les discours médiatiques, le panel d’interviewés permet d’allonger la liste des utilisateurs : salariés d’entreprise pratiquant le télétravail, salariés de petites entreprises ou startups implantées de façon permanente dans des espaces de coworking, intermittents du spectacle ou encore chercheurs. Des projets entier d’entreprises peuvent y être excubés – exportés – de manière permanente, comme les équipes de La Poste au Schoolab . Des mondes profesionnels traditionellement circonscrits à des espaces distincts se trouvent alors mêlés dans un lieu unique.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PARTIE 1 – LE COWORKING, UNE ALTERNATIVE AU TRAVAIL EN « ENTREPRISE CLASSIQUE » ?
1.1. DES ESPACES DE L’ENTRE-DEUX ESSENTIELLEMENT HYBRIDES
1.1.1. ESPACES TIERS : SORTIR DE LA DICHOTOMIE DOMICILE / BUREAU
1.1.2. UNE HYBRIDATION ESTHETIQUE ET FONCTIONNELLE DES ESPACES
1.1.3. LA MISE EN CO-PRESENCE DE MONDES PROFESSIONNELS CLOISONNES
1.2. LE BUREAU EST MORT, VIVE LE BUREAU : UNE RECOMPOSITION SPATIO-TEMPORELLE
1.2.1. QUAND L’OUTIL N’EST PLUS QU’ACCES, LA DEMATERIALISATION DE L’ESPACE DE TRAVAIL
1.2.2. QUAND LE BESOIN DETERMINE L’USAGE : L’ERE DU BUREAU SUR MESURE
1.2.3. « ON N’EST PAS SUR UN METRO-BOULOT-DODO CLASSIQUE » : ENTRE FLEXIBILITE ET RECOMPOSITION DES TEMPS DE TRAVAIL
1.3. LIBERTE, CHOIX, MOUVEMENT : DE NOUVEAUX CONTOURS POUR LE TRAVAIL
1.3.1. DE LA DEFIANCE AU REJET : UN RAPPORT DECEPTIF A L’ENTREPRISE
1.3.2. TRAVAIL-LOISIR, TRAVAIL-PASSION : UNE POROSITE DES ESPACES EMOTIONNELS
1.3.3. LE NOMADISME, NOUVELLE NORME DU MONDE DU TRAVAIL ?
2. PARTIE 2 – DE L’ESPACE AU MOUVEMENT COLLABORATIF : QUAND LA COMMUNAUTE DEVIENT UTOPIE
2.1. UN ECOSYSTEME RELATIONNEL : D’UNE LOGIQUE DE MUTUALISATION AU « TRAVAIL COLLABORATIF »
2.1.1. « SORTIR DE L’ISOLEMENT » : ENTRE RECHERCHE D’EMULATION ET DIPLOMATIE DE LA CARTE DE VISITE
2.1.2. CREER DES RENCONTRES ET DES MOMENTS DE CONVIVIALITE, VALEUR AJOUTEE DES ESPACES DE COWORKING
2.1.3. DECLOISONNEMENT, HORIZONTALITE ET ENTRAIDE : UNE VISION DU TRAVAIL ESSENTIELLEMENT COLLABORATIVE
2.2. DU PARTAGE DE L’ESPACE AU « VIVRE ENSEMBLE » : DES HYPER-LIEUX
2.2.1. PLUS QU’UN LIEU DE TRAVAIL, UN LIEU DE VIE
2.2.2. TERRITOIRE D’IMPLICATION : DU SENTIMENT D’APPARTENANCE A L’APPROPRIATION
2.2.1. VILLAGES, COMMUNAUTES, COLOCATIONS : ENTRE SOCIABILITES ET MICRO-SOCIETES
2.3. CULTURE COWORKING : DES VALEURS DE PROGRES EN FOND D’UTOPIE COMMUNAUTAIRE
2.3.1. DE L’IMPORTANCE DES VALEURS DANS LA FABRICATION D’UNE CULTURE-COWORKING
2.3.2. UN PROGRESSISME SOUTENU PAR UNE SEMANTIQUE DU MIEUX-ETRE
2.3.3. DE LA MARGE A L’UTOPIE, UNE POETIQUE DE L’ALTERNATIF
3. PARTIE 3 – ENTRE LE REJET ET L’UTOPIE, « LE FUTUR DU TRAVAIL » ?
3.1. FUTUR DU TRAVAIL, TRAVAIL DU FUTUR : LA DIMENSION PROSPECTIVE DES ESPACES
3.1.1. LA PROMESSE DU « TRAVAIL DU FUTUR » : DES MODELES ENCORE A INVENTER ?
3.1.2. DES ESPACES EMINEMENT REFLEXIFS
3.1.3. LE FUTUR EST DEJA LA : LA STARTUP, NOUVEL IDEALTYPE ORGANISATIONNEL ?
3.2. ENTRE L’ATELIER ET LE LABORATOIRE : DES NOUVEAUX LIEUX DE CREATION DE VALEUR
3.2.1. TERRITOIRES D’INNOVATION ET DE CREATION
3.2.2. EXPERIMENTER, APPRENDRE, QUESTIONNER : LES ESPACES DE COWORKING COMME LABORATOIRES
3.2.3. LES NOUVEAUX LIEUX DE LA CREATION DE VALEUR
3.3. NOUVEL IDEALTYPE PROFESSIONNEL : UNE REDEFINITION DU TRAVAIL EN TROMPE-L’ŒIL ?
3.3.1. L’ENTREPRENEURIAT, HORIZON D’ATTENTES DU COWORKING
3.3.2. TRAVAILLEUR DU FUTUR : ENTREPRENEUR DE SOI-MEME ?
3.3.3. UNE ESTHETIQUE DU PARADOXE : UN MODELE DU COMPROMIS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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