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La dynamique de spin ab initio : Liaisons fortes et DFT
Les calculs de structure électronique ont permis, à partir d’un traitement adiaba-tique du magnétisme non-colinéaire, d’étudier différentes grandeurs en magnétisme. Kurz et al[12] ont introduit une méthode non-colinéaire 1 ab initio basée sur la mé-thode FLAPW 2 pour explorer la configuration des spin de l’état fondamental, les états métastables ainsi que le diagramme de phase magnétique du composé. Cette méthode a été appliquée sur Cr, F e and F e (fcc). Grotheer et al[13] ont utilisé la méthode de liaison forte LMTO 3 qui inclut explicitement la non-colinéarité intra-atomique, pour calculer la configuration de spin de l’état fondamental d’un F e en présence d’un faible champ magnétique externe transverse. Ils en ont conclu que l’approximation du spin atomique (ASA 4) conduit à une erreur sur sa direction, proportionnelle au champ magnétique externe. Le même groupe a également obtenu le spectre adiabatique d’onde de spin du F e,Co,N i,N i3F e et CoF e en gelant les ma-gnons 5 et par la méthode de la susceptibilité transverse[14]. Morán et al [15] ont mis en évidence le comportement anormal des paramètres d’échanges dans le F e en fonction de la valeur du paramètre de maille et des distances entre les 1er,2nd,3ème et 4ème voisins. Pour cela, ils ont utilisés la méthode LMTO+ASA. Savrasov [16] a employé la (TD)DFT pour calculer la susceptibilité dynamique de spin du F e,N i et Cr. Capelle et al[17] ont utilisé la même méthode pour explorer la dynamique de spin avec un courant de spin. Tawil et Callaway[18] ont réalisé des calculs de struc-ture de bandes électroniques à l’aide d’une méthode liaison forte sur le F e. Pour cela, les fonctions d’ondes atomiques ont été exprimées comme une combinaison li-néaire des orbitales de types Gaussiennes données par un potentiel auto-cohérent. L’interaction spin-orbite a été ajoutée plus tard au sein de cette méthode par Singh et al[19]. Tandis que la plupart des calculs DFT concernent seulement le compor-tement de l’état fondamental à OK, Litchtenstein et al[20] ont tenté d’introduire les effets de température par une technique de Monte Carlo quantique (MC). Pour cela, ils ont couplé l’approximation locale de la densité, à la théorie de champ moyen dynamique (DMFT 6) , pour obtenir la courbe d’aimantation en température du F e et du N i. Ils ont ainsi obtenu la température de Curie du composé qui s’est révélée être surestimée de 100%. Kakehashi[21] explique cette surestimation par l’utilisation d’un Hamiltonien de type Ising négligeant le couplage d’échange transverse. Il pro-posa donc de traiter les spins et les fluctuations de charges en tenant compte de la structure électronique. Les effets d’ondes de spin sont inclus statistiquement en uti-lisant soit la technique Monte-Carlo (MC)[21, 22] soit l’approximation harmonique
[23]. L’aimantation d’équilibre, obtenue en fonction de la température est en accord avec l’expérience. Kakehashi et al[24] ont été les premiers à introduire l’approche Dynamique Moléculaire (MD) pour modéliser le comportement à haute température des moments magnétiques d’un Fer bcc. Cependant, en dépit du nom dynamique moléculaire, la dynamique du réseau n’est pas prise en compte puisqu’elle est traitée de manière statique.
Le couplage quantique de la dynamique de spin et de la dynamique moléculaire
Dans la plupart des matériaux de transitions 3d, le spectre hyperfréquence varie selon l’angle du champ magnétique imposé[25]. Cette propriété est donc la signa-ture du caractère anisotrope du matériau. Par exemple, l’axe facile d’aimantation d’un Cobalt hcp est suivant l’axe c. De même, ce composé a 4 constantes de ma-gnétostrictions, toutes différentes les unes des autres et dépendantes de la direction du champ magnétique appliqué. Par conséquent, l’existence même de l’anisotropie magnétique, de la magnéto-élasticité et de la magnétostriction provient du couplage évident entre l’orientation des moments magnétiques et la symétrie cristalline du ré-seau. Ce couplage entre les ondes de spin et les phonons a été explicitement introduit dans les travaux de Kittel et Abrahams [26]. Pour cela, ils prennent en compte le traitement thermodynamique de l’énergie libre ferromagnétique. Le couplage entre la dynamique de spin et le réseau n’est cependant pas complet puisque les ondes de spin affectent le comportement du réseau mais la réciproque n’est pas vraie. Tout comme les travaux de Kakehashi et al [21, 22, 23, 24], le couplage existe mais n’est que partiel.
Sabiryanov et Jaswel[27] ont étudié les interactions magnon-magnon et magnon-phonon d’un fer bcc et fcc, en utilisant la courbe de dispersion des magnons avec et sans l’excitation des phonons. Ils ont constaté que cette approximation échoue à haute température puisque les excitations élémentaires dues aux vibrations du réseau et du spin ne peuvent pas être traitées indépendamment. Pour cela, une simulation décrivant les ondes de spin et les ondes mécaniques(phonons) est nécessaire.
La première tentative d’un couplage complet entre spin et réseau à température finie a été faite par Antropov et al[28, 29]. Leur idée a été de coupler une dynamique de spin ab initio à une dynamique moléculaire ab initio pour tenir compte de ces deux effets simultanément. Cette méthode est certainement la plus complète de toutes et sera sans doute la référence dans les décennies à venir si la puissance numérique poursuit son développement. En effet, son degré de complexité en fait un outil redoutable mais qui est cependant très couteux en temps, à cause du nombre important de calculs de premier principe engendrés. Il s’agit de l’exemple type d’une méthode multi-échelle. Bien que les approches stochastiques (basée sur l’équation de Fokker-Planck) et déterministes (basée sur les thermostats de Nosé-Hoover) soient envisageables pour traiter les effets de température, aucun calcul à température finie a été fait à ce jour. Seul un calcul à 0K sur le fer Fcc a été réalisé. Cette méthode a été critiquée par Stocks et al[30] sur le fait qu’elle soit basée sur l’approximation locale de la densité de spin(LSDA). Pour ces derniers, le domaine de validité de la méthode se restreint à l’état fondamental du système puisque les états non-colinéaires ne sont pas bien définis. Stocks et al ont donc introduit un champ de contrainte supplémentaire à LSDA à partir des multiplicateurs de Lagrange pour être sûr que la direction de l’aimantation locale prédite est dans la même direction que celle calculée par l’équation classique du spin (LLG 7). Ceci les a menés à calculer l’état fondamental d’une chaîne fine de Co sur une surface de Pt(111)[30]. Malgré son extension récente avec l’ajout d’un terme de dissipation [31], le traitement complet à température finie n’est toujours pas développé.
En conclusion, la principale limitation des calculs quantiques est leur important coût numérique. Les systèmes modélisés ont beau être de plus en plus grands (aujour-d’hui de l’ordre de 1000 atomes), ils sont encore trop faibles pour explorer certaines propriétés magnétiques des matériaux dont la configuration en domaines magné-tiques est due à des énergies de portées supérieurs( champ dipolaire par exemple). Les modèles classiques ont donc encore de beaux jours devant eux.
Approche classique
On peut se demander pourquoi chercher à décrire de manière classique un phéno-mène qui est intrinsèquement quantique. Tout simplement parce qu’on ne peut pas faire autrement. Comme indiqué dans la préface du livre de Amikam Aharoni[32], la mécanique quantique est vue à tort, par une grande partie de la communauté, comme la description ultime de la matière. Or, il n’y a aucune théorie quantique du magnétisme qui ne couvre plus qu’une toute petite partie du sujet. De plus, en dépit du théorème de Bohr-van Leeuwen[32], il est tout à fait possible d’étudier le magnétisme d’un point de vue classique en ayant recours à quelques hypothèses.
La dynamique d’aimantation d’un matériau est le résultat d’une multitude d’ex-citations magnétiques dont l’amplitude et la fréquence diffèrent d’un système à un autre. Certaines sont collectives (on parle de magnons où d’ondes de spins) alors que d’autres sont à un site (on parle cette fois-ci d’excitation à une particule de type Stoner). Les excitations collectives ont lieu à basse énergie et sont responsables des fluctuations transverses de l’aimantation. Les excitations de Stoner se produisent à des énergies plus hautes, semblables au « splitting » de l’échange inter-atomique où un électron est excité créant ainsi un triplet de spin. Cette dernière excitation est à l’origine des fluctuations longitudinales de l’aimantation. Comme illustrée sur la figure 1.2, les magnons s’étendent sur des gammes d’énergies et de longueurs d’onde qui peuvent atteindre différents ordres de grandeur. Ceci représente un véritable défi à modéliser. En effet, il parait difficile de traiter au sein d’une seule théorie tous ces magnons. C’est pourquoi, en pratique, il est nécessaire de mettre en œuvre des modélisations multi-échelles ayant chacune des longueurs d’échelles bien distinctes.
En mécanique classique, on compte trois différentes échelles de temps qui sont, en partant de la plus grande, les méthodes statistiques, le micromagnétisme et la dynamique de spin atomique(DSA).
Les méthodes Statistiques : Monte Carlo
Les méthodes statistiques initialement connues sous le nom de Metropolis MonteCarlo, (MC) ont été intensivement utilisées pour obtenir les propriétés d’équilibre d’un système physique, en contact avec un bain thermique extérieur[33]. Le principe de base consiste à tester différentes configurations de spins que l’on va rejeter où accepter selon leur poids dans la statistique de Boltzmann. En magnétisme, la méthode Métropolis a permis d’étudier la relaxation thermique non-arrhennienne associée à une collection de moments magnétiques[34]. La dynamique magnétique du système n’est pas considérée avec une telle méthode. Cette dernière accepte une configuration d’aimantation qui minimise l’énergie mais ne décrit pas la précession de chacun des spins. Les méthodes MC doivent par conséquent se limiter à des études à tem-pératures élevées où à fort amortissement. Pour pallier ce problème de dynamique, d’autres méthodes ont été proposées comme la méthode Monte Carlo quantifiée en temps(TQMC)[35, 36], la méthode MC cinétique connue également sous le nom de la méthode Charap[37] et plus récemment le couplage entre une dynamique de Lan-gevin et une dynamique de MC [38]. Ces trois méthodes ont des caractéristiques différentes notamment sur la prise en compte ou non des modes de renversement dynamique mais permettent toutes de prédire les relaxations thermiques sur des échelles de temps allant jusqu’à l’année. De telle simulations sont atteintes en raison de la présence d’une exponentielle dans la loi Néel-Brown qui régit le renversement magnétique.
Micromagnétisme
Un processus de désaimantation peut être considéré comme une succession d’états stationnaires. Les temps de mesure usuels de quelques millisecondes sont supposés suffisamment importants pour ne pas tenir compte des effets rapides de la dynamique (typiquement à l’échelle pico et nanosecondes). La théorie du micromagnétisme est par essence une théorie conçue pour décrire les milieux ferro- et antiferromagné-tiques continus. A l’échelle micromagnétique, l’aimantation est modélisée par un champ de vecteurs et est sujette à minimiser une énergie libre fonctionnelle. Cette théorie des milieux continus, qui a vu le jour avec W.F. Brown[39], considère qu’au sein des matériaux ferromagnétiques existe une distribution de mini-aimants permanents dont l’aimantation M(~r; t) est assujettie à suivre une équation d’évolution spatio-temporelle. Cette théorie va de pair avec les observations physiques d’image-rie de domaines magnétiques qui rendent compte de la structure magnétique d’un échantillon[40]. Elle passe sous silence les détails atomiques à l’origine de l’ordre magnétique mais permet de décrire précisément le magnétisme à l’échelle des do-maines et des parois de domaines magnétiques. L’existence de l’aimantation spon-tanée constitue une des hypothèses fondamentales du micromagnétisme. Elle est justifiée par le fait qu’à l’échelle atomique, les moments magnétiques interagissent avec leur environnement local manifestant ainsi d’un ordre magnétique spontané. Bien que son orientation puisse varier, le vecteur aimantation est un vecteur à module constant M = Ms où Ms est l’aimantation à saturation du matériau.
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Table des matières
Introduction
1 Approche multi-échelle de la dynamique d’aimantation
1.1 Approche quantique
1.1.1 La dynamique de spin ab initio : Liaisons fortes et DFT
1.1.2 Le couplage quantique de la dynamique de spin et de la dynamique moléculaire
1.2 Approche classique
1.2.1 Les méthodes Statistiques : Monte Carlo
1.2.2 Micromagnétisme
1.2.3 Modèle atomique de la dynamique d’aimantation
La dynamique de spin classique
La dynamique moléculaire appliquée aux matériaux magnétiques
Le dynamique moléculaire magnétique (DMM)
2 La Dynamique de Spin Atomique dans un système microcanonique (N,V,U)
2.1 Définition classique du moment atomique de spin
2.2 L’équation d’évolution du spin : Landau-Lifshitz
2.3 Analyse des différents intégrateurs
2.3.1 Décomposition en série de Taylor
2.3.2 Les schémas Prédicteurs-Correcteurs
2.3.3 Les intégrateurs géométriques ou méthodes de décomposition
2.3.4 Architecture d’un code de dynamique de spin avec un intégrateur géométrique
2.3.5 Comparaison des intégrateurs sur un système fermé de spins
2.4 Les limites du système fermé : vers la relaxation
3 Le contrôle de la température dans un système à spin (N,V,T)
3.1 Dynamique stochastique de Langevin sur un système à spin
3.1.1 Historique du modèle de Langevin
3.1.2 Équation stochastique de Landau-Lifschitz
3.1.3 Méthode numérique
3.1.4 Définition de la température de spin
3.1.5 Test de la dynamique de Langevin sur un système à spin
3.2 Une équation stochastique avec un bruit coloré : Dynamique de MiyasakiSeki
3.3 Contrôle de la température d’un système à spin de manière déterministe à partir d’une variable de bain
3.3.1 Équation d’avancée temporelle de la variable démon pour un système de N spin en interaction d’échange
3.3.2 Équation d’avancée temporelle de la variable démon pour un système de N spin soumis uniquement à un champ magnétique extérieur
3.3.3 Méthode numérique
3.3.4 La température d’un système déterministe
3.3.5 Dynamique d’un système à spin dans un champ uniforme
3.3.6 Dynamique d’un système à spin dans un champ d’échange magnétique à l’aide d’une unique variable
3.3.7 Dynamique d’un système à spin dans un champ d’échange magnétique à l’aide d’une chaîne de deux thermostats
3.3.8 Peux-t-on aller plus loin que la dynamique de Kuznesov en imposant la conservation du volume de l’espace des phases ?
4 Un modèle semi-classique de dynamique de spin dédié à la dynamique d’aimantation du cobalt (Hcp)
4.1 Les concepts de l’interaction magnétique
4.2 Le modèle étendu d’Heisenberg
4.2.1 Echange antisymétrique : Le Dzyaloshinski-Moriya (DMI)
4.2.2 Le terme dipolaire magnétique
Méthode numérique pour le calcul du terme dipolaire
Pourquoi négliger le terme dipolaire ?
4.2.3 Échange diagonale : modèle isotrope d’Heisenberg
4.2.4 Echange symétrique : Anisotropie
Intérêt du modèle de Néel
Le modèle pseudo-dipolaire de Néel pour les cristaux hexagonaux.
Ajustement du modèle de Néel sur des calculs de premier principe
Un modèle de paires effectif de l’anisotropie
5 La Dynamique Moléculaire Magnétique (DMM)
5.1 Rappel sur la dynamique moléculaire
5.2 DMM : Couplage entre dynamique moléculaire et dynamique de spin
5.3 Hamiltonien
5.3.1 Le potentiel inter-atomique mécanique
Choix du potentiel
Validité du potentiel : Constantes mécaniques
5.3.2 Les termes d’énergie magnétique
5.4 Les équations du mouvement d’une DMM
5.5 Algorithmes
5.6 Mise en oeuvre numérique
5.7 Le contrôle de la température : NVT
5.7.1 Contrôle de la température par le sous-système à spin
5.7.2 Contrôle de la température par le sous-système mécanique
5.8 Dynamique moléculaire magnétique à pression constante
5.9 Comportement magnéto-élastique du cobalt massif en température
5.9.1 Effet du magnétisme sur la dilatation thermique
5.9.2 Effet du réseau sur la courbe d’aimantation
5.9.3 Anisotropie magnétique en température
6 Etude du superparamagnetisme de nanoplots de Cobalt
6.1 Rappel sur le superparamagnétisme et la théorie de Néel-Brown
6.2 Les nanoplots de Cobalt
6.3 Simulations de DSA et DMM
6.3.1 DSA : Modèle d’anisotropie uniaxe
6.3.2 DSA : Modèle d’anisotropie de paires
6.3.3 Modèle de Brown étendu
6.3.4 DMM : Modèle d’anisotropie de paires
Conclusion
Annexes
A De la décomposition de Wilcox à la décomposition de Suzuki-Trotter
B Approximation de Pade du cosinus et sinus
C La dynamique de Langevin d’un système à spins
D Fonction de lissage de la fonction d’échange et d’anisotropie
E Modèle de magnétostriction du cobalt
F Publications et communications
F.1 Publications
F.2 Communications orales
F.3 Posters
Index
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