Le couloir prothétique en prothèse complète

L’édentement complet demeure un handicap fréquent malgré les progrès obtenus par la prévention bucco-dentaire. Le processus du vieillissement s’accompagne toujours d’une résorption osseuse importante au niveau buccal. De ce fait, l’espace à l’intérieur duquel la prothèse sera réalisée va être limité par des éléments péri-prothétiques (la joue, les lèvres et la langue) et la crête osseuse résiduelle, cet espace neutre est encore appelé « couloir prothétique ». Il y a rétrécissement du couloir prothétique en rapport avec l’importance de la résorption continue osseuse et l’envahissement des éléments périphériques, conduisant à des situations cliniques défavorables pour nos patients. Dans ces cas, la réhabilitation par prothèse amovible complète conventionnelle constitue pour le chirurgien dentiste un défi souvent très difficile à relever en raison de la déstabilisation de la prothèse pendant les différentes fonctions (mastication, phonation, déglutition) et de l‘esthétique.

De nos jours, il est vrai que l’utilisation d’implants comme supports de moyen de rétention complémentaires est le traitement de choix pour palier au manque de stabilité et de rétention des prothèses amovibles complètes. Cependant pour certains patients, pour des raisons médicales, financières ou personnelles, la solution implantaire ne peut être utilisée. Pour cela le recours à une technique d’empreinte comme la piézographie en prothèse complète nous permet de mieux neutraliser la physiologie buccale du patient tout en assurant un maximum de stabilité prothétique. Toutefois l’empreinte piézographique constitue alors une alternative intéressante chez les patients pour qui le traitement implantaire ne peut pas être utilisé. Elle permet de réaliser des prothèses s’intégrant parfaitement au jeu musculaire fonctionnel liant anatomie et physiologie, en adaptant la forme à la fonction que nous appelons « couloir prothétique».

La piézographie relèvera alors quatre défis : restituer le plus possible au visage son aspect naturel et harmonieux, proposer un plan d’occlusion, rechercher une dimension verticale d’occlusion, conforter une relation intermaxillaire qui sera apte à assurer à les fonctions masticatoires. Au delà du paramètre fonctionnel et de la stabilité, la gestion du paramètre esthétiquereprésente un facteur important dans l’intégration des prothèses amovibles complètes. L’intérêt majeur que porte actuellement la société à la beauté et à l’esthétique a rendu les patients de plus en plus exigeants par rapport à leur apparence et cela est encore plus accentué chez les jeunes édentés complets. La réussite du défi esthétique fait intervenir de nombreux facteurs dont le praticien doit tenir compte lors de la réhabilitation prothétique. L’obtention d’une prothèse personnalisée en harmonie avec le cadre facial, donnant l’illusion du naturel et restaurant le sourire aux patients constitue l’objectif à atteindre qui n’est pas forcement compatible avec la technique piézographique.

LE COULOIR PROTHETIQUE EN PROTHESE COMPLETE 

Définition

Selon Klein, le couloir prothétique ou l’espace prothétique disponible n’est ni une zone neutre, ni un espace passif, c’est l’espace édenté où la résultante des forces horizontales développées par la langue et la sangle buccinato-labiale ne doit pas dépasser la rétention globale des prothèses. (1) Le couloir prothétique a aussi été décrit comme étant le volume dans lequel on doit inscrire la prothèse pour lui assurer une stabilité maximale. Il est matérialisé par l’enregistrement dans une pâte plastique, appelée piézographe des pressions exercées par les différents groupes musculaires antagonistes au niveau des arcades dentaires .

Anatomie

Le couloir prothétique est compris entre les 4 murs suivants :

➤ Le mur externe ou mur vestibulaire qui se compose de 6 muscles :

– le masséter avec des insertions basses qui limitent le couloir prothétique du côté disto-vestibulaire.
– le buccinateur qui s’insère en arrière sur le ligament ptérygo-maxillaire, en haut sur le maxillaire supérieur et en bas sur la mandibule en regard des trois dernières molaires,
– l’orbiculaire des lèvres, constitué de fibres concentriques réparties en deux groupes (l’orbiculaire externe et l’orbiculaire interne)
– le carré du menton qui s’insère sur la mandibule entre le rempart alvéolaire de l’incisive latérale et l’éminence canine
– la houppe du menton insérée sur la partie basse de la bosse canine
– le modiolus « véritable nœud musculaire » constitué de 6 muscles : le buccinateur, l’orbiculaire des lèvres, le risorius, le grand zygomatique, le releveur de la lèvre supérieure et l’abaisseur de la lèvre inférieure. Il se situe à côté et légèrement au dessus de la commissure.

➤ Le mur interne, il est créé par trois muscles :

– le ptérygoïdien médial dont les insertions basses se situent sur la face interne de la branche mandibulaire et son trajet est symétrique à celui du masséter,
– le myélohyoïdien qui s’insère latéralement sur la ligne oblique interne et au centre avec les fibres de son homologue pour former le plancher de la bouche,
– la langue constituée de 17 muscles répartis en deux groupes : groupe intrinsèque et groupe extrinsèque. Dans ce dernier, trois muscles ont une incidence sur la prothèse, au niveau postérieur le palatoglosse et le styloglosse et au niveau antérieur le génioglosse.

➤ Le mur inférieur correspond à la surface d’appui statique des crêtes.

➤ Le mur supérieur est constitué par les tables occlusales des dents résiduelles. Le plan d’occlusion se situant en regard du sillon du buccinateur et de la limite entre la partie papillée et dépapillée de la langue.

Facteurs influençant la stabilité : problématique et solutions thérapeutiques

La stabilité prothétique est définie comme une réaction favorable qui s’oppose aux forces (transversales ou antéropostérieures) exercées parallèlement à la surface d’appui (6). Elle est en rapport avec le calage de la prothèse et évite la mobilisation des bases prothétiques par translation ou rotation sous l’effet des forces occlusales ou musculaires dans les mouvements excentrés .

La stabilité est un facteur de la triade d’équilibre prothétique de Housset qi comprend aussi la rétention et la sustentation et qui sont étroitement indépendants. En prothèse amovible complète, la stabilité prothétique est la clé du succès de toute réhabilitation prothétique quel que soit la situation clinique. Grâce au confort qu’elle apporte aux patients, elle améliore nettement leur qualité de vie en leur garantissant le rétablissement des différentes fonctions orales fortement altérées par la perte des dents ainsi qu’une intégration organique et physique de la prothèse. Il est aussi important de noter que la réalisation de la prothèse amovible chez des patients édentés complets, souvent traumatisés psychologiquement par la perte de leurs dents, est délicate surtout pour les sujets qui présentent des crêtes très résorbées, rendant la stabilité prothétique difficile à obtenir. Par ailleurs, toute instabilité prothétique sera ainsi à l’origine d’altérations des différentes fonctions orales du patient, et affectera sans doute sa qualité de vie. La stabilité est donc l’un des paramètres les plus recherchés aussi bien par le praticien que par le patient, et elle nécessite une attention particulière lors de toutes les étapes de la réalisation de la prothèse amovible complète. De plus, la stabilité prothétique étant la réaction favorable, qui s’oppose aux forces latérales s’exerçant sur la prothèse, elle est influencée par 3 facteurs à prendre évidemment en compte.

– Tout d’abord, l’obtention d’un équilibre occlusal caractérisé par un centrage des forces selon l’axe des crêtes et une stabilité occlusale aussi bien statique que dynamique,
– Le respect de la musculature périphérique et notamment du couloir prothétique par la situation des dents et l’architecture des bords et des surfaces polies stabilisatrices,
– Dernièrement la présence et l’exploitation des surfaces d’appui verticales et obliques ayant une fibro-muqueuse ferme et adhérente. En effet, plus ces surfaces sont favorables et bien exploitées, plus la stabilité est améliorée.

Transformation de la mandibule lors de la senescence

L’espace occupé par les dents et les procès alvéolaires non résorbés se transforme avec la perte des dents et les phénomènes inhérents à la sénescence, en un espace plus réduit appelé espace prothétique. La sénescence provoque une diminution importante de la dimension verticale ; ceci entraine un plissement des joues qui se traduit par l’apparition de bajoues et l’invagination de la sangle buccinato-linguale. L’impact esthétique est très important.

Parallèlement, la langue comble l’espace libre en s’étalant : elle n’est plus contenue par les remparts dentaires et s’étale donc sur l’ensemble de la largeur de la cavité buccale, d’une paroi jugale à l’autre transversalement et jusqu’à la lèvre en avant (9) Chez le sujet édenté ́ , le trou mentonnier se localise parfois au sommet de la crête osseuse et la ligne oblique interne également ; elle se termine par une saillie osseuse à sa partie dis- tale, la tubérosité ́linguale. Les apophyses géni se situent sur cette crête résiduelle.

LA RESORPTION OSSEUSE

Généralités sur la résorption osseuse

L’os est un tissus conjonctif qui reçoit constamment un dépôt de calcium dans sa substance fondamentale collagénique, ce qui lui confère la résistance aux différentes contraintes auxquelles il est soumis. Cet os est en perpétuel remaniement grâce à un processus physiologique bi-phasique qui fait alterner ostéolyse et ostéoformation. Ce processus est sous la dépendance de plusieurs facteurs (endocriniens, vitaminiques, inactivité ́ et immobilisation…) (9). La résorption osseuse peut être physiologique suite au phénomène de sénilité ́ ou pathologique survenant lorsqu’un ensemble de facteurs (maladie parodontale et/ou traumatisme occlusal, troubles hormonaux, carences vitaminiques, maladies systémiques ou prises de médicaments…) agissent sur l’équilibre ostéolyse-ostéoformation, faisant pencher la balance vers l’ostéolyse (10)(11). Elle survient inévitablement après l’extraction des dents. L’involution de l’os alvéolaire fait suite à la perte de stimulations acheminées via le ligament desmodontal des dents (12). D’après les travaux de Schropp et coll en 2003 (13), cette résorption post-extractionelle peut atteindre 50 % du volume osseux total après un an. Les 2/3 de ces changements surviennent durant les trois premiers mois suivant l’avulsion de la dent. La résorption continue à un moindre rythme jusqu’à atteindre un pourcentage de 80 % après deux ans et demi ou elle se stabilise en dehors de tout facteur aggravant. Selon Carlsson et Persson, cette résorption atteint 10 mm au niveau de la mandibule sur une période de 25 années, et est quatre fois moindre au maxillaire durant la même période (3 mm environ) (10). Ces mêmes constatations ont été ́ rapportées par Atwood et Tallgren (14), (15). Rappelons ici que la résorption est toujours plus importante en vestibulaire qu’en lingual compte tenu de la structure (os fasciculé) de la paroi vestibulaire et de sa finesse (16). D’un point de vue morphologique, l’évolution de la résorption est centripète au maxillaire et centrifuge à la mandibule, excepté la région incisive où elle est centripète (17)(18). D’un point de vue architectural, plusieurs auteurs ont proposé des classifications des crêtes endentées (19). Pour Atwood, il distingue quatre degrés de résorption:

➤ Classe I : crête peu résorbée, favorable.
➤ Classe II : crête moyennement résorbée.
➤ Classe III : crête très résorbée sur le plan vertical et horizontal : hypoplasie vestibulo-linguale des tables osseuses, crête en lame de couteau.
➤ Classe IV : crête concave, négative : effondrement vertical total et définitif de l’os alvéolaire et d’une partie de l’os basal.

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Table des matières

Introduction
1. Le couloir prothétique en prothèse complète
1.1 Définition
1.2 Anatomie
1.3 Facteurs influençant la stabilité : problématique et solutions thérapeutiques
1 .4 Transformation de la mandibule lors de la senescence
2. La résorption osseuse
2.1 Généralités
2.2 Influence des facteurs anatomiques sur la stabilité prothétique
2.3. Influence de la sénescence sur le couloir prothétique
3. La prise en charge du couloir prothétique
3.1 Exploitation maximale des éléments anatomiques au service de la stabilité prothétique
3.2 Chirurgie pré prothétique
3.3 Mise en condition tissulaire
3.3.1 Les empreintes
3.4 Influence des facteurs musculaires sur la stabilité prothétique
3.3.4.1 L’architecture des surfaces polies stabilisatrices
3.3.4.2 Les empreintes tertiaires
3.5 Influence des facteurs occlusaux sur la stabilité prothétique
4. La gestion et le traitement des données esthétiques en prothèse amovible complète
4.1 Introduction et rappel des paramètres esthétiques
4.2 Comment réussir l’esthétique en PAC ?
4.2.1 Le bilan esthétique préprothétique
4.2.2 Le choix des dents
4.2.2.1 Choix du matériau
4.2.2.2 Choix des dents
4.2.2.3 Teinte des dents
4.2.2.4 Dimensions des dents
4.2.3 Le montage des dents prothétiques
4.2.3.1 Positionnement des dents antérieures maxillaires
4.2.3.2 Positionnement des dents antérieures mandibulaires
4.2. 3.3 Particularités du montage en classe II et II squelettique
4.2.4 Gestion du sourire
4.2.4.1 Courbe du sourire
4.2.4.2 Ligne du sourire
4.2.4.3 Corridor buccal
4.2.5 Caractérisation et personnalisation
4.2.6 Fausse gencive
5. Apport de la piézographie dans le modelage du couloir prothétique
5.1 Introduction et historique de la piézographie
5.1.1 Définition et indication de la piézographie
5.1.2 Objectifs et limites de la piézographie
5.2 Protocoles de réalisation
5.2.1 La phonation : vecteur de modelage piézographique
5.2.2 Base prothétique
5.2.3 Montage des dents
Discussion
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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