Le contrôle moteur et oculomoteur dans la schizophrénie

Epidémiologie de la schizophrénie

   Les personnes souffrant de schizophrénie représenteraient entre 0,4 et 0,7% de la population mondiale (Bhugra, 2005; Saha et al., 2005), soit près de 600000 personnes en France. L’incidence annuelle, le nombre de nouveaux cas par année, est difficile à déterminer en raison des différences observées à travers le monde, il serait estimé entre 7,7 et 43,0 sur 100000 (McGrath et al., 2004). Ces fluctuations de l’incidence seraient dues à différents facteurs sociaux comme l’urbanisation ou la migration qui favoriseraient l’apparition de la maladie (Bhugra, 2005). Il existe également des variations liées au sexe ; l’incidence affecterait en moyenne 1,4 fois plus souvent les hommes que les femmes (McGrath and Susser, 2009).

De la génétique aux facteurs environnementaux

   La recherche d’une origine commune à la schizophrénie a longtemps été influencée par le courant psychanalytique, livrant une conception culpabilisante du rôle des parents et allant jusqu’à parler de « mère schizophrénogène » responsable de l’évolution vers la psychose de leur enfant (Boucher and Lalonde, 1982). A la fin du XXème siècle, un grand nombre d’études épidémiologiques ont montré l’existence de formes familiales de schizophrénie mettant en évidence une composante génétique à l’origine de la maladie (fig. 1). Il était rapporté que les sujets apparentés au premier degré (enfants et parents) présentaient un risque dix fois supérieur à la population générale de développer la maladie. Les études de fratrie de jumeaux ont cependant permis de préciser la contribution de la génétique. En effet, chez les jumeaux monozygotes une maladie d’origine purement génétique entrainerait dans 100% des cas une atteinte des deux jumeaux. Or, il est estimé qu’un jumeau monozygote présente entre 41% et 65% de risque d’être affecté lorsque l’autre jumeau est atteint. Ces résultats épidémiologiques soulignent que la génétique constitue ici un facteur de risque et non un facteur déterminant de la maladie. Par ailleurs, aucune équipe n’a, à ce jour, trouvé de gène commun à la schizophrénie (Millan et al., 2016). Ces résultats mettent en évidence une influence forte des facteurs environnementaux sur l’expression de ces gènes altérés. Les études épidémiologiques ont pu mettre en évidence une composante génétique à l’origine de la schizophrénie. On peut voir sur ce graphique que plus le lien d’apparenté est proche avec un sujet atteint de schizophrénie plus le risque de développer la maladie est élevé. Cependant on peut également remarquer que même dans le cas des jumeaux monozygotes, le risque de développer la maladie n’est pas de 100%. Ces variations dans une même fratrie montrent que la schizophrénie ne résulte pas uniquement d’un déterminant génétique mais que d’autre facteurs environnementaux ont une influence forte sur le risque de développer la maladie (Gottesman, 1991). Depuis plusieurs années, l’émergence d’une hypothèse neuro-développementale tend à prendre en compte les facteurs de risques génétiques en ajoutant une approche multifactorielle permettant d’expliquer le développement progressif de la maladie (Rapoport et al., 2012). Autrement dit, la schizophrénie ne serait pas liée à un seul élément déterminant mais plutôt à un ensemble de facteurs altérant les différentes étapes de maturation anatomique et fonctionnelle du cerveau à partir du stade fœtal pour finalement voir émerger les symptômes entre l’adolescence et l’âge adulte (Millan et al., 2016). Dans un premier temps, les infections, comme la grippe, durant le deuxième trimestre de la grossesse, ou des complications obstétricales traumatiques entraîneraient une altération du développement anatomique et structural du cerveau (fig. 2A). Les évènements de vie durant l’enfance et l’adolescence favorisant le stress, comme les migrations,  l’environnement familial, ou l’abus de substance comme le cannabis, vont par la suite favoriser une altération plus fonctionnelle du cerveau. Insel, dans une revue de littérature récente, fait un parallèle intéressant entre le développement fonctionnel dit normal du sujet sain et celui d’une personne sujette à de multiples facteurs de stress, permettant de comprendre l’aspect généralisé et cependant discret de ces perturbations progressives (fig. 2B – Insel, 2010). Bien que le développement cérébral soit progressivement affecté, la schizophrénie ne pourrait durant les phases I (< 12 ans) et II (12 à 18 ans) être diagnostiquée en tant que pathologie. En revanche, il serait possible avant l’apparition du premier épisode psychotique de mesurer préventivement la vulnérabilité d’un individu au regard des multiples facteurs de risques existants afin de modifier le cours de la maladie (Millan et al., 2016). En effet, un certain nombre de prodromes, des signes précurseurs et identifiables de la maladie seraient présents chez les sujets présentant un haut risque de développer une psychose (UHR). Identifier cette vulnérabilité afin d’apporter un traitement préventif adapté, comme les thérapies cognitivo-comportementales, et axé sur la gestion du stress ou des évènements traumatiques permettrait de réduire de 54% le risque de transition vers un épisode psychotique (van der Gaag et al., 2013).

Anomalies corticales et sous corticales

   Il est encore difficile aujourd’hui de déterminer si les anomalies cérébrales induites par les perturbations neuro-développementales représentent une cause directe ou une conséquence de la schizophrénie. Il semblerait que les altérations anatomiques dans le premier stade de la maladie constitueraient un facteur de risque, quand les anomalies du développement fonctionnel durant l’adolescence constitueraient un facteur déclenchant de la maladie. Il est cependant établi que dès l’enfance et tout au long de la vie du patient, un certain nombre d’anomalies corticales et sous corticales sont mesurables. Il est normal d’observer une diminution progressive du volume de matière grise dans les cortex moteur, sensori-moteur, pariétal et frontal au cours du développement tardif. Cependant, il semblerait, bien qu’en partie déjà présente durant l’enfance, que la diminution de matière grise soit plus prononcée chez les futurs patients atteints de schizophrénie à l’adolescence (Thompson et al., 2001a). Cela s’expliquerait par une diminution de la densité des épines dendritiques qui entraîneraient une réduction des points de contacts synaptiques (Glantz and Lewis, 2000). Les techniques d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ont pu montrer une réduction de la matière grise dans le lobe frontal, plus spécifiquement le cortex préfrontal dorsolatéral, dans le gyrus temporal supérieur, l’amygdale, l’hippocampe  mais également dans les zones associatives du cortex pariétal supérieur (T. D. Cannon et al., 2002). Il est intéressant ici de noter que la réduction de matière grise affecte des zones impliquées dans différents processus cognitifs. Il a ainsi été montré que les déficits comportementaux observés dans des tâches de mémoire de travail étaient notamment corrélés à l’épaisseur cortical mesurée dans les régions frontotemporal (Brandt et al., 2015a). Par ailleurs, une revue de la littérature a montré des anomalies anatomiques dans d’autres zones, les ventricules (élargissement), le lobe occipital (asymétrie), le cervelet (diminution du volume), les ganglions de la base, le thalamus ou encore le corps calleux, mettant en évidence des résultats parfois hétérogènes (Chan et al., 2011; Shenton et al., 2001). Enfin, des anomalies de la gyrification (formation de l’ensemble des circonvolutions cérébrales aussi appelé gyrus) seraient également observées dans plusieurs zones chez les patients à risque ou atteints de schizophrénie (Cachia et al., 2008; Gay et al., 2013).

Intégration des informations sensorimotrices

  Les actions ou mouvements que nous effectuons ont pour origine commune une commande motrice envoyée du cortex moteur primaire vers l’effecteur (le muscle) par le faisceau cortico-spinal. Cependant, une interaction étroite entre les systèmes traitants les informations sensorielles et ceux traitants les actions motrices sont indispensables pour la planification, l’exécution et l’ajustement de cette action. Cette action résulte donc de la transformation (traitement et intégration) des informations sensorimotrices. La commande motrice sera générée à partir d’une représentation extrinsèque de notre environnement (comprenant des informations visuelles ou auditives) et des informations intrinsèques de notre propre corps (sa position dans l’espace, ses déplacements) afin d’effectuer un mouvement approprié (Krapp, 2010). Les afférences sensorielles permettant de créer cette représentation sont multiples. Dans la culture populaire cinq sens principaux sont décrits (i) le toucher, (ii) la vision, (iii) l’audition, (iv) l’odorat et (v) le goût, cette description est cependant incomplète. Ces sens sont complétés par des systèmes sensoriels complexes tel que le système vestibulaire contribuant à la sensation de mouvement et d’équilibre du corps, ou encore le système somatosensoriel comprenant le toucher, mais également la proprioception, la nociception et la perception de température. Bien que tous ces systèmes puissent contribuer à l’ajustement d’une action motrice, je décrirai plus spécifiquement par la suite l’intégration des informations proprioceptives et visuelles.

Le cortex moteur primaire, structure convergente du contrôle volontaire

  Grâce à son fonctionnement organisé de manière synchronisée (action simultanée des muscles impliqués dans les articulations du membre supérieur) et indépendante (mouvement individualisé de chaque doigt), la main est impliquée dans un répertoire très vaste d’action. Le système sensorimoteur joue un rôle crucial dans la génération et le contrôle des mouvements de la main et de ses doigts. Il est constitué de structures corticales primaires : les deux aires primaires somatosensorielle et motrice (S1 et M1) ; de structures corticales secondaires : les cortex prémoteurs dorsal et ventral (pre-motor cortex – PMC), les aires motrices supplémentaires (supplementary motor areas – SMA), l’aire motrice cingulaire (cingulate motor area – CMA) ; et de structures sous-corticales et spinales : les ganglions de la base, le thalamus, le cervelet et la moelle épinière (Roland, 1984). Les différentes structures fonctionnent de manière hautement synchronisée afin de transmettre une commande motrice optimisée et reposant sur les informations sensorimotrices les plus fiables (Ronsse et al., 2009). Le cortex moteur primaire joue un rôle central dans l’exécution de la commande motrice lors d’un mouvement volontaire du membre supérieur (Rodrı́ guez et al., 2004). Il est organisé, à l’image du cortex somatosensoriel primaire (Figure 3B), de manière somatotopique ; c’est à dire que chaque membre du corps y est représenté spatialement (Schellekens et al., 2018). Cependant, la surface spatiale représentant un membre du corps n’est pas proportionnelle à sa taille mais à la part du contrôle moteur dédié à ce membre, ainsi une grande partie du cortex moteur est impliqué dans le contrôle des mouvements de la main (Schieber, 2001). La commande motrice est envoyée par les axones de la cinquième couche du cortex (M1), par des cellules pyramidales, qui constituent le faisceau cortico-spinal et vont activer les muscles ciblés par leurs connexions direct et indirectes avec les motoneurones de la corne ventrale de la moelle épinière (Oswald et al., 2013)

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Partie 1 : La schizophrénie
1.1.1 Symptômes et conséquences d’une pathologie aux multiples enjeux
1.1.2 Le modèle neuro-développemental de la schizophrénie
Partie 2 : Le contrôle moteur et oculomoteur
1.2.1 Le contrôle moteur volontaire
1.2.2 La main : effecteur principal des actions motrices volontaires
1.2.3 Exploration physiologique de l’activité corticale
1.2.4 Le mouvement des yeux : reflet du fonctionnement cortical et sous-cortical
1.2.5 La coordination œil-main
Partie 3 : Le contrôle moteur dans la schizophrénie
1.3.1 Symptômes moteurs purs ou reflets d’altérations anatomiques
1.3.2 Altération de l’intégration des informations sensorimotrices
1.3.3 Potentielles implications des fonctions cognitives
1.3.4 Corrélats neuronaux des déficits sensorimoteurs
Partie 4 : Objectifs et hypothèses de la thèse
Méthodes
2.1.1 Population
2.1.2 Evaluations cliniques et neuropsychologiques
2.1.3 Tâche visuomotrice de contrôle de force
2.1.4 Enregistrements et analyses des données comportementales et physiologiques
2.1.5 Analyses statistiques
Résultats
3.1.1 Données cliniques et neuropsychologiques
3.1.2 Les mesures du contrôle de force
3.1.3 Les mesures du suivi du mouvement des yeux
3.1.4 Les mesures de la stimulation magnétique transcrânienne
3.1.5 Relations entre les mesures visuomotrices et cliniques
Discussion générale
4.1.1 Résumé des principaux résultats
4.1.2 Le déficit sensorimoteur dans une tâche de contrôle de force
4.1.3 Le déficit de modulation de l’excitabilité corticale
4.1.4 Les résultats ont-ils un intérêt pour la pratique clinique ?
4.1.5 Les mécanismes contribuant aux déficits sensorimoteurs
Limitations et perspectives
5.1.1 Identification de marqueurs comportementaux, sont-ils spécifiques à la schizophrénie ?
5.1.2 Evolution de la schizophrénie, marqueur trait ou marqueur état
5.1.3 Les limites de l’exploration physiologiques par la TMS
Conclusion
Bibliographie

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *