Le controle judiciaire, un objet peu aborde dans la litterature

Histoire du contrôle judiciaire socio éducatif : entre ré insertion sociale et substitution à la détention

La notion de CJSE

La naissance d’un nouveau substitut à la détention provisoire

La mesure de contrôle judiciaire socioéducatif est régie par la loi du 17 juillet 1970 pour renforcer la garantie des droits de libertés individuelles des citoyens inculpés tout en modifiant le régime de détention provisoire. Cette loi nouvelle introduisait une véritable alternative totalement inédite qui ne se cristallisait plus pour le magistrat entre un régime de détention stricte et une liberté totale. Cela permet alors au juge de prononcer une gamme de solution alternative fluctuant entre surveillance et assistance. Si jusque dans les années 1980 nous parlions de contrôle judiciaire simple apparaît ensuite la notion de contrôle judiciaire socioéducatif. La principale difficulté dans l’étude de cette mesure c’est son ambiguïté traduite notamment par la coexistence d’objectifs purement judiciaire : alternative à la prison avec l’idée d’une certaine surveillance et des objectifs sociaux tels que l’insertion professionnelle ou le soin par exemple résultant de ce que l’on pourrait qualifier d’aide ou d’assistance. Pour C. Cardet « son essence [contrôle judiciaire] judiciaire semble refoulée tandis que ses ambitions socio éducatives ne sont pas clairement affirmées » avec une loi qui reste équivoque sur la nature de l’assistance. Si l’on analyse un peu plus en détail sa terminologie, le contrôle en matière judiciaire se traduit en une vérification de la conformité d’une décision dans ce cas institué par un juge d’instruction principalement , finalement il s’agit pour les « contrôleurs » de tenir un registre sur une personne concernée (Cardet, 2000).

On vérifie que le « contrôlé » respecte bien l’intégralité de ses obligations et interdictions choisies au sein d’une liste limitative fixée par la loi. Contraint par ses mesures de surveillance l’inculpé peut bénéficier d’une assistance pour permettre de le réinsérer, c’est l’idée d’un traitement social. Ainsi à la fin du XXème siècle les « vagabonds » ou les « gens sans aveu », dont l’insertion sociale est défectueuse devenaient les destinataires de cette mesure. C’est l’expression « socioéducatif » qui traduit cette partie de la mesure avec l’idée pour Cardet d’une rééducation au social pour des personnes qui se situeraient hors de la communauté ; cette dimension sociale serait alors nécessaire pour l’individu afin qu’il puisse réintégrer la société. Il semble intéressant en ce début de recherche de faire une sorte de perspective généalogique de cette mesure afin de mieux comprendre son origine et plus précisément ses racines .

Les justifications théoriques du CJSE

Le contrôle judiciaire socio-éducatif est le résultat d’une longue histoire de la pensée criminologique. Sans refaire l’histoire du droit pénal, il est possible de saisir par exemple quelques moments clefs en lien étroit avec la mesure de CJSE. Le droit pénal d’ancien régime était fondé sur le libre arbitre et ne concevait la peine uniquement par sa fonction rétributive : quand un individu inflige un mal, un mal équivalent doit lui être infligé en retour. C’est à partir de 1750 que l’exemplarité de la peine laisse place à une logique de réinsertion, c’est avec Beccaria que s’affirme cette nouvelle vision de la peine. Les positivistes avec, à leur tête Enrico Ferri jouent un rôle dans l’affirmation du principe de prévention sociale et notamment par des substitutifs pénaux, il entend ainsi dire que la réponse ne constitue pas un modèle unique. La répression sera assurée par des mesures réparatrices et des mesures neutralisatrices adaptées à la dangerosité de chaque délinquant. L’attention est alors portée sur la personnalité du délinquant plus que sur le délit en lui-même en mettant en avant la diversité des facteurs criminogènes dans l’importance du passage à l’acte, laissant entrevoir toute l’utilité du traitement. Il montre l’importance de traiter les délinquants plus que de les punir dans le but principal de protéger la société. A la même époque dans un contexte de bienfaisance (dans le milieu médical, social…) des auteurs comme A. Prins propagent l’idée que les mesures à prendre doivent être « éducatives, charitables, protectrices, réparatrices ». Radicalisant sa pensée F. Gramatica met en avant l’idée selon laquelle pour chaque infraction une peine adaptée doit y répondre « le malade doit être soigné, l’individu ignorant ou inadapté doit être rééduqué afin d’apprendre à vivre en société ». L’Etat, de par l’intervention judiciaire, se voit assumer des devoirs d’éducation sous la forme d’actions de resocialisation adaptées à chaque citoyen. La nature et la durée des mesures de défenses sociales s’ajustent à l’aune des exigences de la re/socialisation du citoyen délinquant. Replacé dans son contexte « historico-criminologique », le CJSE se présente comme une combinaison des différentes pensées du système pénal, il concrétise les propositions de différentes doctrines. On comprend alors comment ces recherches ont participé à l’émergence et au développement de cette mesure.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la défense sociale nouvelle apporte une réponse pénale dont le primat est la réadaption sociale du délinquant. Ce mouvement initié par Marc Ancel soutient que la société a des devoirs envers ses citoyens et ce, même si certains sont des délinquants. La défense sociale nouvelle s’incarne par une politique dominée par la prévention et la resocialisation « ce n’est plus seulement l’acte criminel que l’on regarde, l’on tient également compte de la personne du délinquant ». De nos jours, l’idée de défense sociale nouvelle fait référence à un traitement personnalisé du délinquant particulièrement accueillante aux droits du délinquant s’appuyant sur les ressources de l’individu et sur son identité personnelle sans nier sa responsabilité dans l’acte commis. Cette resocialisation ne s’appuie plus sur un traitement forcé de par la détention par exemple, mais bel et bien sur une notion d’assistance laissant une place centrale à celui qui en fait l’objet. Cette démarche tend à avoir des effets plus durables sur la personne concernée pouvant ainsi jouer sur le terrain de la prévention de la délinquance et de manière plus générale sur une prévention de la récidive. Le contrôle judiciaire socio-éducatif constitue une manifestation de cette priorité donnée à la prévention spéciale de la délinquance aux moyens d’une (re) resocialisation favorisant ainsi la (ré) insertion (Cardet, 2000). Cette doctrine replace l’être humain au centre de la problématique criminelle, le délinquant n’est plus quelqu’un que l’on rejette comme un intrus de la société mais avant tout quelqu’un qu’il faut comprendre et à qui il faut venir en aide. L’institution doit avoir une vocation sociale, elle estime qu’en assistant le délinquant en lui évitant l’expérience de la prison où seulement lorsque celle-ci est nécessaire elle garantit une certaine sécurité la société. En participant à une certaine idée d’assistance du délinquant dès la phase d’information judiciaire qui pourra se poursuivre par la suite , le CJSE participe au mouvement du procès pénal. Il s’inscrit à la fois dans un mouvement d’individualisation et plus précisément à une certaine socialisation de la justice criminelle qui se veut comme « resocialisatrice ». Dans ce cas, le CJSE offre un double intérêt d’alternative à la détention, puisqu’il constitue un substitut crédible à l’utilisation systématique de la détention provisoire (et donc de la surpopulation carcérale ) dont on sait les effets désocialisants qu’elle incarne tout en proposant une mesure d’assistance par un traitement de délinquance en milieu ouvert qui se veut plus efficace et plus responsabilisant (Cardet, 2000).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : LE CONTROLE JUDICIAIRE, UN OBJET PEU ABORDE DANS LA LITTERATURE : DEFINITION DE L’OBJET, PRESENTATION DE L’EXISTANT ET DES METHODES DE RECHERCHES ; UNE APPROCHE ORIGINALE DU CONTROLEUR SOCIO-JUDICIAIRE EN MILIEU ASSOCIATIF
I. HISTOIRE DU CONTROLE JUDICIAIRE SOCIO EDUCATIF : ENTRE RE INSERTION SOCIALE ET SUBSTITUTION A LA DETENTION
A. La notion de CJSE
B. Sens et fonctions du CJSE
C. Une logique d’assistance, à la croisée du travail social et du système pénal
II. UN TRAVAIL DE DELEGATION DE LA JUSTICE ET DE L’ETAT
A. Une diversification des politiques criminelles
B. Un effet concurrentiel entre le secteur public et privé
III. PROBLEMATISATION DU SUJET : LA QUESTION DE LA MESURE DE CONTROLE JUDICIAIRE ET DE SES INTERVENANTS
A. Problématisation de l’objet de recherche
B. Les hypothèses de travail
IV. UNE RECHERCHE EN LIEN AVEC LE STAGE : PRESENTATION DU TERRAIN ET DU PROTOCOLE D’ENQUETE ETABLIS
A. L’association et ses « contrôleurs socio- judiciaires »
B. Un terrain d’enquête ethnographique unique
C. Protocole d’enquête
CHAPITRE 2 : MONOGRAPHIE D’UNE ASSOCIATION SOCIO-JUDICIAIRE
I. L’IMPORTANCE DU CONTEXTE INSTITUTIONNEL
A. L’ambition d’une resocialisation appliquée
B. Se spécialiser et s’affirmer : l’expérimentation du dispositif AIR
C. Lieu d’articulation entre logique sociale et exigence pénale
II. CONTROLEUR JUDICIAIRE : UNE PROFESSIONNALISATION EN MARCHE
A. Comment devient-on contrôleur judiciaire ?
B. S’affirmer en tant que professionnel : un mouvement de professionnalisation
III. LE RESEAU PARTENARIAL AU CŒUR DE L’ACTION
A. L’association dans un système a-centré
B. L’importance du réseau dans le suivi socio-judiciaire : « travailler ensemble »
CHAPITRE 3 : L’INTERACTION EN ACTE : AU CŒUR DES ENTRETIENS DE CONTROLE JUDICIAIRES
I. QUI SONT LES CONTROLES ? PRESENTATION DES PERSONNES PLACEES SOUS CONTROLE JUDICIAIRE
A. Données générales : Sexe, âge et nationalité des « contrôlés »
B. Une carence dans l’intégration sociale
C. Au niveau judiciaire
II. UNE POSTURE : ENTRE RELATION DE CONFIANCE ET CONTROLE
A. La posture du contrôleur dans l’entretien
III. QUEL ENGAGEMENT POUR LES « CONTROLES » ET LE CONTROLEUR ?
A. Contrôler la situation
B. Plus qu’une relation de contrôle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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