Le contrat didactique : savoir(s), professeur(s), élève(s), de quoi parlonsnous ?

Le contrat didactique : savoir(s), professeur(s), élève(s), de quoi parlons-nous ?

Toutes réflexions didactiques et pédagogiques peuvent avoir « pour génome » le triangle didactique. Ce dernier est intéressant à interroger car il permet d’élargir la focale d’analyse en ouvrant le champ aux milieux professeur(s) – élève(s). Le cours dialogué semble un bon compromis pour tenir systémiquement les deux pôles en tension.

Le triangle didactique de J. Houssay

Est-il encore besoin de rappeler ce qu’est le triangle didactique ? Le sujet du mémoire impose de revenir sur ces fondamentaux. Jean Houssaye, professeur émérite de Sciences de l’éducation, conçoit un modèle où le savoir, le formateur et l’apprenant se répondent selon des dynamiques . Commençons par les mécanismes du rapport triadique :

• Enseigner : une distinction est à opérer entre apprendre et enseigner. S’ils sont interchangeables en Français (« on apprend aux élèves l’histoire et la géographie»), learning et teaching ne le sont pas. Apprendre relève d’un apprentissage du plus complexe au plus simple, tandis que le second commence de la simplicité vers la complexité . La géographe et didacticienne Bernadette Mérenne-Schoumaker suggère également d’enseigner du plus simple au plus complexe, en suscitant une réponse des élèves . Nous pouvons résumer le rôle d’enseigner à travers le néologisme porté par Gérard Sensevy  : l’enseignant sait où conduire les élèves , et prend donc en considération la gestion du temps en tant que « chronomaître ». Cela dit, le hiatus entre les deux termes tend à se confirmer lors des rapports dialogiques (pédagogie transmissive). Si la médiation paraît remplacer l’enseignement, les deux gardes le sens d’enseigner. Finalement, enseigner est à questionner à toutes les échelles du processus d’enseignement ; depuis la préparation didactique en amont jusque dans la classe, en passant par les corrections et l’analyse réflexive. Si l’on y ajoute le terme apprentissage, alors on obtient le concept d’enseignement-apprentissage, qui comprend, en plus de la démarche d’enseignement, « toutes les activités, actions et opérations mentales réalisées par l’apprenant au cours de sa démarche d’apprentissage ».

• Apprendre et apprentissage : cela relève de l’appropriation d’un savoir afin de s’y familiariser. Il s’agit d’une dynamique d’accroissement dans laquelle l’élève conscientise une méconnaissance, et, par le dépassement des appréhensions, décide de s’approprier des nouveaux savoirs pour combler les prérequis, dans un processus d’estime de soi. Apprendre, c’est donc recevoir les choix didactiques du formateur , « acquérir de nouvelles connaissances, développer de nouvelles habilités et capacités, comprendre de nouvelles réalités, enrichir ses représentations, se transformer » . Deux focales d’analyse peuvent intervenir pour le définir. Le cognitivisme s’attache à une construction « de l’intérieur » dans laquelle des modifications cognitives s’opèrent de façon durable, en réponse à un stimuli. De nouveaux modèles apparaissent en termes de « schèmes et/ou d’outils cognitifs ». L’autre approche est behavioriste, extériorisée du sujet, s’intéressant également aux modifications comportementales opérées dans le cerveau (axe praxéologique). Les connaissances augmentant, le degré d’expertise le fait aussi. Du point de vue constructiviste, apprendre est une construction de l’esprit à partir des connaissances existantes. Le verbe se rattache au constructivisme dans la mesure où « un apprentissage passe par une activité mentale du sujet, une réorganisation de ses schèmes ».

• Former : c’est la mission de l’enseignant qui agit en termes de contenus (former à l’histoire, à la géographie, à la citoyenneté), de savoir-être (qualités humaines), de savoir-faire (compétences : se repérer dans le temps et l’espace, etc.).

Définissons les sommets :
• Savoir et connaissance : le savoir est ici le contenu de formation, l’histoire ou la géographie ou le programme de l’éducation nationale . Par savoirs, Astolfi entend des données dont l’élaboration est lente, difficile, et en état de construction, produites par l’intelligence humaine afin d’apporter, dans la méthodologie et la sémantique propre à chaque discipline, une explication conceptuelle à une réalité . Une connaissance « serait relative à l’expérience intériorisée de chacun, serait difficilement transmissible et inintelligible pour autrui. Dans ce cadre, un savoir résulterait d’un effort important d’objectivation par un processus socialisé de construction intellectuelle » (Connac, 2018).
• Le formateur : l’enseignant est celui qui met à la portée des élèves les savoirs de référence sans en détourner le propos, par un acte qualifié de transposition didactique. Le rapport entre le savoir et lui est la relation didactique qui lui permet d’enseigner.
• L’apprenant : les élèves reçoivent l’enseignement. Le rapport entre le formateur et l’apprenant est la relation pédagogique tenu par un contrat didactique, sans laquelle l’enseignant ne peut former, sans laquelle les élèves ne peuvent être formées. Le rapport entre l’élève et le savoir est la relation d’apprentissage.

Notons que le triangle didactique repose sur un travail d’équilibriste. Le modèle fonctionne, en effet, sur le principe d’exclusion. Selon l’axe épistémologique, si la relation « enseigner » est exacerbée au profit du savoir, les laissés-pour-compte seront les élèves. Si dans l’axe psychologique, déséquilibre est constaté, l’appropriation du savoir posera problème pour l’apprenant. Enfin, dans le cas où l’axe praxéologique (pratique) est déséquilibré, soit les besoins des élèves ne sont pas pris en compte, soit l’enseignant se concentre trop sur l’étudiant. De la relation au savoir dépend donc le contrat didactique. Ce contrat didactique se définit comme un système didactique choisi par l’enseignant sur les savoirs académiques -eux-mêmes filtrés par l’Éducation nationale- auquel doit adhérer l’élève, afin qu’il puisse s’émanciper de sa condition . C’est un contrat à caractère obligatoire et implicite entre enseignant et enseignés où les parts de responsabilités sont partagées. D’après Fabrice Hervieu, ce partage des responsabilités nécessite un engagement de la part de l’enseignant, en délestant son enseignement aux élèves. Il encourage ainsi l’autonomie par la dévolution .

Toutefois, il serait naïf de croire que cette figure géométrique suffise à résumer le pôle éducatif, comme un système incontestable et fiable. Guy Brousseau remet en question l’idée de contrat qu’il croit illusoire. En effet, penser qu’une relation s’établirait par une sorte de contrat implicite est une représentation que nous pouvons qualifier, par un néologisme, de « professeuro-centrée ». Ne connaissant pas les enjeux didactiques, l’élève ne peut connaître les intentions et objectifs didactiques, ni ne peut comprendre pourquoi l’enseignant adopte telle approche à accepter. Dans ce cas de figure, le contrat où les deux parties seraient équitables est rompu. D’autre part, si un enseignant peut agir sur les modalités de transmission des connaissances et valeurs, il ne peut pas agir sur leurs réceptions. Autrement dit, il ne peut pas forcer un élève à apprendre des connaissances. De plus, le contrôle que croit exercer l’enseignant sur l’élève est illusoire car la part de représentation subjective qu’ont les élèves sur l’enseignant reste hors de contrôle .

Ce dispositif qui repose sur le pôle éducatif ne peut pas se structurer sans la question du sens apporté à la connaissance.

• Le sens d’une connaissance : d’après Guy Brousseau, il s’agit d’une « image culturelle de la compréhension, un moyen de la reconnaître et de la gérer, comme le savoir est un moyen de reconnaissance et de gestion des connaissances, moyen personnel ou institutionnel, et donc variable suivant les institutions ». Le sens est formé d’un ensemble de patchwork de raisonnements et de preuves dont ils sont issus, des reformulations et formalisations grâce auxquelles l’élève peut manipuler la connaissance. La quête de sens conduit vers des situations a didactiques, terme développé par Guy Brousseau sur lequel nous allons désormais nous arrêter. Les didacticiens partagent l’importance du sens dans les apprentissages. Il n’est plus admis de se reposer sur des cours magistraux car la société a évolué, le rapport à l’école aussi, les besoins également. Avec la massification scolaire, les classes regroupent des élèves aux besoins différents, au développement différents, aux intérêts variables pour les matières et finalités enseignés. L’hétérogénéité avec laquelle doivent composer les enseignants constitue un véritable défi, dont la recherche de sens (signification). Comprendre le sens de l’objet est facteur de motivation pour Fabrice Hervieu, ce qui implique de prendre en compte les besoins psychologiques de référence : besoin d’information, de progression, de reconnaissance, de s’exprimer . Le neurologue et didacticien Daniel Favre insiste sur l’importance de donner du sens, surtout pour remotiver les élèves, notamment en reconsidérant l’erreur comme point d’appui au service de l’apprenant . Marion Boscus ajoute le nécessaire « incident cognitif », révélateur d’une modification des schèmes de l’apprenant, porteur de sens face aux imprévus didactiques . Ces incidents cognitifs interviennent dans les moments d’échanges, où l’imprévu provoque une modification du contexte qui lui donne une autre couleur, une autre saveur, un autre sens . Il me parait donc impossible, quelle que soit la pédagogie à employer, d’enseigner le cours dialogué sans clarifier les concepts et notions didactiques. À partir de ce postulat, nous allons voir que la prise en compte du milieu élève permet de l’insérer au cœur des apprentissages dans une démarche socioconstructiviste. C’est en portant un vif intérêt à l’élève que le cours dialogué est possible.

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Table des matières

Introduction
1. Cadre théorique : un contrat didactique réinterrogé en fonction du cours dialogué
1.1 Le contrat didactique : savoir(s), professeur(s), élève(s), de quoi parlonsnous ?
1.1.1 Le triangle didactique de J. Houssay
1.1.2 Le pôle sociétal comme nouveau milieu à anticiper : l’a-didacticité, ou quand l’élève est au cœur des apprentissages
1.1.3 La rencontre de deux environnements : un nouveau milieu en classe et ses limites
1.2 Le cours dialogué comme levier d’apprentissage
1.2.1 L’espace dialogique : dialogue, cours, cours dialogué. De quoi parlons-nous?
1.2.2 Naissance d’une communauté d’apprentissage : le rôle de l’enseignant comme « catalyseur des apprentissages » centré sur l’agentivité
1.2.3 Le rôle des élèves comme producteurs du savoir nécessite la prise en charge d’autres contrats didactiques
1.2.4 L’institutionnalisation et la dévolution comme pivot des interactions d’un cours dialogué. Émergence d’une approche socio-cognitive ?
1.2.5 Limites d’un cours dialogué
2. Méthodologie de la recherche. De l’étude de cas au cours dialogué. Un enseignement centré sur l’élève
2.1 Penser un cours dialogué en classe de 1e spé : choix didactiques
2.1.1. Connaitre les programmes en classe de 1e spécialité HGGSP
2.1.2 Les études de cas dans la mouvance constructiviste : choix didactiques et objectifs généraux
2.1.3 Axe 2, jalon 1 : l’étude de cas de la frontière Oder-Neisse. Choix didactiques
2.1.4 Axe 2, jalon 2. Étude de cas du dépassement des frontières
2.2 Des études de cas au cours dialogué
2.2.1 Prévoir le premier contact : poser un cadre a-didactique avec plusieurs contrats
2.2.2 Utiliser les études de cas pour dialoguer. Trois phases de dialogues
2.2.3 Une méthode d’enseignement qui présente ses limites
3. Analyses de données
3.1 La présentation d’une approche socio-constructiviste comme nouveau contrat didactique
3.1.1 Introduire le cours : forces et limites de mon approche
3.1.2 Un choix pédagogique comme moteur du cours
3.1.3 L’aspect socio-cognitif au cœur du plaisir d’apprendre
3.2 Les frontières maritimes, un nouveau « starter »
3.2.1 Les causes d’un tournant dans l’espace dialogique
3.2.2 Affirmation des phases d’échanges dans la durée. Rythmer la séance pour mieux la contrôler contribue à l’acquisition des apprentissages
Conclusion
Annexes
Glossaire

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