Le contexte d’emergence du principe de residentialisation dans le discours

Le contexte d’émergence du principe de résidentialisation dans le discours

Des théories nées aux Etats-Unis

Dans un livre sorti en 1972 aux Etats-Unis Oscar Newman reproche à l’urbanisme moderne son incapacité à offrir des territoires clairement délimités. Dès lors il énonce sa «théorie de l’espace défendable» ou «espaces défensibles ». Il s’agit de remplacer l’espace ouvert de l’urbanisme moderne par une architecture de murs, barrières, caméras, vigiles et de communautés fermées ; les « gated-communitites ». La théorie de «l’espace défendable » met en exergue le principe du contrôle informel des habitants sur leur environnement, d’une architecture susceptible de générer la surveillance des habitants.

En pratique, l’espace défendable se définit par une série de quatre principes architecturaux et urbains destinés à restructurer les sites problématiques :

• la notion de territorialité ou possibilité d’appropriation de l’espace résidentiel par ses occupants
• la surveillance exercée par les occupants eux même
• le refus des caractères dépréciateurs (vulnérabilité du bâti…)
• la localisation des logements sociaux dans des secteurs urbains sûrs

Dans les années 70, l’architecte Oscar Newman étudie un grand ensemble du Missouri aux Etats Unis livré au vandalisme, dégradation, saleté, divers délits et une vacance importante. Ses observations et ses conclusions mettent en cause l’architecture même du grand ensemble considérée comme pathogène. Les dysfonctionnements constatés relèvent de l’anonymat des espaces extérieurs d’une forte densité de l’habitat et d’une absence de gestion de l’habitat. Il formalise le concept de «l’espace défendable» comme moyen de contrôle et d’investissement des espaces résidentiels par leurs occupants. Ce qui permet de réduire la délinquance et de stimuler l’investissement privé. L’environnement urbain a des influences sur le comportement des usagers, « l’espace défendable» propose d’aménager cet environnement pour réduire les incivilités, la délinquance…

Ici, nous sommes proche de l’éthologie (définition du Petit Larousse: « étude scient(fique du comportement des animaux dans leur milieu naturel »), discipline scientifique qui étudie le comportement des animaux en solitaire ou en « société ». La société humaine serait elle réductible au comportement animal? On envisage l’individu en fonction de son appréhension et de son fonctionnement par rapport à un territoire, la « défense », le «marquage » d’un territoire, on territorialise l’action sociale via des nouvelles pratiques d’aménagement et théories de l’urbanisme. Il s’agit d’une approche très libérale. On s’inscrit la dans une démarche qui conforte l’individualisme. Il s’agit d’agir en apportant une réponse technique et financière à des problèmes initialement sociaux, sans remettre en cause la structure même de la société, les inégalités, l’exclusion.

Les analyses de la relation entre question urbaine et question sociale sont pourtant controversées. L’approche territoriale de l’action publique se retrouve sous le vocable «politique de la ville », en effet, il y a, pour une grande part, identité entre la question urbaine et la question sociale. La question urbaine n’est somme toute que la « trace au sol » de la question sociale. Il se trouve en effet selon Daniel Béhar qu’il y a « la coïncidence quasi paifaite entre les populations laissées pour compte et l’obsolescence d’une forme urbaine, les grands ensemble. » .

En 1974, O.Newman réalise une étude sur les rues privées de St Louis, clôturées depuis 1867, celle ci sera diffusée ensuite sous forme de rapport près des autorités publique locales et fédérales. Ce travail a popularisé les avantages de la fermeture en matière de contrôle sécuritaire. La fermeture fut ainsi transposée dans d’autre quartiers de St Louis en situation d’instabilité grâce à un découpage en petits voisinages basé sur un critère d’homogénéité sociale et de formes des rues. Le but était de favoriser le sentiment de proximité et de contrôle de l’environnement on a transformé les rues en «cul de sac» pour réduire les flux, instauré un contrôle des entrées et des sorties… de telles opérations ont contribuées à populariser la fermeture complète comme une solution de restructuration transposable dans différents quartiers.

A partir de 1996, le ministère du logement américain (HUD) intègre «l’espace défendable» dans sa politique de rénovation urbaine comme un mode de restructuration et de résolution des problèmes de délinquance. Il s’agit là de la naissance d’un outil. Ceci a offert une publicité importante à la fermeture résidentielle et au phénomène du «street-gating» qui sont des «cul de sac» freinant la circulation dans ce que Newman appelle des «mini neighbourhoods ».

Il s’agit de voisinages circonscrits à l’échelle desquels les résidents peuvent assurer eux même un contrôle sur l’environnement. Le but de cette configuration spatiale est de garantir la stabilité du quartier (faible turn-over) grâce au contrôle social. Ces quartiers présentent, de ce fait, une grande homogénéité.

Le contexte français

Dès les années 70 en France, on dénonce l’urbanisme du mouvement moderne. L’espace de l’urbanisme moderne était décrit comme celui de la surveillance généralisée, les grands ensembles apparaissent alors comme le produit le plus achevé d’un mode de domination disciplinaire. Il faut donc en finir avec les grands ensembles pour retrouver la ville, revenir aux rues, places, îlots, aux formes urbaines décriées par l’urbanisme moderne.

Crise des années 80, embrasement des banlieues: l’urbanisme moderne ne serait pas seulement disciplinaire mais également pathogène et criminogène. Le retour à <(l’urbanité» semble être le seul remède face à la ségrégation, l’exclusion et aux déchirures du tissu social et spatial. R. Castro parle d’un « travail sur les coutures, les sutures,  l‘identflcation des lieux sans identités, leur réanimation, leur désenclavement, leur embellissement, leur complexfication » en évoquant ce que sera la requalification urbaine des grands ensembles.

Dès lors, en France, on assiste à un phénomène de condamnation de la forme urbaine et architecturale des grands ensembles. On dénonce les trop fortes densités, le manque de définition des fonctions et des statuts de chacun des espaces extérieurs et l’absence de responsabilité en matière de gestion. Les enjeux de la restructuration des ces ensembles visent l’aménagement de l’espace, la gestion urbaine ainsi que la lutte contre l’insécurité et l’exclusion sociale. Avec l’irruption de la demande sécuritaire et la pression croissante qu’elle exerce sur la gestion de l’espace, la dénonciation de l’urbanisme du mouvement moderne se nourrit de concepts et de réflexions venus notamment des Etats-Unis, les critiques changent de sens…

La transparence et la fluidité des espaces libres du mouvement moderne ne sont plus envisagées comme des moyens de contrôle social, de normalisation des conduites, mais, au contraire comme des espaces permissifs qui autorisent les comportements et les pratiques sauvages, et encouragent la déviance et la mise en place d’un climat d’insécurité. Le recours à la notion «d’espace défendable» sera fréquemment utilisé dans les opérations de restructuration des grands ensembles de logements sociaux. Un glissement sémantique va donc s’opérer en matière de requalification urbaine : au départ, le discours dominant prônait le désenclavement, il s’agissait de faire « rentrer la ville au coeur du grand ensemble ». On parlait de «recoudre » les grands ensembles à la ville, rétablir la continuité urbaine.

On insistait sur la nécessité de hiérarchiser les espaces, d’en définir le statut en différenciant les espaces publics des espaces privés. Ainsi, la primauté a été accordée au dessin des espaces publics, notamment au tracé des voies qui devaient mailler le territoire des grands ensembles et assurer leur liaison avec le tissu environnant.

Avec la pression exercée par la demande sécuritaire, le discours va se réorienter, l’ordre des priorités va changer, sans complètement s’écarter de la nécessité de différencier le statut des espaces, l’accent est désormais mis sur la délimitation des espaces privés. On parle moins de la notion de «désenclavement» que de celle de « sectorisation ». La sectorisation obéit à une logique de découpage qui vise à isoler chaque bâtiment derrière une enceinte (matérielle ou non, protégée ou non). On se rapproche du modèle urbain traditionnel, tel celui de l’immeuble parisien avec accès contrôlés, espaces extérieurs clos et protégés.

Sous la pression de la demande sécuritaire, la volonté de faire pénétrer la ville dans les grands ensembles, de les dissoudre dans la ville se serait elle transformée en une démarche qui vise à se barricader contre la ville? Ou bien à faire du quartier de grands ensembles un quartier comme les autres?

Les dysfonctionnements d’ordre urbain qui étaient sous jacents s’imposent aujourd’hui : le manque de lisibilité des espaces, la confusion de leurs statuts génèrent des problèmes d’entretien et favorisent l’excès d’appropriation pour une partie de la population en provoquant le sentiment d’insécurité. Ces dysfonctionnements ont motivé les premières interventions sur les quartiers d’habitat social en s’attachant en particulier à réhabiliter le bâti indépendamment de la question sociale, traitée par ailleurs dans les programmes successifs Habitat et Vie Sociale, Développement Social des Quartiers. Ces actions trop ciblées, n’ont pas apportées les résultats attendus et ont amené les organismes de logement social à s’interroger sur la conception même des grands ensembles, puis à s’engager dans des processus, définis autour du concept de résidentialisation.

La résidentialisation et les préoccupations sécuritaires en France

A la différence des Etats unis, en France, il est moins question de fermeture des espaces que d’introduire les questions de sécurité dans l’intervention spatiale ou architecturale. La crise des banlieues est elle réductible à des problèmes d’insécurité?

On connaît, outre atlantique, la fortune de ce type d’aménagement urbain que l’on appelle les «gated-communities» et leur multiplication, créant un système de cellules indépendantes dans lesquelles les citoyens se repartissent de manière homogène, on sait également combien elles auront permis le développement d’une «religion de la sécurité» avec les déploiements de systèmes de gestion et de sécurité exclusifs à un territoire urbain.

En France on parle de ce phénomène sous plusieurs termes: «les enclaves résidentielles » ou encore « les quartiers fermés ». Cependant, en matière de logement social et de stratégie de requalification urbaine des grands ensembles, il ne semble pas possible de dire que nous allons vers une intégration tout azimut des prérogatives fixées par O. Newman. D’une part les traditions françaises marquées par une conception républicaine de l’Etat ne sont pas en adéquation avec des «pratiques d’habiter» qui tendent à se libérer des services publics et de la vie en communauté. D’autre part, depuis les années 90, si diffusion ou reprise du modèle américain il y a, son application en France reste une pratique ciblée, contextualisée qui ne semble pas préfigurer un unique mode d’action de la restructuration du logement social.

Depuis les années 90, la question de la sécurité est effectivement intégrée dans les réflexions sur l’aménagement notamment à travers l’étude des modèles anglais ou américain. L’espace défendable est ainsi apprécié comme une démarche pionnière mais non exclusive. Il existe des projets institutionnels de norme européenne venant formaliser la volonté d’agir en matière de «prévention de la malveillance par l’urbanisme et la conception des bâtiments ». C’est le comité européen de normalisation qui en a la charge, il est représenté actuellement, en France, par l’Afnor (groupe qui rassemble diverses entités publiques). Le projet comprend deux volets : urbanisme et conception des bâtiments.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1
I. QUELQUES DEFINITIONS
II. LE CONTEXTE D’EMERGENCE DU PRINCIPE DE RESIDENTIALISATION
DANS LE DISCOURS
III. DES EXEMPLES D’OPERATIONS DE RESIDENTIALISATION
ABOUTIES
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
PARTIE 2
I. LES PISTES DE RECHERCHE
II. CONSTAT
III. VERS UNE PROBLEMATIQUE…
IV. HYPOTHESE PRINCIPALE
V. METHODOLOGIE
PARTIE 3
I. LES RESULTATS DE L’ENQUETE
II. DISCUSSION
CONCLUSION FINALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ILLUSTRATIONS
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *