Contexte
L’hypertension artérielle (HTA) est la première maladie chronique dans le monde, et reste le premier facteur de risque cardiovasculaire (1). Elle augmente le risque d’accident vasculaire cérébral, de pathologie coronaire, d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale et de troubles cognitifs, et est responsable de 7 à 8 millions de décès dans le monde. En France on estime entre 15 et 16 millions de personnes hypertendues (2). Vingt pour cent des hypertendus connus ne sont pas traités et environ 50% des hypertendus traités ne sont pas contrôlés (3). Dans son rapport publié en 2003, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (4) estime que près de 50% des traitements prescrits dans le monde sont peu ou mal suivis par les patients concernés. Une mauvaise observance thérapeutique serait l’une des principales causes de ce mauvais contrôle.
Le concept d’observance
Définition de l’observance
Le concept d’observance remonte à l’Antiquité. Hippocrate expliquait alors que « les malades mentent souvent à propos de leurs médicaments » (Bienséances, Hippocrate, chapitre 14). Celui-ci apparaît dans la littérature scientifique française au début des années 1980 (8). Il est issu de la traduction du terme anglais « compliance ». La définition la plus acceptée de l’observance est celle de Haynes et Sackett (9) qui la définissent en 1979 par « la mesure dans laquelle le comportement d’une personne (en terme de prises de médicaments, mais aussi de suivi de régime alimentaire, ou d’exécuter des changements de style de vie), coïncide avec les conseils médicaux ou de santé ».
L’observance est un processus complexe, multifactoriel, où différents déterminants interagissent. L’OMS a défini cinq dimensions regroupant les déterminants de l’observance :
– les facteurs socio-économiques
– les facteurs liés au système de soins
– les facteurs liés aux patients
– les facteurs liés à la maladie
– les facteurs liés aux traitements.
Evolution du concept d’observance
A la lecture d’articles portant sur la question de l’observance, nous constatons une certaine confusion sémantique que nous allons tenter de clarifier. Il existe une évolution sémantique qui reflète une évolution de cette notion d’observance. Nous allons voir qu’il faut bien distinguer, selon nous, 3 termes différents : la compliance, l’adhésion thérapeutique et l’observance thérapeutique. Certains auteurs francophones utilisent parfois le terme de compliance. Ce terme est issu du terme anglophone « compliance », comme synonyme sans véritable distinction. Or, selon le Cambridge Dictionary, la compliance se définit comme « the act of obeying an order, rule or request », que l’on peut traduire par « le fait d’obéir à un ordre, une règle ou une demande ». Cela conduit à une notion de soumission et de conformité. Le médecin ordonne et le patient exécute.
Apparaît par la suite le terme d’adhésion thérapeutique, marquant une évolution de la relation médecin-malade. Le patient partage la décision médicale, devient un acteur à part entière de cette relation. Le médecin prescrit et le patient adhère, et passe ainsi d’un état passif à un état actif. « L’adhésion thérapeutique renvoie à une volonté, à un processus intrinsèque du patient, dépendant des capacités intellectuelles et psychologiques, et de ses croyances. C’est une notion plus subjective et difficilement mesurable » (10). Il en est de même dans la littérature anglo-saxonne où des auteurs utilisent les termes « compliance » et «adherence». Puis émerge la notion d’observance thérapeutique. Elle se définit comme « la capacité à prendre correctement son traitement tel que prescrit par le médecin ». L’observance thérapeutique se réfère à un comportement et devient alors une mesure objectivable, mesurable (11). Elle s’exprime le plus souvent en pourcentage de prise médicamenteuse prescrite. Dans le cadre de l’HTA, il est classiquement admis qu’une observance thérapeutique minimale de 80% semble être nécessaire à l’efficacité du traitement, et définit la limite entre les « mauvais » et les « bons » observants.
Mesure de l’observance thérapeutique
L’évaluation de l’observance thérapeutique est particulièrement complexe et difficile à mettre en œuvre. Il n’existe à l’heure actuelle pas de Gold Standard pour sa mesure chez le sujet hypertendu en pratique clinique .
Différentes méthodes peuvent être utilisées :
– Les méthodes directes :
Elles consistent à mesurer des critères médicaux objectifs, des taux sanguins ou urinaires des médicaments ou de leurs métabolites, ou mesure des effets biologiques. Méthodes sensibles, précises et reproductibles, mais coûteuses, invasives et difficiles à mettre en place : elles ne sont pas adaptées pour les traitements antihypertenseurs.
– Les méthodes indirectes :
Plus simples à mettre en œuvre, peu onéreuses, elles sont peu sensibles et souvent subjectives. L’auto-évaluation rapportée du patient à l’aide de questionnaires structurés, est couramment utilisée. De nombreux questionnaires ont été développés, mais tous n’atteignent pas les conditions requises pour être considérés comme des outils valides et fiables (13). Chaque questionnaire évalue l’observance thérapeutique selon ses propres critères ; certains sont reconnus et validés, d’autres non. Le plus couramment utilisé est sans doute le Morisky Medication Adherence Scale (MMAS), 4 ou 8 items binaires (oui ou non), qui évalue l’observance du patient à son traitement. (Le MMAS 4 items est disponible en annexe) .
Le comptage des pilules est souvent utilisé. Méthode simple à mettre en place, elle évalue la prise de médicaments en fonction du nombre de comprimés restants ou de boîtes vides. Elle ne rapporte pas les jours ou horaires des prises, et le patient peut modifier le nombre de comprimés restants. Le comptage électronique par pilulier Medical Event Monitor System (MEMS) permet de connaître le jour et l’heure de la prise du comprimé lors de l’ouverture du couvercle. Ce dispositif est onéreux, ne garantit pas la prise réelle du médicament, et subsistent les erreurs de manipulation. Le Medication Possession Ratio (MPR) évalue la proportion de jours où le patient s’est vu délivrer ses médicaments sur le nombre de jours total de la période d’observation. Estimation faite à partir des données de renouvellement de traitement de la pharmacie, et qui ne reflète pas la consommation réelle des médicaments.
Il existe donc une hétérogénéité importante dans les méthodes de mesure de l’observance thérapeutique.
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Table des matières
Chapitre 1 Introduction
1-1 Contexte
1-2 Objectifs
Chapitre 2 Le concept d’observance
2-1 Définition de l’observance
2-2 Evolution du concept d’observance
2-3 Mesure de l’observance thérapeutique
Chapitre 3 Méthodologie
3-1 Sélection des « mots racines »
3-2 Critères d’inclusion et critères d’exclusion
3-2-1 Critères d’inclusion
3-2-2 Critères d’exclusion
3-3 Sources consultées
3-4 Stratégie de recherche
3-4-1 Elaboration de l’algorithme de recherche
3-5 Sélection des études
3-6 Recueil des données
3-7 Données recueillies
3-7-1 Résumé d’article
3-7-2 Classement des interventions
3-7-3 Evaluation de la qualité méthodologique des essais cliniques
3-8 Synthèse des données
Chapitre 4 Résultats
4-1 Sélection des études
4-2 Caractéristiques des études
4-3 Résultats par catégorie
4-3-1 Interventions éducatives destinées aux patients
4-3-2 Interventions ciblant l’aide à la prise des médicaments et la simplification des schémas thérapeutiques
4-3-3 Interventions combinées des prestataires de soins
4-3-4 Interventions dirigées vers le savoir et les compétences du médecin prescripteur
4-4 Analyse globale
4-5 Tableaux synthétiques des quatre catégories d’interventions
Chapitre 5 Discussion
Limites de la revue
Implications pour la pratique
Implications pour les recherches futures
Chapitre 6 Conclusion
Bibliographie