Le concept de représentation (mentale – sociale – culturelle) en sciences humaines et sociales

Le concept de représentation (mentale – sociale – culturelle) en sciences humaines et sociales

L’histoire des représentations peut être vue comme une version moderne de l’histoire des mentalités. On y étudie toujours les états mentaux collectifs, mais on est plus prudent quand il s’agit d’attribuer ces états à des classes sociales entières, et de mesurer leur diffusion au moyen de méthodes quantitatives. Les représentations ne sont pas considérées comme un simple « reflet mental » de la réalité sociale et politique, elles sont étudiées dans leur interaction avec d’autres représentations, au niveau des luttes sociales, et dans leur rapport avec le monde matériel et l’univers des pratiques et de l’action. La prise de conscience et la prise en compte de la complexité du phénomène n’a pas conduit à une clarification du concept qui est au centre du champ de recherche. Il reste aussi flou que son « ancêtre », le concept de mentalité. Il faut notamment signaler l’ambiguïté sémantique qui marque l’usage de l’expression représentation / representation en français et en anglais. Certains chercheurs-théoriciens, tels que R. Chartier ou C. Ginzburg, incluent l’étude de l’expression symbolique (texte ou artefact) des contenus mentaux dans l’histoire des représentations. G. Noiriel a observé que les deux signifiés sont lexicalisé différemment en allemand, Vorstellung désignant le contenu mental, Darstellung, son expression symbolique, et que la polysémie du mot français peut prêter à une certaine confusion.

Comment concevoir l’étude des représentations en histoire ? Il est surprenant que les historiens ne soient pas venu chercher du côté des sciences humaines et sociales voisines des modèles théoriques susceptibles d’apporter plus de clarté dans leur champ conceptuel. Dans un des textes programmatiques de l’histoire des mentalités, au début des années 1960, Georges Duby avait conseillé aux historiens de se tourner vers la psychologie sociale, dotée d’une méthodologie claire et efficace. Ses collègues et successeurs n’ont pas voulu lui suivre dans cette voie. Dans une longue série de textes programmatiques et de bilans de recherche concernant l’histoire des mentalités et des représentations, publiés pendant les quatre décennies depuis la parution du traité méthodologique de Duby, on ne trouve aucune référence précise à la psychologie.

Aujourd’hui l’idée d’une réflexion interdisciplinaire au niveau des sciences humaines et sociales s’impose quand on voit que le concept de représentation se trouve au carrefour d’un grand nombre d’axes de recherche dans ces disciplines, et on peut penser qu’il est possible désormais de mieux cerner la représentation des historiens grâce aux concepts définis dans des domaines de recherche tels que la psychologie sociale ou la psycholinguistique cognitive.

La réflexion doit commencer à l’échelle de l’individu, où la représentation se présente comme représentation mentale. Des modèles de conceptualisation et de description de ce phénomène ont été développés dans le cadre de plusieurs champs disciplinaires, traitant des problématiques liées ou similaires, en sciences du langage ou en sciences cognitives : psycholinguistique textuelle,  linguistique du discours, pragmatique cognitive, neurosciences et théorie de la connaissance .

Dans l’optique des sciences cognitives, notamment celle des représentants du courant mentaliste, innéiste et évolutionniste, qui défendent l’hypothèse d’une architecture modulaire innée de l’esprit, dans laquelle les différentes capacités ou fonctions, telles que le traitement de la perception ou celui de la communication langagière, constituent des modules hiérarchisés, les processus cognitifs se présentent comme le traitement de représentations mentales de différents degrés de complexité dans les différents modules spécialisés du cerveau (pour la langue : modules phonétique, syntaxique, sémantique…), et la communication humaine comme la transmission de telles représentations par des moyens langagiers et / ou nonlangagiers.

Les représentations mentales sont considérées dans ces recherches comme étant des états prélinguistiques de l’esprit. Elles ont un contenu, un objet – elles sont la représentation « de quelque chose » (d’où le concept anglais d’aboutness). A côté de représentations de type propositionnel – ou susceptibles d’être décrites en termes de propositions – il semble exister des représentations analogiques, des images mentales de phénomènes acoustiques ou visuels. Certains chercheurs en sciences cognitives pensent qu’il est possible de reconstituer toutes les représentations sous forme de propositions, comprenant argument et prédicat, ou de réseaux de propositions (plus ou moins hiérarchisés et organisés autour de macropropositions), même si cette approche est très compliquée quand on l’applique aux images mentales.

Il faut distinguer les représentations, au sens restreint du terme, des états mentaux qui les « contiennent ». C’est le concept d’attitude propositionnelle qui est utilisé pour décrire ces états mentaux à contenu propositionnel, c’est-à-dire pour indiquer le type de relation qu’un individu entretient avec une représentation (proposition) donnée : « croyance », « désir », « espoir », « peur » etc. La croyance par exemple peut être définie comme une « représentation tenue pour être vraie ». Certaines attitudes propositionnelles présupposent d’autres attitudes ou donnent lieu à des représentations « de second ordre » (métareprésentations, croyances réflexives), ainsi par exemple un jugement présuppose une attitude particulière (évaluation, prise de position…) par rapport à une croyance donnée, présupposée.

La connaissance semble être en grande partie constituée de réseaux relativement stables de représentations mentales, organisant celles-ci autour de schémas cognitifs, « noyaux thématiques » tels que les frames (cadres situationnels) ou les scripts (scénarios, séquences d’événements ou d’actions) .

Le script du « repas au restaurant » apparaît dans plusieurs textes du corpus. Parmi les scénarios clairement identifiables dans les Kolumnen, on peut également citer, entre autres, les « courses au supermarché », « la réunion de parents d’élèves », « la séance de cinéma », « le voyage en train », « le voyage en covoiturage », « l’achat d’un complet-veston en couple », « la soirée-lecture publique »…

Dans le cadre théorique des sciences cognitives, la communication se présente comme l’échange de représentations mentales, au moyen d’énoncés verbaux ou d’autres formes d’expression symboliques (par ex. gestes, images), et par le biais de références plus ou moins explicites au contexte immédiat (situation de communication), ainsi qu’à l’encyclopédie, ou compétence encyclopédique, de la communauté linguistique et culturelle à laquelle appartiennent les interlocuteurs. Guidé par une attente plus ou moins précise de ce qu’ils vont entendre ou voir (c’est la composante top down du processus de compréhension), les interlocuteurs décodent les signes linguistiques, tout en enrichissant leur sens d’inférences tirées, et du co-texte, et du contexte. Le résultat du décodage et de l’interpretation d’un énoncé est une forme propositionnelle, une représentation mentale susecptible d’être décrite en forme de proposition.

Dans le cas d’un message plus long qu’un simple énoncé, le processus de compréhension ne fait pas seulement naître, chez l’allocutaire, une simple forme propositionnelle, mais un modèle de situation (situation model). Celui-ci est un « micro-univers » mental qui regroupe des représentations des phénomènes extra-linguistiques auxquels le texte fait référence, et ceci dans une configuration modélisant les relations que ces phénomènes entretiennent dans la réalité extralinguistique.

La psychologie sociale étudie les propriétés, les mécanismes de formation et les processus de diffusion des représentation sociales. En simplifiant on peut caractériser la représentation sociale comme une représentation mentale partagée par un groupe social donné. Il s’agit de phénomènes décrits, dans d’autres contextes de recherche, en termes de mentalité ou d’idéologie (ou préjugés, idées reçues, croyances et savoirs populaires etc.) : la représentation sociale est un réseau ou tissu d’images, de concepts et de valeurs (affectives ou morales) , le tout organisé autour d’un noyau conceptuel central , et lié à une étiquette verbale comme par exemple « la psychanalyse », « le SIDA », « la maladie mentale », « les droits de l’homme ». Sa fonction est de structurer, en la simplifiant et la stabilisant, notre vision du monde.

Un autre concept-clé de la psychologie sociale présente une certaine ressemblance avec le concept de représentation sociale, mais il est l’objet d’un autre domaine de recherche. En effet le phénomène du stéréotype social est étudié dans le contexte de la cognition sociale (ou perception interpersonnelle). Les représentations et les stéréotypes appartiennent au même domaine de l’inconscient collectif, relèvent d’une « même activité de construction cognitive de l’environnement social » (Moliner). D’une certaine manière, les stéréotypes peuvent être considérés comme une sous-catégorie spécifique des représentations sociales, sous-catégorie caractérisée par un type de contenus particulier : les représentations-croyances concernant des groupes sociaux (« le groupe ABC possède les caractéristiques XYZ »).

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Table des matières

Introduction
1. L’essor des Kolumnen dans la presse allemande depuis les années 1990
2. Analyse thématique, analyse d’un genre de texte – considérations méthodologiques et éléments de terminologie
2.1 L’analyse thématique conçue comme étude de représentations
2.1.1 Le concept de représentation (mentale – sociale – culturelle) en sciences humaines et sociales
2.1.2 L’analyse de contenu – aspects théoriques et techniques
2.1.3 Analyse et interprétation – questions herméneutiques
2.1.3.1 Compréhension, interprétation et analyse thématique – concepts herméneutiques, psycholinguistiques et pragmatiques
2.1.3.2 La fiction – information ou divertissement ?
2.1.3.3 Perspective narrative et interprétation
2.1.3.4 Satire et divertissement – l’interprétation de textes humoristiques
2.1.4 Conclusion : principes méthodologiques pour l’analyse thématique conçue comme étude de représentations
2.2 Théorie et analyse des genres (de textes)
2.2.1 Genre littéraire, genre de discours, Textsorte… – modèles de classification en théorie de la littérature et en sciences du langage
2.2.2 Concepts linguistiques et narratologiques pour une définition systématique
2.2.2.1 Situation de communication et contexte socio-culturel
2.2.2.2 Types de discours, fonctions communicationnelles, modes discursifs
2.2.2.3 La dimension thématique
2.2.2.4 Texte et péritexte
3. Qu’est-ce qu’une Kolumne ?
3.1 La position de la Kolumne dans le champ générique des articles de presse
3.2 Affinités avec certains genres littéraires
3.2.1 Récit bref – anecdote, Kurzgeschichte, exemplum
3.2.2 Portrait littéraire et caractère
3.2.3 La causerie littéraire – le Feuilleton allemand
3.2.4 Tableau contrastif : le champ générique des genres littéraires proches de la Kolumne
3.3 Un système catégoriel pour la description des caractéristiques génériques des Kolumnen
3.4 Etude de cas : quatre auteurs et leurs Kolumnen des années 1989-1994
3.4.1 Auteurs et périodiques : Elfriede Hammerl et Paula Almqvist (stern), Elke Heidenreich (Brigitte), Max Goldt (Titanic)
3.4.2 Particularités stylistiques et thématiques des textes étudiés – essai de typologie
3.4.2.1 Caractères
3.4.2.2 Descriptions de situations typiques
3.4.2.3 Anecdotes et autres formes du récit bref
3.4.2.4 Observations sur l’air du temps
3.4.2.5 Critique des médias, des arts et du monde du spectacle
3.4.2.6 Commentaires politiques
3.4.2.7 Méditations philosophiques
3.4.2.8 Causeries fantaisistes
3.4.2.9 Tableau synoptique
3.4.2 Particularités stylistiques et thématiques des textes étudiés – essai de typologie
3.5 Chroniques du quotidien et de l’air du temps – caractéristiques génériques
4. Représentations de la société allemande et du quotidien des Allemands dans les Kolumnen des années 1989-1994 – étude historico-culturelle
4.1 Un système catégoriel pour l’analyse thématique des Kolumnen – taxinomies sociologiques et macrocatégories narratologiques
4.1.1 Qu’est-ce que le quotidien ?
4.1.2 Les composantes du système catégoriel : taxinomies sociologiques et anthropologiques, macrocatégories narratologiques
4.1.3 La catégorisation des situations typiques du quotidien
4.1.4 La catégorisation des groupes sociaux
4.1.5 Les références au contexte historique – identification et classement
4.2 Le quotidien des Allemands au début des années 1990 – inventaire thématique
4.2.1 Sphères de vie, situations, activités
4.2.1.01 Sphère individuelle
4.2.1.02 Amour et vie de couple
4.2.1.03 Vie de famille
4.2.1.04 Logement, aménagement, ménage
4.2.1.05 Loisirs intérieurs
4.2.1.06 Contacts et sociabilité
4.2.1.07 Espaces anonymes, trajets
4.2.1.08 Etudes et monde du travail
4.2.1.09 Achats ménagers et modes de consommation
4.2.1.10 Administration, services
4.2.1.11 Activités culturelles, loisirs extérieurs
4.2.1.12 Vie publique, politique, religion
4.2.1.13 Tableau synoptique
4.2.2 Comportements et mentalités typiques
4.2.2.1 Classes sociales, milieux socio-culturels et socio-politiques
4.2.2.2 Métiers et milieux professionnels
4.2.2.3 Origine géographique et traits typiques
4.2.2.4 Types de femmes, types d’hommes, couples typiques
4.2.2.5 L’homme sub specie aeternitatis : observations générales et portraits de caractères
4.2.3 Références à l’actualité sociale, politique et culturelle et à la culture générale
4.2.3.1 Culture et médias
4.2.3.2 Marques, modes et nouveautés – consommation et styles de vie
4.2.3.3 L’actualité politique
Conclusion générale

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