Le concept de programmation appliqué à la nutrition

Le concept de programmation appliqué à la nutrition

Cette hypothèse a été confirmée par de nombreux travaux expérimentaux menés chez l’animal. Par exemple, des babouins recevant une alimentation plus calorique avant le sevrage (16ème semaine de vie) avaient un poids supérieur à ceux recevant une alimentation normale jusqu’à l’âge 5 ans, correspondant à l’âge adulte, bien que leur alimentation après le sevrage soit la même que celle des autres groupes (Lewis et al., 1986). Cette étude permet de souligner, sans en explorer les mécanismes sous-jacents, l’effet d’une exposition nutritionnelle transitoire au début de la vie et ses conséquences pendant plusieurs années. Plus généralement, de nombreuses études ont montré, dans des modèles animaux, l’effet de la nutrition au début de la vie sur le taux de lipides sanguins, la pression artérielle, la masse grasse, l’athérosclérose, les capacités d’apprentissage à l’âge adulte ou en encore l’espérance de vie (Hahn, 1984; Lewis et al., 1986; Smart, 1986).

Chez l’Homme, les travaux d’Alan Lucas, au début des années 1980, ont montré que la nutrition précoce, à un stade critique ou sensible du développement du cerveau, pouvait avoir des conséquences à long terme sur les capacités cognitives des nouveau-nés prématurés. Ainsi, les nourrissons prématurés nourris avec une préparation infantile enrichie en protéines, lipides, oligoéléments et vitamines avaient de meilleurs scores de Quotient intellectuel (QI) global et de QI verbal à l’âge de 7,5-8ans par rapport à des nourrissons prématurés nourris avec des préparations infantiles standards (Lucas et al., 1998). Néanmoins, des études plus récentes menées chez le nourrisson prématuré suggèrent que la consommation de préparations enrichies, si elle favorise la croissance et le neurodéveloppement, est également associée à un risque accru de résistance à l’insuline et de tension artérielle élevée plus tard dans la vie (Singhal et al., 2001; Singhal et al., 2003). La résistance à l’insuline serait plus importante chez les nourrissons prématurés avec une croissance accélérée au cours des deux premières semaines par rapport aux nourrissons prématurés avec une croissance précoce correspondant au taux de croissance intra-utérine (Lucas, 2005). Ces éléments suggèrent un rôle clé de la croissance précoce dans le lien entre alimentation précoce et santé cardiovasculaire ultérieure, connu sous le nom de « postnatal growth acceleration hypothesis » (Lucas, 2005; Singhal & Lucas, 2004).

Alimentation infantile et santé future

Allaitement : épidémiologie et effets sur la santé 

Une revue globale sur les bénéfices de l’allaitement sur la santé de la mère et de l’enfant a été publiée en 2016 (Victora et al., 2016) ; elle synthétise les travaux de plusieurs revues systématiques mandatées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette revue présente également un état des lieux de l’allaitement dans 127 pays sur 139 à niveau intermédiaire ou faible, et 37 pays à haut niveau de revenus sur 75. Les indicateurs étudiés étaient l’initiation précoce de l’allaitement, le taux d’allaitement exclusif chez les enfants de moins de 6 mois, le taux d’allaitement chez les enfants âgés de 12 à 15 mois et chez ceux âgés de 20 à 23 mois. A l’exception de l’indicateur concernant l’initiation précoce de l’allaitement, les taux d’allaitement étaient plus faibles dans les pays avec des revenus plus élevés. Dans les pays à haut niveau de revenus, les femmes ayant un niveau d’études et des revenus plus élevés allaitent plus souvent que celles ayant un niveau d’études et des revenus plus faibles (Victora et al., 2016). A l’inverse dans les pays à niveau de revenus intermédiaire ou faible, ce sont les femmes ayant un niveau de revenus le plus faible qui allaitent plus souvent.

Effets à court terme
Le bénéfice de l’allaitement le plus clairement établi est celui portant sur la mortalité d’origine infectieuse avec un risque de décès d’origine infectieuse plus faible chez les enfants allaités exclusivement dans les pays à niveau intermédiaire ou faible de revenus (Sankar et al., 2015). Cependant, l’effet protecteur de l’allaitement vis-à-vis de ce risque est plus marqué dans les premiers mois de vie. Dans les pays à haut niveau, l’allaitement serait associé à un risque plus faible de mort subite du nourrisson ainsi que d’entérocolite nécrosante (maladie associée à un taux de mortalité élevé) (Victora et al., 2016).

Concernant les maladies infectieuses, l’allaitement est associé à un risque plus faible de diarrhée et d’infections respiratoires ainsi que d’admissions à l’hôpital pour ces indications (Horta & Victora, 2013). Dans les pays à haut niveau de revenus, l’allaitement est associé à un risque plus faible d’otite moyenne aigue chez les enfants de moins de deux ans (Bowatte et al., 2015). Concernant les maladies allergiques, une revue systématique récente relève que l’allaitement est associé à un risque plus faible d’asthme dans l’enfance avec un niveau de preuve considéré comme modéré (Gungor et al., 2019b). Le niveau de preuve pour les allergies alimentaires, la rhinite allergique ou la dermatite atopique est considéré faible et suggère l’absence d’association avec l’allaitement (Gungor et al., 2019b). Enfin, concernant la santé dentaire, les enfants allaités plus de 12 mois auraient 2 à 3 fois plus de risques d’avoir des caries avant 6 ans et ce risque serait bien supérieur si les tétées sont fréquentes ou nocturnes cependant les études incluses ne tenaient pas compte des facteurs de confusion comme la consommation d’aliments sucrées et des pratiques associées à l’hygiène bucco-dentaire (Tham et al., 2015).

Effets à long terme
Lorsque l’on considère les risques cardio-métaboliques, la méta-analyse de Horta n’a pas mis en évidence de lien entre l’allaitement et la tension artérielle diastolique, systolique ou le cholestérol total à l’âge adulte (Horta et al., 2015b). Par contre, elle retrouve un risque plus faible de diabète de type 2 à l’âge adulte chez les enfants allaités par rapport aux enfants qui n’ont jamais été allaités (Horta et al., 2015b). Cependant, lorsque la méta-analyse est restreinte aux trois études de bonne qualité, l’association n’est plus significative. De manière similaire, une revue systématique récente conclue que le niveau de preuve est limité pour les liens entre l’allaitement et le risque de diabète de type 2 (Gungor et al., 2019a). Cette même revue systématique conclut que l’allaitement est associé à un risque plus faible de diabète de type 1 et n’est pas associé aux marqueurs intermédiaires du diabète de type 2 (glycémie à jeun, hémoglobine glyquée, résistance à l’insuline, incidence et prévalence du prédiabète) avec un niveau de preuve faible (Gungor et al., 2019a). Enfin, les capacités cognitives seraient plus élevées, avec de meilleurs scores de développement, chez les enfants et les adolescents en cas d’allaitement (Horta et al., 2018; Horta et al., 2015a) . Les liens entre l’allaitement et le surpoids ou l’obésité, ou la croissance en général, seront présentés spécifiquement dans une partie dédiée.

Au total, l’allaitement permettrait d’éviter plus de 820 000 décès d’enfants de moins de 5 ans s’il était correctement exécuté dans le monde (Victora et al., 2016).

Recommandations sur l’alimentation infantile 

L’OMS utilise plusieurs définitions de l’allaitement (World Health Organization, 2008):
• Initiation de l’allaitement, en anglais « breastfeeding initiation » ou « ever breastfeeding » : l’enfant a reçu au moins une fois du lait maternel ;
• Allaitement exclusif : l’enfant ne consomme que du lait maternel ; les solutions de réhydratation orale, les médicaments ou vitamines et minéraux (sous forme de sirops, gouttes) peuvent être consommées ;
• Allaitement prédominant : l’enfant ne consomme que du lait maternel ou certains liquides autorisés (eau, boissons à base d’eau, jus de fruits) ; il ne consomme pas de préparation infantile ou d’autres aliments liquides ; les solutions de réhydratation orale, les médicaments ou vitamines et minéraux (sous forme de sirops, gouttes) peuvent être consommées ;
• Allaitement avec diversification alimentaire : l’enfant reçoit du lait maternel, quel que soit son degré d’exclusivité, et la diversification alimentaire a débuté ;
• Allaitement toutes définitions confondues, en anglais « any breastfeeding » : l’enfant reçoit du lait maternel et aucune distinction n’est faite en fonction des autres liquides ou aliments consommés.

Concernant l’allaitement, toutes les instances internationales recommandent la pratique de l’allaitement avec des durées recommandées très proches découlant des bénéfices identifiés notamment pour la prévention de la mortalité infantile. En effet, au niveau mondial, depuis 2001, l’OMS recommande un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois et qui peut être poursuivi en parallèle de la diversification alimentaire jusqu’à 2 ans voire plus afin d’atteindre une croissance, une santé et un développement optimaux (World Health Organization, 2001, 2020). Dans la version européenne des recommandations de l’OMS, publiée en 2003, il est indiqué que tous les enfants devraient être allaités exclusivement de la naissance jusqu’à 6 mois, ou au moins jusqu’à 4 mois (Michaelsen, 2003). En parallèle de la diversification alimentaire, le lait maternel devrait rester une des sources principales de l’alimentation jusqu’à 1 an. Dans ces recommandations, l’OMS considère que, lorsque l’allaitement n’est pas possible, l’utilisation de préparations infantiles (préparations pour nourrissons ou « laits 1er âge » jusqu’à 4-6 mois, préparations de suite ou « laits 2ème âge » à partir de la diversification alimentaire) est une « alternative satisfaisante ». Néanmoins, il souligne que ces préparations infantiles ne possèdent pas les composants bioactifs présents dans le lait maternel et que la qualité de leurs lipides et de leurs protéines pourrait ne pas être optimale pour les besoins de l’enfant. Cette recommandation a été reprise en 2009 par l’European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN) pour les enfants en bonne santé, nés à terme, vivant en Europe et conclut que l’allaitement exclusif jusqu’à environ 6 mois est un objectif souhaitable (ESPGHAN Committee on Nutrition et al., 2009). Au niveau de la France, les recommandations européennes de l’OMS sont reprises par le Programme National Nutrition Santé (PNNS) de 2007 qui recommande d’allaiter son enfant, idéalement jusqu’à l’âge de 6 mois révolus et au moins jusqu’à l’âge de 4 mois, si possible de façon exclusive (Agence française de sécurité sanitaire des aliments, 2007). Ces recommandations ont été reprises en 2020 dans la mise à jour des repères nutritionnels pour les enfants de 0-36 mois par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) (Haut Conseil de la santé publique, 2020). Concernant la diversification alimentaire, qui correspond à l’introduction des aliments ou boissons autres que le lait maternel ou les préparations infantiles, l’OMS-Europe recommande, en cohérence avec les recommandations sur l’allaitement exclusif, de débuter la diversification alimentaire à partir de 6 mois ou un peu plus tôt pour les enfants ayant besoin d’une diversification alimentaire plus précoce, mais jamais avant 4 mois (Michaelsen, 2003). L’ESPGHAN a émis des recommandations similaires en 2017 : la diversification ne doit pas être débutée avant 4 mois (17 semaines) et ne doit pas retardée après 6 mois (26 semaines) (Fewtrell et al., 2017). Les nouvelles recommandations du HCSP soulignent que la diversification alimentaire ne doit pas débuter avant l’âge de 4 mois révolus mais ne doit pas être retardée au-delà de 6 mois révolus (Haut Conseil de la santé publique, 2020).

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Table des matières

Chapitre I. Introduction générale
I. Concept de DOHAD
1. Naissance du concept
2. Le concept de programmation appliqué à la nutrition
3. Alimentation infantile et santé future
a. Allaitement : épidémiologie et effets sur la santé
➢ Effets à court terme
➢ Effets à long terme
b. Recommandations sur l’alimentation infantile
II. Allaitement et croissance
1. Allaitement et risque de surpoids ou d’obésité
2. Allaitement et croissance
3. Allaitement et adiposité
4. PROBIT : un essai d’intervention sur la promotion de l’allaitement
a. Présentation de l’essai
b. Résultats de l’essai PROBIT concernant la croissance
III. Apport en protéines et croissance
1. CHOP : un essai d’intervention sur la teneur en protéines des préparation infantiles
a. Présentation de l’essai
b. Résultats de l’essai CHOP concernant la croissance
2. Évolution de la réglementation des préparations infantiles
3. Etat de la littérature sur la teneur en protéines des préparations infantiles
IV. Diversification alimentaire et croissance
1. Age à la diversification et croissance
2. Apports nutritionnels pendant la diversification et croissance
V. Objectifs
Chapitre II. Matériel et méthodes
I. Présentation des cohortes
1. Etude des Déterminants pré et postnatals précoces du développement et de la santé de l’Enfant (EDEN)
a. Objectif et recrutement
b. Aspects éthiques et réglementaires
c. Financement de l’étude
d. Organisation du suivi
2. Etude Longitudinale Française depuis l’Enfance (ELFE)
a. Objectifs et recrutement
b. Aspects éthiques et réglementaires
c. Financement de l’étude
d. Organisation du suivi
II. Données alimentaires
1. Modalités de recueil
a. EDEN
b. ELFE
2. Allaitement
3. Préparations infantiles
4. Diversification alimentaire
5. Identification de profils de pratiques d’alimentation
a. EDEN
b. ELFE
III. Données de croissance
1. Modalités de recueil
a. EDEN
b. ELFE
2. Modélisation des courbes individuelles de croissance
3. Z-scores des variables anthropométriques
4. Pic d’adiposité et rebond d’adiposité
IV. Représentativité des données
1. Population incluse
2. Attrition
a. EDEN
b. ELFE
Chapitre III. Caractérisation des pratiques d’alimentation précoce
I. Introduction
II. Résumé de l’article
III. Article publié
IV. Conclusion
Chapitre IV. Conclusion générale

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