Le concept de personne chez Husserl

La personne et les autres formes de la subjectivitรฉ

Lโ€™ego pur

Lโ€™ego pur est dรฉfini par Husserl selon une loi dโ€™essence qui est la suivante : Il appartient, en tant quโ€™un tel ego identique, numรฉriquement un, ร  ยซ son ยป propre flux de vรฉcu qui se constitue en tant quโ€™une unitรฉ du temps immanent infini.
Lโ€™ego pur est considรฉrรฉ comme le pรดle intentionnel au sein duquel sont unifiรฉs les diffรฉrents actes de conscience (perception, imagination, dรฉsir, jugement, souvenir, etc.), corrรฉlรฉs ร  leur temporalisation phรฉnomรฉnologique, et aux diffรฉrents objets quโ€™ils visent. On peut toujours employer la mรฉtaphore husserlienne du flux de vรฉcus, mais il faut considรฉrer que celui-ci jaillit dโ€™un pรดle รฉgologique. Il est donc nรฉcessairement impliquรฉ dans les diffรฉrents types de sujets et peut recevoir la fonction de socle fondamental de la subjectivitรฉ.
Lโ€™ego pur est cependant un ego abstrait, qui nโ€™a pas de correspondance effective dans le monde, comme indiquรฉ au dรฉbut du chapitre qui lui est dรฉdiรฉ, sa reprรฉsentation requiert en effet que ยซnous fassions abstraction du corps propreยป. Il ne doit pour autant pas รชtre identifiรฉ ร  lโ€™ego personnel, entendu comme ego spirituel. Sโ€™il est impliquรฉ en tant que socle fondamental dans lโ€™ego personnel, il reste insuffisant pour rendre compte de la richesse de sa vie de conscience. Emmanuel Housset lโ€™รฉcrit donc trรจs justement : ยซHusserl nโ€™a jamais confondu le moi pur avec la personneยป.

Lโ€™ego animal

La nature matรฉrielle nโ€™est pas le tout de la nature. Husserl voit en effet en elle ยซ une nature au sens premier, รฉtroit, au sens infรฉrieur39 ยป quโ€™il distingue dโ€™une ยซ nature au sens second, plus large ยป, qui renvoie ร  la nature animale. Cโ€™est donc ensuite au tour de celle-ci de faire lโ€™objet dโ€™une section qui lui est consacrรฉe, et qui a pour titre ยซ La constitution de la nature animale ยป. Le sujet qui relรจve dโ€™une telle sphรจre doit รชtre distinguรฉ de la chose, mais aussi de lโ€™ego pur. Tandis que ce dernier est privรฉ de corps, lโ€™ego animal est le sujet qui a un corps, mais qui ne doit pas รชtre ramenรฉ ร  la chose pour autant. Il est en effet ontologiquement diffรฉrent puisque, contrairement ร  la chose, qui nโ€™est quโ€™un corps, il a un corps avec une รขme. Ce corps est ce que Husserl nomme un Leib, traduit par le terme de corps vivant ou corps propre.

Lโ€™ego-homme

Le terme dโ€™homme est employรฉ ร  de nombreuses reprises au long de lโ€™ouvrage tandis que le concept dโ€™ego-homme (Ich-Mensch) fait entiรจrement lโ€™objet du paragraphe 21.
Contrairement aux concepts รฉtudiรฉs prรฉcรฉdemment, il ne fait pas lโ€™objet dโ€™une section qui lui serait dรฉdiรฉe. Pour expliquer cela, nous pouvons supposer que lโ€™ego-homme, ร  la diffรฉrence de la chose matรฉrielle et de lโ€™ego animal, nโ€™est pas le modรจle dโ€™une couche ontologique, il est en effet un exemple de lโ€™une dโ€™elles, ร  savoir de lโ€™animalitรฉ. Nous pourrions penser que lโ€™ego-homme pourrait รชtre confondu avec lโ€™ego personnel, ce serait toutefois ร  tort.
Jโ€™entends par lร  lโ€™ego qui non seulement sโ€™attribue ร  lui-mรชme ses vรฉcus en tant quโ€™ils sont ses รฉtats psychiques, et pareillement sโ€™attribue ses connaissances, ses dispositions de caractรจre et semblables qualitรฉs qui demeurent et sโ€™annoncent dans les vรฉcus, mais qui aussi dรฉsigne ses qualitรฉs somatiques comme รฉtant les ยซ siennes ยป et par lร  les range dans la sphรจre รฉgologique.

Double rapport de subordination entre attitude personnaliste et attitude naturaliste

Afin de comprendre quel rapport la personne entretient avec le monde de la nature, et plus prรฉcisรฉment comment la nature intervient dans sa constitution, revenons-en aux deux attitudes qui prennent respectivement pour thรจme ces deux types de rรฉalitรฉ. Nous avons vu que Husserl distingue formellement lโ€™attitude personnaliste et lโ€™attitude naturaliste. Pourtant, un rapport entre lโ€™une et lโ€™autre nโ€™est pas exclu, bien au contraire : Nous parvenons ร  un point oรน les deux attitudes que nous avons sรฉparรฉes lโ€™une de lโ€™autre [โ€ฆ] sont en rapport lโ€™une avec lโ€™autre.
Lโ€™existence dโ€™un tel rapport permet de justifier la possibilitรฉ dโ€™รฉtudier lโ€™homme par deux attitudes opposรฉes sans crรฉer une dissociation schizophrรฉnique, qui produirait une rupture ร  mรชme lโ€™homme. Si ce dernier peut รชtre รฉtudiรฉ ร  la fois par le savant personnaliste et le savant naturaliste, cโ€™est quโ€™une part de lui appartient ร  la fois ร  la nature et ร  lโ€™esprit : nous faisons ici rรฉfรฉrence ร  lโ€™unitรฉ formรฉe par le corps vivant et lโ€™รขme, le Leib. Husserl parle en effet de ยซ double face ยป ou encore de ยซ double visage ยป pour qualifier cette unitรฉ. Ainsi, lโ€™รขme a une face esprit et une face nature, tout comme le corps vivant a une face esprit et une face nature. En effet, le corps vivant a une face tournรฉe vers lโ€™esprit, car, considรฉrรฉ comme insรฉrรฉ dans le monde environnant, il est un Leib investi de sens. En tant quโ€™ยซ organe du vouloir et du libre mouvementยป dโ€™une personne, et donc investi de sens, il est mรป selon ses prises de position et il est apprรฉhendรฉ par les personnes comme une rรฉalitรฉ de lโ€™esprit qui exprime un sens. Il tourne รฉgalement une face vers la nature puisque, en tant quโ€™organe de la perception, il donne ร  la conscience les choses sensibles selon le corps matรฉriel.

Dรฉfinition nรฉgative et positive du monde environnant

Dans quel monde vit la personne ? Dans la mesure oรน, ร  un sujet, est corrรฉlatif un certain type dโ€™apprรฉhension du monde, cette question peut รชtre reformulรฉe en une autre qui serait la suivante : dans quel type de monde vit-elleโ€‰? Autrement dit quel est le monde qui correspond au sujet particulier quโ€™est la personne de telle sorte que ce monde soit corrรฉlรฉ au type dโ€™apprรฉhension qui lui est propre ? Ce ร  quoi, en citant les premiรจres lignes du paragraphe 55, nous pouvons rรฉpondre:ยซ Un tel ego de lโ€™intentionnalitรฉ se rapporte, dans le cogito, ร  son monde environnant et particuliรจrement ร  son monde environnant realยป. Le monde de la personne est donc pour Husserl un monde environnant (Umwelt). Une interrogation quant au type de rapport que la personne entretient avec lui peut surgir, puisquโ€™il poursuit en รฉcrivant : ยซ Ce rapport nโ€™est immรฉdiatement nullement un rapport rรฉal, mais bien un rapport intentionnel ร  un realยป. Le problรจme est donc le suivant : le monde environnant de la personne est qualifiรฉ de real, mais tout rapport real immรฉdiat de la personne ร  son monde environnant est exclu, le rapport dรฉfendu รฉtant le rapport intentionnel. Si un rapport real immรฉdiat est exclu dans le monde environnant, la prรฉcision ยซ nโ€™est immรฉdiatement nullement un rapport realโ€‰ยป va cependant en faveur de lโ€™existence dโ€™un rapport real mรฉdiat. On peut en effet admettre lโ€™existence dโ€™un tel rapport dans le monde environnant, mais uniquement par la mรฉdiation du rapport intentionnel. La personne, en tant que sujet agissant dans le monde, qui le transforme, agit effectivement avec les autres et avec elle-mรชme, est en effet dans des rapports real mais de tels rapports sont des comportements produits en rรฉaction ร  des rapports intentionnels.
Le monde environnant รฉtant donc le monde dans lequel seuls rรจgnent des rapports de type intentionnel et de tels rapports รฉtant des visรฉes partant toujours dโ€™une conscience, donc dโ€™un sujet, nous pouvons en dรฉduire que le monde environnant est un monde pour un sujet. Un bref retour sur le terme allemand peut nous apporter un premier รฉclairage et va dans ce sens : ยซ Um ยป signifiant ยซautourยป et ยซWeltยป signifiant monde, lโ€™Umwelt est donc le monde autour dโ€™un sujet.

Constitution rรฉciproque entre la personne et le monde environnant

De cette thรจse de la constitution rรฉciproque, nous pouvons en tirer que le monde environnant de telle personne nโ€™est pas celui de telle autre personne. Nous sommes revenus sur le fait que le monde environnant est un monde ยซ pour moi ยป, nous avons compris ce monde ยซ pour moi ยป dans son opposition au monde ยซ en soi ยป, ce qui permettait dโ€™insister sur la constitution subjective du monde environnant. Cette caractรฉrisation peut รชtre abordรฉe sous un second angle : on peut รฉgalement comprendre le monde ยซ pour moi ยป en opposition au monde pour toi, qui serait le monde de lโ€™autre personne. En effet, chaque personne a son propre monde environnant, comme le montre la phrase suivante : ยซ En tant que personne je suis ce que je suis (et toute personne est ce quโ€™elle est) en tant que sujet dโ€™un monde environnant ยป. Lโ€™auteur insiste sur le fait que lโ€™autre personne nโ€™est pas ce que je suis moi, mais bien ce quโ€™elle est, elle, puisque ce que je suis, je le suis corrรฉlativement ร  mon monde environnant. Pourtant, si Husserl insiste sur lโ€™appartenance exclusive dโ€™un monde environnant ร  une personne particuliรจre, il nโ€™exclut pas lโ€™autre dans la constitution du sujet personnel, bien au contraire. Comme nous le verrons dans la derniรจre partie, Husserl fait en effet de lโ€™existence des autres personnes la condition de la reconnaissance de soi en tant que personne. Dans la Postface aux Idรฉes directrices, certainement parce quโ€™il est dans une posture de dรฉfense face aux objections, la corrรฉlation entre ce que je suis et la faรงon dont le monde mโ€™apparaรฎt est exposรฉe de faรงon encore plus explicite : Je ยซ suis ยป uniquement dans la mesure oรน je me pose comme sujet pour ce monde qui, lui-mรชme, se trouve alors posรฉ comme monde dont je suis conscient dโ€™une certaine maniรจre, comme mโ€™apparaissant sous une certaine forme, comme monde auquel je crois, sur lequel je porte des jugements prรฉdicatifs, auquel jโ€™attribue des valeurs et ainsi de suite.

La libertรฉ de la personne

La personne ainsi dรฉfinie comme ego ยซ consistant et persistant ยป, soumis ร  des tendances et influences et inscrite au sein dโ€™un dรฉveloppement qui forme son histoire, il convient en dernier lieu de sโ€™intรฉresser ร  la libertรฉ dโ€™un tel sujet. Pour Husserl la libertรฉ est ยซ autonomie de la raison ยป. Il semble ainsi associer la libertรฉ de la personne ร  la raison et inversement la non-libertรฉ de la personne ร  la sensibilitรฉ. Cโ€™est donc dans le fait de cรฉder rationnellement ร  une excitation que la libertรฉ trouve lโ€™occasion de sโ€™exercer. Lโ€™autonomie, qui se distingue de lโ€™indรฉpendance, รฉtant le fait de se dรฉterminer par soi-mรชme, il sโ€™agit pour la personne de cรฉder ou rรฉsister ร  une excitation selon ses propres dรฉterminations, de sorte que toute conscience dโ€™objet ou prise de position ne relรจve que dโ€™elle-mรชme. Un problรจme se pose pourtant, Husserl admet, mรชme dรฉfend, lโ€™existence dโ€™influences รฉtrangรจres. On peut donc se demander si la personne peut vรฉritablement รชtre un ego libre ? Si tel est le cas, alors dans quelle mesure la personne peut-elle รชtre soumise ร  des influences extรฉrieures, tout en agissant de faรงon autonome, cโ€™est-ร -dire en agissant selon des dรฉterminations qui ne proviennent que dโ€™elle-mรชme ? Husserl caractรฉrise la personne comme ยซ le sujet qui est libre et asservi ยป, nous pouvons formuler trois hypothรจses ร  lโ€™รฉgard de cette dรฉfinition, qui semble, ร  premiรจre vue, contradictoire. Soit, la personne est dans certains actes un sujet libre et dans dโ€™autres un sujet asservi. Soit, dans tous ses actes elle est ร  la fois libre et asservie. Soit, certes la personne reรงoit des influences venant de lโ€™extรฉrieur, mais elle se les approprie de telle sorte quโ€™elle devient une personne unitaire et libre dont la constitution intรจgre les influences extรฉrieures.

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Table des matiรจres

INTRODUCTIONย 
PREMIERE PARTIE : PERSONNE ET SUJET : QUEL TYPE DE SUJET EST LA PERSONNEโ€‰?
CHAPITRE 1 : LA PERSONNE COMME TYPE DE SUJET PARTICULIER : Lโ€™EGO SPIRITUEL
1. La personne et la chose matรฉrielle
2. La personne et les autres formes de la subjectivitรฉ
a. Lโ€™Ego pur
b. Lโ€™Ego animal
c. Lโ€™Ego-homme
3. ร‰bauche de dรฉfinition positive de la personne
CHAPITRE 2 : Lโ€™ATTITUDE PERSONNALISTE COMME ATTITUDE PROPRE A LA PERSONNE
1. Lโ€™attitude personnaliste comme attitude du sujet personnel et du scientifique de lโ€™esprit : lโ€™attitude personnaliste par rapport ร  lโ€™attitude naturaliste
2. Lโ€™attitude personnaliste comme attitude dโ€™un sujet au sein dโ€™une collectivitรฉ : attitude pratique et attitude mythico-religieuse
CHAPITRE 3 : LA PERSONNE DANS LA DISTINCTION NATURE-ESPRIT : LE RAPPORT
DE LA PERSONNE AVEC LE MONDE DE LA NATURE
1. Double rapport de subordination entre attitude personnaliste et attitude naturaliste..27
2. Hypothรจse et refus du parallรฉlisme
3. La nature comme soubassement obscur qui conditionne la vie de la personne par la
mรฉdiation du Leib
SECONDE PARTIE : CONSTITUTION DE LA PERSONNE : UN EGO EN DEVENIR AU SEIN Dโ€™UN MONDE ENVIRONNANT ET UNIFIE PAR LA LOI DE MOTIVATION
CHAPITRE 4 : LA PERSONNE AU CENTRE DE SON MONDE ENVIRONNANT
1. Dรฉfinition nรฉgative et positive du monde environnant
2. Les composantes du monde environnant
3. Constitution rรฉciproque entre la personne et le monde environnant
CHAPITRE 5 : LA MOTIVATION : LA LOI STRUCTURALE DE LA VIE DE LA PERSONNEย 
1. Spรฉcificitรฉ de la motivation : รฉtude comparรฉe ร  la causalitรฉ naturelle
2. Que veut dire motiver ?
CHAPITRE 6 : Lโ€™UNITE DE LA PERSONNE
1. Un dรฉveloppement permanent : la personne au sein dโ€™une histoire
2. La machinerie des vรฉcus unifiรฉe par le fil directeur de la motivation
3. Personnalitรฉ, typique et caractรจre
4. Habitualitรฉ, habitus et habitude
5. La libertรฉ de la personne
TROISIEME PARTIE : CONDITION DE LA CONSTITUTION DE LA PERSONNE : LA PERSONNE ET Lโ€™AUTRE
CHAPITRE 7 : Lโ€™AUTRE PERSONNEย 
1. Un solipsisme est-il envisageable ?
2. Constitution rรฉciproque entre personnes
3. Reconnaissance de lโ€™autre comme personne
CHAPITRE 8 : LA COMPREHENSION COMME CONDITION DE TOUTE COMMUNAUTE
DE PERSONNES
1. Comprรฉhension, expression et communication
2. Comprรฉhension et unitรฉ somato-spirituelle : le corps comme mรฉdiateur de lโ€™expression
3. La communication comme condition et signe de lโ€™intersubjectivitรฉ personnelle
4. Distinction entre le monde environnant de communication et le monde environnant
commun
CHAPITRE 9 : LA PERSONNE DE DEGRE SUPERIEUR : LES COMMUNAUTES DE
PERSONNESย 
1. Distinction entre collectivitรฉ et communautรฉ de personnes
2. Du ยซ je ยป au ยซ nous ยป : La constitution intersubjective dโ€™un monde socioculturel
3. Un exemple de personne dโ€™ordre supรฉrieur : lโ€™Europe
CONCLUSION

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