Le contrat de Hobbes
ย ย Thomas Hobbes, expose sa thรฉorie du contrat dans son ouvrage Le Lรฉviathan (1650). Il part ainsi dโune analyse de la sociรฉtรฉ humaine caractรฉrisรฉe par un conflit permanent dโintรฉrรชts qui aboutit le plus souvent ร lโusage de la force physique qui entraine trรจs frรฉquemment des guerres entre les hommes et entre les sociรฉtรฉs humaines elles-mรชmes. Ce qui lโamรจne ร conclure que lโhomme est un loup pour lโhomme. Ce ยซ horrible รฉtat de guerre de chacun contre chacun ยป (Thomas Hobbes, Le Lรฉviathan, I, XIII) menace non seulement la conservation des hommes mais aussi rend impossible lโinstauration du lien social sans lequel la vie humaine serait impossible. Ce contexte dโinsรฉcuritรฉ est caractรฉrisรฉ par lโusage du droit naturel qui transforme la sociรฉtรฉ en une jungle oรน les plus forts รฉcrasent les plus faibles. Car ยซ Lร oรน n’existe aucun pouvoir commun, il n’y a pas de loi. Lร oรน n’existe pas de loi, il n’y a aucune injustice ยป. Et ยซ Dans un tel รฉtat , il n’y a aucune place pour un activitรฉ laborieuse , parce que son fruit est incertain; et par consรฉquent aucune culture de la terre, aucune navigation, aucun usage de marchandises importรฉes par mer, aucune construction convenable, aucun engin pour dรฉplacer ou soulever des choses telles qu’elles requiรจrent beaucoup de force; aucune connaissance de la surface de la terre, aucune mesure du temps; pas d’arts, pas de lettres, pas de sociรฉtรฉ, et, ce qui le pire de tout, la crainte permanente, et le danger de mort violente; et la vie de l’homme est solitaire, indigente, dรฉgoรปtante, animale et brรจve ยป . Et dans une telle situation, personne nโest assez fort pour assurer sa survie et sa conservation pendant longtemps. Ce contexte que nous venons de dรฉcrire est celui de lโรฉtat de nature hobbesien qui dรฉsigne la situation hypothรฉtique de dรฉpart qui lui sert de cadre pour รฉlaborer sa conception de la justice. En effet, Thomas Hobbes considรจre que, รฉtant donnรฉ les hommes doivent vivre ensemble dans une mรชme sociรฉtรฉ, et vu leur tendance naturelle ร sโentredรฉtruire, il serait donc essentielle, pour assurer leur conservation et les garder ร lโabri des menaces, dโรฉtablir des rรจgles pour les protรฉger les uns contre les autres. Ces rรจgles doivent faire lโobjet dโun contrat รฉtabli entre tous les membres de la sociรฉtรฉ ; et lequel contrat est garanti par une autoritรฉ supรฉrieure en la personne du Lรฉviathan. Ce contrat consiste donc, dโaprรจs Hobbes, ร accepter une obรฉissance inconditionnelle ร cette autoritรฉ afin dโรฉchapper ร la violence de la guerre de chacun contre chacun. Car si chacun dรฉsobรฉit ร la loi selon sa conception personnelle de la justice, cela reviendrait ร ruiner la loi et retomber ร lโรฉtat de nature. En รฉchange de lโobรฉissance, les hommes acquiรจrent la sรฉcuritรฉ. Ainsi, Les deux principes fondamentaux du contrat de Hobbes sont : (a) toute loi est juste ร partir du moment oรน elle est le rรฉsultat dโun contrat ; (b). lโobรฉissance ร cette loi doit รชtre inconditionnelle pour รฉviter de retomber dans lโinsรฉcuritรฉ de lโรฉtat de nature. De lร on peut retenir que lโobjet du contrat de Hobbes est donc la sรฉcuritรฉ. Cependant, le problรจme quโil y a avec le contrat de Hobbes est que lโobรฉissance au Lรฉviathan est inconditionnelle. Dans lโEtat hobbesien, le souverain a un pouvoir absolu sur les autres membres de la sociรฉtรฉ. Cโest une telle idรฉe qui sera le principal point de dรฉsaccord entre le contrat hobbesien et celui de John Locke.
Le contrat de Kant
ย ย Le contrat social dโEmmanuel Kant se distingue des autres formes de contrat que nous venons dโexpliciter en ce quโil est une idรฉe et non un acte. Kant, ร la diffรฉrence de Hobbes, Locke et Rousseau considรจre que le contrat social ne concerne pas directement les citoyens. Il est avant tout un simple principe morale prรฉsent dans lโesprit du lรฉgislateur et qui le conduit ร emmรจtre des dรฉlibรฉrations qui tiennent compte de lโintรฉrรชt collectif. Le contrat kantien nโengage que le souverain ร qui les sujets doivent obรฉir inconditionnellement sans aucune possibilitรฉ de contestation mรชme si celui-ci agit contre les principes du contrat. Cโest un contrat unilatรฉral, une obligation morale qui nโa de sens que pour le souverain. Cโest ce sens que Francis Wodie Vangoch Costa de Marfil dit que dans la thรฉorie kantienne du contrat social, ยซ Alors que le contrat oblige le souverain ร la rรฉforme politique permanente, il ne sโadresse au citoyen quโen tant que sujet ร qui il rรฉclame une obรฉissance absolue et inconditionnelle ยป. Ainsi, en rรฉduisant lโidรฉe du contrat social ร une simple obligation morale qui doit rรฉgir le comportement du souverain, le philosophe de Kรถnigsberg prend le contrepied de Rousseau chez qui le contrat dรฉcoule de la volontรฉ gรฉnรฉrale. Delร , on note chez Kant une prรฉdominance du souverain sur les autres membres de la sociรฉtรฉ. Et cela constitue un รฉniรจme point de dรฉsaccord avec Rousseau chez qui le citoyen a prioritรฉ sur le souverain qui nโest quโun commissaire du peuple. Ainsi, dans le contrat kantien, le sujet est rรฉduit en un simple sujet moral, rationnel et sensible. Toutefois, Kant serait parmi tous les auteurs contractualistes celui qui aurait plus influencรฉ la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ de John Rawls. Cโest prรฉcisรฉment ce rapport dโinfluence qui sera lโobjet du troisiรจme et dernier chapitre de la premiรจre partie de ce mรฉmoire. Mais avant cela essayons de montrer en quoi la conception rawlsienne de la justice est un exemple de la thรฉorie du contrat social.
Le caractรจre kantien de la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ
ย ย De tous les prรฉcepteurs de la thรฉorie du contrat, Emmanuel Kant est celui qui aura le plus influencรฉ John Rawls. Cette influence est trรจs explicite surtout dans la conception de la justice comme รฉquitรฉ que Rawls lui-mรชme considรจre comme thรฉorie essentiellement kantienne. Car il affirme que : ยซ Les deux principes de la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ sont analogues ร des impรฉratifs catรฉgoriques au sens kantien ยป. Ainsi, Rawls, mรชme sโil ne dรฉclare pas รชtre kantien dans le sens propre du terme, assume avoir beaucoup subi son influence. Ce qui explique la reprise de plusieurs concepts kantiens dans la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ. Tout dโabord lโidรฉe de la prioritรฉ de la justice qui constitue le fondement mรชme de la thรฉorie rawlsienne est un concept typiquement kantien. Ainsi, Rawls comme Kant considรจre la justice comme le plus important de tous les biens sociaux. Ce caractรจre prioritaire de la justice chez Rawls a des allures purement kantiennes si lโon en croit ร Otfried Hรถffe. Pour ce dernier, mรชme sโil faut le reconnaรฎtre que la seule lecture des รฉcrits de Kant ne nous permet pas de dรฉceler une conception de la justice, car il nโen fait allusion dans aucun de ses ouvrages. Toutefois nous pouvons sous-entendre, dโaprรจs la majeure partie de ses commentateurs, que Kant fait de la justice une prioritรฉ sur les autres types de biens sociaux. Par consรฉquent quand Rawls fait de la justice une vertu absolument premiรจre des institutions sociales, il ne fait que rejoindre Kant dans sa dรฉmarche. Hรถffe disait ร ce propos : ยซ รtant donnรฉ que Rawls dรฉfinit la justice comme ยซ la vertu absolument premiรจre des institutions sociales ยป, il a indubitablement dรฉveloppรฉ une thรฉorie de la justice kantien au sens faible. ยป. En plus, chez Rawls comme chez Kant les libertรฉs individuelles et les droits bรฉnรฉficient dโune inviolabilitรฉ fondamentale. Selon lโauteur de Thรฉorie de la justice, une sociรฉtรฉ est bien ordonnรฉe si elle permet ร tous ses membres de jouir dโun systรจme maximal de libertรฉ et de droit. Dans une telle sociรฉtรฉ, les libertรฉs individuelles sont garanties et protรฉgรฉes par la conception publique de la justice. Et elles ne peuvent รชtre violรฉes sous prรฉtexte que cela permettrait dโamรฉliorer le niveau de dรฉveloppement รฉconomique et technologique de la sociรฉtรฉ. Rappelons que pour lโutilitarisme, la justice nโest exigรฉe que pour autant quโelle maximise le bien-รชtre de tous ceux quโelle concerne. La justice est donc fonction du bien-รชtre collectif et, par consรฉquent, le niveau de la satisfaction collective a prioritรฉ absolue sur les libertรฉs individuelles. C’est dire qu’une sociรฉtรฉ esclavagiste ou fรฉodale, de mรชme quโun Etat policier ou militaire, seraient alors non seulement permis mais normalement prescrit, car, si leur excellente organisation porte peut-รชtre atteinte, fut-ce gravement, ร la libertรฉ individuelle et implique des inรฉgalitรฉs criantes, elle garantit cependant un plus grand avantage collectif. Par contre, pour Rawls, lโidรฉe justice exige pour chaque individu des droits inaliรฉnables, nous appelons les droits de lโhomme, qui ne sauraient รชtre sacrifiรฉs mรชme pour le bien-รชtre de la sociรฉtรฉ dans son ensemble. Sur ce plan, Rawls se rรฉfรจre au philosophe de Kรถnigsberg, et affirme que sa thรฉorie anti-utilitariste est une thรฉorie kantienne de la justice. Ainsi, sโil parle dโune inviolabilitรฉ fondamentale des libertรฉs individuelles, il ne fait en cela que reprendre Kant qui disait dรฉjร dans ces Fondements de la mรฉtaphysique des mลurs : ยซ Lโhomme, et en gรฉnรฉral tout รชtre raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme un moyen dont telle ou telle volontรฉ puisse user ร son grรฉ ยป. Autrement dit, tout homme a des droits et des libertรฉs inaliรฉnables qui assurent sa conservation dans la sociรฉtรฉ mais aussi qui lui permettent de vivre en รฉgale dignitรฉ avec ses semblables. Et dans sa Doctrine du droit, Kant affirme encore lโidรฉe dโun droit innรฉ pour tous les hommes, c’est-ร -dire un droit inaliรฉnable et inviolable qui intrinsรจque ร sa nature dโhomme. Ainsi donc, aucun citoyen ne peut et ne doit servir comme moyen pour la rรฉalisation dโun objectif รฉconomique, social ou politique, fut-il pour lโatteinte dโune plus grande somme de bien-รชtre de tous les membres de la sociรฉtรฉ. A cet effet, il apparait clairement que le premier principe de la justice comme รฉquitรฉ est fortement kantien en ce quโil considรจre les libertรฉs individuelles comme prioritaires sur tous les autres formes biens sociaux primaires. Rawls nโest donc en rien original quand il parle de systรจme le plus รฉtendu de libertรฉ de base pour tous les membres de la sociรฉtรฉ. En outre, Rawls, dans lโรฉlaboration de sa position originelle, reprend les concepts kantiens dโautonomie et lโimpรฉratif catรฉgorique qui lui permettent de rendre raisonnables et universelles les deux principes qui dรฉcoulent du contrat initial. C’est une telle idรฉe que Hรถffe tente dโexpliciter dans cette phrase : ยซ Il (Rawls) se base รฉgalement sur le concept kantien dโautonomie et de la position originelle comme une interprรฉtation opรฉratoire des concepts kantiens dโautonomie et lโimpรฉratif catรฉgorique ยป. En effet, pour Emmanuel Kant des principes de la justice doivent รชtre universalisable cโest-ร -dire ils doivent รชtre applicables partout et en toute circonstance. Ils sont en cela des impรฉratifs catรฉgoriques et non des impรฉratifs hypothรฉtiques. ยซ Les principes de justice choisis sous le voile dโignorance ont la signification dโimpรฉratifs catรฉgoriques ยป affirmait encore Hรถffe. Et Rawls en mettant le voile sur toutes les particularitรฉs concernant les personnes prรฉsentes dans cette position originelle cherchait tout simplement ร rendre raisonnables et universels les principes de la justice choisis. Et en cela, il est kantien.
Le Rationnel et le Raisonnable
ย ย Dans lโรฉlaboration de la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ, Rawls suppose que les personnes prรฉsentes dans la position originelle sont rationnelles. Cela veut dire que, dans le choix des principes de la justice, elles ne donneront leur consentement quโaux principes quโils croient รชtre les mieux aptes ร favoriser leurs systรจmes de fins personnels. Ainsi, รฉtant donnรฉ que les partenaires dans la position originelle ne sont pas indiffรฉrents ร la faรงon dont la rรฉpartition des biens sociaux premiers est organisรฉe, chacun essaie dโobtenir une plus grande part de biens que moins. Et ceci est dรป au fait que ยซ Les personnes placรฉes dans la position originelle sont rationnelles ยป. Cette rationalitรฉ, comme je lโai dรฉjร dit, renvoie ร lโattitude des personnes placรฉes dans cette situation hypothรฉtique ร favoriser leurs avantages personnels et ร suivre le projet qui, ร leurs yeux, a plus de chance de rรฉussite. Et pour ce fait, ces partenaires en tant quโagents rationnels et soucieux de la satisfaction de leurs intรฉrรชts particuliers, donneront leur accord pour des principes de la justice qui pourront les assurer plus de chance de rรฉaliser leurs conceptions particuliรจres du bien. En cela, ils manifestent dans leur comportement cet aspect de la rationalitรฉ qui est implicite dans la thรฉorie sociale. ยซ Le concept de rationalitรฉ utilisรฉ ici, ร lโexception dโun trait essentiel, est celui qui est bien connu dans la thรฉorie sociale ยป disait Rawls. Dรจs lors, on nous prรฉsente une personne rationnelle comme ayant un ensemble cohรฉrent de prรฉfรฉrences face aux nombreuses possibilitรฉs disponibles. Cette rationalitรฉ des partenaires est la reprรฉsention dans la position originelle de la capacitรฉ du citoyen ร disposer dโune conception du bien qui est lโune des deux facultรฉs morales qui caractรฉrisent les membres dโune sociรฉtรฉ dรฉmocratique. Ces deux facultรฉs que nous venons dโexpliciter rendent les partenaires capables de sโengager dans une coopรฉration sociale pendant tout la durรฉe de leur vie. Ce concept de la rationalitรฉ ainsi que le voile dโignorance sont les principaux รฉlรฉments qui caractรฉrisent la position originelle. Toutefois, il nous faut aussi reconnaitre que ce comportement rationnel, sโil nโest pas limitรฉ, risque dโentrainer lโรฉmergence des sentiments รฉgoรฏstes. Ce qui fait dire ร Rawls que les partenaires dans la situation hypothรฉtique, mรชme sโils sont rationnels, sont pour autant raisonnables. En effet, les partenaires, sโils sont reprรฉsentรฉs comme รฉtant libres de choisir dans une liste de conceptions traditionnelles de la justice celle qui doit arbitrer la rรฉparation des avantages sociaux issus de la coopรฉration, ils nโont pas pour autant les mains libres ; car leur choix est conditionnรฉ par un certain nombre de restrictions. La premiรจre restriction est que ces principes de la justice sont choisis derriรจre un voile dโignorance. En cela, les partenaires, bien quโรฉtant des agents rationnels, ne pourront pas favoriser leurs propres intรฉrรชts pour la seule et simple raison quโils ne savent mรชme pas ce qui pourrait รชtre leur avantage. En plus, le choix des principes est soumis ร des contraintes formelles qui visent ร chasser de la position originelle toute les formes dโรฉgoรฏsme qui risquent dโinfluencer le choix des principes de la justice. Voilร dโune maniรจre gรฉnรฉrale ce que Rawls entend par le Raisonnable. Ce concept sโexprime ร travers des contraintes et des restrictions imposรฉes aux personnes prรฉsentes dans la position originelle. Ces restrictions dรฉfinissent le contexte dโรฉlaboration du contrat, limitent le cadre de dรฉlibรฉration des contractants et instaurent lโรฉgalitรฉ des conditions en situant les partenaires symรฉtriquement les uns par rapport aux autres dans la situation initiale. Ce Raisonnable est donc incorporรฉ aux dispositions de la position originelle qui se manifestent ร travers les contraintes formelles du juste. Cโest que Rawls affirme ici : ยซ Ainsi, dans la position originelle, nous considรฉrons que le Raisonnable est exprimรฉ par lโensemble des contraintes auxquelles sont soumises les dรฉlibรฉrations des partenaires ยป. Ces restrictions sont en plus des contraintes formelles du juste, le voile dโignorance et lโรฉgalitรฉ des partenaires telles que dรฉfinie dans la description de la position originelle. En outre, le Raisonnable symbolise dans la situation hypothรฉtique la capacitรฉ dโun sens de la justice. Cโest-ร -dire le pouvoir quโa le citoyen de comprendre, dโexpliquer et dโagir conformรฉment aux principes de la justice qui spรฉcifient les termes รฉquitables de la coopรฉration sociale. Cโest donc lโune des deux facultรฉs morales inhรฉrentes ร un citoyen dโune sociรฉtรฉ bien ordonnรฉ. Avant de conclure ce point, nous disons que dans la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ, le Rationnel est contenu dans le Raisonnable qui sโexprime ร travers des restrictions imposรฉes aux personnes prรฉsentes dans la situation contractuelle. Dรจs lors, chez Rawls, de mรชme le juste ร prioritรฉ sur le bien, de mรชme le Raisonnable encadre et conditionne le Rationnel. Cโest ce quโil confirme en ces termes: ยซ Le Raisonnable prรฉsuppose et conditionne le Rationnel. Il dรฉfinit les termes รฉquitables de la coopรฉration que tous les membres dโun groupe quelconque, constituรฉ de personnes identifiables sรฉparรฉment, accepteraient, chacun possรฉdant et exerรงant les deux facultรฉs morales (qui caractรฉrisent les citoyens dโune sociรฉtรฉ bien ordonnรฉe) ยป. Dans la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ, la reprรฉsentation du Raisonnable dans la position originelle conduit aux deux principes de la justice.
Les concepts rawlsiens de justice procรฉdurale pure et dโรฉquitรฉ
ย ย Tout au long de son ouvrage Thรฉorie de la Justice, Rawls ne cesse de rรฉpรฉter que sa Thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ est un exemple de justice procรฉdurale pure. Mais faut-il encore comprendre ce quโest une justice procรฉdurale pure ? On dit quโune conception de la justice est une justice procรฉdurale pure sโil nโy a pas de critรจre indรฉpendant de la procรฉdure suivie et qui permettrait de dรฉcider du rรฉsultat. Elle implique, en cela, que le rรฉsultat ne soit pas dรฉfini avant la fin de la procรฉdure mais quโil soit plutรดt la consรฉquence inconnue de lโaboutissement de celle-ci. Par exemple la nature des principes qui seront choisis dans la position originelle ne doit pas รชtre connue avant la fin de la procรฉdure de choix. Les principes ne doivent se rรฉvรฉler aux partenaires quโaprรจs quโils aient รฉtรฉ soumis ร des contraintes et des restrictions grรขce auxquelles ils seront ajustรฉs et conformรฉes. On comprend mieux ce concept avec lโexemple du jeu de hasard. Cโest-ร -dire que celui qui participe ร ce jeu ne sait pas ร lโavance le rรฉsultat ; il joue conformรฉment aux rรจgles รฉtablis. Et ce nโest que par rapport ร cela que le rรฉsultat est connu et rรฉvรฉlรฉ au mรชme moment ร tous les participants. La justice procรฉdurale pure est donc une sorte de tirage au sort. Si donc Rawls affirme avec tant dโรฉnergie que sa thรฉorie de la justice est un exemple de justice procรฉdurale pure, cโest simplement pour nous faire comprendre que les partenaires se sont prรฉsentรฉs dans la position originelle sans avoir au prรฉalable une idรฉe de la nature des principes qui seront choisis ou des consรฉquences de leur application dans leur projet de vie individuels. Cโest ce qui justifie que lโapplication des principes rawlsiens de la justice permet dโaboutir ร un rรฉsultat รฉquitable. Dโoรน le lโappellation thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ. Cโest tout le sens de cette affirmation dโAlain Boyer : ยซ lโรฉquitรฉ des conditions du choix garantit lโรฉquitรฉ de son rรฉsultat ยป En effet, ce contexte รฉquitable qui caractรฉrise la procรฉdure de choix est garanti par les restrictions imposรฉes aux partenaires prรฉsents dans la position originelle. Et ses restrictions renvoient au voile dโignorance, ร la rationalitรฉ, ร lโรฉgalitรฉ, au dรฉsintรฉrรชt mutuel des partenaires et aux contraintes formelles imposรฉes aux partenaires. Par consรฉquent, les principes de la justice choisis par les partenaires devraient dans leur application permettre, dans la rรฉpartition des biens sociaux premiers, de favoriser les plus dรฉsavantagรฉs afin de compenser les inรฉgalitรฉs naturelles la structure sociale. Car un traitement รฉquitable suppose que lโon corrige certains รฉcarts que la loi nโa pas prรฉvus. ยซ LโEquitable, tout en รฉtant juste, nโest pas juste selon la loi, mais un correctif de la justice lรฉgale ยป disait Aristote dans Ethique ร Nicomaque. Et cโest en cela que la thรฉorie rawlsienne de la justice est un exemple de socialdรฉmocratie.
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Table des matiรจres
PREMIERE PARTIE : LA THEORIE DU CONTRAT SOCIAL : JOHN RAWLS ET SES INFLUENCES
Chapitre I : Le contrat social : Genรจse et รฉvolution du concept
Chapitre II : La justice comme รฉquitรฉ : une thรฉorie du contrat social
Chapitre III : Le caractรจre kantien de la thรฉorie de la justice comme รฉquitรฉ
DEUXIEME PARTIE : LA POSITION ORIGINELLE
Chapitre I : Prรฉsentation, description et justification de la position originelle
a) Prรฉsentation et description
b) Justification de la position originelle
Chapitre II : Les circonstances de la justice
1)Lโhistoire du concept de la justice
2)Le contexte de la justice
a. Les circonstances objectives
b. Les circonstances subjectives
Chapitre III : La libertรฉ, lโรฉgalitรฉ, la rationalitรฉ et le dรฉsintรฉrรชt mutuel des partenaires
1. La libertรฉ et lโรฉgalitรฉ des partenaires
2. La rationalitรฉ et le dรฉsintรฉressement mutuel des partenaires
a) Le Rationnel et le Raisonnable
c. Le dรฉsintรฉressement mutuel des partenaires
TROISIEME PARTIE : LE CHOIX DES PRINCIPES
Chapitre I : Le voile dโignorance et les contraintes formelles
a) Le voile dโignorance
Chapitre II : Les deux principes de la justice comme รฉquitรฉ
a) Les concepts rawlsiens de justice procรฉdurale pure et dโรฉquitรฉ
b) Les principes
Chapitre III : Le problรจme de la prioritรฉ
a) La prioritรฉ des libertรฉs de base
CONCLUSION
Bibliographie
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