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JUSTIFICATIONS ET OBJECTIFS : DE L’ETUDE LES ENJEUX GLOBAUX DES BIORESSOURCES ET DES SAVOIRS TRADITIONNELS ASSOCIES
Le monde d’aujourd’hui est confronté à des problèmes globaux : le réchauffement global, la famine, la pauvreté, l’érosion de la biodiversité… Les causes en sont nombreuses. Pour notre part, il s’agit de se demander si à travers l’étude des savoirs traditionnels on pourrait proposer des solutions. Quels rôles peuvent-ils jouer dans ces contextes ?
Les savoirs traditionnels doivent être promus, carils constituent un véritable gage de survie pour les communautés de base (A). Ils doivent êtrevalorisés pour constituer un levier de développement [durable] (B).
Les savoirs traditionnels : un gage de survie pour les communautés de base
La grande île, un pays mégadivers [ ] qui s’ignore ? Avec sa superficie de 589 269 km² Madagascar est la quatrième plus grande île du monde. Sa population s’élève à 21 millions dont 75 % sont des ruraux et vivent dans des conditions précaires. Les savoirs traditionnels leur sont vitaux, car d’eux dépendent leur survie. Concernant d’abord, leur alimentation, puis leur santé.
A Madagascar, le type d’agriculture qui prédomine est l’agriculture de subsistance. Les agriculteurs ont depuis des siècles perpétués leursconnaissances agricoles grâce auxquelles ils ont pu développer et sélectionner des variétés delantesp qui sont capables de survivre malgré l’hostilité de leur environnement et du climat. La disparition de ces savoirs aura nécessairement un impact négatif sur la vie des communautés de base. Elles seront obligées de trouver d’autres moyens de subsistance incertains.
En ce qui concerne la santé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), définie la médecine traditionnelle comme : « les pratiques, méthodes, avoirs et croyances en matière de santé qui impliquent l’usage à des fins médicales de plantes, de parties d’animaux et de minéraux, de thérapies spirituelles, de techniques et d’exercices manuels séparément ou en association pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies oupréserver la santé » [ ].
Très largement répandue en Afrique, la médecine parllèle est utilisée par 80 % de la population. Pour Madagascar ce chiffre est aussi valable. Le recours à cette pratique est justifié par des raisons à la fois financière et culturelle. Les médicaments génériques sont difficiles d’accès dans les milieux ruraux. La considération holistique et spirituelle des maladies. Que ces dernières ne peuvent être chasséeque par les guérisseurs traditionnels [le « mpimasy », le « mpisikidy » et/ou l’ « ombiasy »] qui prescrivent alors des remèdes [les « fanafody »] essentiellement à base de plante.
L’efficacité de cette pratique est difficile à comprendre aussi bien pour les paysans que pour les chercheurs. Mais certains d’entre eux [Ratsimamanga, par exemple] ont su cependant déceler les « vertus scientifiques » de certaines plantes et en ont fait des produits de type moderne utilisés dans le monde entier. Dans ce cadre, l’importance économique des savoirs traditionnels n’est plus à démontrer.
Les savoirs traditionnels : un levier de développement à valoriser
En dépit de ses ressources naturelles, la quasi-totalité des pays du continent noir sont classés parmi les pays les moins avancés (PMA) dont Madagascar, cadre particulier de notre étude ne fait pas exception. L’Afrique est connue par l’abon dance de ses ressources naturelles. Pour les économistes, ces ressources constituent un véritable « capital » qu’il convient d’exploiter. En Afrique, elles sont sous-exploitées, non valorisées.
Les chiffres suivants montrent l’importance du marché de la biodiversité (1). Ce qui doit inciter les Etats à instaurer des règles juridiques pour encadrer ce marché. Pour Madagascar, il en sera fait un état des lieux (2).
Les savoirs traditionnels en chiffre
L’importance du marché des savoirs traditionnels est indéniable. « Selon le Jardin botanique de Londres, l’industrie pharmaceutique rapporte, dans le monde entier, environ 75 milliards, l’industrie de semence 30 milliards et les autres secteurs plus de 60.00 milliards ». Les flux des ressources génétiques sont presque immesurables, étant estimés entre « 500 et 800 milliards annuels aux champs de la biotechnologique, agro-industriel, pharmaceutique… » [32] [les chiffres sont exprimés en dollar étasunien].
D’après le Global Industry Guide de 2008 de MarketLine Biotechnology, le marché mondial de la biotechnologie a crû de 10,6 % en 2007 pour atteindre une valeur de 171 803 millions de dollars des Etats-Unis et le taux de croissance composé entre 2003 et 2007 était de 10,7 %. D’après le rapport Asia Pacific Biotechnology Market de 2008, le marché de la biotechnologie dans la région de l’Asie du Pacifique a augmenté deplus de 11 % entre 2004 et 2006 pour une valeur de marché de 39,16 milliards de dollars à la fin 2006.
L’utilisation des savoirs traditionnels pour développer des innovations dans le secteur de la biotechnologie est une source certaine de développement économique à condition que cette utilisation soit soumise à un mécanisme approprié de partage des avantages.
Un tel mécanisme existe-t-il à Madagascar ? Il convient pour le savoir de faire un état des lieux de la protection des savoirs traditionnels à Madagascar.
L’exploitation et la protection des savoirs traditionnels à Madagascar : état des lieux
Par rapport à ses compères, Madagascar accuse un retard certain dans la mise en œuvre nationale de la protection des savoirs traditionnels. Pour l’heure, une loi spécifique allant dans ce sens n’existe pas. Mais en tout état de cause, outre les textes relatifs à la propriété intellectuelle moderne : l’Ordonnance n° 89-019 du 31 juillet 1989 instituant un régime pour la protection de la propriété industrielle en République démocratique de Madagascar et dont l’application fait l’objet de controverses ardentes , on peut citer quelques textes qui ont le mérite d’être pertinents.
En 1995 la loi relative à la gestion locale des res sources naturelles renouvelables [33] appelée communément, loi GELOSE a pour buts essentiels : «1. De permettre la participation effective des populations rurales à la conservation durable des ressources naturelles renouvelables […] [34] » ; 2. de valoriser ces dites ressources, afin que les communautés de base « […] auront droit à certains avantages pour l a commercialisation et la valorisation des ressources renouvelables et des produits dérivés [… ], et 3. d’assurer par une meilleure valorisation une gestion viable et durable à long t erme des ressources dont la gestion leur est concédée et la conservation globale de la biodiversité des ressources de leur terroir [ ] ».
Aucun article de cette loi ne fait mention des savoirs traditionnels. Mais elle parle de « certificat d’origine de ressources et des produits dérivés » sans donner une ample explication. Doit-on entendre par « produits dérivés » les savoirs traditionnels associés aux ressources biologiques ? Et qu’en est-il de ce « certificat d’origine » ?
En ce qui concerne les expressions culturelles traditionnelles, la loi n° 94-036 du 18 septembre 1995 portant régime du droit d’auteur dispose que les expressions du folklore seront soumises à un système sui generis [36]. Ce régime sui generis n’est pas encore mis en place.
Et notons enfin que le décret n° 2006-095 du 31 janvier 2006 fait entrer dans le droit interne la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. La sauvegarde étant définie comme : « les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, ladocumentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine [37] ».
Déjà, on peut affirmer que l’insuffisance de cadre légal sur le plan national est un problème majeur pour la protection des savoirs traditionnels. Mais dans le monde globalisé, la position du problème est de plus compliquée.
LA POSITION DU PROBLEME : LE DESEQUILIBRE NORD/SUD DANS L’EXPLOITATION DES SAVOIRS TRADITIONNELS
Le monde ne cesse d’évoluer. Nous sommes aujourd’hui dans le cadre de la nouvelle économie, celle dite de la connaissance, du savoir ou encore de l’information. Considérée comme le pilier de la R&D, donc de l’innovation, la connaissance est à la fois un facteur de production et un produit fini.
S’agissant des connaissances particulières que sont les savoirs traditionnels. Ils présentent des enjeux majeurs auxquels les parties prenantes, les communautés traditionnelles des pays du Sud, les firmes agrochimiques des pays du Nord et les défenseurs de l’environnement débattent ardemment pour défendre leurs intérêtsl eurst points de vue.
Notre étude n’entend nullement prendre une position, mais propose des pistes de réflexion dans la recherche de la protection juridique efficace (B) seule garantie de l’exploitation équitable des savoirs traditionnels (A).
L’exploitation des savoirs traditionnels : A la recherche de l’équité
Exploiter peut avoir deux sens : un noble et un péjoratif. Quand on parle de l’exploitation des savoirs traditionnels en Afrique, le mot peut épouser le premier sens comme il peut signifier le deuxième.
Mais quel que soit le sens qu’on lui attribue, il fait actuellement l’objet de vives controverses (1). Le constat est que l’exploitation des savoirs traditionnels est déséquilibrée en défaveur de leurs détenteurs, ce qui justifie pour notre part, la formulation d’un plaidoyer en leur défense (2).
Les controverses autour de l’exploitation des savoirs traditionnels en Afrique
L’exploitation de la diversité bioculturelle fait l’objet de controverses en Afrique [et généralement dans tous les pays du Sud où sont concentrées la grande partie des ressources biologiques mondiales]. Ces controverses sont fondées sur des circonspections d’ordre socioculturel et environnemental (a) et sur des considérations d’ordre juridicoéconomique (b).
Controverses fondées sur des circonspections d’ordre socioculturel et environnemental
Pour certains, les éléments de la biodiversité eta ldiversité culturelle qui s’y rattachent ne sont pas des objets de commerce, une telle transaction ne peut être qu’ethnocide. Les savoirs traditionnels sont enracinés profondément dans la iev quotidienne de la communauté détentrice. Ils conditionnent leur existence et reflètent leur identité propre. L’accès par un tiers, avec ou sans le consentement de la communauté concernée lui est fatalement préjudiciable.
Un tel accès modifiera à jamais son mode de vie et son identité culturelle en pâtira nécessairement. Une partie de leur « patrimoine culturel » tombe dans le « patrimoine industriel » d’un tiers, et ce irréversiblement. On assiste, dans ce cadre à la biopiraterie ou à la piraterie culturelle.
Il y a ensuite, ceux qui réfutent une telle marchandisation pour ses conséquences écologiquement et socialement préjudiciables. L’accès à la diversité bioculturelle favorise l’expérience sur le vivant et la création des nouvelles espèces transgéniques. Ces dernières menacent la survie des variétés naturelles dont l’érosion emporte par effet domino la disparition des savoirs traditionnels qui y sont associés et condamnerait ainsi les communautés autochtones à chercher des moyens de substances alternatifs incertains.
Enfin, pour les autres, la diversité bioculturelleconstitue de véritables richesses qu’il convient de valoriser et d’en faire un instrument de développement durable. Mais dans ce cadre, des controverses juridicoéconomiques partagent les avis.
Controverses fondées sur des considérations d’ordrejuridicoéconomique
Juridiquement, les controverses autour de la question résultent de l’interaction complexe entre le Droit international de la biodiversité et le droit international de la propriété intellectuelle. Notamment, la Convention sur la biodiversité (CDB) et l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant le commerce (AADPIC) entre lesquels une dissension persistante partage les pays du Nord des Pays du Sud.
Les pays fournisseurs de ressources bioculturelles veulent contrôler l’utilisation de ses richesses. Dans cet objectif, c’est la CDB qui répond à leur attente dans la mesure où elle reconnaît la souveraineté [ ] des Etats sur les ressources biologiques. Cette souveraineté est, selon eux, l’assurance de l’équité dans l’exploitation de ces dernières.
Dans ce cadre, la Convention sur la biodiversité oblige les parties à respecter les règles sur l’accès aux ressources biologiques et aux savoirs traditionnels : 1. la nécessité d’un consentement préalable donné en connaissance de cause par l’Etat concerné et 2. le partage juste et équitable des avantages qui résultent deeurl utilisation [39].
Il en est de même concernant l’acquisition de droitde propriété intellectuelle par les pays utilisateurs pour protéger leurs produits biotechnologiques obtenus à partir des ressources biologiques venant du Sud. Seulement, l’Accord sur les ADPIC voit les choses sous un angle différent.
Pour les pays du Nord, utilisateurs des ressources biologiques, l’acquisition de droit de propriété intellectuelle en la matière est régie rpales règles de l’accord sur les aspects de droit de propriété intellectuelle touchant le commerce, otamment les dispositions de l’article 27 [40]. Les dispositions de cet article obligent les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’accepter le brevetage des produits résultant de l’utilisation de la biodiversité, et ce sans pouvoir exiger des conditions de partage de bénéfice équitable tel que la CDB préconise.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE: LES SAVOIRS TRADITIONNELS DANS LE MONDE GLOBALISE
I. PRECISIONS CONCEPTUELLES PRELIMINAIRES
II. JUSTIFICATIONS ET OBJECTIFS DE L’ETUDE : LES ENJEUX GLOBAUX DES BIORESSOURCES ET DES SAVOIRS TRADITIONNELS ASSOCIES
III. LA POSITION DU PROBLEME : LE DESEQUILIBRE NORD/SUD DANS L’EXPLOITATION DES SAVOIRS TRADITIONNELS
PREMIERE PARTIE : LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES SAVOIRS
TRADITIONNELS : LES CADRES JURIDIQUES EXISTANTS
TITRE PREMIER : LES SAVOIRS TRADITIONNELS DANS LE DROIT INTERNATIONAL DE LA BIODIVERSITE
CHAPITRE PREMIER : LA CONVENTION SUR LA BIODIVERSITE ET LES CONNAISSANCES TRADITIONNELLES ASSOCIEES
CHAPITRE DEUXIEME : LE TRAITE INTERNATIONAL SUR LES RESSOURCES PHYTOGENETIQUES SUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE ET LES SAVOIRS TRADITIONNELS AGRICOLES
TITRE DEUXIEME : LES SAVOIRS TRADITIONNELS DANS LE DROIT INTERNATIONAL DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
CHAPITRE TROISIEME : L’ACCORD SUR LES ASPECTS DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE QUI TOUCHENT LE COMMERCE : LA NEGATION DES SAVOIRS TRADITIONNELS
CHAPITRE QUATRIEME: L’ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE : LA NATURE CREATIVE DES SAVOIRS TRADITIONNELS70
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE: UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE RELATIVISEE
DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES SAVOIRS TRADITIONNELS : LES REGIMES JURIDIQUES ENVISAGEABLES
TITRE PREMIER: L’APPLICATION CONTROVERSEE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE AU SAVOIRS TRADITIONNELS
CHAPITRE CINQUIEME : L’APPLICATION DES OUTILS CLASSIQUES DE LA PROPRIETE INTELECTUELLE AUX SAVOIRS TRADITIONNELS
CHAPITRE SIXIEME : L’APPLICATION DES OUTILS SUI GENERIS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
TITRE DEUXIEME : LA PROTECTION DES SAVOIRS TRADITIONNELS PAR DES SYSTEMES SUI GENERIS AUTONOMES
CHAPITRE SEPTIEME : LE CONCEPT DE DROIT DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
COLLECTIF : UNE CONSTRUCTION INACHEVEE
CHAPITRE HUITIEME : L’APPROCHE PAR LA CULTURE LIBRE ET LES BASES DE DONNEES : QUELLE UTILITE POUR LES COMMUNAUTES LOCALES ?
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE : LA POTENTIALITE DES REGIMES JURIDIQUES PROPOSES
CONCLUSION GENERALE : LA NECESSITE D’UNE COOPERATION INTERNATIONALE
BIBLIOGRAPHIE
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