Autodétermination
La prochaine section présente une définition de l’autodétermination, différentes conceptions ainsi que deux modèles permettant d’expliquer son développement: modèle fonctionnel (Wehmeyer, 2003) et écologique (Abery et Stancliffe, 2003a; Bronfenbrenner, 1979).
Définition
Selon la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (2013), l’autodétermination a pour socle le concept de normalisation (Nirje, 1972), les mouvements pour l’autonomie et les droits des personnes handicapées issus des années 1960 et 1970 (Nirje, 1969; Wolfenberger, 1972) ainsi que le mouvement de défense des droits et d’entraide établi en 1980 (Driedger, 1989).
Le concept d’autodétermination est défini par le fait d’exercer du pouvoir sur des sphères de sa vie, dites subjectivement importantes pour la personne (Abery et Stancliffe, 2003b), sans être influencé indûment par autrui (Walker et al., 2011; Wehmeyer, 2005). Les actions émises par les personnes afin d’être l’agent causal de leur vie doivent être effectuées intentionnellement et permettre l’amélioration ou le maintien de leur qualité de vie.
Différentes conceptions de l’autodétermination
L’autodétermination peut être définie selon différentes conceptions. D’abord, Deci et Ryan (1985) stipulent que l’autodétermination serait le résultat d’un besoin intrinsèque d’une personne nécessitant une réponse. À cet effet, une personne répondant à une motivation humaine intrinsèque serait autodéterminée, tandis qu’une personne succombant à une influence externe indue ne serait pas autodéterminée.
Ensuite, l’autodétermination serait également présente sous un angle légal, soit le droit à l’autodétermination. Plusieurs manifestes ont été publiés à ce sujet (Organisation des Nations Unies [ONU], 1971, 1975, 1982, 1989, 1994). Globalement, ces textes stipulent que les personnes présentant une DI sont égaux aux personnes sans DI en termes de droits et liberté.
L’autodétermination peut s’illustrer sous un angle de principe. Par exemple, l’autodétermination peut agir à titre de guide en milieu scolaire (Wehmeyer, Field, Doren, Jones et Mason, 2004). Plus précisément, l’autodétermination comme principe pédagogique oriente les enseignants à user de ce concept comme trame de fond dans leurs pratiques éducatives. L’autodétermination peut aussi être adressée tel un principe lors des transitions de l’adolescence vers la vie adulte (Cooney, 2002; Lindsey, Wehmeyer, Guy et Martin, 2001; Wehmeyer et Schwartz, 1998).
L’autodétermination peut se décliner selon différentes capacités. À cet effet, Wehmeyer (2003) identifie onze capacités impliquées dans l’exercice de l’autodétermination : faire des choix, prendre des décisions, résoudre des problèmes, se fixer des buts et les atteindre, s’observer, s’évaluer et se valoriser, pratiquer l’ autoinstruction, promouvoir et défendre ses droits, avoir un lieu de contrôle interne, avoir un sentiment d’efficacité personnelle et la capacité d’anticiper les résultats de ses actions, avoir conscience de soi ainsi que se connaître soi-même. Toutefois, il est important de mentionner que ces actions sont présentées afin d’illustrer plus concrètement à quoi peut s’apparenter une personne autodéterminée. Le concept d’autodétermination ne peut pas être associé à un ensemble de comportements prédéfinis (Lachapelle et Wehmeyer, 2003).
En effet, n’importe quel comportement peut être émis afin de contrôler sa vie et le fait de ne pas émettre d’action peut également être un comportement autodéterminé (Wehmeyer, 1996).
L’autodétermination peut s’inscrire sous forme d’objectifs d’intervention. Sous cet angle, l’exercice de l’autodétermination peut se développer et être évalué (Caouette, sous presse). Notons que différents outils sont disponibles afin d’évaluer J’autodétermination.
En l’occurrence, l’ évaluateur peut administrer le AIR Self Determination Scale (Wolman, Campeau, Dubois, Mithaug et Stolarski, 1994) ou le Arc ‘s Self Determination Scale (Wehmeyer et Kelchner, 1995).
Enfin, l’autodétennination peut aussi être abordée dans une perspective de construit. Les deux principaux modèles pennettant d’expliquer le concept d’autodétennination sont le modèle fonctionnel de l ‘autodétennination (Wehmeyer, 2003) et le modèle écologique de l’autodétennination (Abery et Stancliffe, 2003a). Les deux prochaines sections illustrent ces modèles de façon plus exhaustive.
Modèle fonctionnel de l’autodétermination. Le modèle fonctionnel de l’autodétennination présente le développement des capacités d’autodétennination de la personne en fonction des occasions fournies par l’environnement (Wehmeyer, 2003). Les occasions seraient influencées par les croyances positives ou négatives que l’on porte sur la personne, puis par sa propre perception sur ses capacités. Le développement de l’autodétennination s’exercerait grâce à divers soutiens, qu’ils soient matériels ou humains.
Afin de concevoir si un comportement est autodéterminé ou non, Wehmeyer (1996) précise dans le modèle fonctionnel de l’autodétennination qu ‘ il existe quatre composantes essentielles à l’ autodétennination : l’autonomie, l’autorégulation, l’empowennent psychologique et l’autoréalisation. Les personnes qui agissent selon leurs intérêts, sans influence excessive d’autrui, font preuve d’autonomie comportementale (Wehmeyer, 1999). Agran (1997) souligne que l’autorégulation nécessite que les personnes utilisent des stratégies d’autogestion, la capacité de se fixer des buts, la résolution de problèmes, la prise de décision et l’observation. L’empowennent psychologique se traduit par la croyance en sa capacité d’exercer un contrôle sur sa vie (Haelewyck et Nader-Grosbois, 2004). Enfin, l’autoréalisation fait référence à la capacité des personnes à prendre conscience de leurs forces et à poursuivre une démarche rattachée à un objectif personnel (Lachapelle et Wehmeyer, 2003). À tenne, la composante d’autoréalisation mène à la satisfaction de soi. Un schéma représentant le modèle fonctionnel est présenté (Figure 2).
Devis de recherche
La majorité des études portant sur l’autodétermination des personnes présentant une DI sont de nature quantitative (Caouette et Lachapelle, 2014). Les derniers auteurs soulignent l’importance d’initier la production d’études de nature qualitative afin de raffiner les connaissances centrées sur les enjeux entourant le développement de l’autodétermination de personnes présentant une DI. Le type de devis de recherche pour cette étude est donc de nature qualitative et exploratoire (paillé et Mucchielli, 2008). Ce type de recherche est privilégié lorsque peu de connaissances sont disponibles sur une thématique. Une recherche qualitative pourrait permettre de mettre en relief une nouvelle perspective du fonctionnement des institutions et des pratiques des acteurs oeuvrant dans ces établissements (Demoncy, 2016).
Descriptions des participants
Afin de recruter les participants de cette étude, un échantillon de convenance a été formé. Pour ce qui est des critères d’inclusion, les participants devaient être des gestionnaires (plus précisément, des chefs de service) oeuvrant dans les CISSS et CIUSSS du Québec. Ces derniers devaient être responsables d’intervenants oeuvrant en DI.
Toutefois, ils pouvaient également participer à J’étude s’ils étaient responsables d’intervenants oeuvrant auprès ‘des personnes présentant une DI et d’autres états (par exemple, la combinaison d’une déficience intellectuelle et d’un trouble du spectre de l’autisme). Les gestionnaires pouvaient faire partie de la recherche, peu importe leur sexe, leur culture, leur formation et leur nombre d’années d’expérience.
Un total de 16 gestionnaires a été recruté au sein de cinq CISSS et CIUSSS du Québec. Afin de maintenir la confidentialité de leur identité, aucune information par rapport à la position géographique de ces établissements et en regard des services distincts dans lesquels oeuvrent les gestionnaires ne sera dévoilée.
Outil de recherche
Demoncy (2016) stipule dans son étude que l’entretien est l’outil d’investigation nprioritairement utilisé dans le cadre d’un devis de recherche qualitative. Plus précisément, l’entretien est pertinent pour les études ayant comme visée de mettre en perspective le raisonnement, le point de vue, les représentations et la description des pratiques des personnes interpellées dans le cadre des entrevues (Blanchet et Gotman, 2007). Or, cette étude propose des objectifs de recherche qui sont pertinents à l’emploi de ce type d’outil de recherche.
Des entretiens individuels semi-stmcturés ont été menés auprès des gestionnaires (N= 16) des services en DI au sein de cinq CISSS et CIUSSS du Québec. Une seule entrevue individuelle d’environ 1 heure a été effectuée par gestionnaire dans leur milieu de pratique. Le canevas employé pour mener ces entretiens a été développé à partir de la recension d’ écrits réalisée sur la problématique et sur les études similaires menées auprès d’intervenants (Caouette, 2014). La constmction des questions a été produite en tenant compte des recommandations de Demoncy (2016) afin de « ne pas influencer la réponse de l’enquêté ». Les questions sont donc de nature ouverte et non directive. Les questions ont également été formulées en conservant une attention particulière au choix des mots utilisés. Le niveau de discours est adapté aux participants portant le statut de gestionnaire.
Enfin, le guide d’entretien individuel semi-structuré se retrouve à l’Appendice A de ce mémoire.
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Table des matières
Sommaire
Liste des figures
Remerciements
Introduction
Contexte
Pertinence sociale et scientifique
Problématique
Stratégie de recherche de la recension des écrits
Résultat de la recension des écrits
Informations émergentes de la recension des écrits scientifiques
L’importance accordée à l’autodétermination par des gestionnaires en regard de l’autodétermination des personnes présentant une DL
L’influence des gestionnaires afin de développer l’autodétermination des personnes présentant une DT
Résumé de la recension des écrits
Questions de recherche
Cadre de référence
Gestionnaire
Définition
Les compétences-clés et complémentaires du gestionnaire
Autodétermination
Définition
Différentes conceptions de l’autodétemlination
Modèle fonctiOlU1el de l’autodétermination
Modèle écologique
Ontosystème
Microsystème
Mésosystènle
Exosystème
Macrosystème
Méthode
But et objectifs
Devis de recherche
Description des participants
Outil de recherche
Analyse des données
Comité d’éthique de la recherche
Résultats
La conception de l’autodétermination des gestionnaires
L’autodétermination un principe d’intervention
Un principe qui perdure dans le temps
Un principe qui agit comme une trame de fond, une philosophie, un courant et une valeur
L’autodétermination un construit
L’autodétermination associée au construit d’empowerment
L’autodétermination associée à la normalisation l’intégration sociale et
la valorisation des rôles sociaux
L’autodétermination un besoin
Le besoin est la base de l’autodétermination
La non-réponse au besoin d’autodétermination mène vers des troubles
Les besoins diffèrent entre les parties prenantes, ce qui touche les valeurs personnes et entraîne un processus éthique
L’autodétermination comme une capacité
L’autodétermination moins applicable pour la DI sévère
L’autodétermination se vit différemment selon les capacités
L’autodétennination s’exerce étape par étape
L’autodétermination agit à titre de moteur dans le développement des capacités de la personne présentant une DT
L’autodétermination nécessite une gestion du risque selon les capacités
L’autodétermination peut être palliée par des proches quand la personne n’a pas la capacité
Qui écouter quand la personne est déclarée inapte (n’aurait pas la
capaci.t e’ « a sauto de’ termm. er) ?
L’autodétermination comme un droit et une responsabilité
Les personnes présentant une DI sont des individus à part entière, ils ont droit à l’autodétermination
L’autodétermination et la responsabilité d’assumer les conséquences de ses actions
L’autodétermination et la responsabilité de la personne de franchir les étapes pour réaliser son souhait
L’autodétermination et le droit à la dignité du risque
L’autodétermination comme un objectif
L’autodétermination à travers un plan et des objectifs d’intervention
Le rôle du gestionnaire concernant le développement de l’autodétermination
Un rôle indirect qui tend à changer au fil de réforme gouvernementale
Un rôle qui tend de plus en plus vers de la gestion administrative
Un rôle permettant le développement de l’autodétermination sous un angle de gestion administrative
Transmettre certaines orientations organisationnelles en lien avec l’autodétermination
Aviser la direction de mettre l’accent sur l’autodétermination dans les orientations organisationnelles
Élaborer des politiques organisationnelles mettant de l’avant le concept d’autodétermination
S’assurer du contrôle qualité par rapport au développement de l’autodétermination et appliquer des sanctions si nécessaire
Utiliser le concept d’autodétermination dans les tâches administratives
Un rôle permettant le développement de l’autodétermination sous un angle de gestion clinique
Adopter une attitude cohérente avec l’autodétermination et promouvoir ce concept
Référer à un autre professionnel, à un collègue, à un outil, à une
Formation et d’autres modalités; développer une expertise chez les intervenants
Évaluer l ‘autodétermination
Mobiliser, encourager et valoriser l’intervenant qui développe l’autodétermination
Défendre les droits et responsabiliser la personne
Transmettre des connaissances scientifiques et cliniques relatives à l’autodétermination
Contribuer au développement des connaissances scientifiques en
regard de l’autodétermination
Discussion
La conception de l’autodétermination selon les gestionnaires
L’autodétermination et les objectifs
L’autodétermination comme principe de fond pour des actes de gestion
L’autodétermination et l’empowerment
L’autodétermination et faire des choix
Une importance élevée accordée au concept d’autodétem1ination selon les gestionnaires
Le rôle des gestionnaires à travers les niveaux de l’approche écologique
Le rôle du gestionnaire à travers l’ ontosystème et les microsystèmes de la personne présentant une DI
Le rôle du gestionnaire à travers le mésosystème de la personne présentant une DT
Le rôle du gestionnaire à travers l’ exosystème de la personne présentant une DI
Le rôle du gestionnaire à travers le macrosystème de la personne présentant une DI
Conclusion
Des avancées sur le plan scientifique
Des liens entre ce mémoire et la profession psychoéducative
Limites de l’étude
Des recommandations sur le plan scientifique et de la pratique
Références
Appendice A. Guide d’entretien individuel semi-structuré
Appendice B. Formulaire de consentement éthique des participants
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