Le concept d’apprentissage moteur
Nous avons déjà évoqué précédemment la notion d’apprentissage moteur. Nous l’expliquons ci-après de façon détaillée au travers de quelques définitions. Selon Reuchlin (1977, p.125), « il y a apprentissage lorsqu’un organisme, placé plusieurs fois de suite dans la même situation, modifie sa conduite de façon systématique et durable ». Tandis que pour Schmidt (1993, p.438), « l’apprentissage moteur est un ensemble de processus associés à la pratique ou à l’expérience conduisant à des modifications relativement permanentes du comportement habile ». Enfin, pour Paillard (1990, p.19), « l’apprentissage résulte d’un processus actif d’adaptation ». Selon ce dernier (p.15), il existe deux modes de gestion de la motricité, 1° un mode réactif qui permet à l’individu « de répondre automatiquement aux sollicitations de l’environnement par la mobilisation d’instruments moteurs pré adaptés » et 2° un mode prédictif qui lui permet « d’élaborer des projets d’action et de planifier leur exécution en fonction des conséquences prévisibles de leur réalisation effective en acte. ».
A travers ces trois formulations, nous pouvons ressortir certaines caractéristiques importantes de l’apprentissage moteur. En premier lieu, l’apprentissage est un processus interne qui n’est pas directement observable. Nous pouvons uniquement induire son existence à partir de comportements observables et mesurables. Par conséquent, nous n’avons pas la possibilité de mesurer directement le niveau d’acquisition d’une tâche motrice. Nous ne pouvons l’évaluer que par l’intermédiaire de la comparaison des performances motrices successives réalisées par un exécutant. Nous apprenons aussi qu’un apprentissage ne se fait pas du premier coup. Au contraire, il est le résultat de la pratique répétée d’une même situation. Personne ne s’est levé un jour et a su directement marcher sans trébucher une seule fois. La même chose pour le vélo ou le ski. Il a fallu effectuer de nombreux essais pour apprendre à garder son équilibre et ainsi pouvoir faire un tour ou descendre une piste sans tomber. La répétition est donc une variable importante de l’apprentissage moteur. Il est ainsi primordial de laisser du temps aux élèves pour qu’ils puissent réaliser un nombre conséquent d’essais. Toutefois, bien que la répétition d’un mouvement puisse le rendre plus précis, un véritable apprentissage peut être réalisé uniquement si l’exécutant connaît le résultat de l’action effectuée (Magill, 1998).
Adams (1978, p.235) confirme l’importance de la connaissance du résultat et le place à la base de l’apprentissage du mouvement humain : « La connaissance du résultat est une information sur l’erreur et une base pour l’apprentissage humain. (…) Chaque fois que l’erreur est perçue, le sujet est motivé pour l’éliminer ». La personne qui désire apprendre doit indéniablement passer par un cycle « essai – connaissance du résultat – adaptation », où l’erreur va jouer un rôle primordial. C’est en prenant en compte les erreurs commises ou les problèmes rencontrés et en trouvant des solutions efficaces pour les résoudre que l’exécutant va progresser dans ses apprentissages. Au début de l’apprentissage, il n’est pas rare qu’un enfant chute parce qu’il a trop ou pas assez tourné son guidon. L’enfant n’arrive que rarement distinguer ce qu’il fait de faux, c’est pour cela que l’information en retour sur sa prestation lui est transmise par un adulte qui l’observe. Avec le temps, l’enfant s’adapte pour ne plus tomber. Nous pouvons donc en conclure que notre comportement actuel dépend fortement de nos expériences antérieures.
Le concept d’habileté motrice
Guthrie (1935, p.162) définit l’habileté motrice comme « la capacité acquise par apprentissage d’atteindre des résultats fixés à l’avance avec un maximum de réussite et, souvent un minimum de temps, d’énergie, ou des deux. ». Leplat (1991, p.265) considère le terme habileté comme équivalent à celui de compétence et précise que celle-ci est « par nature inobservable : ce qu’on observe ce sont des manifestations de la compétence ». A partir de ces deux définitions, nous pouvons déduire que l’habileté est le produit d’un apprentissage, ce qui sous-entend qu’elle s’acquière progressivement. Dès lors, pour qu’un pratiquant soit habile dans la réalisation d’une tâche motrice, il faudra lui laisser suffisamment de temps pour qu’il puisse réaliser un nombre d’essais conséquent. Elles nous apprennent également que l’habileté est inobservable. Cette dernière correspond à ce qui génère des comportements moteurs efficaces et efficients pour un geste donné. Par conséquent, le niveau d’habileté d’un individu est inféré à partir des comportements observables qu’il produit. Pour finir, la définition stricte de l’habileté par rapport à un but a pour conséquence d’exclure les gestes techniquement parfaits mais inefficaces. Au basket, si le but est de marquer des paniers, le niveau d’habileté de l’exécutant ne va pas dépendre de la qualité technique des gestes réalisés, mais uniquement de la capacité à mettre le ballon dans le panier. Par contre, pour une habileté à but de forme, comme la roue, le niveau d’habileté va être jugé d’après la qualité technique du mouvement présenté. Pour nous, être habile signifie autant posséder une gestuelle techniquement parfaite que d’être efficace et efficient dans la réalisation d’une tâche. Par conséquent, lorsque nous évaluerons le degré d’habileté d’un élève, nous nous intéresserons à la performance ainsi qu’à la technique.
Les catégories d’habiletés et l’observation d’un modèle
La littérature spécialisée dans l’étude de la performance motrice (Poulton, 1957 ; Paillard, 1974) expose plusieurs possibilités de classer les différentes habiletés motrices. En effet, il est possible de les classer en fonction : de leur origine, de leur finalité, de leur organisation ou encore de leur milieu. Dans notre étude, il pourrait être intéressant de tenir compte de leur finalité. Dans cette catégorie, on distingue les habiletés de nature « morphocinétique » et de nature « topocinétique » (Serre, 1984). Les habiletés morphocinétiques (dribble au basket ou roue) visent la production d’une forme gestuelle et n’a pas de but spatialement défini. Au contraire, les habiletés de nature topocinétique (tir en basket ou le direct en boxe) visent l’atteinte d’un but spatialement repéré. L’acquisition des habiletés morphocinétiques peut être facilitée par l’observation d’un modèle. On parle alors d’apprentissage par observation.
En fait, la plupart des apprentissages s’effectuent en regardant un adulte ou un pair sans même que celui-ci soit conscient de son rôle de modèle. Dans notre expérience, la réalisation d’une tâche par un pair va permettre à l’observateur de fabriquer et de mémoriser une image de ce qu’il faut faire à partir des informations qu’il récolte et qu’il traite. La démonstration a une influence certaine sur l’apprentissage. De nombreuses études (Weir & Leavitt, 1990 ; Pollock & Lee, 1992) se sont intéressées au niveau d’expertise du modèle. Est-il préférable d’avoir un modèle débutant ou un modèle expert ? Certaines recherches semblent démontrer que le niveau d’expertise du modèle importe peu, alors que d’autres affirment qu’il est préférable d’observer un modèle novice. Pour justifier leur point de vue, Weir & Leavitt (1990) indique que l’observation d’un novice permet à l’observateur de constater les problèmes rencontrés par l’exécutant et surtout de voir comment ceux-ci peuvent être résolus. Ces dires vont dans le sens de notre étude. Les élèves, qui ne sont certainement pas des experts, sont placés par paires et ont tout le loisir de s’observer l’un l’autre. Dans notre cas et dans l’optique de faire progresser tous les élèves, le rôle de l’observateur ne s’arrête pas simplement à l’analyse de la prestation de l’exécutant. Il doit également être capable de fournir des informations en retour à l’exécutant pour qu’il puisse corriger ses erreurs lors des essais ultérieurs.
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Table des matières
Introduction
1. Présentation et importance du problème
2. Cadre théorique
2.1. L’apprentissage moteur et les habiletés
2.1.1. Le cocept d’apprentissage moteur
2.1.2. Le cocept d’habilet
2.1.2.1. Définition
2.1.2.2. Les catégories d’habiletés et l’observation d’un modèle
2.2. Le cycle continu observer – évaluer – conseiller
2.2.1. Observer
2.2.2. Evaluer
2.2.3. Conseiller
2.2.3.1. Définition de la notion de feedback
2.2.3.2. Deux sources de feedback
2.2.3.3. Les fonctions du feedback
2.2.3.4. La dévolution aux élèves
2.2.3.5. Fréquence du feedback
2.3. L’apprentissage interactif
2.3.1. L’Apprentissage Assisté par les Pairs (PAL)
2.3.2. Le tutorat réciproque entre pairs et le tutorat entre pairs
2.3.3. La formation d’élèves-tuteurs
3. Méthodologie
3.1. L’habileté motrice
3.1.1. Le tir en foulée
3.1.2. Les grilles d’observation
3.1.3. L’évaluation
3.2. La procédure
3.2.1. Présentation de l’habileté motrice et des grilles d’observation
3.2.2. Le pré-test
3.2.3. La formation au tutorat
3.2.4.L’entrainement
3.2.5. Le post-test
3.2.6. Le questionnaire
3.3. La population
3.4. Le dispositif matériel
4. Présentation des résultats
4.1. Habileté motrice
4.1.1. Progression générale
4.1.2. Progression au niveau technique et au niveau de la performance
4.2. Impressions des élèves
4.2.1. La motivation
4.2.2. Le rôle de tuteur
4.2.3. Le rôle d’apprenant
5. Analyse et interprétations
5.1. Analyse globale
5.1.1. Progression selon le niveau de compétence initiale
5.1.2. Lien entre la performance et la technique
5.2. Analyse des liens entre la motivation, les interactions et la progression
5.2.1. Liens entre la motivation et la progression
5.2.2. Liens entre le rôle de tuteur et la progression
5.2.3. Liens entre le rôle d’apprenant et la progression
5.3. Analyse au niveau des dyades
5.3.1. Dyade H
5.3.2. Dyade E
5.3.3. Dyade C
6. Limites et apports de la recherche
6.1. La population et l’absence de groupe témoin
6.2. Effet des feedbacks ou simple effet de répétition ?
6.3. La qualité des feedbacks
6.4. Apports et limites pour l’enseignant d’EPS
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe I : Grilles d’observation
Annexe II : Remédiations
Annexe III : Questionnaires
Questionnaire personnel
Questionnaires extraits de Ensergueix (2010, pp.334-335)
Annexe IV : Autorisation parentale
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