Une nécessaire régulation
Cependant, quelques aménagements ont eu lieu en faveur des pays du Sud, sur proposition de la CNUCED. Ils concernent les dérogations qui permettent à deux pays en développement de s’accorder mutuellement des avantages sans obligation de réciprocité vis-à-vis des pays industrialisés. On sait cependant que l’enjeu pour les pays pauvres ne se situe pas au niveau du commerce Sud-Sud mais bien dans le commerce Nord-Sud. Or, il n’est pas toujours possible pour un pays industrialisé d’avoir des préférences tarifaires pour un pays en développement sans qu’il n’y ait extension de cet avantage à l’ensemble des pays membres de l’OMC, d’où une situation de blocage dans l’ouverture des marchés du Nord aux pays du Sud. Concernant la protection des ouvriers des pays du Sud, l’OMC ne traite que des échanges des biens et services. Le monde du travail est du ressort de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Mais le problème est que l’OIT n’a aucun pouvoir juridique ; les sanctions qu’il peut donner sont très limitées. Dans le cas de l’OMC, si un pays signataire ne remplit pas ses obligations, il peut être sanctionné. Pour l’OIT, il n’existe pas de sanction véritable sur le pays sinon une sanction morale dans son rapport annuel.
La part du commerce équitable
a- La part globale : Selon l’OCDE, le commerce équitable représente un marché global de 700 millions de dollars, dont les trois quarts couvrent l’Europe et le quart restant les Etats-Unis. En 2001, la Suisse détient le plus grand chiffre d’affaires du commerce équitable à raison de 70 millions d’Euros puis viennent ensuite l’Italie et la France avec respectivement 40 millions et 32 millions d’Euros. Les statistiques publiées par FLO (Fairtrade Labelling Organization)4 ne concernent que les produits alimentaires, mais on estime le volume d’affaire du commerce équitable de plus le milliard de dollars en 2001.
• Etats-Unis et Canada : Le premier café équitable a été importé au Canada en 1996 et aux Etats Unis en 1999. Il portait le logo Fair Trade de Transfair Canada. Le thé et le cacao équitables sont apparus en 2002 et les fruits (banane, mangue, ananas, raisin) en 2004. Aux Etats-Unis, un autre « sceau de confiance » est délivré par l’association Fair Trade Federation (FTF) qui regroupe des grossistes, des détaillants et des producteurs américains travaillant à partir des matières premières équitables. Ce sceau de confiance concerne des produits alimentaires et plusieurs produits artisanaux. Il repose sur l’engagement pris par les distributeurs américains de respecter les standards internationaux du commerce équitable. Le marché nord américain (Etats-Unis et Canada) des produits équitables a été estimé à 150 millions d’Euros en 2002, marquant une hausse de 43% par rapport à 2001.
• Europe : Le concept de commerce équitable est apparu en 1973 aux Pays Bas puis s’est diffusé progressivement en Europe. Sa notoriété a fortement augmenté depuis environ 5 ans. Il est à noter que cette notoriété est plus importante dans les pays du Nord et du centre de l’Europe que dans les pays du Sud. La Suisse et le Royaume-Uni sont les plus grands consommateurs de produits équitables en Europe. En Belgique, le commerce équitable représente 5,3% du marché mondial des produits équitables. Comparativement, en Espagne, il ne représente que 0,20% du commerce total. Dans ce pays, le « vending » ou distributeurs automatiques a connu une forte croissance dans la vente des produits de commerce équitable ; des entreprises de vending ont passé des accords de distribution sur les lieux de travail, dans les hôpitaux, les universités, les équipements sportifs… On estime qu’à travers ce canal, 60000 personnes consomment quotidiennement du café équitable en Catalogne et ce, grâce à plus de 400 machines automatiques. En Finlande, bien que l’offre de produits issus du commerce équitable se développe régulièrement et qu’ils soient aujourd’hui disponibles dans la plupart des circuits de distribution du pays, le chiffre d’affaires créé reste encore faible. En France, de plus en plus de produits issus du commerce équitable sont commercialisés et vendus. Il est à remarquer que si le chiffre d’affaires augmente, c’est grâce au développement des nouveaux produits.
b- La part par offre de produits : Historiquement, c’est l’artisanat qui représentait le commerce équitable. Avec l’essor des produits sous logos, l’alimentaire domine aujourd’hui le commerce équitable (60%) et notamment avec le café.
• L’alimentaire : Le café est le produit phare du commerce équitable. Il représente 5% du marché mondial. Les autres produits alimentaires du commerce équitable sont le thé, le chocolat, les fruits séchés, les épices, le riz, les céréales, le sucre, le miel, la confiture, les jus de fruit, l’huile d’olive. Les deux graphiques suivants montrent l’évolution des ventes de café labellisé Max Havelaar dans le monde et l’évolution des importations des bananes portant le logo du commerce équitable. Ces deux graphiques nous montrent que le volume vendu des produits du commerce équitable est en constante augmentation.
• L’artisanat traditionnel et utilitaire : En France, les 150 magasins de Artisans du Monde, un distributeur de produits issus du commerce équitable, qui commercialisent essentiellement des produits artisanaux ont réalisé 9,4 millions d’Euros en 2004 (un chiffre qui est en progression de 15 à 20% par an). Ils connaissent une fréquentation en hausse de plus de 158% par an. Ils commercialisent divers produits artisanaux mais proposent également une gamme alimentaire équitable qui a contribué à la notoriété du commerce équitable
Le commerce équitable
Il n’existe pas de définition officielle du commerce équitable. Il est néanmoins admis que le commerce équitable ajoute aux exigences éthiques du respect des droits fondamentaux du travail définis par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le respect des normes environnementales et une meilleure rémunération des producteurs dans les relations commerciales internationales. En 2002, les organisations internationales du commerce équitable existantes sont tombées d’accord sur une définition et un principe communs : « Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations de commerce équitable, appuyés par les consommateurs, s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel. » Une confusion entre les termes est fréquente. Il existe également ce qu’on appelle le commerce éthique qui a pour objectif de favoriser et de développer les bonnes conditions de travail chez les producteurs, dans le respect des normes fondamentales de l’OIT. Les règles de l’OMC et de l’Union Européenne qui s’appliquent aux échanges commerciaux sont en effet fondées essentiellement sur des principes économiques. Les critères sociaux et humanitaires ne sont pas pris en compte, ce qui peut entraîner des dérives en matière de travail des enfants par exemple.
Les associations militantes et humanitaires
Le commerce équitable a commencé par des actions militantes d’associations humanitaires comme le SOS Wereldhandel aux Pays-Bas et OXFAM en Grande Bretagne. Il existe trois types d’associations qui s’occupent du CE : Les associations humanistes religieuses qui associent ONG et églises. Elles sont fortement développées dans des pays à culture protestante comme les Pays Bas, la Suisse, le Royaume Uni ou l’Allemagne ; Les associations « tiers-mondiste » qui associent ONG, syndicats, partis politiques et groupes militants de gauche ; Les associations qui souhaitent promouvoir le développement durable dans l’esprit du Sommet de Rio. Les motivations et les actions de ces associations diffèrent : il y a d’abord ceux qui s’impliquent dans l’organisation des filières commerciales et la diffusion des produits à travers des magasins spécialisés et reconnus. Ensuite, ceux qui se contentent de promouvoir le concept. Ils existent encore d’autres associations qui utilisent juste le commerce équitable pour défendre des idées politiques qui tendent à remettre en cause les règles du commerce international et à dénoncer ses effets négatifs sur les populations des pays en développements. Enfin, il existe des associations regroupant « une bande de copains » dont la seule vocation est de servir de support juridique à une activité commerciale d’importation et de revente d’objets artisanaux du Sud. Cet aspect s’apparente plus à une volonté de suivre la « tendance ».
Les critères du commerce équitable
Les produits du commerce équitable se distinguent des produits du commerce conventionnel par un certains nombres de critères relatifs aux conditions de production et de commercialisation. Ce sont ces critères que les consommateurs de produits équitables recherchent. De leur réelle existence dépend leur décision d’achat et, éventuellement, le paiement d’un prix supérieur au prix moyen du marché. Mais l’information sur ces critères ne peut pas être connus du consommateur luimême directement au contact du produit. Il achètera le produit soit parce qu’il a entendu parler de la marque soit qu’une tierce personne se porte garant de l’origine du produit (rôle du certificateur). Le commerce équitable est basé sur l’idée d’un contrat passé entre les petits producteurs du Sud, généralement organisés en coopérative, et les organisations de commerce équitable du Nord. Comme tout contrat, celui-ci est fondé sur l’engagement des deux parties contractantes à respecter un certain nombre d’obligations librement consenties .Les organisations garantissent les principes du commerce équitable tandis que les petits producteurs s’engagent sur la qualité des produits et les délais de livraison, la démocratie et la transparence, notamment dans l’utilisation des bénéfices du commerce équitable.
Critère d’exigence 1 : « solidaire : travailler en priorité avec les producteurs les plus défavorisés dans une démarche solidaire et durable »
Critères d’exigence 2 : « direct : acheter le plus directement possible pour maximiser la marge du producteur ». Limitation des intermédiaires locaux, régionaux, nationaux, bourses locales, etc.
Critères d’exigence 3 : « juste : garantir un prix d’achat juste, celui-ci devant permettre au producteur de vivre décemment ». Ce calcul des coûts doit être fait en garantissant le respect des critères sociaux et environnementaux minimums. Ils doivent couvrir les frais de production et un revenu décent pour le producteur.
Critères d’exigence 4 : « transparent : donner toute l’information sur le produit et les circuits de commercialisation ».
Critère d’exigence 5 : « qualitatif : valoriser les savoirs-faire traditionnels et l’utilisation d’ingrédients ou de matériaux naturels ». Le respect de l’être humain passe nécessaire par le respect et la valorisation de son environnement. Ces cinq critères d’exigence représentent avant tout des obligations pour les organisations de commerce équitable du Nord. De leur coté, les producteurs du Sud sont essentiellement soumis au respect de trois exigences majeures que sont :
– la gestion démocratique des coopératives ;
– le maintien d’une production de qualité respectueuse de l’environnement et
– l’investissement des bénéfices réalisés dans la coopérative et/ou dans des programmes de développement à caractère collectif.
Les consommateurs sont attirés par le concept du commerce équitable, malgré leur coût un peu plus élevé, le producteur étant mieux rémunéré. Ils sont donc en droit d’attendre des garanties quant aux caractères « équitable » de ces produits. La grande diversité des produits labellisés ou portant la mention « issus du commerce équitable » jette très vite le doute au niveau des consommateurs. Ces critères devraient donc contribuer à la lutte contre les messages et les étiquetages abusifs.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
PARTIE I : LE COMMERCE EQUITABLE DANS LE MONDE
Chapitre I : Les fondements du commerce équitable
Section I : L’augmentation des échanges et l’augmentation des inégalités Nord-Sud
§1- Les facteurs locaux défavorables
§2- Les enjeux internationaux
a- Des cours mondiaux très bas et très fluctuants
b- La pression exercée sur les travailleurs du Sud
Section II : Les règles commerciales internationales
§1- Fonctionnement et objectifs des institutions commerciales internationales
§2- Une nécessaire régulation
§3- Des solutions inadaptées
Chapitre II : Présentation du commerce équitable
Section I : La réalité du commerce équitable
§1- La part du commerce équitable
a- La part globale
b- La part par offre de produits
§2- Les impacts du commerce équitable
a- Les impacts financiers
b- Les impacts sociaux et environnementaux
Section II : Généralités sur le commerce équitable
§1- Définition des termes
a- Le commerce équitable
b- Le prix équitable
§2- Objectifs du commerce équitable
§3- Les acteurs du commerce équitable
a- Les associations militantes et humanitaires
b- Les producteurs
c- Les importateurs
d- Les industriels et les artisans
e- Les distributeurs
f- Les labellisateurs et les certificateurs
g- Les consommateurs
Section III : Le fonctionnement du commerce équitable
§1- Les principaux produits du commerce équitable
a- Les produits phares du commerce équitable
b- Les autres produits du commerce équitable
§2- Les filières
a- La filière intégrée
b- La filière labellisée
§3- Les organisations internationales
a- FLO (Fairtrade Labelling Organization)
b- IFAT (International Federation of Alternative Trade)
c- NEWS (Network of European World Shops)
d- EFTA (European Fair Trade Association)
Chapitre III : Les règles du commerce équitable
Section I : Les critères du commerce équitable
Section II : Les contrôles
§1- Les contrôles des labellisateurs
§2- Les contrôles publics et indépendants
§3- La transparence
PARTIE II : LE COMMERCE EQUITABLE A MADAGASCAR : UNE ALTERNATIVE VIABLE ?
Chapitre I : Les projets de développement du commerce équitable à Madagascar
Section I : La situation présente
§1- L’agriculture
a- Les problèmes généraux
b- Analyse par filière
c- Résultat global
§2- L’artisanat
a- Les caractéristiques spécifiques
b- Les problèmes de développement de l’artisanat
Section II : La filière artisanat et l’association Reggio Terzio Mondo (RTM)
§1- Constat
a- La réalité des artisans
c- Les acteurs du commerce équitable
§2- Les démarches
a- Par le paiement d’un prix équitable
b- Par le réinvestissement des marges bénéficiaires
c- Par le soutien aux producteurs des zones enclavées
d- Par des structures légères adaptées aux milieux
§3- Les résultats
Chapitre II : Les développements possibles du commerce équitable
Section I : La filière artisanat
§1- Les conditions à remplir
§2- Les propositions de la RTM
Section II : le commerce équitable : une alternative ?
§1- Les points faibles du commerce équitable
§2- Les points forts
§3- Les perspectives
CONCLUSION
ANNEXES
Annexe 1 : La politique des prix chez Max Havelaar
Annexe 2 : Les exemples des critères FLO
1- Les critères de la filière intégrée
2- les critères de la filière labellisée
a- Les critères génériques pour les petits producteurs
b- les critères génériques pour les travailleurs salariés
c- les critères spécifiques par produit
Annexe 3 : Liste des opérateurs sensibilisés par province
Annexe 4 : Ebauche de la Charte de commerce équitable et solidaire à Madagascar
1- Contexte
2- Objectifs et principes du Commerce Equitable et Solidaire
3- Critères du commerce équitable et solidaire
4- La situation du commerce équitable et solidaire et son essor dans les Pays du Nord de la planète
5- La structuration du commerce équitable et solidaire à Madagascar
LISTE DES SIGLES
BIBLIOGRAPHIE
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