Au cours de ces trente derniรจres annรฉes, en rรฉponse ร une demande esthรฉtique croissante des patients, l’odontologie restauratrice a connu une nette รฉvolution de son approche et de ses concepts : le respect du gradient thรฉrapeutique servant de guide aux praticiens, le principe d’รฉconomie tissulaire (prรฉservation des tissus durs dentaires rรฉsiduels sains et exploitables) et l’รฉmergence de la notion de biomimรฉtisme constituent les trois grands piliers de cette odontologie contemporaine. Elle est marquรฉe par des avancรฉes considรฉrables dans les domaines des techniques, technologies et matรฉriaux dentaires et a permis l’apport de nouvelles solutions de soins satisfaisantes et moins invasives. Parmi elles, les facettes, inlays et onlays reprรฉsentent aujourd’hui une composante importante de l’arsenal thรฉrapeutique de la dentisterie adhรฉsive dite ยซ a minima ยป et rรฉpondent parfaitement aux impรฉratifs d’intรฉgration fonctionnelle, esthรฉtique, biologique et biomรฉcanique. Ceci a รฉtรฉ rendu possible, d’une part, grรขce aux amรฉliorations progressives des propriรฉtรฉs ร la fois optiques et mรฉcaniques des cรฉramiques ร matrice vitreuse (vitro cรฉramiques) constitutives de ces piรจces prothรฉtiques partielles, et d’autre part grรขce au collage, prรฉcis et reproductible, basรฉ sur le principe d’adhรฉsion micro-mรฉcanique des surfaces en prรฉsence. Prรฉ-requis indispensable ร la crรฉation de ces interfaces hybrides adhรฉsives et ร l’obtention d’une unitรฉ ยซ restauration-colle-dent ยป rรฉsistante et pรฉrenne dans le temps, le mordanรงage des surfaces dentaires et prothรฉtiques, respectivement ร l’acide orthophosphorique et l’acide fluorhydrique (AF), est une รฉtape primordiale de ce protocole. Rรฉcemment, le laboratoire Ivoclar-Vivadentยฉ a proposรฉ une alternative ร cet acide fluorhydrique, substance aux divers inconvรฉnients : le polyfluorure d’ammonium commercialisรฉ sous le nom de Monobond Etch & Primeยฎ. (MEP) .
LE COLLAGE TRADITIONNEL DES VITRO-CERAMIQUES
DENTISTERIE ADHรSIVE A MINIMA ET BIOMIMรTISME : CHANGEMENT DE PARADIGME ET รVOLUTION DE L’APPROCHE EN DENTISTERIE ESTHรTIQUE
Tout traitement odontologique, et en particulier prothรฉtique, a pour but d’assurer et pรฉrenniser la fonction orale en suivant un principe essentiel : maintenir ce qui est prรฉsent avant mรชme de vouloir remplacer systรฉmatiquement ce qui manque. (1) Dans les annรฉes cinquante a รฉtรฉ instaurรฉ le concept connu de tous de restauration de dents structuralement compromises par des couronnes prothรฉtiques pรฉriphรฉriques. Ces coiffes sont composรฉes initialement d’une armature mรฉtallique, assurant la rรฉsistance mรฉcanique, recouverte d’une cรฉramique cosmรฉtique fragile faisant office de matรฉriau d’รฉmaillage. Il en rรฉsulte une prรฉparation gรฉomรฉtrique mutilante de l’organe dentaire rรฉpondant ร des impรฉratifs d’ordre mรฉcanique, esthรฉtique et biologiqueย ย :
โ Elle doit permettre une insertion, une rรฉtention et une stabilisation adรฉquates de la coiffe, le tout en respectant des รฉpaisseurs de rรฉduction prรฉcises afin de pouvoir placer le mรฉtal et la cรฉramique sans impacter l’intรฉgritรฉ des tissus environnants.
โ Les limites cervicales doivent รชtre juxta-gingivales voir sous-gingivales dans les secteurs les plus exposรฉs esthรฉtiquement.
Tenant compte de ces impรฉratifs, le praticien doit prรฉalablement analyser chaque รฉlรฉment dentaire sur la base de paramรจtres variรฉs (prothรฉtiques, endodontiques, parodontaux, occlusaux.. ) qui lui permettent de valider ou non la possibilitรฉ d’intรฉgrer ces รฉlรฉments au plan de traitement en tant que support de rรฉhabilitation prothรฉtique fixรฉe. Tout cela en intรฉgrant la notion trรจs importante de gestion de risque prothรฉtique qui permettra finalement d’aiguiller le praticien vers une modalitรฉ thรฉrapeutique plutรดt qu’une autre, la littรฉrature actuelle offrant une bonne documentation sur les complications et les รฉchecs a la fois biologiques et techniques de ce type de restauration. Par la suite, et particuliรจrement lors de ces vingt derniรจres annรฉes, les avancรฉes dans les domaines des techniques et matรฉriaux, notamment en ce qui concerne les procรฉdures adhรฉsives et les cรฉramiques, ont amenรฉ les praticiens a revoir leur approche et a adopter une vision nettement plus conservatrice de la dentisterie restauratrice. C’est un ensemble de procรฉdรฉs qui se regroupent et forment le concept de dentisterie adhรฉsive moderne a minima dont l’objectif final est le biomimรฉtisme. (2) En effet, l’รฉvolution considรฉrable des techniques adhรฉsives et leur application aux cรฉramiques actuelles offrent aujourd’hui la possibilitรฉ au praticien d’opter, dans de nombreuses situations, incluant l’รฉrosion/usure pathologique (Fig.2), pour des restaurations partielles aussi bien sur les dents antรฉrieures que postรฉrieures, qu’elles soient pulpรฉes ou dรฉpulpรฉes. Cette dรฉmarche clinique s’inscrit dans le concept contemporain de ยซ biomimรฉtique ยป ou ยซ bio รฉmulation ยป dรฉcrit par Magne et Belser en 2003 et qui trouve son origine dans l’รฉtude histo anatomique des tissus naturels de la dent. (3) On abandonne des restaurations basรฉes sur des principes de prรฉparation trรจs mรฉcanistes (rรฉtention, stabilisation) synonymes de mutilation tissulaire importante au profit d’une approche beaucoup plus biologique dans laquelle l’รฉconomie tissulaire et la prรฉservation de la vitalitรฉ pulpaire sont des objectifs de premier ordre, tout en permettant une intรฉgration optimale sur les plans biomรฉcanique et esthรฉtique (continuum optique) .
La rรฉunion de ces conditions implique deux choses :
โ Non seulement que les matรฉriaux cรฉramiques utilisรฉs prรฉsentent des caractรฉristiques mรฉcaniques en adรฉquation avec les impรฉratifs de cette dentisterie moderne, fiable et aient la possibilitรฉ de rรฉtablir une esthรฉtique pointue grรขce ร des propriรฉtรฉs optiques (fluorescence, opalescence) se rapprochant au maximum de celles des tissus durs de l’organe dentaire (รฉmail et dentine). (4)
โ Mais รฉgalement que leur procรฉdรฉ d’assemblage soit capable de potentialiser leurs qualitรฉs intrinsรจques et garantisse leur pรฉrennitรฉ lors de leur mise en fonction buccale.
LES RESTAURATIONS PARTIELLES ADHรSIVES EN CรRAMIQUE (RAC) : PROPRIรTรS ET INTรRรTSย
A l’origine, les cรฉramiques รฉtaient des matรฉriaux au champ d’application relativement restreint. Cependant, l’รฉvolution progressive de leurs caractรฉristiques et l’apparition de nouveaux procรฉdรฉs de mise en forme ont permis l’รฉmergence de nouvelles classes capables de rรฉpondre aux impรฉratifs de la dentisterie adhรฉsive moderne. Parmi elles, la catรฉgorie des cรฉramiques vitreuses (ou vitro-cรฉramiques) possรจde des propriรฉtรฉs et spรฉcificitรฉs qui en font le matรฉriau de choix pour les RAC.
Gรฉnรฉralitรฉs
Les cรฉramiques sont des matรฉriaux inorganiques (contenant oxydes, carbures, nitrures, borures) prรฉsentant des liaisons chimiques fortes, de nature ionique ou covalente. Leur mise en forme se fait ร partir d’une poudre de granulomรฉtrie adaptรฉe qui est agglomรฉrรฉe, puis ensuite densifiรฉe et consolidรฉe par un traitement thermique nommรฉ frittage. On les diffรฉrencie des verres par le fait qu’elles soient constituรฉes de 2 phases distinctesย :
โ Une phase vitreuse, la matrice, dรฉsordonnรฉe.
โ Une phase cristalline dispersรฉe, ordonnรฉe.
Lโincorporation de cette phase cristalline dans la matrice vitreuse a permis une amรฉlioration significative de la duretรฉ et de la rรฉsistance des cรฉramiques par rapport ร celles des verres. En effet, la fracture d’un verre ou d’une cรฉramique intervient par propagation de fissures. La prรฉsence de ces cristaux rรฉsistants au sein des cรฉramiques bloque, ou du moins ralentit la progression des fissures.
Initialement, ces cรฉramiques รฉtaient surtout utilisรฉes comme matรฉriau d’รฉmaillage des coiffes et bridges cรฉramo-mรฉtalliques et pour la confection de dents artificielles pour prothรจses amovibles. Mais depuis les annรฉes 80, l’รฉvolution de leur micro-structure et par lร mรชme de leurs propriรฉtรฉs mรฉcaniques et optiques, ainsi que l’apparition de nouvelles techniques de mise en forme, ont conduit ร s’affranchir de l’utilisation du mรฉtal en tant que matรฉriau d’infrastructure et ร reconsidรฉrer et รฉlargir leur champ d’indications. (6) Il va de la simple restauration partielle de la dent (facettes, inlays, onlays), quand l’esthรฉtique et surtout le dรฉlabrement contre indiquent les rรฉsines composites, au remplacement de dents manquantes par des bridges tout-cรฉramique en passant par des piliers pour prothรจses sur implants. (6) En raison du nombre รฉlevรฉ de produits disponibles et de la rapiditรฉ avec laquelle de nouveaux sont introduits, le clinicien dโaujourdโhui fait face ร un processus de dรฉcision complexe lors du choix dโun matรฉriau de restauration en cรฉramique pour une indication particuliรจre. La sรฉlection sera essentiellement portรฉe sur des critรจres tels que la rรฉsistance mesurรฉe ยซ in vitro ยป, le degrรฉ de transluciditรฉ ou d’opacitรฉ, les procรฉdรฉs de fabrication, le mode d’assemblage et bien รฉvidemment la destination thรฉrapeutique. (7,8) C’est pourquoi, afin de faciliter cette dรฉmarche, une classification, modulable dans le temps, a รฉtรฉ mise en place sur la base de paramรจtres que sont la microstructure et la composition chimique .
Classification des cรฉramiques
A ce jour, la classification la plus actualisรฉe (Fig.5) (8,9) permet de distinguer trois catรฉgories spรฉcifiques de cรฉramiques :
โ Les cรฉramiques ร matrice vitreuse : elles-mรชme divisรฉes en 3 sous-groupes : les cรฉramiques feldspathiques, les vitro-cรฉramiques dites de ยซ synthรจse ยป et les cรฉramiques ร phase vitreuse infiltrรฉe. Les cรฉramiques ร matrice de verre sont dรฉfinies comme รฉtant des matรฉriaux cรฉramiques inorganiques non mรฉtalliques qui contiennent une phase vitreuse.
โ Les cรฉramiques polycristallines pures ร base de Zircone et/ou d’Alumine : dรฉfinies comme des matรฉriaux cรฉramiques inorganiques non mรฉtalliques qui ne contiennent pas de verre, mais uniquement une phase cristalline.
โ Les cรฉramiques ยซ hybrides ยป ร matrice rรฉsineuse : constituรฉes d’une matrice organique (polymรจre rรฉsineux), fortement chargรฉe en particules de cรฉramique et autres composรฉs rรฉfractaires inorganiques. (50% du poids) Ceci a permis de les inclure dans la classification des cรฉramiques รฉtablie par l’ Association Dentaire Amรฉricaine (ADA) qui dรฉfinit le terme cรฉramique/porcelaine comme รฉtant des ยซmatรฉriaux pressรฉs, cuits, polis ou blanchis contenant principalement des composรฉs rรฉfractaires inorganiques. ยป .
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE – LE COLLAGE TRADITIONNEL DES VITRO-CERAMIQUES
1. DENTISTERIE ADHรSIVE A MINIMA ET BIOMIMรTISME : CHANGEMENT DE PARADIGME ET รVOLUTION DE L’APPROCHE EN DENTISTERIE ESTHรTIQUE
2. LES RESTAURATIONS PARTIELLES ADHรSIVES EN CรRAMIQUE (RAC) : PROPRIรTรS ET INTรRรTS
2.1. Gรฉnรฉralitรฉs
2.2. Classification des cรฉramiques
2.3. Propriรฉtรฉs des cรฉramiques
2.3.1. Les cรฉramiques polycristallines pures
2.3.2. Les cรฉramiques ยซ hybrides ยป ร matrice rรฉsineuse
2.3.3. Les cรฉramiques ร matrice vitreuse
2.4. Intรฉrรชts des RAC
2.4.1. Sur le plan biologique
2.4.2. Sur le plan esthรฉtique
2.4.3. Sur le plan mรฉcanique
3. PROTOCOLE DE COLLAGE
3.1. Concept
3.2. Mise en ลuvre et matรฉriaux
3.2.1. Premiรจre phase : hybridation immรฉdiate de la dentine
3.2.2. Deuxiรจme phase : collage de la piรจce cรฉramique
โ Essayage de la piรจce prothรฉtique
โ Prรฉparation de la surface dentaire
โ Traitement de l’intrados prothรฉtique
โ Assemblage
DEUXIEME PARTIE – PREPARATION DES SURFACES PROTHETIQUES: QUELLE ALTERNATIVE A L’ACIDE FLUORHYDRIQUE ?
1. L’ACIDE FLUORHYDRIQUE (AF) : UN PRODUIT DANGEREUX ?
1.1. Propriรฉtรฉs physiques et chimiques
1.2. Propriรฉtรฉs toxiques
1.3. Symptรดmes d’exposition
1.3.1. Exposition cutanรฉe
1.3.2. Exposition oculaire (projections/vapeurs)
1.3.3. Exposition gastro-intestinale
1.3.4. Exposition respiratoire
1.3.5. Toxicitรฉ systรฉmique
1.4. Prรฉcautions d’utilisation en Odontologie
2. LE MONOBOND ETCH & PRIMEยฎ : UNE ALTERNATIVE VIABLE ?
2.1. Prรฉsentation du produit
2.2. Propriรฉtรฉs chimiques
2.3. Caractรฉristiques toxicologiques
2.4. Mise en ลuvre
2.5. Caractรฉristiques mรฉcaniques
2.5.1. Aspect du mordanรงage
2.5.2. Performances adhรฉsives
2.6. Synthรจse
CONCLUSION