Pertinence sociale
Depuis toujours les organisations sont prises dans le dilemme qui consiste à prendre soin des aspects du travail qui concernent les tâches (économiser du temps, de l’énergie et des ressources en argent et en personnel) pour augmenter la productivité et de l’autre accommoder les employés de façon à ce que ceux-ci puissent satisfaire des besoins reliés à leur nature d’ êtres humains. En tant qu’humains les employées en effet souhaitent la sécurité, l’assouvissement de leurs besoins physiologiques (manger, se reposer, bouger, etc.), l’appartenance, les responsabilités et la possibilité manifeste de se réaliser dans le travail (Maslow, 2008; Herzberg, 1971). Une façon de s’assurer que ce dilemme soit pris en compte et résolu est celle qui consiste à se donner des « points de repère» qui permettent de juger l’interaction entre ces deux aspects structurel et psychosociologique. Le climat de communication constitue une manière intéressante de jauger la façon dont les hommes et les femmes se débrouillent dans leurs taches pour être efficaces et en santé au travail. Il a été établi que la satisfaction professionnelle par exemple était grandement reliée à la satisfaction communicationnelle (Clampitt, & Girard, 1993).
Considérant le fait qu’un individu passe la majorité de son temps dans son milieu professionnel, la qualité des relations de travail entre toutes les instances et différents paliers ont un impact significatif non seulement sur le rendement de l’employé, mais également sur sa satisfaction. Les recherches ont également montré que l’insatisfaction communicationnelle et professionnelle étaient nettement reliée à l’absentéisme et pouvaient aVOIr un impact sur la santé tant physique que mentale des employés (Clampitt, & Girard, 1993). Le climat de communication est central dans une organisation; lorsqu’ il est adéquat, il est le moyen par lequel les employés d’une organisation peuvent à la fois performer au niveau de leurs tâches et celui par lequel ils peuvent bien y vivre ensemble. Le problème est alors, de notre point de vue, de savoir de quelle manière l’ adéquation d’un climat de communication peut être identifié et ce que cela veut dire par rapport à un idéal de communication dans l’organisation.
Pertinence scientifique
La pertinence scientifique passe par les soucis de cohérence. Spécifiquement, nous cherchons à vérifier la manière dont les instruments d’audit du climat de communication correspondent à des conceptions de l’organisation et de la communication. Les recherches actuelles ne se posent pas la question alors que du point de vue théorique, on fait la distinction entre des paradigmes, des perspectives et des modèles de communication et d’organisation. Il n’est pas certain que ces instruments soient en cohérence, c’ est-à-dire qu’ ils sont spécifiques à un modèle, un paradigme ou une perspective bien identifiée de la communication et de l’ organisation. Ils peuvent par exemple contenir un amalgame contradictoire de thèmes appartenant à des modèles différents qui les rendraient confus. Cette préoccupation s’apparente à la question de la cohérence interne en méthodologie de la recherche qui permettra éventuellement d’apporter une contribution à la compréhension du domaine étudié (Le Louam, 1997). Il est possible que ces instruments mélangent et confondent les perspectives, les paradigmes et les méthodes de sorte qu’ils peuvent donner l’impression d’être contradictoires de manière interne. Notre recherche tente de réduire l’ambigüité des outils d’audit de communication et d’évaluer s’ils appartiennent qu’à un seul modèle d’organisation ou plusieurs en même temps.
Problématique
Afin de justifier l’utilisation d’audit de communication, il importe d’en établir d’abord un portrait d’ensemble. La prochaine section présente le concept déconstruit du climat de communication tel que défini dans la littérature scientifique communicationnelle. Un tel exercice va nous permettre ensuite de dresser la table et d’installer la problématique en lien avec les modèles d’organisation. Le climat de communication organisationnelle dans la littérature scientifique dans la littérature scientifique . La notion de climat de communication découle de la notion de climat organisationnel. Le lien entre les deux notions n’est pas sans poser de problèmes. Dans la mesure où la notion de climat organisationnel est elle-même considérée comme problématique, la parenté qu’elle entretient avec la notion de climat de communication risque de s’étendre à cette dernière. Il faut aussi voir par ailleurs que la notion de climat de communication comporte des problèmes conceptuels de son propre chef et qui ne font qu’alourdir son statut épistémologique. Dans ce qui suit, nous allons identifier ces problèmes et tenter de considérer la manière dont ils influencent notre questionnement. Même si on peut séparer le climat de communication du climat organisationnel, il n’en demeure pas moins que dans cette dernière la communication est un aspect important. En effet en tant que pratique la communication fait l’objet d’une impression générale qui entre dans le calcul du climat organisationnel. D’après Guzley (1992, p. 383) « By virtue of being the medium by which organizational work is accomplished, communication is related to organizational climate. » Cela est d’autant plus vrai que la communication est constitutive de l’organisation (et donc du climat organisationnel) qu’il rend manifeste et opérationnelle (Brurnmans et al., 2014).
Le climat organisationnel est un construit que la recherche considère comme important parce qu’il fait le lien entre les propriétés structurelles et situationnelles de l’organisation d’une part et de l’autre le ressenti, les attitudes et les comportements des acteurs vis-à-vis ces propriétés. L’articulation entre l’acteur et le système, dans la mesure où cette articulation révèle un climat, doit se limiter à prendre en compte seulement les éléments significatifs ou sensés du vécu des acteurs (Poole, 1985). Cette spécification est en soi importante, car il s’agira plus tard de voir en quoi ces notions de climat se basent sur l’articulation (sachant que cette dernière est une notion discursive) et l’interprétation de leur situation par les acteurs. Cette façon de considérer le climat devrait nous permettre de questionner la conception même que les construits et les outils qui s’en inspirent ont de l’interprétation. Nous verrons plus loin que si les climats sont affaire d’interprétation cette interprétation est prise dans le sens d’évaluation ou de jugement et non pas comme un processus (qu’on peut aussi en soi évaluer) de sélection à travers lequel les acteurs d’une organisation orientent et donnent un sens à ce qui s’y passe.
C’est le processus à travers lequel les acteurs s’expliquent leurs situations et s’influencent mutuellement pour arriver à une certaine (inter) compréhension (Weick et al.,2005). Partant de trois définitions de la notion de climat organisationnel Poole (1985) montre dans sa maintenant classique méta-analyse qu’il existe d’importants problèmes reliés au construit; des problèmes qui donnent à la notion l’allure confuse d’un concept important, complexe, contesté, mais aussi «one of the fuzziest concept to come along in sorne time. » (p. 80) Ses références définissent le climat organisationnel comme 1) la qualité structurale d’un environnement total vécu par les acteurs qu’on peut décrire en termes d’attributs et qui influence leur comportement (Tagiuri, 1968), 2) un ensemble d’attributs organisationnels résultant du management ou encore un ensemble d’attitudes et d’attentes qui décrivent l’organisation selon un point de vue individuel (Campbell, 1970) et finalement 3) des descriptions psychologiques sensées dont un acteur se sert pour caractériser un ensemble de procédures et de pratiques organisationnelles (Schneider, 1975).
Pour nous, comme nous le montrerons dans nos commentaires, la confusion autour du construit est due au fait qu’on y fait chaque fois référence à des modèles de communication organisationnelle sous-jacents différents. Nous montrerons dans cette revue de la littérature l’existence d’au moins deux modèles sous-jacents qui font débat (individualiste/organisationnel) et qui sous-tendent quatre approches ou conceptions différentes de la notion de climat. Il s’agirait là de l’indice attestant de la confusion et de l’ ambiguïté dans la conception de la notion de climat organisationnel ou communicationnel. De notre point de vue, et c’est notre proposition centrale, il s’agit plutôt d’un fait qui atteste que le construit et les instruments d’audits qui en découlent se fondent toujours sur des modèles sous-jacents ou implicites de la communication organisationnelle qui sont différents. Il s’agit de les identifier, de les distinguer et de les critiquer si possible sur leur capacité à représenter et à évaluer les dimensions intrinsèques du modèle qu’ils incorporent. Ces modèles et leurs dimensions nous sont fournis par le cadre théorique que nous retiendrons.
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
1.1 Pertinence sociale
1.2 Pertinence scientifique
1.3 Problématique
1.3.1 Le climat de communication organisationnelle dans la littérature scientifique
1.4 Cadre théorique
2.1 Les six dimensions de Wiliam W. N eher et de Katherine Miller
2.1.1 Contenu
2.1.2 Direction
2.1.3 Canal
2.1.4 Style
2.1.5 Message et comportement
2.1.6 Activité de communication
2.2 Les quatre perspectives de Linda L. Putnam
2.2.1 Le modèle mécaniste
2.2.1.1 Le modèle mécaniste et les six dimensions de Miller et Neher
2.2.2 Le modèle humaniste
2.2.2.1 Le modèle humaniste et les six dimensions de Miller et Neher
2.2.3 Le modèle psychologique
2.2.3 .1 Le modèle psychologique et les six dimensions de Miller et Neher
2.2.4 Le modèle systémique
2.2.4.1 Le modèle systémique et les six dimensions de Miller et Neher
2.3 Question spécifique de recherche
2.4 Proposition induite du cadre conceptueL
Méthode
3.1 Présentation et justification de la méthode privilégiée
3.1.1 Le corpus analysé
Résultats
4.1 Dimensions dominantes du modèle mécaniste
4.2 Dimensions dominantes du modèle psychologique
4.3 Dimensions dominantes du modèle humaniste
4.4 Dimensions dominantes du modèle systémique
4.5 Bilan des résultats
Discussion
5.1 Points forts de l’étude
5.2 Limites de l’étude
Conclusion
Appendice A: Éléments relatifs à l’analyse du contenu thématique
Appendice B : Instruments d’audit de la communication organisationnelle
Downs-Hazen – Communication Satisfaction Questionnaire (CSQ)
Donald P. Rogers – Communication Openness Measure (COM)
1. A. Alutto, L. G. Hrebiniak & R. C. Alonso – Measurement of commitment
International Communication Association (ICA) – Communication audit
Tuuli Tukiainen – Auditing studies
Porter et al.- Organisational Commitment Questionnaire (OCQ)
Dennis, H. S. – Communication Climate Scale
Références
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