La prise en charge médicamenteuse (PECM) en établissement de santé est une préoccupation à la fois pour les usagers, les professionnels de santé et les pouvoirs publics. Cela se traduit par l’apparition au niveau international de recommandations, et au niveau national de plusieurs textes règlementaires, enquêtes, études, dispositifs d’évaluation et d’accompagnement [17]. L’évolution de la réglementation traduit une volonté et un besoin fort d’encadrer le circuit du médicament dans le but d’en améliorer la qualité, la sécurité et l’efficacité puisqu’il il s’agit d’un processus complexe par la diversité des pathologies, des thérapeutiques, des terrains des patients et des intervenants de différents domaines professionnels .
Le circuit du médicament en établissement de santé
Généralités
La Haute Autorité de Santé (HAS) définit le circuit du médicament comme 4 phases successives impliquant chacune différents acteurs et comportant des étapes qui leur sont propres [18]. Cette définition met en lumière le caractère pluridisciplinaire d’un processus comportant des phases successives et interdépendantes ayant pour finalité la prise en charge thérapeutique du patient.
La prescription
La prescription est un acte médical. Le droit de prescription est régi par le Code de la santé publique et autorise les médecins, internes ayant reçu délégation, odontologistes, sages-femmes, infirmiers vétérinaires, pédicures-podologues et masseurs-kinésithérapeutes à prescrire. La prescription est la 1ère étape du circuit du médicament. A l’arrivée du paient, l’équipe médicale réalise les différentes étapes d’anamnèse du patient et examen clinique. Après prescription d’examens complémentaires et décision thérapeutique, il y a rédaction de l’ordonnance du patient par un prescripteur habilité et communication de la prescription à l’équipe soignante.
La dispensation
La dispensation est un acte pharmaceutique. Elle est définie par l’article R.4235-48 du Code de la Santé Publique [26] et concerne les pharmaciens, les internes en pharmacie, les préparateurs en pharmacie et les étudiants en 5ème année hospitalo-universitaire. Elle comprend :
● l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance. Elle comporte elle-même l’analysede l’ordonnance sur le plan réglementaire et l’analyse pharmacothérapeutique. L’analyse réglementaire valide la conformité et l’exhaustivité des mentions requises par la réglementation sur l’ordonnance tout en contrôlant la conformité de la prescription pour les médicaments à prescription restreinte. L’analyse pharmaco thérapeutique est elle divisée en 3 niveaux selon la SFPC
● la préparation des doses
● la délivrance et la mise à disposition des informations et conseils sur le médicament .
L’administration
L’administration est un acte infirmier. Elle est encadrée par l’arrêté du 31 mars 1999 et concerne les IDE, étudiants infirmiers et plus rarement les médecins. Elle comporte 4 étapes chacune génératrices de risques :
a. Réalisation de la préparation extemporanée du médicament à partir d’une prescription médicale ou d’un protocole thérapeutique
b. Vérification des concordances entre le produit, le patient et la prescription
c. Administration proprement dite du médicament
d. Enregistrement de l’administration .
Le suivi et la réévaluation
La surveillance thérapeutique concerne tous les professionnels de santé, le patient et ses proches. Elle vise à :
● évaluer l’efficacité du traitement prescrit et de repérer la survenue d’effets indésirables. Elle repose sur le suivi clinique et biologique, le suivi des actes de soins, l’observance du patient et sur la prise en compte de critères spécifiques à chaque patient. La surveillance thérapeutique permet de réajuster, arrêter, compléter ou modifier le traitement du patient selon la balance bénéfice/risque ré-établie.
● signaler tout effet indésirable imputable à un médicament au centre régional de pharmacovigilance (CRPV). En effet, tout effet indésirable doit faire l’objet d’un enregistrement dans le dossier du patient, d’une déclaration selon les procédures en vigueur dans l’établissement et d’une analyse en vue d’une action corrective et d’une réévaluation. La déclaration au Centre régional de pharmacovigilance est obligatoire pour :
o les effets indésirables graves: décès, mise en jeu du pronostic vital, provoquant une hospitalisation ou une prolongation d’hospitalisation, entraînant une invalidité ou une incapacité importantes ou durables, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale
o les effets indésirables inattendus, c’est-à-dire non décrits dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP)
o les réactions nocives et non voulues résultant d’un mésusage.
La loi relative au droit des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002 et les recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information établies par la HAS [19] stipulent que chaque patient bénéficiant d’une thérapeutique médicamenteuse doit recevoir les informations relatives à la dite thérapie.
Les informations sur le traitement sont délivrées sous forme adaptée par le médecin, au cours de son hospitalisation et lors de sa sortie. Une éducation thérapeutique du patient et/ou de son entourage dans les cas de pathologies chroniques peut être mise en œuvre. Les informations sont adaptées aux spécificités de chaque patient (pathologie, niveau de compréhension, culture, habitudes de vie,…) et comportent des recommandations en vue d’optimiser l’adhésion du patient au projet de soins notamment sur le bon usage des médicaments (ordonnance lisible, précision des doses, des horaires et des modalités de prise) et la gestion du risque médicamenteux le concernant notamment en lien avec une automédication. L’information du patient est consignée par tous les intervenants dans le dossier du patient de même que la traçabilité de la réflexion bénéfice/risque.
La sécurisation du circuit du médicament
La sécurisation de la prise en charge médicamenteuse est un objectif prioritaire inscrit dans l’ensemble des démarches nationales (tarification à l’activité, certification, contrat de bon usage des médicaments et produits et prestations (CBUM), contrats pluriannuels d’objectif et de moyens). De la bonne organisation de ce circuit dépend la prise en charge optimale des patients qui associe la réduction des risques, notamment iatrogènes, et la réduction des coûts des soins.
Règlementation
Plusieurs textes réglementaires ont été publiés ces dernières années et encadrent le circuit du médicament et la sécurisation des pratiques. On distingue notamment :
➤ L’arrêté du 31 mars 1999 qui précise les bonnes pratiques concernant la prescription, la dispensation et l’administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses à l’hôpital [21].
➤ La loi 2004-806 du 9 aout 2004 [31] relative à la politique de santé publique qui a inscrit la iatrogénèse médicamenteuse comme une priorité de santé publique.
➤ La loi de financement de la sécurité sociale du 18 décembre 2003 [30] qui introduit l’actuel système de tarification à l’activité (T2A). Les établissements sont désormais rémunérés sur la base de leur activité réalisée en services de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), elle-même décrite dans des groupes homogènes de séjour (GHS). Les médicaments onéreux sont remboursés en sus du GHS, en intégralité seulement si la prescription est en accord avec les référentiels scientifiques de bon usage (RBU).
➤ Le décret du 24 août 2005 [28] modifié par le décret du 31 octobre 2008 [29] a introduit le contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations (CBUM). Il a pour objet de déterminer les objectifs en vue d’harmoniser, améliorer et sécuriser au sein de l’établissement, le circuit du médicament et de garantir leur bon usage, de préciser les actions à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs et d’organiser le cadre de l’évaluation des engagements souscrits. Il encadre la qualité des prescriptions des médicaments en sus des GHS. Le non respect du CBUM entraîne une baisse du remboursement de ces médicaments de 0 à 30%.
➤ La loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) du 21 juillet 2009 [32] vise à améliorer la transition thérapeutique en établissement de santé, la coopération entre professionnels et l’éducation thérapeutique du patient.
➤ L’arrêté du 6 avril 2011 [22] relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé cible la prévention des erreurs médicamenteuses chez les patients hospitalisés. Il définit le système de management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse qui devra être mis en place dans les établissements de santé, ainsi que les règles à respecter pour les principales étapes du circuit du médicament. La politique qualité du circuit, les objectifs, les rôles des différents acteurs et le plan de formation sont fixés par le directeur d’établissement en collaboration avec la commission médicale d’établissement (CME).
➤ La circulaire du 14 février 2012 [27] et un guide associé forment avec l’arrêté du 6 avril 2011 un référentiel destiné à assurer la qualité de prise en charge médicamenteuse.
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Table des matières
Introduction
I. Le circuit du médicament en établissement de santé
1. Généralités
1.1. La prescription
1.2. La dispensation
1.3. L’administration
1.4. Le suivi et la réévaluation
2. La sécurisation du circuit du médicament
2.1. Règlementation
2.2. Conséquences des textes règlementaires
2.2.1. La démarche de certification
2.2.2. Le contrat de bon usage du médicament
2.2.3. La loi HPST (Hôpital – Patient – Santé – Territoire) du 21 Juillet 2009 et l’arrêté du 6 avril 2011
3. Présentation du service
II. Mesures d’amélioration de la prise en charge médicamenteuse applicables aux services de soins : exemple du service de Médecine Interne – Gériatrie – Thérapeutique de l’Hôpital Saint-Julien
1. Le système de management de la qualité
2. Système documentaire
2.1 Livret thérapeutique
2.2 Traçabilité dans le dossier patient
3. Responsabilités – Formation du personnel – Evaluation
3.1 Evaluation des pratiques
3.1.1 Evaluation de la qualité des prescriptions
3.1.2 Evaluation de la qualité des prescriptions des antibiotiques
3.2 Formation de la prise en charge médicamenteuse du sujet âgé
3.3 Comité de retour d’expérience
3.4 Audits
3.4.1 Audits sur la qualité de l’administration
3.4.2 Audits sur les armoires à pharmacie
3.4.3 Audits des prescriptions médicamenteuses chez la personne âgée
3.5 Déploiement des préparateurs en pharmacie dans le service
4 Analyse des risques
4.1 Déclaration des évènements indésirables
5. Prescription
5.1 Réglementation des prescriptions
5.2 Copie du traitement de sortie
5.3 Prescriptions et plans de soins informatisés
5.3.1 Prescription informatisée des médicaments
5.3.2 Prescription informatisée des antibiotiques
5.3.3 Plans de soins informatisés
5.4 Justification des prescriptions
5.5 Aide à la prescription
5.6 Evaluation de la prescription médicamenteuse chez le sujet âgé
5.7 Traçabilité des modifications de prescription
5.8 Conformité des prescriptions injectables
5.9 Conciliation médicamenteuse
5.10 Pertinence des prescriptions
6. Dispensation
6.1 Développement de l’analyse pharmaceutique
6.2 Analyse pharmaceutique de couples « médicaments cibles – profils patients cibles »
6.3 Dispensation nominative
6.4 Déploiement des pharmaciens dans les services de soins
7. Transport
8. Stockage
8.1 Conservation des médicaments
8.2 Procédures de commande, réception et stockage
8.3 Dotations du service
8.3.1 Contenu qualitatif et quantitatif des dotations
8.3.2 Contrôle des quantités de la dotation
8.4 Audits des conditions de stockage
8.5 Stockage des stupéfiants
8.6 Stockage des médicaments à risque
8.7 Seniorisation des commandes de médicaments
9. Préparation
9.1 Zones dédiées à la préparation
9.2 Réaliser un audit sur les conditions de préparation des piluliers
10. Administration
10.1 Traçabilité de l’administration des médicaments hors-GHS
10.2 Vérifications avant administration
10.3 Retranscription des prescriptions
10.4 Traitements à disposition du patient
10.5 Administration des stupéfiants
10.6 Traçabilité de l’administration
10.7 Médicaments écrasables
10.8 Aérosols médicamenteux
10.9 Sécurisation de l’administration des populations à risque
10.10 Traçabilité des non-administrations
10.11 Double contrôle pour les médicaments à risque
10.12 Rangement des armoires en DCI
11. Suivi et réévaluation de la prise en charge médicamenteuse
11.1 Déploiement, traçabilité et visibilité de l’analyse pharmaceutique
11.1.1 Déploiement et visibilité des interventions pharmaceutiques
11.1.2 Traçabilité de la décision médicale
12. Information au patient
12.1 Documents supports d’informations sur le bon usage des médicaments
12.2 Education thérapeutique du patient
12.3 Besoins du patient en supports d’information
13. Compte rendu de fin d’hospitalisation
13.1 Compte-rendu d’hospitalisation
14. Réunions de concertation pluridisciplinaire
15. Suivi des consommations des dispositifs médicaux implantables
16. COMEDIMS
Discussion
Conclusion