Le cinéma, média social communicationnel
Le cinéma, la pratique culturelle la mieux partagée en France
Le cinéma, quelques chiffres pour commencer
La France est un pays connu et reconnu pour sa culture et son art de vivre. Les propositions en terme de sorties culturelles ne manquent pas. 1 216 musées de France, une centaine de monuments nationaux, 43 000 monuments classés, 3 400 parcs et jardins, 16 300 bibliothèques, 460 conservatoires de musique, danse et art dramatique, 1000 théâtres et 70 scènes nationales, des spectacles de variétés, de musiques actuelles (23 millions d’entrées), des opéras, ballets et concerts de musique lyrique (2,3 millions d’entrées) en 2014 , sans compter les médiathèques, les galeries d’art, les cirques ou les parcs d’attraction ou de loisirs à caractère culturel, comme le Futuroscope de Poitiers ou la Cité de l’Espace de Toulouse pour ne citer que ces deux exemples.
Mais, surtout, il y a en France 5 647 écrans de cinéma et 2 020 établissements , ce qui place notre pays en première position en Europe. Sur les douze mois entre juillet 2015 et juin 2016, les entrées dans les salles en France sont estimées à un peu plus de 210 millions. En 2014, 66,6% des Français, soit 39 millions, sont allés au moins une fois dans l’année au cinéma ce qui en fait de loin la sortie culturelle la plus répandue en France. Avec 1 644 communes équipées d’au moins une salle , et 102 cinémas itinérants (type Cinébus, Cinémobile), on comprend mieux pourquoi. Même s’il est plus facile d’aller au cinéma quand on habite une zone urbaine importante et si l’on observe que l’offre est inégalement répartie sur le territoire, il s’avère qu’aller voir un film est donc plutôt chose aisée en France où que l’on habite. De plus, le prix moyen d’une entrée étant de 6,33 euros (11 euros pour le prix moyen d’un livre , 30 euros pour une entrée au théâtre ou 33 euros pour un billet de concert ), le cinéma apparaît comme plus accessible à une majorité de personnes.
Le cinéma et ses moyens de diffusion
Mais comme toute pratique culturelle actuelle, le cinéma n’est plus seulement accessible via la salle de cinéma. Il faut cesser d’associer film et « long-métrage en salle de cinéma regardé religieusement dans la pénombre. » A l’ère du Web 2.0, le film se regarde sur des écrans multiples, télévision, ordinateur, tablette, baladeur ou même téléphone. Si le DVD et son proche parent le Bluray existent encore, le film a tendance à se dématérialiser sous forme de vidéo à la demande, de streaming ou même de piratage. Voir un film est devenu une activité à portée de main, qui a lieu n’importe où et n’importe quand, parfois de manière totalement gratuite : « L’émergence du piratage et de la vidéo à la demande, la multiplication du nombre de chaînes, y compris gratuites, numériques terrestres, le développement d’une foule de nouveaux supports fixes ou mobiles pour voir des films, ont bousculé les usages et jeté des milliers d’œuvres cinématographiques sur tous les écrans. (…) Bref, loin d’avoir disparu du petit écran, le cinéma est au contraire partout » .
De plus, les études statistiques sur le sujet montrent que les différents écrans ne se concurrencent pas, ils auraient plutôt tendance à se compléter dans les pratiques culturelles. Pour exemple, Manuel Alduy explique à propos des rapports entre télévision et cinéma en salle : « Le cinéma a besoin de diffuseurs exigeants. Les films ont besoin d’être promus, accompagnés, revendiqués, bref « éditorialisés ». Et pour cela, il faut savoir choisir et trier, identifier et revendiquer. À l’instar de la salle de cinéma, la télévision peut être un formidable guide pour le spectateur. » Selon une étude du CNC, « 54,2% des spectateurs de cinéma déclarent s’informer sur la sortie d’un film avec des sites spécialisés dans le cinéma en 2014 » . Les spectateurs de cinéma consultent également les réseaux sociaux (page Facebook d’un film par exemple). Loin donc de s’opposer au cinéma en salle, les autres équipements permettent souvent au contraire de s’informer pour aller ensuite voir un film en salle, ce qui demeure le moyen le plus apprécié pour regarder un film, comme l’indiquent les statistiques du CNC : « Pour les personnes interrogées, la salle de cinéma demeure le meilleur moyen pour découvrir un film. Elle est citée par 81,0% des spectateurs en 2015, contre 79,3% en 2006. Loin derrière, la télévision est le deuxième média cité par 7,6% des répondants (5,9% en 2006), devant internet (4,9% en 2015, contre 6,3% en 2006), le DVD ou le Blu-ray à seulement 3,9% (8,4% en 2006), et enfin la vidéo à la demande à 2,6%. » La multiplication de l’offre via ces nouvelles technologies a bouleversé les usages et permet au plus grand nombre d’avoir accès aux films. Historiquement, les premiers étaient montrés dans les foires et ne relevaient que du pur divertissement. Ce n’est qu’avec l’avènement du parlant et la création de salles de projection spécialisées que le cinéma s’est restreint à un public plus spécifique, celui qui peut se déplacer, aller dans une salle, en payer le prix d’entrée. Mais la multiplication des écrans et des sources élargit à nouveau le spectre des spectateurs de cinéma et « la culture cinématographique apparaît en définitive comme un bien commun et non comme le privilège de quelques-uns. » .
Le fait de regarder un film est perçu comme un acte anodin pour la plupart des spectateurs et spectatrices. Selon l’enquête Évolution du publics des salles de cinéma, les 2/3 des Français âgés de six ans et plus sont allés au moins une fois au cinéma en 2015 soit 39,1 millions d’individus et on considère qu’un spectateur moyen a vu environ 250 films par an à la télévision (en direct ou en rattrapage). Mais ces dernières données sont surtout intéressantes car elles attestent de la force sociale du cinéma qui, peut être plus que toute autre production culturelle, est un puissant lien social.
Le cinéma, un lien social
Un lien physique
Le cinéma est un lien social. Peut être pas tout à fait au sens où Émile Durkheim l’entendait, à savoir le lien qui unit les individus entre eux en leur assurant protection et reconnaissance – le cinéma peut être considéré comme participant à la reconnaissance mais n’a pas de lien avec l’idée de protection – mais au sens plus populaire de l’expression. Le cinéma lie et relie les individus. En effet, de façon très prosaïque, le cinéma lie les individus parce que c’est une pratique culturelle partagée. On va au cinéma ou on regarde un film à plusieurs dans une majorité des cas. Ce que montrent les nombreuses études statistiques liées aux publics de cinéma, c’est que la fréquentation des salles se fait rarement seul : « Pour l’ensemble des spectateurs, le cinéma est une pratique collective : 89,3% des Français s’y rendent à plusieurs (92,6% en 2006) dont 39,2% en couple et 50% entre amis ou en famille. » . Enfin, si l’utilisation des autres écrans, ordinateurs, tablettes, baladeurs, téléphones se fait plutôt de manière solitaire, regarder un film à la télévision est une pratique elle aussi collective, le plus souvent familiale ou amicale. Dans la plus grande majorité des cas donc, les spectateurs voient les films accompagnés, en couple, en famille, entre amis, qu’ils aillent voir le film au cinéma ou qu’ils le regardent chez eux à la télévision. Le premier lien est donc un lien physique entre les individus.
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Table des matières
Introduction
1. Point de départ, le projet de recherche
2. La problématique de la recherche, postulats et mise en œuvre
3. Choix des outils, de la méthodologie et de la démarche engagée
4. Présentation de la forme adoptée pour le travail écrit
Partie I : « Déplacer la focale des images vers leur réception »
Chapitre 1 : Le cinéma, média social communicationnel
1. Cinéma et études de réception, état de la question
1.1 Le cinéma, la pratique culturelle la mieux partagée en France
1.1.1 : Le cinéma, quelques chiffres pour commencer
1.1.2 : Le cinéma et ses moyens de diffusion
1.2 Le cinéma, un lien social
1.2.1 Un lien physique
1.2.2 Un lien et un espace de mixité sociale
1.2.3 Un sujet de discussion
1.2.4 Un lien générationnel et intergénérationnel
1.3 Les théories de la réception
1.3.1 Pour une esthétique de la réception
1.3.2 L’acte de lecture
1.3.3 Les Cultural Studies
1.4 Le dialogue du cinéma avec ses publics
1.4.1 Du public aux publics
1.4.2 Réception, qui voit les films ?
1.4.3 Réception, que voit-on ?
1.4.4 Réception, comment voit-on ?
1.4.5 Réception, du professionnel au profane en passant par la figure du cinéphile
Chapitre 2 : Le cas « Tarantino »
1. Le cinéma postmoderne
1.1 Définition
1.2 Éléments invariants
1.3 Au cinéma
2. Le cinéma de Quentin Tarantino, postmoderne et ludique
2.1 Un cinéma qui n’est pas réellement postmoderne
2.2 Mais qui l’est malgré tout
3. Dialogue avec les publics
3.1 L’écrit
3.2 Le vide
4. Le spectateur, un personnage des films de Q. Tarantino
4.1. L’ «insider»
4.2 La figure du spectateur
Partie II : Oser faire un pas de côté
Chapitre 1 : Le cinéma et la question du Genre
1. Cinéma et études de Genre, état de la question
1.1 Historique, les Anglo-saxons
1.1.1 Rapide historique du cinéma aux États-Unis
1.1.2 Les universités pour femmes
1.1.3 Les « Women’s Studies »
1.2 Historique, en France
1.2.1 Rapide historique du cinéma en France
1.2.2 Du côté des universités françaises
1.2.3 Genre et cinéma en France
Chapitre 2 : Finalités et objectifs
1. L’intérêt des études de Genre dans le cinéma
1.1 Le cinéma, une construction culturelle
1.2 Le cinéma, une « preuve sociale »
1.3 Le cinéma, une « œuvre ouverte »
1.4 Les publics
2. Objectifs
2.1 La représentation des femmes au cinéma
2.2 La représentation des rapports hommes/femmes au cinéma
Chapitre 3 : Ce que le cinéma fait au Genre
1. Le cinéma, un espace de socialisation genrée
2. Le cinéma, un espace de construction identitaire genrée
3. Le cinéma, un espace de mise en jeu du processus d’identification genrée
4. Le cinéma, un espace genré… et ses marges
Chapitre 4 : Étude de la filmographie de Q. Tarantino, mise en scène du Genre
1. Un cinéaste libre, conditions de production, un contexte particulier
1.1 Hollywood et les grands studios de production
1.2 Quentin Tarantino et la production indépendante américaine
2. Masculinités, féminités
2.1 La question du corps : les corps, la douleur, la mort
2.1.1. Les « corps-machines »
2.1.2. Le retour au corps
2.1.3. La maîtrise du corps
2.1.4. Corps découpés. La douleur
2.1.5. Morts et Renaissances
2.2 La question des masculinités
2.2.1. De chaque côté des frontières de la Loi
2.2.2. Les attributs de la masculinité
2.2.3. « Female masculinity »
2.2.4. Domination masculine
2.3 La question des féminités
2.3.1 : Dominées
2.3.2. Soumises
2.3.3. Fabriquées
2.3.4. Inversion mais reproduction du processus de domination
2.4. Un trouble dans le genre ?
2.4.1. Mise à mal des masculinités
2.4.2. Rôles féminins
2.4.3. La guerrière en jupe
2.5 Genre et figures archétypales
2.5.1. Archétypes et patriarcat
2.5.2. Archétypes et postmodernisme
3. Dynamique des interactions
3.1. Séduction, désir, un cinéma de l’être et non pas de l’avoir
3.1.1. L’hétérosexualité comme norme
3.1.2. Autres sexualités
3.1.3. Le désir
3.2 Le couple, l’impossible « et » tarantinien
3.3 La famille, la chute de l’ultime bastion patriarcal
3.3.1. Des familles incomplètes
3.3.2. Paternités
3.3.3. Maternités
Partie III : Des objets aux sujets
Chapitre 1 : Les objets d’étude
1. Le choix des extraits
2. Analyse des extraits
2.1. Reservoir Dogs, Autour de la table des hommes
2.1.1. Description
2.1.2. Analyse
2.2 Pulp Fiction, le couple
2.2.1. Description
2.2.2. Analyse
2.3 Jackie Brown, Les corps
2.3.1. Description
2.3.2. Analyse
2.4. Kill Bill Volume 1 : Quand les femmes dominent
2.4.1. Description
2.4.2. Analyse
2.5 Kill Bill Volume 2 : Tableau de famille
2.5.1. Description
2.5.2. Analyse
2.6 Death Proof : Autour de la table des femmes
2.6.1. Description
2.6.2. Analyse
2.7. Inglourious Basterds : Quand l’homme domine
2.7.1. Description
2.7.2. Analyse
Chapitre 2 : Des sujets d’étude
1. Les études de réception
1.1 La méthode d’enquête, les entretiens compréhensifs à l’épreuve du Genre
1.2 La méthode d’enquête : choix et mise en œuvre
1.2.1. La préparation
1.2.1.1. Un « canevas » plus qu’une grille
1.2.1.2. L’ensemble
1.2.2. Le moment de l’entretien
1.2.2.1. Le lieu
1.2.2.2. L’enregistrement
1.2.2.3. Moment et durée
1.2.3. Rapport de pouvoir
1.2.4. Le traitement du matériau recueilli
2. Les portraits de spectateurs
2.1 Des discours aux résultats
2.2 Le choix du portrait comme outil de contextualisation des résultats
Conclusion